Séance en hémicycle du 3 mars 2023 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • motion référendaire
  • peuple
  • référendum

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle l’examen de la motion présentée par M. Patrick Kanner, Mme Éliane Assassi, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues, tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (388, 2022-2023).

La parole est à M. Patrick Kanner, auteur de la motion.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner, auteur de la motion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et de tous ses membres

M. Roger Karoutchi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

, au nom de M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et de tous ses membres, au nom enfin des élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, …

Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

C’est la Nupes ! Vous avez oublié Mme Panot !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

… j’ai l’honneur de vous présenter cette motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Permettez-moi de commencer par une citation : « Toute la bataille menée depuis le XIXe siècle se trouve ainsi résumée : la bataille pour le temps de vivre, la conquête du temps de vie. Quelle était cette vie pour un prolétaire au XIXe siècle ? Il n’y avait pas de retraite à la fin de la vie, il n’y avait pas de journée de repos, il n’y avait pas de week-end. » Quarante-deux ans plus tard, ces mots tenus par François Mitterrand pendant sa campagne présidentielle de 1981 résonnent avec force dans notre hémicycle.

Ils résonnent aussi dans mon histoire personnelle. Moi, enfant du Nord, ce département où les gens ont deux ans de moins d’espérance de vie que la moyenne nationale, je sais ce que voulait dire le mot « travail » dans le bassin minier, à Denain ou Douai, dans les usines textiles de Lille, Roubaix ou Tourcoing, dans l’industrie métallurgique à Maubeuge ou Dunkerque.

Le combat de ma famille politique, depuis le premier jour, a été de conquérir un peu de temps de vivre. Il a fallu, toujours, de tout temps, sous tous les régimes politiques, arracher aux puissants les concessions qu’ils refusaient.

Aujourd’hui se tiennent face à moi ceux qui veulent revenir sur ces conquêtes sociales, toujours pour les mêmes raisons, l’argent et la rentabilité, quoi qu’il en coûte socialement parlant.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Ce sont le Président de la République, la Première ministre et son gouvernement, ainsi que la majorité de droite, qu’elle soit relative à l’Assemblée nationale ou indiscutable au Sénat.

Ces forces ne sont pas simplement face à nous, parlementaires de gauche – cela n’aurait pas beaucoup d’importance ; elles sont face aux Français, en opposition frontale !

Aujourd’hui, nous nous battons non pas pour leur arracher de nouvelles concessions, ce que nous aurions sans doute préféré, mais pour qu’elles n’arrachent pas du temps de vivre aux Français et pour que, au nom des économies budgétaires, elles ne mettent pas en place un nouvel impôt sur la vie.

D’autres politiques bien plus solidaires sont possibles. Ceux qui s’opposent à nous ont malheureusement choisi l’injustice plutôt que l’équité.

La retraite par répartition est un des piliers de notre système de protection sociale. Ce sont les luttes sociales successives qui l’ont forgée, puis renforcée au cours de diverses périodes historiques ; je pense aux jours heureux de la Libération et aux grandes conquêtes sociales de 1981.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce texte, vous ne vous attaquez pas seulement aux Français, vous vous attaquez à un pan de notre histoire.

Certes, il n’y a rien d’étonnant à ce que la droite tente de détricoter notre modèle social. C’est même son fonds de commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Le Gouvernement comme la majorité sénatoriale sont dans leur rôle.

Le faire ainsi, en revanche, est inédit. Choisir une procédure qui fait obstacle à la tenue d’un débat parlementaire serein, éclairé et sincère pour une réforme d’une telle importance, sans parler des risques d’inconstitutionnalité, c’est inédit.

Fragiliser notre pays, avec un texte qui semble avoir été griffonné sur un bout de table tant ses auteurs n’en maîtrisent pas les contours exacts, c’est inédit.

Faire émerger un front syndical uni tant la concertation est ratée, sinon inexistante, c’est inédit.

Réussir à coaliser contre soi une écrasante majorité de Français, même parmi vos électeurs du premier tour, c’est inédit !

Je pourrai continuer longtemps cette énumération, mais je préférerais revenir sur quelques-uns des points que je viens d’évoquer avant d’en détailler d’autres.

Vous avez choisi de détourner l’objet de l’article 47-1 de la Constitution pour contourner le Parlement. J’ai parlé hier de « piraterie parlementaire » : je persiste et je signe. La fonction de ces lois de financement au sein de notre Constitution n’est pas la mise en place d’une réforme de grande ampleur de notre système de retraite !

En dévoyant cette procédure, vous aboutissez à un examen trop rapide et incomplet d’une réforme sociale importante qui relève du domaine de la loi ordinaire ; une réforme qui aurait dû – cela a été dit hier – être précédée d’une grande réflexion sur la place du travail dans notre société, sur celle des seniors et sur l’égalité entre les femmes et les hommes, en matière de salaire par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Avec la procédure retenue, ce texte pourrait être promulgué sans aucun vote dans l’une ou l’autre chambre de notre Parlement : c’est un scandale ! C’est un bras de fer que vous engagez avec les Français et leurs représentants, mais vous ne trompez personne : vous faites cela, monsieur le ministre, car vous n’avez pas de majorité parlementaire pour faire voter votre réforme.

Par ailleurs, en utilisant cette procédure, vous prenez le risque que le Conseil constitutionnel censure les cavaliers sociaux ; le Conseil d’État vous a d’ailleurs prévenu sur ce point. Si ce projet de loi était voté, il pourrait vous être reproché que certains de ses dispositifs n’ont pas un effet suffisamment direct sur les recettes ou les dépenses de la sécurité sociale : quand on enlèvera ces sucrettes, il ne restera plus que la pilule amère !

Outre les risques d’inconstitutionnalité que je viens d’évoquer, le choix de ces modalités de débat abîme notre démocratie. Que l’on soit clair : en empêchant le temps nécessaire à un débat de qualité, le Gouvernement est le premier comptable de la dégradation du climat autour de ce débat parlementaire.

L’obstruction, c’est d’abord vous ! Les débats tronqués, c’est d’abord vous ! Le passage en force, c’est d’abord vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Ensuite, monsieur le ministre, avec ce texte, on ne sait pas si vous êtes coupable de duperie ou d’incompétence tant vous avez varié dans vos explications !

Cela fait plusieurs semaines que vous naviguez de contre-vérités en approximations, que ce soit sur la retraite des femmes ou sur les 1 200 euros de pension minimale. Vous semblez mal connaître votre texte et découvrir ses effets négatifs au fur et à mesure de son examen, surtout lorsque nos collègues députés vont chercher les informations à la source – vous voyez à quoi je fais allusion…

Il s’ensuit une litanie de mensonges visant à camoufler vos insuffisances et votre politique antisociale. Je ne m’attarde pas sur ces points, ils seront largement débattus ces prochains jours. Mais s’attaquer avec autant de légèreté à la retraite par répartition est inacceptable. Nous sommes face à un mécano bancal, élaboré par des bricoleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je l’ai déjà dit, vous n’avez pas de majorité au Parlement pour faire cette réforme. La seule majorité que vous avez est contre vous et contre cette réforme : ce sont les Français !

Le front syndical – uni, il faut le souligner –, a permis de faire émerger une mobilisation inédite et pacifique, la plus forte depuis trente ans. Le 7 mars prochain, le monde du travail réaffirmera haut et fort, dans la rue, son opposition au report de l’âge légal de départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Nous sommes aussi leurs porte-voix pour dire non à la retraite à 64 ans.

Monsieur le ministre, écoutez les Français ! Ils ont un discours clair et net de refus de votre réforme injuste. Entendez, vous aussi, les paroles des salariés qui disent : « Cette réforme, on ne peut pas, on ne tiendra pas jusque-là. »

S’ils s’opposent à ce point à votre projet, c’est qu’ils percent à jour vos intentions profondes. Ils savent que vous êtes en train de faire des économies sur le dos des ouvriers et des employés, qu’ils soient issus de la classe populaire ou de la classe moyenne. Cette obsession du moins d’impôt, de plus en plus dénoncée par les autorités de régulation financière, vous voulez en réalité la faire supporter à 6 Français actifs sur 10, soit 18 millions de nos concitoyens, sans qu’aucun effort soit demandé à cette extrême minorité de contribuables qui a tant bénéficié de l’hyperbouclier fiscal du Président de la République depuis 2017.

Ceux-là peuvent dormir en paix : Emmanuel Macron veille à leurs intérêts ! Les Français ont bien compris que le ruissellement, c’était pour les autres.

Le Président de la République a été élu pour faire barrage à l’extrême droite. Les Français ne lui ont pas donné de majorité pour une telle régression sociale. C’est pour cette raison que vous ne pourrez faire passer cette réforme autrement qu’en brutalisant la République.

Pour résumer, avec cette réforme, vous jouez avec le feu, tant sur la forme que sur le fond, et vous savez bien qui risque d’en profiter politiquement.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, nous appelons au retrait de cette réforme. C’est clair et net.

Mais, faute de retrait, nous, élus des trois groupes de gauche, vous offrons une autre voie avec cette motion référendaire.

Je demande au Gouvernement de montrer son visage et d’assumer franchement sa politique face aux Français : présentez-leur le texte ! Ils sont dans la rue ; ils préféreraient sûrement aller aux urnes.

Mon appel s’adresse aussi à la majorité sénatoriale, qui a les moyens de voter cette motion. Faites honneur à votre famille politique, au gaullisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Vous qui, chaque année, répétez que la réforme de notre système de retraite est indispensable pour que les Français continuent d’avoir une retraite, faites trancher cette question fondamentale par un référendum, comme le permet la Constitution imaginée par le général de Gaulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes derniers mots seront pour le Président de la République,

Exclamations sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Le bon sens, c’est de retirer cette réforme §ou, à défaut, d’avoir le courage de la présenter devant les Français !

Mes chers collègues, au nom de nos trois groupes et pour toutes ces raisons, j’encourage la Haute Assemblée à voter cette motion référendaire.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur Kanner, vous venez de présenter cette motion référendaire, au nom de votre groupe et de ceux que président Mme Éliane Assassi et M. Guillaume Gontard. Nous nous y attendions, ce n’est pas une surprise.

S’agit-il d’un outil – on ne parlera pas d’« arme » – d’obstruction majeure ? §Sans doute pas : chacun use de ce qu’il a dans sa boîte à outils.

Je voudrais vous livrer deux éléments de réflexion : d’abord une incompréhension, ensuite une conviction.

Monsieur le président Kanner, je sais combien vous êtes attaché à la démocratie parlementaire : vous avez tellement d’occasions de le montrer, de le prouver. Or, aujourd’hui, vous nous proposez en réalité un court-circuit : on ne débattrait pas au Parlement et on laisserait la rue choisir pour les Français. §Mes propos vous font réagir : c’est une bonne chose !

Toutefois, je voudrais vous rappeler, monsieur Kanner, les paroles de François Hollande, qui est de gauche, me semble-t-il, et qui disait : « Il faut respecter la démocratie représentative. Pourquoi élire des députés, des sénateurs, si toutes les questions peuvent être posées au peuple français ? » Cette phrase est de François Hollande !

