Si mes collègues du groupe CRCE veulent bien m’écouter…
Je veux tout d’abord rappeler que ces règles de recevabilité découlent directement des délais constitutionnels relatifs à l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Garantir la recevabilité des amendements est une façon de s’assurer que le Sénat, dans le délai qui lui est imparti, délibère sur des amendements qui ont effectivement leur place dans un tel texte.
Il s’agit donc d’une réforme des retraites qui est défendue dans un PLFRSS et non d’un projet de loi Retraites ou Travail.
Premier critère de recevabilité : il faut que les dispositions proposées aient un effet sur les recettes ou les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
Comme à l’accoutumée, les amendements qui ont pour objet des dispositifs qui relèvent non pas de la sécurité sociale, mais des régimes complémentaires de l’assurance chômage, de l’État ou encore des collectivités locales ne sont pas recevables.
Ensuite, les dispositions portant sur le droit du travail sont irrecevables, qu’il s’agisse de la négociation collective, de l’emploi des seniors, du compte personnel de formation, ou encore de la santé au travail.
Même si nous remettrons le sort de l’article 2 entre les mains du Conseil constitutionnel, sa présence dans le texte ne suffit pas à assurer la recevabilité des amendements portant sur ces sujets.
Je signale que l’objectif assigné à la Caisse d’amortissement de la dette sociale est de rang organique. Ainsi, sauf à le remettre en cause, ce qui serait irrecevable, toute privation de recettes doit être compensée par une recette qui doit être assise sur l’ensemble des revenus.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel censure régulièrement au fil des PLFSS des dispositions relatives à l’information des assurés. J’ai donc déclaré irrecevables l’ensemble des amendements qui s’y rapportaient.
Enfin, nombre d’amendements avaient pour objet de demander des rapports au Gouvernement. Au-delà de l’avis défavorable de la commission sur ce type de demandes, j’ai apprécié la recevabilité de tels amendements au regard de la jurisprudence très stricte du Conseil constitutionnel, qui a une lecture rigoureuse de l’article L.O. 111-3-12 du code de la sécurité sociale. Ce dernier prévoit en effet que les projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale peuvent contenir des dispositions visant à améliorer « l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale » – j’insiste sur ce point –, c’est-à-dire des dispositifs bien identifiés.
Les rapports prospectifs, dont le seul objet est de se conformer à l’article 40 de la Constitution, relatifs à l’évaluation d’hypothétiques dispositifs, ne sauraient relever de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
De même, les amendements qui, bien que mentionnant l’application des LFSS comme un gage de recevabilité, portant en réalité sur des effets lointains ou diffus, ne sauraient être appréciés comme recevables. Ils peuvent être remplacés par des prises de parole ayant le même objet et le même effet.
J’ai ainsi examiné près de 450 amendements – j’y insiste – ayant pour objet une demande de rapport, soit 9, 5 % du total des amendements déposés. Près de 251 amendements ont été déclarés irrecevables ; il en reste donc environ 200 à examiner, ce qui représente sans doute déjà beaucoup de temps de lecture…
Les règles sont donc les mêmes que pour l’examen du PLFSS, mais avec une contrainte supplémentaire : les amendements déposés doivent avoir un effet en 2023.
En ce qui concerne le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, les irrecevabilités prévues à l’article L.O. 111-3-12 précité sont d’autant plus strictes que l’effet indispensable sur les comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale se doit d’être sensible dès l’année en cours. Tout amendement ayant pour objet un dispositif prenant effet au-delà de 2023 ou repoussant après 2023 l’application d’un dispositif proposé a été ainsi considéré comme irrecevable.
Voici les quelques explications que je souhaitais apporter.
Pour terminer, j’ajoute que, sur l’ensemble du texte, 493 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, sur les 4 734 déposés, soit 10, 4 %. C’est une proportion très largement inférieure à celle qui est constatée pour les PLFSS.
Il reste donc plus de 3 700 amendements à examiner. Le débat aura bien lieu.
Je rappelle qu’il ne suffit pas d’écrire « rapport » ou « comptes sociaux » pour que l’amendement soit recevable !