Cet exercice est quasiment historique. L'État civil (préfectures, sécurité civile, forces de sécurité intérieure, collectivités territoriales) est largement associé dans les départements concernés. Cet exercice se suffit néanmoins à lui-même pour tester notre modèle d'armée : « qui embrasse trop, mal étreint ». Si nous réalisions un exercice trop large, nous ne pourrions pas en tirer les conclusions opérationnelles pour les armées. Il n'en demeure pas moins que le renforcement de la résilience de l'ensemble de la nation, outre-mer compris, est indispensable. Les élus locaux ont un rôle majeur à jouer. C'est la raison pour laquelle j'entends instaurer un devoir d'information à l'égard des correspondants défense au sein des conseils municipaux. La réserve citoyenne pourra également contribuer à consolider cette résilience.
S'agissant de l'OTAN, plus on se déplace vers l'est de l'Europe, plus la peur est présente au sein de l'opinion. Si l'opinion publique française est inquiète, elle n'a pas peur comme c'est le cas au centre et à l'est de l'Europe. Inconsciemment, notre population a intégré notre dissuasion nucléaire. Les Allemands achètent un avion de chasse américain car cela leur permet de transporter une bombe américaine, ce que ne permet pas un avion de chasse français.
Concernant notre stratégie pour l'Indopacifique, je vous trouve sévère, M. Folliot. Il y a dix ou quinze ans, des exercices comme Pitch Black ou le déploiement de notre sous-marin nucléaire d'attaque Émeraude n'auraient pas pu avoir lieu. Vous avez raison de souligner que les ambitions sont fortes et que les moyens sont parfois trop timides. Mais le terme d' « indigence » que vous avez employé me parait très dur compte tenu des efforts de nos forces armées.
Je ne communique pas sur le nombre de véhicules AMX-10 RC livrés à l'Ukraine. Les chiffres qui ont circulé sont faux. Notre partenaire ukrainien nous attend de manière très pressante sur deux sujets : l'artillerie, avec les lance-roquettes unitaires et les canons CAESAR (matériel nouveau, entretien du matériel déjà livré, obus, carburant et formation) ; la défense sol air (nombre de missiles pour armer les dispositifs Crotale). Les Ukrainiens sont satisfaits du matériel livré : tous les tirs de Crotale sont des tirs d'interception réussis. L'urgence pour mon homologue italien et moi-même est de mettre la pression sur MBDA et Thalès pour que le dispositif SAMP-T (système sol air moyenne portée/terrestre) soit livré le plus vite possible. Ce dispositif est en effet indispensable tant par sa couverture qu'en raison de son efficacité.
Par ailleurs, des discussions se poursuivent sur les avions. Comme l'a indiqué le Président de la République, il n'y a pas de tabou. Des difficultés se posent en matière logistique, de formation, ou encore d'entretien mécanique. L'accès aux munitions est aujourd'hui un défi pour l'ensemble de l'Occident, BITD américaine comprise. La capacité d'endurance de l'armée ukrainienne dépendra de son aptitude à durer sur les volets des munitions et de l'entretien du matériel.
Il est en effet capital que l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN se fasse, conjointement, le plus rapidement possible.
S'agissant du manque d'association en amont du Parlement, j'essaie de faire de mon mieux. Concernant l'Afrique, il était normal que la primeur de nos réflexions revienne aux dirigeants africains. Je vous rendrai compte, pays par pays, de l'avancement des discussions. Je n'en suis qu'au début de ma tournée de visites. Par ailleurs, dans le cadre de la diplomatie parlementaire, il serait utile de multiplier les rencontres avec les parlements des États africains concernés. Les échanges doivent se faire à trois niveaux : entre chefs d'état-major, entre diplomates et entre parlements. À nous tous, nous pourrons bâtir une stratégie innovante. Plus globalement, plus il y aura de débats sur des enjeux géopolitiques à Paris, mieux ce sera.
J'ai lu avec intérêt votre rapport sur l'Indopacifique. Je partage beaucoup de vos propositions, y compris celle d'un découpage en trois ou quatre blocs pour disposer de sous-stratégies. Je trouve en revanche que nous pourrions aller plus loin sur les sujets de formation, de réchauffement climatique ou encore sur notre investissement dans les organisations du Pacifique Sud.
Il faut en effet lancer des initiatives de pédagogie sur l'OTAN et sur le rôle de la France dans l'organisation. Par antiaméricanisme primaire, certains font dire n'importe quoi à la pensée gaulliste, et notamment à la décision de 1966 de retrait de la France du commandement intégré de l'organisation. Je rappelle par ailleurs que la réintégration décidée par le Président Sarkozy en 2007 n'a pas concerné la planification nucléaire, nous assurant ainsi de conserver notre autonomie sur la dissuasion. Plus globalement, il faut également souligner que la France est le troisième contributeur financier et le deuxième contributeur militaire à l'OTAN. Chaque année, chaque pays fait une promesse de mise à disposition de moyens militaires à l'organisation. Entre ce que nous promettons et ce que nous réalisons, la France est le deuxième contributeur net derrière les États-Unis. Ce chiffre n'est pas assez connu !
En outre, je rappelle que dans l'organigramme de l'alliance atlantique se trouvent des Françaises et des Français qui comptent : la présidente de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, ou encore le commandant suprême allié pour la transformation (SACT). La France est par ailleurs nation-cadre en Roumanie. Notre position est singulière, nous sommes jaloux de notre autonomie stratégique. Il faut être au clair sur ce que nous sommes en droit d'attendre ou non de l'OTAN. Nous devons aussi répondre à certains de nos partenaires qui souhaitent que l'OTAN s'intéresse davantage au Pacifique qu'à l'Atlantique nord. C'est l'un des sujets sur lesquels les parlements pourraient être amenés à travailler.
J'aurai l'occasion de revenir sur la réserve citoyenne lors de ma présentation de l'ensemble des stratégies pour les réserves. Il faut renforcer la réserver citoyenne tout en faisant preuve d'une certaine sobriété, certaines distributions de galons ayant posé problème.
Je présenterai le plan famille, qui est en effet clé pour assurer la fidélisation de nos forces. Le ministère des armées est avec le ministère de l'intérieur celui où les mutations sont les plus nombreuses. Une approche par catégories de grades est nécessaire, les mesures à prendre étant différentes selon que les militaires se trouvent en casernement ou non.
Sur la conduite psychologique de la guerre, il ne faut pas céder aux modes médiatiques. Je m'en suis agacé publiquement. Les médias ont concentré leur attention sur la défense sol-air en décembre puis sur les chars en janvier, avant soudainement de ne la porter qu'aux avions en février. Je prends le pari que le mois de mars sera consacré aux obus... Pour garder le soutien de notre opinion publique, et pour tenir collectivement, nous devons conserver une forme de sobriété et de discrétion. Il faut avoir le calme des vieilles troupes !
Les propos du Président de la République sur la mort cérébrale de l'OTAN ne doivent pas être dissociés de leur contexte. La menace russe n'était à l'époque pas la même et cette déclaration avait été faite à l'aune des difficultés rencontrées avec notre allié turc en Méditerranée.