Vives protestations sur les travées des groupes SER et CRCE. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Revenons-en à notre sujet. Demander aux Français : « Voulez-vous de cette loi ? » serait, vous le comprenez bien, leur poser une question binaire, à laquelle il faudrait répondre par oui ou par non. §Or, s’il s’agit de leur demander davantage d’efforts, les Français répondront bien évidemment non…

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les sondages le montrent ! En revanche, si on leur demande : « Voulez-vous sauver votre système de retraite par répartition ? », ils diront oui. Si on leur demande : « Voulez-vous laisser à vos enfants la dette de vos retraites et de vos pensions ? », ils diront non !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Posez-leur donc toutes ces questions par référendum !

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Il faut donc être attentif aux questions que l’on pose dans le cadre d’un référendum, et je considère que nous ne devrions pas adopter cette solution dans le cas présent.

Ma conviction, c’est que nous sommes aujourd’hui face à un mur de dettes. Ce n’est pas moi qui le dis, mais encore un socialiste, à savoir le président du Haut Conseil des finances publiques, Pierre Moscovici.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Il nous dit que nous sommes face à un mur de dettes et que nous avons une montagne d’investissements à faire, que ce soit pour les armées, pour le climat ou pour restaurer le service public, et ce alors qu’il nous reste encore 155 milliards d’euros de dette à amortir sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) – vous imaginez bien les sommes que cela représente !

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Par conséquent, je ne veux pas laisser au peuple français la responsabilité de cette décision, qui est lourde, parce que j’estime que c’est à nous de la prendre, ici, au Parlement.

Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

En conclusion, pour paraphraser le président Chirac, qui disait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », je dirai que nous oublions la dette et que nous regardons ailleurs.

Je vous propose donc de rejeter cette motion référendaire.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDPI et Les Républicains.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l ’ assurance vieillesse. On peut effectivement se poser la question de la voie référendaire : c’est tout à fait légitime. Cela voudrait dire que nous proposerions au peuple de se prononcer sur le texte sur lequel – la démocratie est ainsi faite – nous sommes amenés à délibérer. Nous refuserions le débat

Non ! sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

En conséquence, on ne pourrait pas y intégrer toutes les avancées de justice sociale que nous proposons.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce serait ne pas prendre en compte l’effort supplémentaire des mères de famille, que nous entendons récompenser par une mesure tout à fait significative prévoyant une pension meilleure.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce serait ne pas prendre en compte suffisamment l’usure professionnelle, alors que nous proposons des améliorations sur ce sujet par rapport au texte initial.

Ce serait ne pas prendre en compte les avancées sur le dispositif de retraite progressive, que nous voulons rendre plus juste.

Par conséquent, c’est une question brute de décoffrage que vous entendez poser plutôt que de débattre aujourd’hui.

En outre, nous connaissons l’esprit des Français, toujours un peu franchouillard et gaulois, …

Mme Marie-Noëlle Lienemann s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… qui fait que nos compatriotes ne répondent pas toujours directement à la question qui leur est posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Et le référendum de 2005 sur la Constitution européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Or la façon de poser la question est un sujet très sensible dans la procédure du référendum.

Si vous leur aviez posé la question quand vous avez fait la réforme Touraine – pourquoi, d’ailleurs, ne l’avez-vous pas fait ? –, que leur auriez-vous demandé, sinon de se prononcer sur le fait d’allonger la durée de cotisation de 41, 5 ans à 43 ans ? Telle est bien la réalité !

Qu’auriez-vous donc demandé aux Français, à ces jeunes qui, aux termes de votre loi, doivent avoir validé quatre ou cinq trimestres avant la fin de leurs 16 ans s’ils veulent un départ anticipé ? Vous leur auriez demandé : « Êtes-vous d’accord pour travailler pendant 45 ans ? », alors que dans le présent texte nous leur proposons de travailler moins. Voilà la façon dont il faudrait poser la question.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur. Et si, demain, vous constatiez que l’on a des difficultés, mais que l’on ne veut pas faire d’effort, leur demanderiez-vous : « Voulez-vous travailler jusqu’à 64 ans plutôt que 62 ans ? » C’est ainsi que vous leur poseriez la question ; moi, je ne ferais pas comme cela. Je dirais : « Si nous ne prenons pas nos responsabilités, nos enfants devront travailler jusqu’à 65 ans plutôt que 64 : est-ce cela que vous voulez ? » Et vous verrez que la réponse sera différente.

Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous avons entendu, comme vous, les manifestants, mais nous avons aussi écouté les syndicats. Que nous disent la CGT et la CFDT ?

Debut de section - Permalien
De nombreuses voix à gauche

« Retrait de la réforme ! »

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

(On s ’ en étonne sur les travées du groupe CRCE.) Elle me disait : « Monsieur le sénateur, il faut débattre du texte. » Nous suivons les syndicats !

Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ils nous disent qu’il faut débattre du texte. Je discutais encore récemment avec une déléguée CGT de mon département. §

En conséquence, vous l’aurez compris, je ne laisserai pas planer le suspense plus longtemps : je suis défavorable à l’adoption de cette motion !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien évidemment, les sénateurs ne peuvent pas se décharger de leur mission d’examen, de débat et de vote d’un tel projet de loi : ce serait purement et simplement démissionner.

Alors que le débat s’engage à peine, vous proposez de l’interrompre. En effet, l’article 68 de notre Règlement prévoit que, en cas d’adoption de cette motion, les débats seraient suspendus et la motion adoptée serait transmise à l’Assemblée nationale, où son sort est connu. Bref, tout ça pour ça !

Je rappelle que le Sénat a un rôle tout particulier en ce moment, celui de débattre des vingt articles du projet de loi, alors que cela n’a pas pu être fait à l’Assemblée nationale où seulement deux des vingt articles ont été examinés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est le Gouvernement qui a fixé les délais !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne. D’ailleurs, tant Philippe Martinez que Laurent Berger l’ont regretté, ce dernier dénonçant un « spectacle indigne et honteux ».

Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Le souhait d’un débat sur le fond du texte n’est pas une lubie de la majorité présidentielle ou de la majorité sénatoriale ; c’est un devoir vis-à-vis des partenaires sociaux, un devoir vis-à-vis des Français.

Hélas ! avec cette motion, vous voulez esquiver le débat. J’en veux aussi pour preuve le dépôt d’amendements par milliers. Votre ligne est simple : ne pas bouger, ne pas fâcher. Mais les Français traduisent aussi cela par « ne pas gouverner » avant les deux dernières élections présidentielles…

Pour notre part, nous avons une conscience aiguë de la nécessité d’agir. Nous avons également la conviction que le Parlement peut être utile : nous ne pouvons donc pas accepter cette motion.

D’ailleurs si l’on refait le film de débats plus anciens, on peut se demander : que n’avez-vous utilisé le référendum ? « Écoutez les Français », nous dit le président Kanner. Or je me souviens de l’examen, en 2016 – M. Milon présidait la commission des affaires sociales –, du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours, qui mettait en place une véritable révolution copernicienne. Vous savez que cette loi permet de travailler 46 heures par semaine pendant 12 semaines. Est-ce que vous l’avez soumise au référendum ? Non ! Pourtant, à l’époque deux Français sur trois voulaient le retrait de cette loi. Encore une fois, avez-vous fait un référendum ? Non !

Quant aux retraites, la loi Touraine de 2014 augmentait la durée de cotisation en la portant à 43 ans. Laurence Cohen disait alors que cela frapperait les femmes de plein fouet. Vous faites du texte d’aujourd’hui un choix de société, mais aviez-vous soumis cette réforme-là au référendum, à l’époque ? Non !

Je reconnais la constance du groupe CRCE, qui avait alors déposé des motions et porté le fer ; en revanche, du côté des socialistes, on ne peut pas dire qu’il y ait cette cohérence ou cette constance.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Les inconstants, ce sont les socialistes qui ont rejoint votre parti !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pour ce qui est de la retraite à 60 ans, elle a été instituée en 1981, ni par référendum ni même à l’issue d’un débat parlementaire, mais par ordonnance : le Parlement a été mis hors d’état de débattre !

Protestations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Robert Lion, directeur de cabinet du Premier ministre, avertissait pourtant déjà des risques liés à la retraite à 60 ans, dans son rapport Vieillir demain auquel je vous renvoie.

S’il devait y avoir un référendum, il faudrait également soumettre au choix des Français vos propositions. Je vois déjà le succès qu’elles auraient : « Êtes-vous prêts à renoncer à 10 % de vos pensions ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Qu’est-ce que c’est que cette histoire de 10 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

« Êtes-vous prêts à payer 15 milliards d’euros d’impôts supplémentaires chaque année ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

En outre, s’il y avait un référendum, comment feriez-vous pour recueillir l’assentiment de celles et ceux pour qui nous faisons cette réforme, ceux qui ont 5 mois, ceux qui ont 5, 10 ou 15 ans et qui ne peuvent pas encore glisser un bulletin de vote dans l’urne ? Ils ont pourtant droit à une retraite et non à un régime qui faillirait par banqueroute !

Alors, que faire ? Je me remémore les propos de notre ancien collègue Alain Anziani en réponse à une motion référendaire, en 2010, dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Il affirmait que, sur les retraites, il existait « une autre manière de consulter le peuple : c’est l’élection présidentielle ». Or le Président de la République a précisément posé le sujet dès avant le premier tour de la dernière élection, en disant ce qu’il ferait.

Le peuple s’est exprimé au premier tour et a été clair : il l’a porté au second tour !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

On peut considérer le sujet sous tous les angles. Vos collègues socialistes ou sociaux-démocrates, ailleurs en Europe, n’ont pas fait la politique de l’autruche, mais ont réformé dans le même sens que ce que nous proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est le Portugal de José Sócrates : 66 ans ! C’est l’Espagne de José Luis Zapatero : 66 ans ! C’est la Grèce d’Alexis Tsipras – rappelez-vous Syriza : 67 ans !

Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Oui, il faut apporter des réponses aux retraités d’aujourd’hui et de demain, et rapidement ! Il est urgent de consolider le système, urgent d’améliorer les droits, urgent de travailler sur ce projet de loi !

Le groupe RDPI votera donc contre cette motion référendaire, afin que nous puissions poursuivre l’examen du texte et faire notre travail de parlementaires au service des Français.

C’est d’ailleurs tout le sens de cette belle analyse, publiée dans la revue Pouvoirs : « L’article 11 doit être utilisé avec précaution, à propos de textes peu nombreux et simples dans leur rédaction. Sinon, il serait préférable que la population des Français fût éclairée par un large débat parlementaire. » Elle est de François Mitterrand, en avril 1988 !

(Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Ne le reniez pas : ce n’est pas une défroque ou un vêtement usagé. Éclairons donc les Français par un large débat parlementaire et rejetons cette motion !

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Alors, je le dis à nos collègues de l’opposition : soyez mitterrandiens ! soyez à la hauteur de votre héritage politique ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain de la victoire de 1945, la France a proclamé dans la Constitution de 1946, au sein de son Préambule, que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

Les forces vives de la Résistance ont donc appliqué le programme des « jours heureux ». Ainsi, la France a bâti la sécurité sociale. Ce moment historique exprime ce principe de solidarité, en particulier grâce à la création du système de retraite, qui permet à chacun de bénéficier de droits acquis grâce à son travail pour profiter de la vie. C’est la solidarité intergénérationnelle.

