Intervention de Sébastien Lecornu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 28 février 2023 à 17h30
Audition de M. Sébastien Lecornu ministre des armées

Sébastien Lecornu, ministre :

C'est en effet le cas, pour la force du symbole, pour les LPM récentes. Mais on trouve tous les cas de figure. Certaines LPM se sont même conclues alors que les discussions de la loi de finances avaient déjà commencé. Le Gouvernement sera à la disposition du Parlement.

S'agissant du renseignement, je souligne à nouveau le caractère historique du doublement des crédits consacrés à la DRM et à la DRSD. L'enjeu à l'avenir ne sera pas tant en matière budgétaire qu'en matière de ressources humaines. Nous avons besoin de fidéliser nos agents. C'est spécialement vrai pour la DGSE, et tout particulièrement pour les métiers du cyber. La jeune génération est heureuse de faire ses premières armes au sein de la DGSE mais finit rapidement par rejoindre le secteur privé, attirée par ses offres matérielles. J'aurai des propositions à faire sur ce sujet. Les moyens techniques sont aussi en augmentation : des éléments liés au spatial ou encore aux drones concerneront les services de renseignement. Une grande partie des investissements cyber sont aussi dédiés à ces services. J'aurai l'occasion de présenter devant la délégation parlementaire au renseignement des éléments plus précis.

S'agissant de nos relations avec l'Allemagne, celles-ci n'ont guère changé comparées à ce qu'Alain Peyrefitte rapportait de ses échanges en 1962 dans C'était de Gaulle sur l'OTAN et sur les liens entre l'Allemagne et les États-Unis. Il faut faire preuve de patience sur ce sujet et je ne retirerai pas une ligne de l'échange entre le général de Gaulle et son ministre de l'information. Par ailleurs, il faut rappeler que ce que veulent le chancelier allemand et ses ministres ne correspond pas toujours à ce que veulent les industriels. Ce n'est pas propre à l'Allemagne. De surcroit, les industriels allemands ne sont pas toujours d'accord entre eux et ces désaccords sont plus marqués qu'en France. Il y a des différends internes à l'appareil industriel allemand. Enfin, certaines entreprises allemandes sont déjà des sous-traitants d'industries américaines, ce n'est pas nouveau. C'est notamment le cas pour Rheinmetall.

Nous avons besoin de ces coopérations militaires en matière d'armements, notamment pour amoindrir la facture pour le contribuable français. La rénovation du char Leclerc ne sera pas viable plusieurs décennies. Il faudra donc bien une solution sur ce sujet, sans oublier d'y intégrer les aspects propres aux drones ainsi que ceux liés aux sauts technologiques.

Il faut par ailleurs continuer à diversifier nos partenariats. C'est la raison pour laquelle je m'entretiens très souvent avec mes homologues italien et britannique, notamment s'agissant de l'entreprise MBDA. Il ne faut s'interdire aucune coopération. Concernant le SCAF, je note que certains pays européens se rapprochent désormais de nous, après avoir regardé vers d'autres coopérations. Nous devons rester ouverts, sachant que quoiqu'il arrive, nous aurons besoin d'un nouveau modèle d'avions et d'un nouveau modèle de chars.

S'agissant de l'inflation, nous nous sommes reposés sur les projections de Bercy pour bâtir les perspectives de la LPM. Un impact de l'inflation évalué à 30 milliards d'euros me parait conforme. Je constate qu'on s'intéresse à l'inflation quand celle-ci est haute et qu'on ne s'y intéressait pas quand elle était basse. Nous avons retenu des critères très dégradés et très pessimistes, pour lesquels j'ai bon espoir qu'il y ait des renversements de tendance dans les cinq années à venir. L'annualité budgétaire nous permettra d'opérer des ajustements, à la hausse comme à la baisse.

S'agissant de l'hélicoptère Tigre, beaucoup d'éléments circulent, qui sont souvent inexacts. Ce modèle d'hélicoptère continuera de voler jusqu'en 2035/2040. J'ai demandé aux armées de déterminer si le Tigre standard 3 correspond bien à nos attentes en matière technologique - disposera-t-on d'un hélicoptère déjà dépassé au moment de sa mise en service ? - et en matière de soutenabilité économique - pourra-t-on l'exporter ? Je ne réinterroge donc pas le principe du Tigre standard 3 mais le modèle tel qu'il existe aujourd'hui. J'ai demandé à la DGA, en lien avec les industriels, de mettre à jour ce programme si besoin était.

Les efforts doivent être poursuivis s'agissant des services de soutien. Personne ne comprendrait que la « réparation », mise au coeur de la LPM 2019-2025, s'achève maintenant. Pour l'entretien programmé du matériel, la LPM actuelle prévoyait 35 milliards d'euros. La proposition de la nouvelle LPM est à 49 milliards d'euros. L'augmentation, de 40 %, est spectaculaire. Néanmoins, cela doit se traduire par des effets réels, et non pas par une augmentation des coûts du maintien en condition opérationnelle (MCO). Cela fera partie du dialogue avec la BITD.

Il ne doit y avoir nulle inquiétude sur les OPEX. Les recalibrages sont en cours. Néanmoins, nul ne sait ce que les renforts sur le flanc oriental de l'OTAN donneront dans les mois et années à venir. Il en est de même pour les missions intérieures. Une petite provision est prévue à ce titre pour les Jeux olympiques de 2024.

S'agissant des munitions, beaucoup de commandes sont déjà réalisées. Pour les munitions de 155mm, 5000 ont été commandées en juillet 2022. Pour les missiles moyenne portée (MMP), 200 commandes anticipées ont été passées en décembre 2022. 100 missiles anti-aériens Mistral ont été commandés en décembre 2022. Une commande anticipée commune avec l'Italie a été réalisée pour plus de 200 missiles ASTER en décembre 2022. S'agissant des commandes à venir, 16 000 unités de munitions de 155 mm seront commandées en mars 2023 et trois commandes globales, pour un volume annuel de 15 000 unités de 155 mmm, de MMP et de Mistral, seront aussi passées en mars 2023. Cela montre bien que nous n'attendons pas la prochaine LPM pour intégrer les retours d'expérience de la guerre en Ukraine.

J'ai indiqué que le soutien à l'Ukraine serait sorti de la LPM. Cela concerne essentiellement les cessions de matériels puisque les moyens de maintien en condition opérationnelle (MCO) sont pris sur le fonds de soutien exceptionnel à l'Ukraine de 200 millions d'euros.

Concernant le service national universel (SNU), tous les arbitrages n'ont pas encore été rendus par le Président de la République. Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'un service militaire. Il n'y a donc pas de raison que la LPM comprenne des éléments sur ce sujet. Néanmoins, certains projets qui concernent le ministère des armées pourraient se greffer au SNU. Des réflexions sont ainsi en cours pour des phases de volontariat, servant de passerelles vers les réserves. C'est la raison pour laquelle des provisions pour ces projets sont prévues dans la LPM.

Le tableau relatif aux ressources humaines de la LPM, tel qu'il existe, sera reconduit puisque les objectifs n'ont pas été atteints. 4500 à 5000 ETP n'ont pas été pourvus, non pas par difficulté à embaucher mais par difficulté à fidéliser. Le véritable pivot des ressources humaines est constitué par la réserve. Pour deux militaires d'active, il y aura un militaire de réserve. Cela aura un impact historique sur le format des armées. Il faut chercher à fidéliser ces réservistes qui se sentent parfois inutiles car trop peu convoqués. Il faut également les équiper et les entrainer.

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