Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, carrières longues, emploi des seniors, retraite des femmes, retraite progressive : avant de nous soumettre le présent texte, il eût été heureux de nous présenter un projet de loi sur le travail, qui aurait permis de traiter de ces différents sujets avec les partenaires sociaux. Cela étant, nous devons débattre de façon sérieuse du texte qui nous est soumis, avec toute la responsabilité qui nous incombe.
Je tiens tout d’abord à féliciter et à remercier Élisabeth Doineau et René-Paul Savary pour leurs exposés complémentaires et très complets. Ils ont présenté les enjeux de la pérennisation de notre système de retraite, mais aussi formulé des propositions claires et précises afin d’améliorer ce texte.
Le fait est là, mon collègue Emmanuel Capus l’a dit : le nombre d’actifs pour un retraité ne cesse de diminuer. Alors qu’il y avait 4 actifs pour un retraité en 1970, on n’en comptait plus que 2 pour un retraité en 2000, puis 1, 7 en 2020. La France comptait 17 millions de retraités en 2020 ; ce nombre s’élèvera à 25 millions en 2050.
Le COR annonce un déficit annuel de 14 milliards d’euros en 2030 et de 26 milliards d’euros en 2040, sur la base d’un taux de chômage inférieur à 5 %, ce qui est optimiste. Il fait état d’une détérioration de notre système de retraite et, partant, de la sécurité sociale, malgré les lois de 2004 et de 2010, puis celle de Marisol Touraine en 2014, sous la présidence de François Hollande, par laquelle la durée de cotisation a été portée à 43 annuités.
Le présent projet de loi accélère le calendrier de mise en œuvre de cette mesure, mais il n’en remet pas en cause l’objectif. Une personne née en 1971 et ayant commencé à travailler à 21 ans percevra une retraite à taux plein en 2035, à l’âge de 64 ans.
Nous devons sauver notre système de retraite par répartition, issu du Conseil national de la Résistance en 1945, pour ne pas laisser une situation désastreuse à nos enfants tout en préservant le pouvoir d’achat des retraités.
Nous devons améliorer le présent projet de loi et valoriser davantage la maternité des femmes. J’ai déposé un amendement en ce sens.
Le taux d’emploi des seniors en France est le plus bas d’Europe : il est de 36 % pour les personnes âgées de 60 à 64 ans. Ce projet de loi ne doit pas entraîner leur précarisation. Ces personnes doivent pouvoir garder ou retrouver un emploi. Peut-être peuvent-elles trouver une place dans le tutorat ou la formation, ou encore bénéficier d’une retraite progressive.
À l’article 2, nous devons faire de l’emploi des seniors une priorité en améliorant sensiblement l’index seniors prévu pour les entreprises et en mettant en œuvre une politique volontariste en matière de recrutement et de maintien dans l’emploi. À cet égard, la proposition du rapporteur René-Paul Savary – « 1 senior, 1 solution » – nous paraît de nature à améliorer sensiblement le taux d’emploi des seniors.
L’article 8 porte sur les carrières longues. Il est essentiel que les personnes ayant commencé à travailler à l’âge de 16, 18 ou 20 ans puissent prendre leur retraite après 43 annuités.
L’article 9 peut également être amélioré afin de mieux prendre en considération et valoriser l’usure professionnelle, grâce à un suivi médical plus régulier et au rétablissement de certains critères de pénibilité dans le compte professionnel de prévention. Les partenaires sociaux doivent y être associés.
À l’article 10, il convient de mieux prendre en compte la situation des aidants.
La revalorisation de certaines des pensions les plus faibles à hauteur de 85 % du Smic constituerait un progrès. Toutefois, monsieur le ministre, il faudra que vous nous apportiez plus de précisions sur cette disposition. Les agriculteurs retraités, les artisans ayant effectué une carrière complète percevront-ils bien une retraite de 1 200 euros, ainsi que les autres retraités ?
À l’article 13, le projet de loi améliore sensiblement le dispositif emploi-retraite votée en 2014 et ouvre de nouveaux droits aux retraités reprenant une nouvelle activité. C’est une bonne chose, car en l’état actuel du droit, de nombreux médecins à la retraite ont renoncé à effectuer des remplacements du fait de cette carence.
Enfin, il est nécessaire d’ouvrir plus largement le bénéfice de la retraite progressive et d’assurer pleinement les conditions de départ anticipé des personnes handicapées.
En conclusion, il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas mobilisé en amont les partenaires sociaux pour élaborer un projet de loi sur le travail. C’était à mon avis nécessaire. Bien sûr, le travail des rapporteurs et leur connaissance du dossier ont permis d’amender le présent projet de loi et de lui donner une autre dimension, s’agissant notamment de l’emploi des seniors, de la prévention de l’usure professionnelle et des carrières des femmes.
Nous espérons que le travail qui sera mené ici, au Sénat, contribuera à l’amélioration de ce texte et qu’il permettra, pour nos enfants et les futurs retraités, de préserver de manière pérenne le pouvoir d’achat des retraités et l’équilibre de notre système de retraite et de la sécurité sociale, cette dernière étant la colonne vertébrale de notre démocratie.