La politique, c’est changer la vie. « Changeons la vie ici et maintenant », voilà le thème que nous portions, nous socialistes, en 1981. C’est ce que François Mitterrand a fait : parmi les grandes avancées sociales, il a mis en place la retraite à 60 ans, parce que nous savions – et nous savons toujours ! – combien le travail peut être pénible et endommager la santé des gens. J’en veux pour preuve que seulement 35 % des ouvriers travaillent au-delà de 60 ans, parce que leur santé ne leur permet pas d’aller au-delà.

Or l’actuel gouvernement a supprimé les critères de pénibilité. Sa politique est de dégrader la vie, notamment celle des femmes, des précaires et de ceux dont la carrière est longue. Changer la vie doit valoir pour l’aide-soignante d’Aurillac, la femme de ménage de Saint-Denis, ou la coiffeuse de Morlaàs. C’est cette France du travail qui, dans tous les territoires, crie sa colère dans les cortèges.

La retraite avait été pensée comme un nouveau salaire, qui permet de s’employer librement, à son rythme, dans des relations autres que marchandes, au bénéfice de la société tout entière. La France tire de ses retraités une richesse que des tableaux comptables ne peuvent pas faire ressortir. Ils sont ainsi les premiers à être engagés dans notre tissu associatif. Ils assurent des millions d’heures de garde d’enfants. Ils sont les élus de nos communes. Vous allez donc réduire de deux ans leur engagement au bénéfice de la société.

Monsieur le ministre, contrairement au Gouvernement, les Français connaissent cette richesse et demeurent attachés à la sécurité sociale et au système de retraite. Ces dernières semaines, ils ont, par millions, manifesté dans la rue leur rejet de ce texte et ont rejoint le front syndical uni qui s’est créé contre votre réforme.

Par la faute du Gouvernement et à cause de votre vision purement comptable, nous assistons ainsi aux plus grandes manifestations depuis trente ans. Ensemble, tous luttent pour empêcher votre réforme injuste, brutale et inutile.

Le 7 mars, les syndicats diront non ! Le 8 mars, les femmes diront non ! Le 9 mars, les étudiants diront non ! Enfin, le 10 mars, les marches pour le climat diront non à votre réforme injuste et libérale !

Par votre dogmatisme, vous prenez le risque de mettre le pays à l’arrêt. Aussi, dans un esprit de concorde, nous vous proposons une échappatoire, le référendum. Saisissez-la !

Si le référendum figure dans notre Constitution, c’est pour que les Français puissent décider par eux-mêmes de la voie que les politiques doivent emprunter.

Le général de Gaulle a décidé par quatre fois de s’en remettre à la sagesse populaire. Les crises que la France traversait alors ont conduit nos concitoyens à prendre leurs responsabilités et à décider de leur avenir.

Or l’avenir des Français, c’est précisément l’enjeu de cette réforme. Il faut prioritairement les associer à la discussion et à la construction de leur future société.

Aujourd’hui, plus des deux tiers d’entre eux s’opposent à votre réforme, et des millions l’ont crié dans la rue. Le Gouvernement ne dispose pas de la légitimité pour mener celle-ci.

Contrairement à ce qu’il dit, le Président de la République a été élu non pas sur son programme, mais pour empêcher l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. D’ailleurs, Emmanuel Macron n’a pas obtenu la légitimité à laquelle il aurait pu prétendre lors des élections législatives qui ont suivi son élection, puisqu’il ne possède qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, ce qui l’oblige à composer avec les élus de droite.

La souveraineté nationale appartient au peuple. Aussi, lorsque celui-ci est en désaccord avec ses représentants, il ne reste que la voie du référendum.

Aujourd’hui, je sais qu’à ma gauche la décision de poser la question à nos concitoyens a été prise. Je me tourne dès lors vers ma droite §par une curieuse coïncidence dont seule l’Histoire a le secret, il revient au groupe héritier du gaullisme de trancher la question de proposer ou non un référendum.

Mes chers collègues, il vous appartient d’offrir de nouveau au peuple les clés de son destin !

Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.

M. Patrick Kanner applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, demander l’organisation d’un référendum sur ce projet de recul de l’âge de départ à la retraite sonne aujourd’hui comme une évidence.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité présidentielle et sénatoriale, qui travaillez aujourd’hui main dans la main, je vous le redis : le rejet de cette mesure provocatrice est massif dans ce pays !

Répondre par l’obligation de travailler plus longtemps à la détresse et à l’angoisse de la population, frappée par la crise de la covid-19, victime d’une précarité croissante au travail et dans la vie quotidienne, et qui subit une inflation à deux chiffres pour ce qui est des produits alimentaires et de première nécessité, est une provocation.

C’est d’abord une provocation à l’égard des femmes, déjà victimes de discriminations en matière salariale et en termes d’évolution de carrière. Plutôt que davantage d’égalité, vous ajoutez de la maltraitance en allongeant soit leur durée de travail, soit leur période de chômage, car vous savez bien qu’en reculant l’âge de la retraite, c’est le chômage des seniors que vous accentuez.

Le message que vous envoyez aux femmes est des plus cyniques. Vous leur dites qu’elles vont travailler plus longtemps, mais que l’écart entre leurs pensions et celles des hommes, qui atteint, faut-il le rappeler, 40 %, sera moindre ! Mais ce que veulent les femmes, ce n’est pas un écart cosmétique : c’est l’égalité !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Depuis 2017, le président Macron a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale. Qu’il mette ses paroles en adéquation avec ses actes : l’égalité salariale et l’égalité d’accès à l’emploi entre les femmes et les hommes permettraient de résoudre le pseudo-déficit qui justifie votre réforme inique !

Avec les amis de mon groupe, mais aussi ceux de toute la gauche sénatoriale, nous sommes scandalisés par les propositions de M. Retailleau

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

, qui reposent sur une idéologie familialiste, nationaliste, digne d’une époque que je n’ose pas rappeler.

Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Non, monsieur Retailleau, les femmes ne peuvent avoir pour seule option, afin d’éviter de travailler jusqu’à un âge indéterminé, que de faire plus d’enfants. Nous vous demandons de retirer cette proposition au nom de la dignité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

C’est ensuite une provocation à l’égard de la jeunesse, durement éprouvée par la crise de la covid-19, confrontée à un monde incertain, aux guerres dans de nombreux pays, à la menace d’une Troisième Guerre mondiale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Qu’est-ce que la guerre vient faire là-dedans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… à cet inquiétant réchauffement climatique, soumise à un parcours scolaire et universitaire de plus en plus sélectif, effectué dans des conditions de plus en plus difficiles.

Que proposez-vous à la jeunesse ? Un service national universel autoritaire, une forme d’embrigadement insupportable pour celles et ceux qui ont soif de liberté, et une carrière qui ne s’achèvera qu’avec la vieillesse ! Car quel étudiant pourra espérer un départ à la retraite avant 70 ans ?

C’est enfin une provocation pour les travailleuses et les travailleurs, y compris celles et ceux qui exercent des métiers pénibles ou ont une carrière longue. Vous maltraitez aujourd’hui celles et ceux que vous couvriez hypocritement de louanges, ces premières et premiers de corvée, durant la crise de la covid-19.

Oui, la colère est grande et elle s’amplifie. La mobilisation à compter du 7 mars s’annonce massive. C’est une très bonne nouvelle !

Hier, dans cet hémicycle, nous avons assisté à une opposition entre deux projets de société, aux antipodes l’un de l’autre, symboles d’un clivage entre la droite et la gauche enfin assumé, y compris au banc du Gouvernement.

M. Macron et son gouvernement veulent passer au forceps, en utilisant cet article 47-1 de la Constitution, si décrié depuis sa mise en œuvre pour l’examen de cette réforme des retraites, et qui relève du détournement de procédure.

Nous l’avons affirmé hier : vous violez la Constitution pour imposer cette réforme. Vous contraignez le Parlement et tentez de le soumettre.

Nous sommes choqués par cette majorité sénatoriale, qui avait affiché son statut de contre-pouvoir, de lieu de résistance à l’autoritarisme de M. Macron, à son mépris du Parlement et qui, aujourd’hui, l’accompagne avec complaisance.

Eh oui, mes chers collègues de droite, vous accompagnez le Président de la République à mettre au pas le Parlement, pis encore, à l’enjamber, en accueillant favorablement un texte qui n’a pas été soumis au vote de l’Assemblée nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… et qui ne sera peut-être pas non plus soumis au vote des deux chambres si le Gouvernement n’accorde pas davantage de jours de débat !

Nous craignons une adoption du texte en commission mixte paritaire, dominée par des parlementaires Les Républicains, pourtant en perte d’influence dans l’opinion publique.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Il s’agit d’un coup de force institutionnel ! Il faut donner au peuple les moyens d’y résister, c’est-à-dire lui donner la parole en soumettant le projet de loi au référendum !

Qui oserait affirmer ici, alors que plus de 90 % des actifs rejettent ce texte, que le mieux est sans doute de rester entre nous, au Sénat, pour valider ce texte fondamental dans un temps contraint et barrer la route à l’expression populaire ?

Tout vote contre cette motion référendaire est un acte grave contre la démocratie !

Applaudissements sur les travées d u groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Celles et ceux qui s’entêteront dans ce déni de démocratie porteront la responsabilité de la mise à l’arrêt du pays et d’une légitime révolte !

Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Avec le groupe CRCE, je vous appelle donc solennellement, et sans hésitation, à voter cette motion référendaire !

Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

M. Olivier Henno. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer les rapporteurs, non seulement pour leur travail sur le fond de ce texte et leur analyse, mais aussi pour la méthode qu’ils ont adoptée, leur calme, leur modération.

Marques d ’ approbation sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

M. Olivier Henno. C’est important de faire preuve de calme et de modération : on vient de le voir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Je souhaite les remercier pour leur capacité d’écoute, de dialogue, leurs échanges, leurs efforts en matière de pédagogie, et même leur sens de la formule – ils viennent d’en faire la démonstration. Votre travail grandit notre institution, le Sénat, mes chers collègues.

Nous sommes réunis ce matin pour discuter d’une motion référendaire. Je précise tout de suite que le groupe Union Centriste, sans l’ombre d’une hésitation, ne la votera pas…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

… pour des raisons à la fois d’opportunité et de fond.

S’agissant de l’opportunité, nous sommes réunis pour débattre de l’avenir de notre système de retraite. Or, pour nous, il serait tout à fait inopportun de refuser une telle discussion. S’exonérer d’un débat sur les retraites, ici et maintenant, en choisissant d’adopter cette motion référendaire, reviendrait pour nous à refuser l’obstacle. Ce n’est pas une façon de faire.

Sur le fond, notre groupe s’inscrit dans une tradition politique, qui nous fait voir le référendum comme devant être réservé à la matière institutionnelle. Pour ce qui est des questions sociétales, comme pour les questions économiques et sociales, nous estimons que c’est le rôle du Parlement de débattre et de voter.

J’ajoute qu’adopter cette motion référendaire reviendrait à créer un redoutable précédent. Cela empêcherait en effet pour longtemps le Parlement de discuter des retraites : pourquoi soumettrait-on le texte à un référendum maintenant, et pas plus tard sur des débats similaires ? §Pourquoi, sur des matières aussi essentielles que les questions sociétales, économiques et sociales, ne demanderait-on pas systématiquement l’organisation d’un référendum ? Un précédent comme celui-ci serait tout à fait irresponsable.

