vice-président de la Polynésie française, ministre du Logement, de l'Aménagement en charge du transport interinsulaire. - Au nom du président Édouard Fritch, de l'ensemble des membres du gouvernement et en ma qualité de vice-président de la Polynésie française, je vous adresse mes salutations, Monsieur le président, ainsi qu'à l'ensemble des membres de votre délégation.
Je suis ravi que nous partagions ce temps d'échange pour évoquer cette importante question qu'est la continuité territoriale entre notre Pays et l'Hexagone, distant de quelque 17 000 kilomètres.
Je souhaite également saluer Michel Monvoisin, président-directeur général d'Air Tahiti Nui, Manate Vivish, directeur général d'Air Tahiti, et Marc Houalla, directeur du SEAC.
La Polynésie française dispose de plusieurs compagnies aériennes qui desservent le Pays. Parmi elles, trois entrent dans le cadre des questions liées à la continuité territoriale : Air Tahiti Nui, Air France et French Bee.
Vous nous demandez si nous estimons que la fréquence des liaisons aériennes entre l'Hexagone et la Polynésie française est satisfaisante. La grille des fréquences est établie par les compagnies aériennes en fonction du marché polynésien et du marché touristique depuis l'Hexagone et d'autres pays. Les avions qui arrivent de Paris transitent par les États-Unis via Los Angeles, San Francisco ou encore depuis l'État de Washington.
Comparativement à 2020, année marquée par la crise du Covid, le pays enregistre une légère augmentation des fréquences avec un vol supplémentaire par semaine. En nombre de sièges, nous constatons que la Polynésie française est, en fonction de la saisonnalité, bien desservie par les trois compagnies aériennes locales déjà citées.
Cependant, la concurrence est forte, depuis l'ouverture du ciel aérien polynésien, en particulier sur des destinations régionales des États-Unis. L'arrivée récente de Delta Air Lines, de United Airlines et d'Hawaiian Airlines engendre une émulation et révèle le grand intérêt de nouvelles compagnies pour desservir la Polynésie française.
Vous nous demandez également si nous avons réalisé des tests de marché des compagnies qui desservent la Polynésie française. Comme vous le savez, les études de marché sont généralement effectuées par les compagnies elles-mêmes. Récemment, Delta Air Lines a demandé des droits de trafic sur la Polynésie française. C'est à la suite d'un travail d'analyse et d'étude fourni par la compagnie que cette demande a été examinée. Bien entendu, des discussions ont eu lieu au sein du gouvernement et avec les compagnies existantes pour évaluer la manière dont ces compagnies allaient absorber cette concurrence - sachant que nous souhaitons qu'Air Tahiti Nui, Air France et French Bee ne pâtissent pas de cette concurrence nouvelle. Je précise que ces nouvelles compagnies possèdent également d'autres réseaux fonctionnant à partir de plusieurs États américains vers l'Europe. Ils constituent également une concurrence indirecte pour nos compagnies.
S'agissant de la question n° 3 « Des obligations de service public ou des délégations de service public sont-elles en place sur certaines lignes vers ou au départ de Papeete ? Si oui, quelles sont-elles ? », je vous réponds qu'il n'existe pas aujourd'hui de délégation de service public (DSP) sur la desserte internationale, ni entre la Polynésie française et l'Hexagone. Une tentative de création d'une DSP entre la Polynésie française et la France métropolitaine a été initiée en 2020 par le Gouvernement de l'époque mais le Conseil d'État a annulé cette décision suite à une contestation.
En revanche, il existe une DSP locale car la Polynésie française, qui compte 78 îles habitées, est plus vaste que l'Europe. Son étendue nécessite, d'une part, de se déplacer en avion et, d'autre part, de maintenir certaines lignes déficitaires. Je laisse le soin au directeur général d'Air Tahiti Nui de développer ce point un peu plus tard. Cette DSP, mise en place par le gouvernement, permet de maintenir ces lignes sur 34 aéroports du territoire, tandis que les autres restent dans le domaine concurrentiel. Je reviendrai en détail sur ce point à l'occasion de votre question spécifique sur le sujet.
Vous souhaitez également des précisions sur les dispositifs relatifs à la continuité territoriale et le transport de passagers par voie aérienne et, par ailleurs, des informations sur la part du prix total d'un billet d'avion en moyenne. L'État met en place une aide à la continuité territoriale très appréciée des passagers. Elle est consentie à des familles dont le revenu est modeste et inférieur à un plafond déterminé. Mis en place en 2022, le budget de cette aide a été entièrement consommé. Il permet de prendre en charge quelque 40 % du prix d'un billet d'avion aller/retour, soit 76 000 francs Pacifique (soit 640 euros). Je précise que depuis la réouverture du ciel aérien polynésien, les prix des billets ont augmenté sous l'effet de la hausse de celui du baril de jet fuel. En sens inverse, la baisse de ce dernier qui a été constatée depuis octobre dernier ne semble pas avoir été répercutée sur le prix des billets. Par ailleurs, la plupart des compagnies aériennes, dont Air Tahiti Nui, n'ont pas répercuté la hausse du prix du baril depuis son envolée. Ce constat explique sans doute l'absence de baisse du tarif des billets d'avion.
Pour revenir à la question de la continuité locale, le ministère polynésien de l'éducation soutient également les étudiants non boursiers. Ces derniers bénéficient de l'aide de 40 % du prix d'un billet d'avion aller/retour, applicable aux étudiants et consentie par les compagnies aériennes locales. Je souligne également que l'État devrait augmenter cette aide à la continuité territoriale de manière substantielle au cours de l'année 2023. Je crois que les populations cibles devraient apprécier cette augmentation à hauteur de 111 000 francs Pacifique (soit 935 euros). Bien entendu, cette hausse nécessitera une augmentation du budget.
