Comment accompagner les usagers dans leur consommation d'eau et faire en sorte que les réseaux de distribution soient plus efficaces ?
Les Français sont aujourd'hui équipés à 40 % de compteurs d'eau intelligents. Les autres reçoivent une facture d'eau basée sur un relevé annuel ou effectué deux fois par an. Autant dire que pour 60 % des Français, le profil de consommation et la capacité à l'infléchir sont complètement déconnectés du système de facturation.
C'est pourquoi les compteurs intelligents et les applications qui ont été développées permettent de synchroniser l'usage et la conscientisation. Aujourd'hui, il est possible, grâce à nos applications, de détecter des pommes de douche déficientes afin d'en conseiller le remplacement. Nos entreprises sont également extrêmement investies dans la distribution de produits hydro-économes, qu'adorent les jeunes générations. Il s'agit de pommeaux qui changent de couleur lorsque la douche dure trop longtemps.
Encore une fois, tout cela ne fonctionne que si les citoyens et l'usager constatent l'effet de leurs efforts sur leur facturation d'eau.
La recherche des fuites se développe également dans les résidences secondaires, les bâtiments administratifs où on enregistre très peu de mouvement le week-end ou à certaines périodes de l'année, comme les établissements scolaires.
Le système de facturation des services d'eau en France repose sur un modèle volumétrique. Plus on consomme d'eau, plus le prix au m3 est bas. Face à la conscientisation des usages, ne faut-il pas développer des modèles où les entreprises sont rémunérées pour leur économie d'eau en matière de distribution auprès des usagers ? Cela me paraît une piste intéressante.
Quant à la réutilisation, il s'agit d'un sujet majeur qui peut se concevoir à l'échelle du bâtiment pour peu qu'on l'anticipe dans l'aménagement immobilier, comme la récupération d'eau de pluie. C'est plus compliqué pour un bâtiment existant.
Il est aujourd'hui essentiel de prendre en compte les services dans leur globalité en matière d'aménagement du territoire. Lorsque nous tentons de mailler les différents réseaux, nous voyons bien qu'il n'existe pas de convergence. Je suis donc favorable, tout comme la fédération que je préside, à faire en sorte que l'aménagement du territoire prenne en compte les services essentiels.
S'agissant du rendement des réseaux, nous estimons qu'il faut prioritairement augmenter le taux de renouvellement des réseaux de distribution d'eau potable. Un milliard de plus par an nous paraît suffisant pour combler, en cinq à six ans, le retard que nous avons, et passer à un taux de 1,5 % qui correspond à un âge moyen de 75 ans.
La problématique repose sur la fracture territoriale par rapport au rendement du réseau. L'effort d'investissement va peser davantage dans les territoires où les densités sont très faibles. Un risque de découplage territorial existe avec, d'un côté, des métropoles où les taux de rendement de réseaux sont extrêmement bons et les prix de l'eau compétitifs et, de l'autre, des territoires ruraux et subruraux où le prix de l'eau sera plus cher et les rendements de réseau extrêmement bas.
Il s'agit d'une question de péréquation nationale qui ne peut être traitée à l'échelle de la collectivité territoriale. Lorsque les réseaux sont invisibles et enterrés, ils sont plus difficiles à cartographier. Il nous paraît essentiel de connaître ce patrimoine afin que les efforts soient réalisés de manière plus efficiente, en investissant le bon euro, au bon endroit et au bon moment.
L'innovation technique nous permet, en fonction des mouvements de sol et de certaines caractéristiques géotechniques, de savoir où rénover en priorité, les interventions se faisant toutefois souvent lors des aménagements de mobilité. Lorsqu'une nouvelle ligne de tram est construite, on en profite par exemple pour renouveler le réseau d'eau. Ces questions sont donc intimement liées.
Faut-il une nouvelle loi sur l'eau ? C'est à vous, en faisant preuve de sagacité, d'y réfléchir. Nous constatons que les collectivités territoriales font face à des défis considérables. La compétence en eau et assainissement fait sens car la ressource est toujours locale, mais cela complexifie la conduite de politiques efficaces, les problématiques, les sociologies et l'état du patrimoine relevant du domaine local. Néanmoins, ce système a accumulé trop de retard compte tenu de l'accélération du changement climatique. Un coup de pouce pour accélérer le niveau d'investissement et passer à une action véritable serait le bienvenu.
Les questions de qualité d'eau et de traitement sont considérables. Nous devons aborder les sujets en conservant la vision d'ensemble du cycle de l'eau. Un projet de directive européenne portant sur l'assainissement est actuellement en cours de discussion entre les États membres. Il est proposé de traiter les résidus médicamenteux dans l'assainissement. Ceux-ci constituent 90 % des micropollutions. Les traiter à travers l'assainissement protège la capacité et la ressource en eau.
Il faut donc une vision d'ensemble. Nous devons également être extrêmement méfiants vis-à-vis des polémiques portant sur la qualité de l'eau, qui visent à opposer traitement et prévention. Il faut évidemment réaliser les deux.
Les nappes de l'ouest de la France connaissent de fortes concentrations de pesticides. La prévention n'y fera rien. Il va falloir développer des capacités de traitement, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas protéger la ressource en amont. Il faut exercer notre discernement territoire par territoire pour protéger la qualité de l'eau.
En tout état de cause, il est certain que l'effet du changement climatique et la raréfaction de la ressource entraînent des sujets préoccupants en termes de qualité, auxquels nous devons répondre.