En votant cette motion, on porterait un bien mauvais coup à la démocratie parlementaire. Donc, pour nous, la réponse est clairement non.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Permettez-moi à présent de profiter du temps de parole qu’il me reste pour discuter du fond de ce texte, ainsi que du contexte dans lequel se déroulent nos débats.

Vous l’avez compris hier, au travers des interventions de nos collègues Hervé Marseille et Jean-Marie Vanlerenberghe, notre groupe a clairement pris position en faveur de cette réforme, sous la forme d’un « oui, mais ».

Parfois, quand on dit « oui, mais », il s’agit d’un petit « oui » associé à un grand « mais ». Tel n’est pas le cas ici : nous visons une forme d’équilibre, une sorte de « oui, bien sûr » tempéré par la nécessité d’améliorer le texte. Notre position traduit cette double volonté.

Nous souhaitons enrichir le texte sur plusieurs points, notamment pour les femmes, les familles, les carrières longues et l’emploi des seniors.

Nous saluons et approuvons les avancées obtenues par la commission en termes d’équité et de justice, …

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

… mais nous proposerons tout de même, sous la forme de quelques amendements, d’aller plus loin, tout en veillant à l’équilibre financier du texte, qui constitue un enjeu fondamental. En effet, il faut que cette réforme en vaille la peine ; sinon, les Français ne manqueront pas de nous dire : « Tout ça pour ça ! », et ils auraient raison…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Un système de retraite repose sur le principe de solidarité entre les générations. Voilà pourquoi je ne comprends toujours pas la timidité du Gouvernement en matière de politique familiale.

À l’aube de ce débat sur les retraites, la décision prise par l’exécutif, lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, de priver la branche famille de 2 milliards d’euros me paraît encore davantage aujourd’hui totalement inappropriée.

C’est pourquoi l’un de nos amendements phares tend à prévoir une mesure d’âge toute simple, qui ne plaira pas sur certaines travées de cet hémicycle

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

N’ayons pas peur d’assumer – nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle – l’urgence d’une politique familiale et nataliste

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Vous l’avez compris, le groupe Union Centriste est très attaché à notre système de financement des retraites par répartition. C’est pourquoi nous voulons aborder ce débat les yeux grand ouverts et en toute lucidité.

Se donner les moyens de financer la retraite de plus de 20 millions de retraités est non seulement un défi, mais aussi une exigence morale, qui implique d’anticiper des besoins de financement croissants.

Nous sommes convaincus que seul le travail, et je dirais même l’augmentation du volume de travail produit par notre pays, peut garantir le financement de notre protection sociale et, donc, le financement de la branche vieillesse et des retraites.

Au-delà de la question du financement, nous sommes attachés à la valeur travail : ce n’est pas depuis les travées du groupe Union Centriste que l’on entendra un éloge de la paresse.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains . – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

C’est la raison pour laquelle il nous semble indispensable d’organiser dans les meilleurs délais un débat sur le travail et la rémunération des salariés. J’ai la conviction que les partenaires sociaux sont prêts à aborder cette discussion en responsabilité.

Un tel débat sur le travail nous permettra d’aborder dans la sérénité cette question essentielle – je le répète – de l’emploi des seniors : l’index seniors est un premier pas nécessaire, mais sera-t-il suffisant ? J’ai bien peur que la réussite de cette réforme ne passe par la possibilité donnée à toutes et à tous de s’épanouir dans leur emploi jusqu’à 64 ans.

Pour nous, un débat sur le travail est indispensable. Pour preuve, un sondage publié hier démontre combien les Françaises et les Français en viennent parfois à douter de l’importance du travail au lendemain de la crise de la covid-19. Je ne me résous pas à ce que 58 % des Français, contre 49 % en 2019, voient le travail comme une contrainte, quand 42 % seulement y voient un moyen de se réaliser – ils étaient 51 % à le penser en 2019. Ce recul est alarmant pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Je refuse de compter parmi les déclinistes, mais reconnaissons que ce changement profond, s’il venait à durer, s’il était anthropologique, est un germe de déclin pour notre pays.

Ce débat sur le travail dans la société post-covid doit permettre d’approfondir de nombreux sujets : je pense évidemment au travail des seniors, à une augmentation des salaires à la veille du retour de l’inflation, conséquence peu surprenante du « quoi qu’il en coûte » et de l’injection massive d’argent public dans l’économie, à la pénibilité des métiers, à la question des métiers en tension et, enfin, à la formation tout au long de la vie, qui doit offrir à celles et à ceux qui en ont la volonté la possibilité de changer de métier.

Le bien-être et l’épanouissement au travail, voilà le défi auquel nous sommes collectivement confrontés.

Même si nous pensons qu’il faut aller plus loin en termes d’équité et de justice, nous faisons le pari qu’il y aura une réforme des retraites. Mais, au lendemain de son adoption, notre tissu social devra obligatoirement être recousu.

Comme l’a indiqué notre président hier, le groupe Union Centriste demande l’organisation d’une conférence sociale qui pourrait avoir pour objectif la refondation du paritarisme, afin de rétablir la confiance dans ce pays, qui s’est dégradée, une réflexion sur la rémunération des salariés et la place du travail dans nos vies.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, nous avons envie de débattre, d’aller au terme de cette discussion : c’est le rôle, la mission et la responsabilité du Sénat. Pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, notre groupe ne votera pas cette motion référendaire.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dépôt d’une motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 pose deux questions : faut-il un débat et faut-il une réforme ?

Faut-il un débat ? Pour mon groupe, la réponse est oui !

Nous savons combien la Constitution donne les moyens de faire passer un texte si le Gouvernement est déterminé à le faire. En l’espèce, hier après-midi, par la double voix des ministres présents au banc du Gouvernement, nous avons bien entendu que le compromis était souhaitable, mais aussi que la réforme était incontournable.

Les regards sont braqués sur le Sénat, assemblée, faut-il le démontrer, bien souvent sage. Quel que soit le style qui sera le nôtre, espérons qu’il soit au moins empreint de respect, car ce que nous avons vu à l’Assemblée nationale a choqué nombre de nos concitoyens.

Depuis des semaines, de nombreux groupes ont sans aucun doute beaucoup travaillé en amont de l’examen du texte pour tenter d’améliorer cette réforme des retraites.

Nous, membres du groupe RDSE, avons écouté syndicats et experts. La commission des affaires sociales a pris toute sa part de cette réflexion. Les sénateurs ont déposé plusieurs milliers d’amendements – certains groupes politiques par centaines – que notre administration a enregistrés jour et nuit.

Le renforcement des droits du Parlement est un combat que le Sénat a toujours mené à l’occasion de chacune des réformes constitutionnelles. Ne nous privons pas de ce droit d’examiner un texte fondamental, quand bien même il ne fait pas l’unanimité.

C’est le principe de base de notre démocratie : débattre. C’est aussi le principe du bicamérisme : améliorer pour avancer.

Mes chers collègues, doit-on prendre le risque de reculer devant les nécessaires mesures de retour à l’équilibre financier de notre système de retraite ?

Car, oui, le temps de la réforme est venu. Hier, les chiffres ont été rappelés par les rapporteurs : le système sera déficitaire à hauteur de 1, 8 milliard d’euros dès 2023. Le déficit pourrait atteindre plus de 13 milliards d’euros en 2030.

La raison en est simple : notre système de retraite est solidaire, au point qu’il ne supporte pas l’allongement de l’espérance de vie. Il a le défaut de sa qualité : la solidarité intergénérationnelle qui est au cœur de notre pacte républicain. J’ajoute que le système par répartition est au cœur du pacte social.

Donc, oui, il faut mettre en œuvre une réforme rapidement, mais, bien entendu, pas à n’importe quel prix. Mon collègue Henri Cabanel l’a rappelé hier au cours de la discussion générale.

Le groupe RDSE a longtemps défendu une réforme systémique pour une retraite à points. Sans rancune face à l’abandon de ce projet un temps évoqué par le Président de la République, mon groupe ne rejette pas en bloc votre projet, monsieur le ministre, puisque, au fond, il ne fait qu’accélérer la réforme Touraine.

Néanmoins, si nous sommes ouverts au compromis, nous avons des attentes : les carrières longues, la revalorisation des droits des femmes, la compensation de l’engagement civique, la pénibilité et l’emploi des seniors, bien entendu.

Disons-le aussi, la participation des entreprises ayant engrangé des dividendes significatifs en pleine crise du pouvoir d’achat ne doit pas être écartée. Les montants distribués aux actionnaires revêtent une forme d’indécence quand on les confronte au besoin de financement de notre système de retraite. Une réforme acceptable et acceptée par tous doit reposer sur l’équité. C’est dans ce sens qu’il nous faut travailler ici, et c’est aussi pourquoi il nous faut entendre toutes les sensibilités et, bien sûr, écouter nos concitoyens qui s’inquiètent.

Mes chers collègues, parce que le Sénat doit jouer son rôle, le RDSE préfère le débat. Aussi, la grande majorité d’entre nous ne votera pas cette motion référendaire.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dépôt d’une motion référendaire s’inscrirait dans une stratégie – je cite ses auteurs – « visant à combattre sans obstruer ».

Stratégie ou stratagème ? Nous sommes en droit de nous interroger…

En effet, les auteurs de la motion crient au scandale sur l’allongement de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans, en expliquant que l’on pousse les Français à travailler plus longtemps. Mais n’est-ce pas la réforme Touraine, mes chers collègues, qui prévoit une durée de cotisation de 172 trimestres, soit 43 ans, pour bénéficier d’une retraite à taux plein ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon. Or la moyenne d’âge d’entrée sur le marché du travail est de 22 ans, et si je compte bien : 22 plus 43, c’est égal à 65.

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Vous allez me répondre que les Français peuvent toujours partir à 62 ans. Oui, mais avec quelle pension ? N’ayant pas une retraite à taux plein, celle-ci subira une décote. C’est une machine à créer des retraités plus pauvres, et nous ne le voulons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Invoquer le référendum pour donner la parole au peuple sur un sujet qui le concerne directement témoignerait d’une volonté démocratique affirmée.

Tel est le synopsis, mais qu’en est-il vraiment, monsieur le président Kanner ? Pourquoi déposer une motion référendaire dont les chances d’aboutir semblent bien minces ? Pourquoi déposer une telle motion qui, si elle devait aller jusqu’à son terme, reviendrait à dessaisir le Parlement de son pouvoir de débattre, d’amender et, donc, d’améliorer un texte particulièrement important ?

En effet, à travers le prisme de la retraite, nous parlons de travail, d’égalité entre les hommes et les femmes, de justice sociale, de santé – sujet qui m’est cher –, de vieillissement. C’est donc un projet de société qui sous-tend ce texte, et il serait illusoire et bien naïf de penser qu’un référendum permettrait de répondre aux différents enjeux de la réforme des retraites.

Au nom d’un retour à une légitimité populaire qui s’exprimerait via un instrument de démocratie directe, la proposition de recourir au référendum revient à empêcher tout débat au fond.

Pour être pertinent et exprimer une réelle volonté populaire, le référendum doit porter sur des questions claires, précises, concises et limitées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme le référendum sur la Constitution européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La complexité des situations liées à la retraite permet-elle de répondre à ces exigences ? Le référendum ne risque-t-il pas de se muer en plébiscite entraînant une personnalisation extrême du débat, masquant les enjeux et cristallisant les tensions d’une société fracturée ?