Vous nous interrogez également sur l'action de l'État, qui gère ces aides sur notre territoire, et vous nous demandez si la réforme des aides intervenue en 2021 nous paraît pertinente. Par ailleurs, vous nous demandez si LADOM intervient sur notre territoire et à quel titre.
Sur ce dernier point, LADOM intervient, en effet, via le dispositif du pôle de continuité territoriale mis en place par l'État et qui assure le suivi et le traitement des dossiers des passeports mobilité études (PME). Au niveau local, ce dispositif compte une cellule de cinq personnes avec une déconcentration de la prise en charge des demandes, notamment pour les îles Sous-le-Vent et les îles Marquises. Ce dispositif fonctionne bien.
En complément de ce dispositif, le gouvernement polynésien a également créé un dispositif dédié aux boursiers polynésiens depuis leur île de résidence jusqu'à l'Hexagone. Cette mesure vise à prendre en charge 100 % du prix des billets d'avion et le remboursement des billets entre leur île d'habitation et Tahiti, où se situe l'aéroport international. Nous pensons que le dispositif d'État pourrait être amélioré s'il ouvrait le passeport mobilité et la mobilité territoriale depuis le lieu de résidence des Polynésiens. En effet, une personne vivant, par exemple, aux îles Marquises doit prendre un vol domestique pour se rendre à Papeete. Le coût du billet aller/retour pour ce trajet est d'environ 600 euros - somme non négligeable au regard du pouvoir d'achat de nombre de Polynésiens.
Encore une fois, je souligne que ce dispositif fonctionne bien et je salue le travail réalisé par les services du Haut-Commissariat localement, puisque le traitement des dossiers est d'environ dix jours, ce qui est très court. Des procédures dématérialisées permettraient sans doute de réduire encore ce délai, notamment pour les populations résidant dans les îles. Je précise que toutes les îles principales bénéficient d'un réseau internet à haut débit, ce qui constitue un bon outil pour rapprocher les populations des administrations et des administrations d'État.
Vous nous avez transmis une série de questions portant sur les collectivités locales. S'agissant de la question n°6 « Votre collectivité met-elle en place des aides à la continuité territoriale en complément ou indépendamment des aides de l'État ? Si oui, préciser les modalités et les montants de ces aides. Comment ce dispositif territorial cohabite-t-il avec celui de l'État ? », je vous informe que la Polynésie française ne dispose pas d'aides à la continuité territoriale. Une continuité territoriale qu'il faut entendre au sens d'un dispositif de droit commun qui permettrait à chacun, même sous condition de ressources, de bénéficier de tarifs préférentiels pris en charge par la collectivité. D'ailleurs, un projet de ce type porté par La Réunion a été rejeté par le Conseil d'État. Nous avons donc bien compris qu'un dispositif de ce type ne pouvait pas être porté par une collectivité territoriale.
En revanche, suite à la crise sanitaire, nous avons mis en place depuis deux ans une DSP, au motif que notre compagnie locale Air Tahiti ne pouvait plus assumer les pertes engendrées par certaines lignes, alors que les lignes profitables venaient jusqu'alors compenser les pertes de ces lignes (au départ de 34 aéroports sur les 47 aéroports que compte le pays).
Bien entendu, nous sommes convenus avec la compagnie que cette situation n'était pas admissible. Nous avons donc travaillé afin de mettre en oeuvre un fonds de continuité territoriale. Ce dernier est alimenté par une contribution sur chaque billet d'avion payé par l'ensemble des passagers selon deux tarifs différenciés : un tarif pour la zone de libre concurrence et un tarif pour la zone des îles les plus éloignées. Aujourd'hui, ce fonds permet d'équilibrer les 34 lignes déficitaires et principalement les lignes qui desservent les îles Marquises, Tuamotu et Australes. Je précise également que dans le cadre de ce dispositif, le niveau tarifaire et les fréquences sont fixés par un arrêté du gouvernement. En fonction de la situation, ces mesures peuvent être révisées annuellement. La compagnie peut, quant à elle, décider de fixer des tarifs moins élevés.
La situation du fonds nous permet, en concertation avec la compagnie, d'entrevoir pour l'année 2023 une baisse des tarifs sur les lignes qui desservent les îles éloignées et une augmentation de la fréquence des vols pour ces îles qui souhaitent se développer ou développer le tourisme. Aujourd'hui, ce fonds dispose de 10 millions d'euros environ.
Au départ, je rappelle qu'il a été en partie subventionné par le Pays. Aujourd'hui, grâce aux recettes de la contribution, cela fonctionne bien. Cependant, j'ai récemment sollicité, au nom de la Polynésie française, l'État pour qu'il participe à l'alimentation de ce fonds. Notre président Édouard Fritch a transmis ce courrier à l'État il y a quelques jours. Par ailleurs, j'ai rencontré il y a quelques mois Jean-Baptiste Djebbari, ministre des transports alors en fonction, pour lui demander si l'État pouvait nous accompagner afin que nous puissions agir davantage pour une baisse tarifaire sur les destinations très éloignées de Papeete. Je tenais donc, Monsieur le président, mesdames et messieurs, à vous informer de cette démarche, qui participe, selon nous, dans le cadre de cette DSP, à la continuité territoriale.