Intervention de Frédéric Veau

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 15 février 2023 à 10h00
Défis posés par la raréfaction de la ressource en eau — Audition de Mm. Frédéric Veau préfet délégué interministériel en charge du suivi du varenne agricole de l'eau » et de l'adaptation au changement climatique ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire maximilien pellegrini président de la fédération professionnelle des entreprises de l'eau fp2e vazken andréassian directeur de l'unité hydrosystèmes continentaux anthropisés inrae et bruno de chergé directeur relations institutionnelles régulations et coordination de l'eau edf hydro

Frédéric Veau, délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique :

Monsieur le président, je voudrais en préambule vous informer que je ne suis ni un spécialiste scientifique ni un technicien de l'eau. J'en suis tout au plus un praticien, puisque j'ai eu à gérer des épisodes de sécheresse aux conséquences très différentes, à Mayotte puis comme préfet de la Corrèze. Ma mission consiste en la mise en oeuvre du Varenne, qui est centré sur les enjeux de l'eau dans l'agriculture.

L'agriculture représente 9 % des 32 milliards de m3 de prélèvement, mais 45 % des m3 de consommation de l'eau, avant le secteur énergétique ou l'eau potable.

Je souhaiterais ici me référer à la synthèse réalisée par la délégation à la prospective du Sénat fin novembre, qui indique que la France hexagonale se trouve en bordure de zone d'aridification. La pluviométrie sera plus marquée par la saisonnalité. La moitié sud de la France connaîtra un climat plus sec et nous subirons une baisse sévère des débits et des étiages des cours d'eau, selon les études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et l'étude Explore 2070, conduite il y a une dizaine d'années. Elle est en cours d'actualisation dans le cadre du Varenne sous le nom d'Explore2.

Pour l'agriculture, cela signifie concrètement qu'une moindre quantité d'eau est désormais disponible au moment où les cultures en ont le plus besoin, c'est-à-dire à la fin du printemps et au début de l'été. Il convient donc de faire évoluer notre gestion de l'eau.

Le Varenne se décline sous la forme de trois axes stratégiques et 24 mesures.

Le premier de ces trois axes concerne la protection de l'agriculture avec l'assurance récolte qui a été adoptée et qui est en cours de déploiement. Elle ne figure pas dans le périmètre de compétence de ma délégation.

Le deuxième volet du Varenne concerne l'adaptation de l'agriculture au changement climatique. Que faisons-nous à ce titre ? Toute une série de plans d'adaptation sontt conduits par les différentes filières agricoles, avec l'appui de FranceAgriMer pour déterminer la meilleure façon d'évoluer et de s'adapter au changement climatique.

Nous prolongeons ces travaux par une mission du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), qui portera sur les moyens de renforcer la résilience des productions agricoles.

Des expériences sont menées çà et là pour développer le miscanthus, le lin ou le chanvre. L'objectif de la mission est d'avoir une vision consolidée au plan national, à la fois agronomique et économique, sur les opportunités végétales les mieux adaptées au changement climatique.

Tout un travail est mené par les instituts techniques des filières, fédérées par l'Association de coordination technique agricole (ACTA) sur les leviers d'adaptation des exploitations.

Enfin, les chambres d'agriculture, fédérées par Chambres d'agriculture France, sont en train d'achever la mise au point d'un plan d'accompagnement des exploitations face au changement climatique. L'objectif est de décliner les mesures au niveau de l'exploitation elle-même, afin de l'accompagner dans les changements à opérer. Une présérie de 1 500 exploitations devrait être concernée, l'objectif étant d'atteindre un régime de croisière de 10 000 exploitations par an.

Le troisième axe du Varenne concerne l'accès raisonné à la ressource en eau. À la fin du mois de juillet, un décret a été pris pour déterminer la méthode concernant les volumes prélevables hors période de basses eaux. Comme vous le savez, les prélèvements en période d'étiage étaient réglementés. L'objectif est de l'appliquer aux périodes où l'on bénéficie de davantage d'eau, partant de l'idée que, si l'on connaît une période sèche bien plus marquée, il existe aussi des périodes où l'eau est bien plus abondante. C'est évidemment le moment le plus opportun pour constituer des stocks. Ce décret doit être accompagné par une étude pilotée par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et l'Office français de la biodiversité (OFB) sur la méthodologie de détermination des volumes prélevables.

Fin janvier, une instruction complémentaire a été prise sur les plans territoriaux de gestion des eaux. Pour résumer, cette instruction donne la possibilité au préfet coordonnateur, pour chaque projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), au bout d'un certain délai de débats et d'échanges, d'arbitrer et de prendre de grandes orientations pour faire aboutir ces démarches.

Nous travaillons également sur la réutilisation des eaux usées traitées industrielles. Il existe un projet de décret et un projet d'arrêté qui ne sont pas encore stabilisés, l'idée étant que le décret fixe un cadre d'ensemble et que l'arrêté puisse, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), définir des couples entre l'usage et les précautions à prendre dans la réutilisation des eaux usées traitées. Plus on s'approche de la production alimentaire, plus il faut augmenter le niveau de précaution et d'exigence.

Le Varenne a aussi permis un soutien aux ouvrages hydrauliques agricoles. Les 45 millions d'euros du plan de relance de l'an passé ont été complétés par 20 millions d'euros cette année. Il existe également toute une série d'appels à projets et à manifestations d'intérêts au titre de France 2030.

Dans l'appel à manifestations d'intérêts « Démonstrateurs territoriaux », deux lauréats correspondent au Varenne : un projet d'irrigation dans le sud de l'Hérault et du Gard à partir d'eaux usées traitées, et un autre projet plus axé sur les nouvelles technologies de la Chambre d'agriculture des Pays de la Loire.

Enfin, un chantier reste à développer, c'est celui de l'optimisation des ouvrages hydrauliques existants. Un inventaire dressé par photos satellites a été réalisé. Nous disposons sur le territoire national d'environ 350 000 réserves de plus de 0,1 hectare de superficie. C'est un patrimoine colossal.

L'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) est en train de travailler sur une méthodologie pour pouvoir mobiliser au mieux ces masses d'eau.

Une fois la photographie connue, il faut en effet savoir qui est propriétaire de l'ouvrage, dans quel état il se trouve, s'il existe à proximité des exploitations qui peuvent être intéressées par l'irrigation, comment gérer la relation entre le propriétaire de l'ouvrage et les exploitations, sans parler des conséquences environnementales.

Je voudrais conclure en insistant sur un point particulièrement important : le Varenne consiste en un équilibre d'ensemble entre les démarches d'adaptation de l'agriculture au changement et d'accès raisonné à la ressource. Le Varenne porte sur l'une et l'autre de ces grandes orientations. On ne joue pas l'une contre l'autre ni l'une sans l'autre.

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