Vous me permettrez de rappeler les propos du professeur Dominique Rousseau, lui-même déjà cité hier par notre collègue Éliane Assassi : « La démocratie a besoin d’institutions intermédiaires pour fonctionner sereinement et éviter une personnalisation excessive du pouvoir. Le référendum laisse penser que ces institutions sont un obstacle à la démocratie alors qu’elles sont précisément les instruments qui font passer de la barbarie à la civilisation. »

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Marques de scepticisme sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

C’est pourquoi je m’interroge sur cette volonté de s’automutiler.

Après des débats affligeants à l’Assemblée nationale – tout le monde l’a dit –, qui ont encore davantage assombri l’image des parlementaires et creusé le fossé entre élus et citoyens, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

… il est particulièrement important, voire vital, pour la démocratie représentative que nous assumions notre mission, exprimions clairement nos positions et défendions nos opinions.

Les syndicats ont de ce point de vue, jusqu’à ce jour, fait preuve de responsabilité et joué leur rôle. Les élus politiques seraient-ils moins capables que les élus professionnels de remplir les obligations de leur mandat ? Je pose la question.

Je souhaite, j’espère et je suis persuadé que, tous ensemble dans cet hémicycle, nous saurons, avec détermination et conviction, faire évoluer ce texte, monsieur le ministre.

Cette réforme n’est peut-être pas proposée au bon moment. Il aurait fallu que le Gouvernement prenne en compte les propositions du Sénat beaucoup plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En effet, depuis 2019, la commission des affaires sociales du Sénat recommande l’adoption de la réforme paramétrique des retraites, afin de préserver la soutenabilité financière du système et, donc, sa pérennité pour les générations futures.

Nous devons agir pour ne pas laisser filer les déficits, qui s’élèveront, je vous le rappelle, à plus de 150 milliards d’euros cumulés pour les dix prochaines années. Et ces prévisions sont très optimistes, puisqu’elles se fondent sur un taux de chômage de 4, 5 %.

Cette réforme est donc urgente.

Proposés par la majorité sénatoriale depuis plusieurs années, le report de l’âge légal de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation vont enfin être mis en œuvre.

Mais si nous partageons la philosophie globale du projet visant à garantir la pérennité de notre système, nous avons fait de nombreuses propositions pour améliorer la situation des Françaises et des Français, en particulier celle des seniors, des mères de famille et des enfants orphelins.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Vous n’avez pas dû lire le rapport de nos collègues. Si vous l’aviez fait, vous sauriez que je dis la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous souhaitons également promouvoir un système plus équitable à travers notamment la lutte contre la fraude et la participation de tous les salariés à l’effort du « travailler plus ». Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail au cours de l’examen des articles et de nos discussions.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas renoncer à nous prononcer sur ce texte ; nous ne pouvons pas nous défausser.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas cette motion et consacrera le temps imparti à un débat argumenté, en nous appuyant sur le travail considérable réalisé par nos rapporteurs.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le programme du candidat et futur Président de la République, Emmanuel Macron, comportait effectivement une mesure sur le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, il est vrai malgré tout que beaucoup ont voté pour lui afin de faire opposition au Rassemblement national.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Cela fait plusieurs années qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale le Sénat vote un amendement tendant à la mise en place de cette mesure d’âge.

Évidemment, mes chers collègues, si les comptes de la branche retraite étaient en voie d’amélioration, il serait agréable à tous de renoncer à ce projet, qui, il faut bien le reconnaître, mobilise les syndicats, dont j’ai rencontré les principaux représentants dans mon département, et beaucoup de Français hostiles à la réforme.

Nous savons tous que les comptes de la branche retraite continueront de se dégrader. Ce constat est unanimement partagé – Alain Milon vient encore d’en parler : 14 milliards d’euros de déficit en 2030, et 26 milliards d’euros en 2040.

Comme je l’ai expliqué hier, les raisons en sont simples.

Il faut savoir qu’en 1970 il y avait 4 cotisants pour 1 retraité en France, mais que ce rapport n’était plus que de 2 pour 1 en 2000, puis de 1, 7 pour 1 en 2020.

En 1970, l’espérance de vie moyenne des hommes était de 70 ans, celle des femmes de 76 ans. Elle s’élève désormais à 79 ans pour les hommes et à 86 ans pour les femmes.

En 1970 toujours, la France comptait 4 millions de retraités. Ils sont aujourd’hui 17 millions, et ils seront 21 millions en 2030.

Les générations futures risquent donc de ne plus pouvoir assumer financièrement les régimes de retraite par répartition mis en place en 1945 si l’on augmente les cotisations pour maintenir le pouvoir d’achat des retraités.

En outre, le dynamisme démographique, qui a longtemps été l’une des forces de la France, fléchit.

Les faits sont là. Nous devons débattre de ce texte pour équilibrer les comptes, tout en évitant de majorer le montant des cotisations. Il nous faut donc augmenter la durée du travail, certes le moins possible, afin de maintenir notre système actuel de retraite par répartition et la sécurité sociale.

Voilà aussi pourquoi j’aurais souhaité qu’en amont de l’examen de ce texte sur les retraites nous soit présenté un projet de loi Travail, qui aurait été élaboré après concertation avec les partenaires sociaux.

Il aurait permis aux personnes handicapées, aux invalides, à nos concitoyens concernés par des carrières longues et aux femmes de partir plus tôt à la retraite et de bénéficier d’une meilleure prise en compte des critères de pénibilité.

Je plaide pour une augmentation du nombre de trimestres accordés pour chaque enfant, un soutien à l’emploi des seniors, un cumul emploi-retraite accompagné de nouveaux droits, une meilleure prise en compte des aidants, une revalorisation des petites retraites, l’intégration des années d’apprentissage dans le calcul de la retraite, une valorisation de l’engagement associatif, et bien d’autres mesures que vous allez défendre, mes chers collègues, au travers des amendements que vous avez déposés sur ce texte.

Toutes ces questions me semblent relever de la compétence de la commission des affaires sociales du Sénat.

Je précise que j’ai moi-même déposé un amendement tendant à proposer une clause de revoyure en 2027, afin de dresser un bilan et, pourquoi pas, de prévoir de nouveaux modes de financement si la situation l’exigeait, ou, à l’inverse, de faire machine arrière si ce n’était pas le cas – même si cela m’étonnerait.

Pour en revenir à la motion référendaire, mes chers collègues, quelles questions envisagez-vous de poser à nos compatriotes ? Vous les interrogerez certainement sur le recul de l’âge légal de départ à la retraite, mais les questionnerez-vous sur la suppression de la loi Touraine votée durant le quinquennat de François Hollande, qui prévoyait 172 trimestres, soit 43 ans de cotisation pour une retraite complète ?

Je rappelle que, si nous nous en tenions au droit en vigueur, c’est-à-dire à cette loi Touraine, une personne née en 1971, qui entrerait sur le marché du travail à 21 ans, partirait avec une retraite à taux plein 43 ans plus tard, c’est-à-dire en 2035 à l’âge de 64 ans…

François Hollande a-t-il réalisé cette réforme pour brimer les Français ? Non ! Mais bien pour équilibrer les retraites.

Les Français savent bien qu’une réforme ne peut se résumer à une simple question fermée sur autant de projets essentiels pour nos concitoyens. Il est donc nécessaire d’avoir un véritable débat démocratique et le Sénat peut amender ce texte pour mieux tenir compte des situations particulières.

Par ailleurs, je le rappelle, aucun des précédents projets de réforme des retraites n’est passé par la voie du référendum. Nous souhaitons donc débattre, amender ce texte, pour aboutir à une réforme la plus juste possible.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires rejettera cette motion référendaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen d’une motion référendaire – une première dans cet hémicycle depuis une décennie – est un moment d’une extrême gravité démocratique.

Nous, en tant que parlementaires, n’avons pas vocation à nous dessaisir de la mission de délibérer et de voter la loi que nous ont confiée les citoyennes et les citoyens. Si nous sommes favorables à une plus forte implication des citoyens dans la fabrique de la loi, le caractère binaire du référendum semble souvent peu compatible avec l’exercice complexe que sont la rédaction et le vote de la loi.

Alors, pourquoi déposer cette motion ?

Tout d’abord, parce que ce débat parlementaire est une farce. Le Gouvernement a choisi un véhicule législatif inadapté, jamais utilisé pour une réforme de cette ampleur, qui corsète le débat dans le temps et dans l’espace en interdisant de l’élargir au-delà des paramètres financiers, symbole s’il en est qu’à vos yeux le travail n’est qu’un coût.

Au moins, en son temps, Édouard Philippe avait eu le courage de proposer un véritable projet de loi et de défendre une vision. Nous contestions celle-ci, mais elle avait le mérite de proposer autre chose qu’une réforme de comptables en costume gris, destinée à faire payer aux travailleurs les cadeaux fiscaux offerts aux entreprises et aux plus aisés.

Le Sénat doit donc examiner – et c’est une délétère première historique – un texte qui n’a pas été voté par l’Assemblée nationale, qui doit absolument être examiné avant le 12 mars minuit, faute de quoi le carrosse redeviendra citrouille.

Mais – et nous sommes ici en Absurdie –, la citrouille peut tout de même faire l’objet d’un examen en commission mixte paritaire ou d’une adoption par ordonnance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

M. Guillaume Gontard. La Ve République n’est jamais en reste pour piétiner le Parlement

M. Roger Karoutchi dodeline de la tête.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Isolé ? Ou devrais-je plutôt dire assiégé. Non contents de mépriser le Parlement, de mépriser les partenaires sociaux et de lever contre vous un front social uni comme rarement, c’est le peuple de France tout entier que vous méprisez.

Depuis des mois, tous les sondages affichent une opposition ferme et constante, oscillant entre les deux tiers et les trois quarts de nos concitoyens.

Plus vous méprisez leur intelligence et invoquez le besoin de faire la pédagogie de votre réforme, plus les Français s’y opposent. Les manifestations enregistrent, semaine après semaine, des records de participation et les préavis de grève tombent, les uns après les autres, pour faire du 7 mars et de la prochaine semaine un moment illustre de l’histoire du mouvement social !

Alors que nous sortons à peine de la pandémie, alors que la guerre gronde aux frontières orientales de l’Europe, alors que l’inflation explose, alors que la crise climatique nous heurte plus fort que jamais au point de nous obliger à rationner l’eau source de toute vie, vous n’avez aucun scrupule à conduire le pays tout entier au blocage. Mais pour répondre à quel besoin ? Ou à quelle urgence ? Est-elle nécessaire en raison d’un agenda caché de vos négociations avec la Commission européenne ? Ou encore en raison de la seule fierté, mal placée, du Président de la République, qui considère que le barrage à l’extrême droite vaut adoubement de sa royale personne et qui n’a même pas pris la peine d’étudier la composition de la potion qu’il entend faire boire au pays et à laquelle il n’a visiblement pas compris grand-chose ?

Le retrait de ce texte s’impose. Cependant, pour vous éviter de perdre la face, nous vous proposons une solution de substitution : soumettez donc ce projet, dont vous êtes si fiers, à l’approbation des Françaises et des Français. Ils sont 70 % à le demander, 70 % à vouloir se prononcer sur cette réforme, 70 % à vouloir être maîtres de leur propre destin, 70 % à vouloir exprimer leur parfaite compréhension de votre projet, de ces prétendues mesures de justice, d’égalité femmes-hommes et de prise en compte de la pénibilité.

Tout à sa réélection, dont il ne cesse de se prévaloir abusivement, Emmanuel Macron, alors interrogé sur la possibilité d’avoir recours au référendum pour la réforme des retraites, déclarait le 11 avril dernier : « Je n’exclus pas le référendum pour quelque réforme que ce soit. Je l’ai dit, je suis pour le retrouver. Notre discussion me permet de clarifier des choses. » L’occasion est ici toute trouvée. Ce même Emmanuel Macron, qui en appelait au bon sens des Français, a l’occasion de leur faire réellement confiance.

Mes chers collègues, notre démocratie est malade. Il est inconcevable de trouver dans nos deux chambres une nette majorité pour un projet rejeté par la grande majorité de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Notre représentativité est dramatique et notre légitimité est menacée.

Il convient, une fois n’est pas coutume, de nous dessaisir de cette réforme, de ne pas voter brutalement dans un déni de démocratie manifeste cette réforme bricolée dont personne ne veut. Nous avons besoin, comme le disait de Gaulle, de savoir ce qu’il en est dans les esprits et dans les cœurs. Mes chers collègues de droite, soyez gaullistes, n’ayez pas peur du peuple, votez cette motion référendaire !

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un entretien au journal Le Monde, l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon souligne que, si le Président de la République peut se prévaloir d’une légitimité procédurale née de son élection, il lui manque la légitimité sociale fondée sur l’intérêt général et la perception citoyenne.

Nombreux sont les Français et les Françaises qui ont utilisé le bulletin de vote Macron pour faire barrage à l’extrême droite et non pas pour soutenir sa réforme des retraites.

Le Président de la République ne peut se prévaloir d’une légitimité pour faire cette réforme, alors même que la France se soulève, qu’elle sera à l’arrêt le mardi 7 mars pour dire son opposition.

Cela a été rappelé, notre système de retraite est l’héritage de combats et de conquêtes sociales passées.

Rien ne justifie une telle obstination, renforcée par la droite sénatoriale : notre système actuel est excédentaire en 2022 et son évolution est contrôlée.

Le rapport du Conseil d’orientation des retraites l’affirme : il n’y a ni urgence ni nécessité.

Le déficit se résorbera grâce aux réformes entreprises pour stabiliser la part des retraites dans notre PIB.

Il existe non pas un dérapage des dépenses, mais la nécessité d’ajuster les recettes.

Nous avons des propositions réalistes en faveur d’un ajustement soutenable et équitable sans pour autant imposer deux ans de travail obligatoire pour toutes et tous !

La mobilisation inédite des Français et des Françaises exprime avec force et détermination qu’ils ne veulent pas travailler deux années de plus, alors que les conditions de travail les rendent incapables de poursuivre leur activité.

Votre réforme ne fait que des perdants, certains plus que d’autres, et les plus touchés sont les catégories populaires et les femmes.

Le Président de la République déclarait lui-même pendant la campagne présidentielle de 2017 : « Après plus de vingt ans de réformes successives, le problème des retraites n’est plus un problème financier. » Or voilà qu’aujourd’hui l’urgence financière justifie votre choix de recourir à un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Venons-en donc à la forme.

Tous les Français sont concernés par les retraites. Vous affirmez que le Président a été élu en portant à leur connaissance cette réforme, mais vous omettez de rappeler que le troisième tour des élections nationales directes de 2022 ne vous a pas donné une majorité solide à l’Assemblée nationale pour la mener à bien et, par conséquent, nous examinons au Sénat un texte qui n’a pas été soumis à son vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

En restreignant le temps des débats au Parlement, en utilisant l’article 47-1 de la Constitution, vous avez vous-même créé les conditions de l’obstruction.

Comment pouvez-vous considérer la réforme des retraites comme une simple rectification budgétaire, qui n’a d’ailleurs que de faibles effets sur l’année 2023, alors que vous privez nos compatriotes concernés des deux meilleures années de leur retraite ?

L’usage de cette procédure d’urgence et le contenu du projet de loi sont contestés par le Conseil d’État et le seront bientôt par le Conseil constitutionnel.

Exclamations ironiques de M. Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Face à l’incapacité du Gouvernement à faire voter ce texte dans les deux chambres, soyez à l’écoute de l’opposition du peuple ! Je vous appelle à voter cette motion référendaire en vertu de l’article 11 de la Constitution pour que le peuple tranche.

Un référendum sur un sujet aussi essentiel que celui des retraites permettrait au Gouvernement de vérifier l’adhésion ou non du peuple français et à M. Macron de vérifier l’exactitude de son postulat quant à l’accord tacite donné par les Français à cette réforme.

Les Français et les Françaises veulent prendre leur retraite de leur vivant, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

… et nous les soutenons avec force.

Vous l’aurez compris, notre groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette motion référendaire pour associer le peuple français à cette réforme de société.

Et j’invite la droite de cet hémicycle à s’y associer…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Mme Annie Le Houerou. … en votant en faveur de cette motion et à s’en remettre au peuple, seul légitime à trancher nos débats dans le contexte de rejet qui s’exprime dans la rue avec une unité syndicale inédite.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le président, madame la présidente de la de la commission, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur, sans surprise, le Gouvernement est défavorable à l’adoption de cette motion référendaire.

J’ai entendu trois questions. En guise de réponse, j’indiquerai quelle est, chaque fois, la position du Gouvernement.

La première question concerne la recevabilité. Nous avons évoqué ce sujet hier : cette réforme doit-elle s’inscrire dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ?

Mme la rapporteure générale et moi-même avons apporté des éléments de réponse et rappelé que le cadre dans lequel nous nous inscrivons, tout comme les conséquences de cette réforme sur les comptes sociaux pour l’année 2023, rend à la fois légitime et recevable le recours à un texte de ce type.

Malgré tout – j’ouvre ici une parenthèse –, il est assez cocasse – si je puis me permettre cette expression – que le Gouvernement se voie reprocher d’avoir organisé une forme d’obstruction. Et ce pour deux raisons.

La première est que le temps de débat dont dispose le Parlement pour examiner cette réforme est supérieur à celui qui avait été prévu pour chacune des deux réformes précédentes.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Le choix du Sénat d’ouvrir un nombre de jours supplémentaires par rapport à l’Assemblée nationale vient illustrer ou conforter celui-ci.

La seconde raison est que, à ma connaissance, ce n’est pas le Gouvernement qui a déposé plus de 20 000 amendements à l’Assemblée nationale, dont certains constituaient des séries identiques. J’avais alors davantage hâte d’aborder les sujets de fond que d’examiner ces amendements identiques.

La deuxième question porte sur la légitimité ou l’intérêt de maintenir l’examen de la réforme des retraites, de travailler sur ces questions, dans le cadre du Parlement.

Je crois très fortement à la légitimité de la démocratie représentative et du Parlement pour débattre des retraites. J’y crois, parce que l’histoire récente nous a montré que toutes les réformes des retraites depuis 1981 ont été examinées par le Parlement.

Il n’existe qu’une légère différence avec celle qui a été mise en œuvre en 1981, que certains orateurs ont évoquée, puisqu’elle l’a été par voie d’ordonnance après que le Parlement eut habilité le gouvernement d’alors à le faire. Mais le Parlement a toujours été saisi de cette question des retraites et, ainsi, a pu accompagner, mettre en œuvre des progrès très substantiels pour l’ensemble des assurés.

Je ne prendrai qu’un exemple, évoqué notamment par le président Jean-Claude Requier, celui des carrières longues.

Dans un passé récent, celui des vingt dernières années, avant 2003, l’âge de départ à la retraite était fixé à 60 ans, la durée de cotisation requise était de 37, 5 ans. Dans le système tel qu’il existait à l’époque, un assuré qui faisait des études – qui préparait une licence ou une maîtrise –, qui entrait sur le marché du travail à l’âge de 22, 5 ans et qui travaillait exactement 37, 5 ans, bénéficiait d’une retraite à taux plein à 60 ans. Or, dans le même temps, ses camarades de classe à l’école pouvaient commencer à travailler très tôt – à l’âge de 14, 15 ou 16 ans – et devaient aller jusqu’à 60 ans et ainsi cotiser 44, 45, 46 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

MM. David Assouline et Pierre Laurent se récrient.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

La création du dispositif des carrières longues par la réforme de 2003 a apporté une première réponse à ces situations. Depuis lors, chaque réforme examinée, débattue et adoptée par le Parlement a permis de réduire cet écart de durée de cotisation à l’échelle d’une vie pour aboutir actuellement à une situation – ce sera encore plus vrai si cette réforme est adoptée – où l’écart de durée de cotisation requise sera finalement réduit à moins d’un an, parfois à quelques trimestres, …

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

… parce que la perfection en la matière n’existe pas, on le sait.

Ce seul exemple montre l’intérêt que le Parlement se saisisse de ces sujets, les creuse, les amende, les approfondisse et apporte des dispositions techniques qu’un examen par voie référendaire ne permettrait pas.

Enfin, la troisième question porte justement sur l’intérêt ou, plutôt, sur l’opportunité de soumettre ce débat et cette réforme a une question référendaire.

Comme plusieurs intervenants l’ont rappelé, la complexité du sujet – je l’indiquais hier dans ma réponse lors de la discussion générale – interdit cette démarche. En effet, aucune réponse binaire ne peut constituer une réponse à la question des retraites.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

La question des femmes, et en particulier celle des mères, a été abordée par plusieurs intervenants sous des angles très différents. Ainsi ont été évoquées les questions relatives aux trimestres accordés et validés à l’occasion d’une maternité ou pour l’éducation des enfants.

Je suis absolument convaincu, mais cela peut faire l’objet d’un débat, qu’aucun couple, qu’aucun parent, qu’aucune femme ne décide d’avoir un enfant pour espérer obtenir en contrepartie des trimestres ou une majoration de pension. C’est un projet de vie, c’est un projet personnel, c’est une construction.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

En revanche, je suis tout autant convaincu que la maternité, tout comme le fait d’élever des enfants, peut constituer un frein, voire un empêchement, à cotiser, un frein à la progression et à la promotion professionnelles et donc un facteur d’inégalité professionnelle.

Notre système de retraite ne compte aucune disposition qui soit de nature à marquer ou à créer une inégalité entre les femmes et les hommes. Il traduit, dans le calcul des pensions, non pas une volonté d’inégalités, mais leur accumulation tout au long de la vie. C’est la question de l’égalité professionnelle qui apportera la seule et véritable réponse soutenable à la question de l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes.

En revanche, notre système ne doit pas empêcher de réparer. Pour cette raison, j’ai indiqué hier combien nous regardions avec bienveillance l’amendement proposé par le président Bruno Retailleau et retenu par la commission des affaires sociales. En effet, son adoption permettrait à des femmes ayant des carrières hachées – je parle uniquement des trimestres liés à la maternité : quatre dans le régime général, deux dans le secteur public ; et cela renvoie au débat sur les droits familiaux que j’évoquais – de compléter leur carrière grâce à ces trimestres validés et d’éviter la décote. C’est ce qui se passe actuellement et c’est pour cette raison que ces trimestres ont été pensés, dans un premier temps, comme des contreparties à des trimestres qui ne pouvaient être cotisés lors de la grossesse et de l’accouchement et, dans un deuxième temps, comme une réponse, peut-être, aux carrières hachées.

Mais, depuis l’augmentation en 2003 de l’âge de départ à la retraite, ces trimestres dits « de maternité » peuvent, dans certains cas, pour les femmes qui ont une carrière complète ou quasi complète, perdre d’une certaine manière leur utilité dès lors que la carrière peut être complète sans qu’il soit besoin de ces trimestres.

Dans ce cas, leur utilité peut être questionnée. Ils peuvent alors compenser non pas une incapacité à cotiser pendant un temps, mais les inégalités de carrière que peut encore malheureusement susciter le fait d’avoir des enfants et de consacrer du temps à leur éducation.

La solution qui est ainsi proposée, à savoir maintenir ce bénéfice de temps pour les femmes dont la carrière est hachée, mais permettre à celles ayant une carrière complète ou quasi complète de bénéficier, quelques trimestres avant l’âge d’ouverture des droits, d’une surcote en matière de pension – car, la démonstration est peut-être un peu simpliste, si elles ont réussi à avoir une carrière complète, cela signifie que leur grossesse et leur maternité les ont empêchées non pas de mener une carrière, mais de progresser aussi rapidement que leurs collègues hommes –, nous paraît une solution intéressante, posant une première brique au chantier des droits familiaux que nous aurons à aborder dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

J’ai pris cet exemple, qui renvoie de nouveau à la complexité que j’évoquais hier, pour souligner qu’une question binaire, à laquelle on répondrait par oui ou par non, est une question trop simple, trop directe et, par conséquent, inopportune pour aborder une réforme comme celle-ci.

Je compte davantage sur la richesse des débats du Parlement pour permettre d’améliorer le texte.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique de la motion de renvoi au référendum.

En application de l’article 11 de la Constitution et des articles 67 et 68 du Règlement, le Sénat propose au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi n° 368 (2022-2023) de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de mettre aux voix l’article unique de la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre à référendum le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, je donne la parole à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien sûr, nous sommes légitimes à débattre, et d’ailleurs nous le ferons, même s’il est vrai que, si nous nous écoutons, pour autant nous ne nous convainquons pas.

Bien sûr, aussi, nous vivons une crise démocratique d’une grande profondeur, tant l’écart entre le peuple et le Gouvernement ne cesse de s’accroître, et tant l’écart entre l’immense majorité de nos concitoyens et la majorité de notre chambre est grand.

Des millions de personnes manifestent. Le sentiment d’injustice sociale est d’une profondeur rarement atteinte. L’unanimité syndicale s’exprime face à cette réforme. Mes chers collègues, si rien ne bouge, le populisme s’en nourrira.

Alors, comment sortir de cette crise démocratique ? Nos collègues du groupe Union Centriste appellent à l’ouverture d’un grand débat social. Pour ma part, je trouve cette position très intéressante et très intelligente, tant il est impossible de parler des retraites sans parler du travail lui-même, ce que le cadre d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ne permet pas.

Mais cette proposition de nos collègues centristes suppose une seule chose, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Mais cette proposition de nos collègues centristes suppose une seule chose, …

Sourires sur les travées du groupe UC.

Sourires sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

… à savoir que le débat commence par ce round social et non pas par le vote d’une loi.

Or nous faisons tout à l’envers sous l’impulsion de ce gouvernement : nous changeons le mix énergétique avant de débattre des choix énergétiques et nous votons une réforme des retraites avant de débattre du travail. Il s’agit d’un problème démocratique qui nourrira les populistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

… à savoir que le débat commence par ce round social et non pas par le vote d’une loi.

Or nous faisons tout à l’envers sous l’impulsion de ce gouvernement : nous changeons le mix énergétique avant de débattre des choix énergétiques et nous votons une réforme des retraites avant de débattre du travail. Il s’agit d’un problème démocratique qui nourrira les populistes !

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Des citoyens appellent à la tenue d’une convention citoyenne sur les retraites. Je l’avoue, cette idée me séduit.

En effet, en tant que « jeune » sénateur, je m’étonne que nous ne parvenions, en aucun cas, à dégager des consensus au sein de cet hémicycle, alors que les conventions citoyennes portant sur des sujets aussi délicats que la fin de vie ou le climat sont capables d’élaborer ces consensus.

Ce problème doit nous faire réfléchir, nous parlementaires, à la façon dont le débat est bloqué au sein de nos institutions.

Il reste alors la dernière proposition, celle du référendum. Elle a de graves inconvénients, notamment en raison de son caractère binaire. Cependant, il n’est jamais honteux de redonner au peuple la capacité de décider.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Des citoyens appellent à la tenue d’une convention citoyenne sur les retraites. Je l’avoue, cette idée me séduit.

En effet, en tant que « jeune » sénateur, je m’étonne que nous ne parvenions, en aucun cas, à dégager des consensus au sein de cet hémicycle, alors que les conventions citoyennes portant sur des sujets aussi délicats que la fin de vie ou le climat sont capables d’élaborer ces consensus.

Ce problème doit nous faire réfléchir, nous parlementaires, à la façon dont le débat est bloqué au sein de nos institutions.

Il reste alors la dernière proposition, celle du référendum. Elle a de graves inconvénients, notamment en raison de son caractère binaire. Cependant, il n’est jamais honteux de redonner au peuple la capacité de décider.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mes chers collègues, après chaque élection, on découvre un taux d’abstention abyssal, on fait de grandes déclarations sur la crise démocratique, puis, le temps passant, on finit par oublier la gravité du décrochage d’une large partie de notre population, notamment issue du monde salarié, à l’égard des choix politiques du pays.

Pourquoi ? Parce que depuis des années sont votées des réformes qui, à la manière d’un rouleau compresseur, attaquent notre modèle social et notre modèle républicain. Et rien ne peut jamais être fait pour y remédier. On vote, on fait le choix de l’alternance sans que cela change véritablement les choses. On vote en faveur d’un président mettant en avant son programme, tout son programme, alors qu’il a été élu pour faire obstacle à Marine Le Pen !

Les gens ne croient plus à cette démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mes chers collègues, après chaque élection, on découvre un taux d’abstention abyssal, on fait de grandes déclarations sur la crise démocratique, puis, le temps passant, on finit par oublier la gravité du décrochage d’une large partie de notre population, notamment issue du monde salarié, à l’égard des choix politiques du pays.

Pourquoi ? Parce que depuis des années sont votées des réformes qui, à la manière d’un rouleau compresseur, attaquent notre modèle social et notre modèle républicain. Et rien ne peut jamais être fait pour y remédier. On vote, on fait le choix de l’alternance sans que cela change véritablement les choses. On vote en faveur d’un président mettant en avant son programme, tout son programme, alors qu’il a été élu pour faire obstacle à Marine Le Pen !

Les gens ne croient plus à cette démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il est donc fondamental de trouver un nouvel équilibre entre le choix de recourir au référendum, qui donne la parole au peuple et qui en règle générale encourage ce dernier à voter, et la démocratie représentative. Si nous n’avançons pas en nous appuyant sur ces deux jambes, celles-ci en seront toutes deux affaiblies.

Or de quoi s’agit-il en l’occurrence ? Il ne s’agit pas de détails ; des amendements à un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) peuvent toujours être adoptés pour améliorer la condition de la retraite des femmes ou un autre point. Il s’agit en réalité de l’essentiel. Le référendum doit porter sur l’essentiel, à savoir le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, que notre pays refuse massivement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il est donc fondamental de trouver un nouvel équilibre entre le choix de recourir au référendum, qui donne la parole au peuple et qui en règle générale encourage ce dernier à voter, et la démocratie représentative. Si nous n’avançons pas en nous appuyant sur ces deux jambes, celles-ci en seront toutes deux affaiblies.

Or de quoi s’agit-il en l’occurrence ? Il ne s’agit pas de détails ; des amendements à un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) peuvent toujours être adoptés pour améliorer la condition de la retraite des femmes ou un autre point. Il s’agit en réalité de l’essentiel. Le référendum doit porter sur l’essentiel, à savoir le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, que notre pays refuse massivement !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Ne pas vouloir y recourir, c’est creuser la tombe de notre vision républicaine, c’est creuser la tombe de notre démocratie !

Mes chers collègues – et néanmoins amis – du groupe Les Républicains, je vous rappelle non seulement la position du général de Gaulle à l’égard du référendum, mais aussi que Mme Pécresse annonçait, avec tambour et trompette, un référendum sur l’immigration. Alors, ne nous dites pas que le référendum n’est pas une bonne chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Ne pas vouloir y recourir, c’est creuser la tombe de notre vision républicaine, c’est creuser la tombe de notre démocratie !

Mes chers collègues – et néanmoins amis – du groupe Les Républicains, je vous rappelle non seulement la position du général de Gaulle à l’égard du référendum, mais aussi que Mme Pécresse annonçait, avec tambour et trompette, un référendum sur l’immigration. Alors, ne nous dites pas que le référendum n’est pas une bonne chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Eh bien, la trompette, c’est le retrait !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Eh bien, la trompette, c’est le retrait !

Rires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Rires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Le constat est sans appel : selon l’Institut français d’opinion publique (Ifop), 75 % des ouvriers et employés, 63 % des cadres sont opposés à la réforme, tandis que 59 % des Français sont favorables à une augmentation des cotisations. Selon Elabe, les actifs jugent la réforme injuste pour 77 % d’entre eux, inefficace pour 66 %, pas nécessaire pour 61 %. Et 72 % des actifs soutiennent la mobilisation, cependant que 60 % d’entre eux souhaitent qu’elle se durcisse par des blocages.

Aussi, pour 59 % des Français, le responsable du conflit social et des blocages, c’est le Gouvernement.

Toutes ces enquêtes ne font que mettre au jour l’opposition massive et sans équivoque de la population et des actifs, qui trouvent également que le retrait de la réforme est non négociable.

La démocratie est le régime du peuple, pour le peuple, par le peuple. Pourtant, vous niez la légitimité sociale de la population et des syndicats majoritairement opposés au projet.

Rosanvallon complète Rousseau, cher collègue Alain Milon, et ce pour la seule légitimité électorale d’avoir été élu, alors que chacun sait que ce résultat est d’abord dû aux circonstances du second tour de l’élection présidentielle, qu’il ne donnait pas de blanc-seing à votre programme et certainement pas à ce recul de l’âge légal de départ à la retraite. Vous faites semblant aujourd’hui de l’oublier, alors que vous le reconnaissiez entre les deux tours pour demander nos voix.

La population doit avoir le droit de débattre de cette réforme et retrouver la parole, alors que vous tronquez aujourd’hui le débat parlementaire. Si le peuple vote contre la réforme du Gouvernement, il ne vous restera comme issue que de retirer cette réforme ou de « dissoudre le peuple », comme le disait Bertolt Brecht.

Pour toutes ces raisons, les écologistes soutiennent cette motion référendaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Le constat est sans appel : selon l’Institut français d’opinion publique (Ifop), 75 % des ouvriers et employés, 63 % des cadres sont opposés à la réforme, tandis que 59 % des Français sont favorables à une augmentation des cotisations. Selon Elabe, les actifs jugent la réforme injuste pour 77 % d’entre eux, inefficace pour 66 %, pas nécessaire pour 61 %. Et 72 % des actifs soutiennent la mobilisation, cependant que 60 % d’entre eux souhaitent qu’elle se durcisse par des blocages.

Aussi, pour 59 % des Français, le responsable du conflit social et des blocages, c’est le Gouvernement.

Toutes ces enquêtes ne font que mettre au jour l’opposition massive et sans équivoque de la population et des actifs, qui trouvent également que le retrait de la réforme est non négociable.

La démocratie est le régime du peuple, pour le peuple, par le peuple. Pourtant, vous niez la légitimité sociale de la population et des syndicats majoritairement opposés au projet.

Rosanvallon complète Rousseau, cher collègue Alain Milon, et ce pour la seule légitimité électorale d’avoir été élu, alors que chacun sait que ce résultat est d’abord dû aux circonstances du second tour de l’élection présidentielle, qu’il ne donnait pas de blanc-seing à votre programme et certainement pas à ce recul de l’âge légal de départ à la retraite. Vous faites semblant aujourd’hui de l’oublier, alors que vous le reconnaissiez entre les deux tours pour demander nos voix.

La population doit avoir le droit de débattre de cette réforme et retrouver la parole, alors que vous tronquez aujourd’hui le débat parlementaire. Si le peuple vote contre la réforme du Gouvernement, il ne vous restera comme issue que de retirer cette réforme ou de « dissoudre le peuple », comme le disait Bertolt Brecht.

Pour toutes ces raisons, les écologistes soutiennent cette motion référendaire.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, mes chers collègues, je rappellerai simplement que le référendum est un outil démocratique qui permet de trancher, dans un moment de doute, un certain nombre de questions. Or nous sommes en plein doute. Par conséquent, recourir au référendum est nécessaire.

Évidemment, des réticences existent, celles du Président de la République et du Gouvernement, pour convoquer un référendum, ce qui ne m’étonne guère. En effet, ils craignent – comme, dans une certaine mesure, nos collègues de la majorité sénatoriale – une remise en cause de leur légitimité. Or ce n’est pas du tout le sujet. Si M. Macron se félicite, cela a été dit, du bon sens des Français, il doit aller au bout de sa logique et favoriser l’expression de ce bon sens et non la craindre.

Rejeter cette motion serait envoyer un très mauvais message aux 90 % d’actifs et aux plus de 60 % de Français qui veulent le retrait de ce texte, parmi lesquels figurent – je voudrais insister sur ce point – des électrices et des électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, mais aussi des électrices et des électeurs qui soutiennent – et ont voté pour eux – les candidates et candidats de la droite, qu’ils soient issus des rangs de Les Républicains ou des centristes, aux dernières élections. Il est possible de s’interroger sur leur niveau de tolérance, car cette réforme s’ajoute à des contraintes financières et sociales qui leur sont imposées depuis plusieurs années.

La colère existe, le ressentiment existe. Il serait temps de sortir de votre bulle pour entendre non seulement les flatteurs, mais, surtout, celles et ceux qui exigent le retrait de ce texte.

Pour notre part, et nous en sommes signataires, nous soutenons cette motion référendaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, mes chers collègues, je rappellerai simplement que le référendum est un outil démocratique qui permet de trancher, dans un moment de doute, un certain nombre de questions. Or nous sommes en plein doute. Par conséquent, recourir au référendum est nécessaire.

Évidemment, des réticences existent, celles du Président de la République et du Gouvernement, pour convoquer un référendum, ce qui ne m’étonne guère. En effet, ils craignent – comme, dans une certaine mesure, nos collègues de la majorité sénatoriale – une remise en cause de leur légitimité. Or ce n’est pas du tout le sujet. Si M. Macron se félicite, cela a été dit, du bon sens des Français, il doit aller au bout de sa logique et favoriser l’expression de ce bon sens et non la craindre.

Rejeter cette motion serait envoyer un très mauvais message aux 90 % d’actifs et aux plus de 60 % de Français qui veulent le retrait de ce texte, parmi lesquels figurent – je voudrais insister sur ce point – des électrices et des électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, mais aussi des électrices et des électeurs qui soutiennent – et ont voté pour eux – les candidates et candidats de la droite, qu’ils soient issus des rangs de Les Républicains ou des centristes, aux dernières élections. Il est possible de s’interroger sur leur niveau de tolérance, car cette réforme s’ajoute à des contraintes financières et sociales qui leur sont imposées depuis plusieurs années.

La colère existe, le ressentiment existe. Il serait temps de sortir de votre bulle pour entendre non seulement les flatteurs, mais, surtout, celles et ceux qui exigent le retrait de ce texte.

Pour notre part, et nous en sommes signataires, nous soutenons cette motion référendaire.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Dans nos débats, invoquer le général de Gaulle souligne souvent l’existence d’un grand trouble dans l’hémicycle. Un grand trouble existe ainsi qu’un désordre institutionnel, dont l’origine ne réside pas dans les débats de l’Assemblée nationale et dans les comportements auxquels nous avons alors assisté, mais est à chercher bien plus loin.

Le chef de l’État est responsable de ce désordre institutionnel. En effet, dès son premier mandat, il a marqué son mépris des organisations intermédiaires et l’a même quasiment théorisé. §Ce mépris des organisations intermédiaires explose aujourd’hui à la figure du Parlement, si je puis dire.

On peut mener une réforme des retraites en négociant avec les organisations syndicales, en ayant l’assentiment d’au moins une partie d’entre elles. Ce fut le cas dans notre histoire, il n’y a pas si longtemps – je vous le rappelle. Pour sa part, le chef de l’État a pris le pari de les contourner. Résultat : un front syndical total.

Remarquez, ce gouvernement est coutumier du fait. Avec les professions de santé, c’est la même chose : il a réussi à toutes les liguer contre lui. Voilà pourquoi il a échoué à signer un accord conventionnel.

Je ferme cette parenthèse, qui, d’ailleurs, n’en est pas une : cette méthode, c’est la ligne de conduite du Gouvernement. Face à un peuple qui dit non, face à des organisations syndicales qui disent non, il imagine une procédure bancale sur le plan constitutionnel, qui donne au Sénat le rôle d’assemblée du peuple, ce que nous ne sommes pas, mes chers collègues : nous sommes la chambre des territoires.

En résulte un désordre institutionnel total, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Dans nos débats, invoquer le général de Gaulle souligne souvent l’existence d’un grand trouble dans l’hémicycle. Un grand trouble existe ainsi qu’un désordre institutionnel, dont l’origine ne réside pas dans les débats de l’Assemblée nationale et dans les comportements auxquels nous avons alors assisté, mais est à chercher bien plus loin.

Le chef de l’État est responsable de ce désordre institutionnel. En effet, dès son premier mandat, il a marqué son mépris des organisations intermédiaires et l’a même quasiment théorisé. §Ce mépris des organisations intermédiaires explose aujourd’hui à la figure du Parlement, si je puis dire.

On peut mener une réforme des retraites en négociant avec les organisations syndicales, en ayant l’assentiment d’au moins une partie d’entre elles. Ce fut le cas dans notre histoire, il n’y a pas si longtemps – je vous le rappelle. Pour sa part, le chef de l’État a pris le pari de les contourner. Résultat : un front syndical total.

Remarquez, ce gouvernement est coutumier du fait. Avec les professions de santé, c’est la même chose : il a réussi à toutes les liguer contre lui. Voilà pourquoi il a échoué à signer un accord conventionnel.

Je ferme cette parenthèse, qui, d’ailleurs, n’en est pas une : cette méthode, c’est la ligne de conduite du Gouvernement. Face à un peuple qui dit non, face à des organisations syndicales qui disent non, il imagine une procédure bancale sur le plan constitutionnel, qui donne au Sénat le rôle d’assemblée du peuple, ce que nous ne sommes pas, mes chers collègues : nous sommes la chambre des territoires.

En résulte un désordre institutionnel total, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

… créé par le chef de l’État, pour ne pas dire un chaos.

On ne peut pas sortir de cette situation de manière apaisée, par la voie parlementaire, et croyez bien que je le regrette. Il n’y a qu’une solution, c’est de retirer ce projet de loi et d’aller vers le peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

… créé par le chef de l’État, pour ne pas dire un chaos.

On ne peut pas sortir de cette situation de manière apaisée, par la voie parlementaire, et croyez bien que je le regrette. Il n’y a qu’une solution, c’est de retirer ce projet de loi et d’aller vers le peuple.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’ai entendu, de la part de ceux qui s’opposent à cette motion référendaire, des plaidoyers pour la démocratie parlementaire. Je prends date !

Le Parlement, Assemblée nationale et Sénat confondus, est bel et bien le fondement démocratique de notre République ; et nous avons très souvent dû le défendre, car il a été brutalisé par différents gouvernements. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, cette brutalisation est même constante : les procédures d’urgence, qui devaient rester exceptionnelles, sont désormais la règle.

Monsieur le ministre, pourquoi brutaliser ainsi le Parlement ?

Nous sommes dans une situation très particulière. Cette réforme majeure va toucher à la vie de millions de nos concitoyens ; or le Président de la République n’a pas été investi par le peuple pour la mener. Si tel avait été le cas, il aurait obtenu une majorité aux élections législatives.

Faute de véritable majorité, le mandat parlementaire du Président de la République et de la Première ministre n’est pas clair. Parallèlement, la mobilisation syndicale est massive et – toutes les enquêtes d’opinion le confirment – les Français sont très majoritairement contre la réforme.

Le seul moyen de dénouer cette crise démocratique, c’est de donner la parole au peuple par voie référendaire…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’ai entendu, de la part de ceux qui s’opposent à cette motion référendaire, des plaidoyers pour la démocratie parlementaire. Je prends date !

Le Parlement, Assemblée nationale et Sénat confondus, est bel et bien le fondement démocratique de notre République ; et nous avons très souvent dû le défendre, car il a été brutalisé par différents gouvernements. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, cette brutalisation est même constante : les procédures d’urgence, qui devaient rester exceptionnelles, sont désormais la règle.

Monsieur le ministre, pourquoi brutaliser ainsi le Parlement ?

Nous sommes dans une situation très particulière. Cette réforme majeure va toucher à la vie de millions de nos concitoyens ; or le Président de la République n’a pas été investi par le peuple pour la mener. Si tel avait été le cas, il aurait obtenu une majorité aux élections législatives.

Faute de véritable majorité, le mandat parlementaire du Président de la République et de la Première ministre n’est pas clair. Parallèlement, la mobilisation syndicale est massive et – toutes les enquêtes d’opinion le confirment – les Français sont très majoritairement contre la réforme.

Le seul moyen de dénouer cette crise démocratique, c’est de donner la parole au peuple par voie référendaire…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Cela veut dire, bien entendu, un débat dans le pays.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Cela veut dire, bien entendu, un débat dans le pays.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique de la motion de renvoi au référendum.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique de la motion de renvoi au référendum.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés344Pour l’adoption93Contre 251Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés344Pour l’adoption93Contre 251Le Sénat n’a pas adopté.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En conséquence, la motion de renvoi au référendum est rejetée et le Sénat va poursuivre la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En conséquence, la motion de renvoi au référendum est rejetée et le Sénat va poursuivre la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à dix-sept heures.

La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à dix-sept heures.