Merci pour cette invitation autour d'un sujet qui anime certains de nos adhérents depuis 150 ans.
Tout d'abord, nous ne devons pas nous tromper : l'été 2022 n'a pas été exceptionnellement chaud. Nous faisons face à des périodes sèches de plus en plus fréquentes, et je peux d'ores et déjà vous annoncer que l'été 2023, compte tenu du niveau des nappes phréatiques, sera tout aussi compliqué.
Durant l'été 2022, en France, plus de 500 communes ont été privées d'eau potable : nous devons collectivement anticiper ces sujets. Il suffit d'observer les projections de Météo-France sur certaines parties du territoire, de mesurer l'étiage des fleuves et de noter la concentration de pollution du fait de la baisse du niveau des nappes pour comprendre que l'état de la ressource en France est en danger. Peu de gens peuvent dire le contraire.
S'ajoute à cela un retard structurel d'investissement des services d'eau et d'assainissement. Ce constat a été dressé avant l'été 2022. Nous investissons, en France, un peu plus de 6 milliards d'euros dans ces domaines. En 2020 ou 2021, la filière a mis en lumière un retard d'investissement d'une quinzaine de milliards d'euros sur les cinq ans à venir pour anticiper les effets du changement climatique.
La ressource se raréfie, ce qui complique énormément les traitements en qualité, et les concentrations de pollution s'intensifient alors que, dans le même temps, le patrimoine des services d'eau et d'assainissement s'érode.
Les solutions existent et elles sont nombreuses. Tout d'abord, nous devons être extrêmement prudents avec les notions de qualité et d'efficacité des services d'eau en France. On parle beaucoup du fameux rendement de réseau, ces quantités d'eau que nous perdons dans les réseaux et qui n'arrivent pas au robinet de l'usager.
En France, le rendement est de 80 %. On perd un litre d'eau sur cinq dans les réseaux, ce qui est plutôt dans les moyennes hautes de l'Europe. Néanmoins, cette situation cache une disparité et une hétérogénéité importante dans les territoires. Certains territoires ruraux ou semi-ruraux ont des rendements de réseau de l'ordre de 60 à 70 % parce que la population n'est pas la même et que l'effort d'investissement doit être encore plus important.
Les solutions existent. Aujourd'hui, un réseau de distribution d'eau, en France, a une moyenne de vie de 150 ans, le taux de renouvellement étant globalement de 0,7 %. Or il faudrait passer à 1,5 %, car on sait que la vie utile d'un réseau est en France comprise entre 70 et 80 ans. Il faudrait donc, sur ce sujet spécifique, investir un milliard de plus par an.
Les solutions de digitalisation existent. Ce qui est important, c'est la connaissance du patrimoine, de manière à savoir où investir, quand et comment, pour maximiser l'efficacité des investissements.
Les Français veulent participer à la lutte contre le changement climatique. Là aussi, des solutions existent, comme les compteurs d'eau intelligents qui permettent de retracer la consommation quotidienne, mais surtout de se positionner face aux profils-types de consommation des usagers et face au changement climatique.
Aujourd'hui, le sujet de l'eau est national. Je suis toujours surpris de constater que nos concitoyens ne connaissent pas parfaitement le fonctionnement du cycle de l'eau. Le fait de les intégrer dans ce dispositif pour qu'ils puissent comprendre les bénéfices de la sobriété permettra aussi de les éduquer aux politiques publiques qui les concernent.
La deuxième catégorie de solutions que nous essayons de promouvoir - et il semble que nous ayons été écoutés - concerne la réutilisation des eaux usées traitées. La France est un mauvais élève en Europe, puisque nous n'en réutilisons qu'un peu moins de 1 %, contre 14 % en Espagne ou 8 % en Italie. L'agriculture espagnole utilise très largement cette eau pour son agriculture dont les produits sont consommés en France.
Les technologies existent. Elles sont d'ores et déjà maîtrisées et nous pouvons les déployer. La fédération professionnelle des entreprises de l'eau a proposé l'objectif de 10 %, ce qui permettrait d'apporter 500 millions de m3 à l'irrigation, soit 15 % des besoins agricoles, de façon à soulager la ressource.
On parle beaucoup de réutilisation des eaux, mais la réalimentation des nappes est un dispositif extrêmement intéressant qui consiste à les réalimenter l'hiver pour faire face aux pics l'été.
Il ne faut pas oublier des sujets comme la sécurisation de l'alimentation. Le Gouvernement a débloqué 100 millions d'euros en début d'été pour s'assurer de son bon fonctionnement. Couplé à la désimperméabilisation des sols, le remplissage des nappes peut contribuer à mieux mobiliser la ressource.
Deux réflexions pour conclure.
Aujourd'hui, la France a mis en place un système extrêmement performant qui a fait école et qui a rayonné dans le monde entier. Nous devons non seulement le défendre, mais aussi le promouvoir de façon à ce qu'il reste la référence mondiale.
Le système de compétences est décentralisé au niveau des collectivités territoriales, l'État légifère et les agences de l'eau font, de notre point de vue, un travail remarquable de péréquation et de répartition des investissements.
Néanmoins, ce système ne permet pas d'élaborer aujourd'hui une vision programmatique au niveau national, de manière à combler les retards et les lacunes et à anticiper les effets du changement climatique.
Les constats sont clairs : le Varenne agricole de l'eau a fait un travail remarquable, de même que les Assises de l'eau avant lui. L'idée qui doit être la nôtre aujourd'hui est de passer de ces constats à l'action, une action coordonnée, synchronisée et qui permette d'anticiper les effets du changement climatique.