Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 3 mars 2023 à 9h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Rejet d'une motion référendaire

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain de la victoire de 1945, la France a proclamé dans la Constitution de 1946, au sein de son Préambule, que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

Les forces vives de la Résistance ont donc appliqué le programme des « jours heureux ». Ainsi, la France a bâti la sécurité sociale. Ce moment historique exprime ce principe de solidarité, en particulier grâce à la création du système de retraite, qui permet à chacun de bénéficier de droits acquis grâce à son travail pour profiter de la vie. C’est la solidarité intergénérationnelle.

La politique, c’est changer la vie. « Changeons la vie ici et maintenant », voilà le thème que nous portions, nous socialistes, en 1981. C’est ce que François Mitterrand a fait : parmi les grandes avancées sociales, il a mis en place la retraite à 60 ans, parce que nous savions – et nous savons toujours ! – combien le travail peut être pénible et endommager la santé des gens. J’en veux pour preuve que seulement 35 % des ouvriers travaillent au-delà de 60 ans, parce que leur santé ne leur permet pas d’aller au-delà.

Or l’actuel gouvernement a supprimé les critères de pénibilité. Sa politique est de dégrader la vie, notamment celle des femmes, des précaires et de ceux dont la carrière est longue. Changer la vie doit valoir pour l’aide-soignante d’Aurillac, la femme de ménage de Saint-Denis, ou la coiffeuse de Morlaàs. C’est cette France du travail qui, dans tous les territoires, crie sa colère dans les cortèges.

La retraite avait été pensée comme un nouveau salaire, qui permet de s’employer librement, à son rythme, dans des relations autres que marchandes, au bénéfice de la société tout entière. La France tire de ses retraités une richesse que des tableaux comptables ne peuvent pas faire ressortir. Ils sont ainsi les premiers à être engagés dans notre tissu associatif. Ils assurent des millions d’heures de garde d’enfants. Ils sont les élus de nos communes. Vous allez donc réduire de deux ans leur engagement au bénéfice de la société.

Monsieur le ministre, contrairement au Gouvernement, les Français connaissent cette richesse et demeurent attachés à la sécurité sociale et au système de retraite. Ces dernières semaines, ils ont, par millions, manifesté dans la rue leur rejet de ce texte et ont rejoint le front syndical uni qui s’est créé contre votre réforme.

Par la faute du Gouvernement et à cause de votre vision purement comptable, nous assistons ainsi aux plus grandes manifestations depuis trente ans. Ensemble, tous luttent pour empêcher votre réforme injuste, brutale et inutile.

Le 7 mars, les syndicats diront non ! Le 8 mars, les femmes diront non ! Le 9 mars, les étudiants diront non ! Enfin, le 10 mars, les marches pour le climat diront non à votre réforme injuste et libérale !

Par votre dogmatisme, vous prenez le risque de mettre le pays à l’arrêt. Aussi, dans un esprit de concorde, nous vous proposons une échappatoire, le référendum. Saisissez-la !

Si le référendum figure dans notre Constitution, c’est pour que les Français puissent décider par eux-mêmes de la voie que les politiques doivent emprunter.

Le général de Gaulle a décidé par quatre fois de s’en remettre à la sagesse populaire. Les crises que la France traversait alors ont conduit nos concitoyens à prendre leurs responsabilités et à décider de leur avenir.

Or l’avenir des Français, c’est précisément l’enjeu de cette réforme. Il faut prioritairement les associer à la discussion et à la construction de leur future société.

Aujourd’hui, plus des deux tiers d’entre eux s’opposent à votre réforme, et des millions l’ont crié dans la rue. Le Gouvernement ne dispose pas de la légitimité pour mener celle-ci.

Contrairement à ce qu’il dit, le Président de la République a été élu non pas sur son programme, mais pour empêcher l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. D’ailleurs, Emmanuel Macron n’a pas obtenu la légitimité à laquelle il aurait pu prétendre lors des élections législatives qui ont suivi son élection, puisqu’il ne possède qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, ce qui l’oblige à composer avec les élus de droite.

La souveraineté nationale appartient au peuple. Aussi, lorsque celui-ci est en désaccord avec ses représentants, il ne reste que la voie du référendum.

Aujourd’hui, je sais qu’à ma gauche la décision de poser la question à nos concitoyens a été prise. Je me tourne dès lors vers ma droite §par une curieuse coïncidence dont seule l’Histoire a le secret, il revient au groupe héritier du gaullisme de trancher la question de proposer ou non un référendum.

Mes chers collègues, il vous appartient d’offrir de nouveau au peuple les clés de son destin !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion