Monsieur le président, Mesdames, Messieurs, chers collègues, dans le cadre de son étude sur la continuité territoriale, dont les rapporteurs sont Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier, nous faisons ce matin escale en Polynésie française après l'océan Indien la semaine dernière. Ces tables rondes géographiques sont indispensables à nos yeux pour saisir la diversité et la complexité des situations, et pour élaborer des propositions concrètes d'amélioration.
Étant actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon, je suis la présente table ronde en visioconférence, mais je tiens à remercier les participants pour cette audition particulière.
Notre vice-présidente Micheline Jacques, que je remercie très chaleureusement, animera à Paris cette réunion en vous donnant bientôt la parole, mais je tiens à saluer dès à présent :
- le représentant du gouvernement de la Polynésie française, M. Jean-Christophe Bouissou, ministre du logement, de l'aménagement en charge du transport interinsulaire ;
- M. Marc Houalla, directeur du Service d'État de l'aviation civile (SEAC) en Polynésie française ;
- M. Manate Vivish, directeur général d'Air Tahiti ;
- M. Michel Monvoisin, président-directeur général d'Air Tahiti Nui.
Messieurs, nous vous remercions vivement pour votre disponibilité et vos éclairages. Bonne audition à tous !
Je cède la parole à Micheline Jacques, vice-présidente de la délégation outre-mer et sénatrice de Saint-Barthélemy.
- Présidence de Mme Micheline Jacques, vice-présidente -
Messieurs, vous allez donc avoir la parole à tour de rôle dans l'ordre que le président Stéphane Artano vient d'énoncer pour une dizaine de minutes chacun, afin de présenter vos observations en vous appuyant sur le questionnaire qui vous a été envoyé. Vous pourrez aussi nous transmettre ultérieurement d'autres précisions par écrit. Ensuite, les rapporteurs interviendront pour vous demander certaines précisions, puis ce sera au tour de nos autres collègues.
vice-président de la Polynésie française, ministre du Logement, de l'Aménagement en charge du transport interinsulaire. - Au nom du président Édouard Fritch, de l'ensemble des membres du gouvernement et en ma qualité de vice-président de la Polynésie française, je vous adresse mes salutations, Monsieur le président, ainsi qu'à l'ensemble des membres de votre délégation.
Je suis ravi que nous partagions ce temps d'échange pour évoquer cette importante question qu'est la continuité territoriale entre notre Pays et l'Hexagone, distant de quelque 17 000 kilomètres.
Je souhaite également saluer Michel Monvoisin, président-directeur général d'Air Tahiti Nui, Manate Vivish, directeur général d'Air Tahiti, et Marc Houalla, directeur du SEAC.
La Polynésie française dispose de plusieurs compagnies aériennes qui desservent le Pays. Parmi elles, trois entrent dans le cadre des questions liées à la continuité territoriale : Air Tahiti Nui, Air France et French Bee.
Vous nous demandez si nous estimons que la fréquence des liaisons aériennes entre l'Hexagone et la Polynésie française est satisfaisante. La grille des fréquences est établie par les compagnies aériennes en fonction du marché polynésien et du marché touristique depuis l'Hexagone et d'autres pays. Les avions qui arrivent de Paris transitent par les États-Unis via Los Angeles, San Francisco ou encore depuis l'État de Washington.
Comparativement à 2020, année marquée par la crise du Covid, le pays enregistre une légère augmentation des fréquences avec un vol supplémentaire par semaine. En nombre de sièges, nous constatons que la Polynésie française est, en fonction de la saisonnalité, bien desservie par les trois compagnies aériennes locales déjà citées.
Cependant, la concurrence est forte, depuis l'ouverture du ciel aérien polynésien, en particulier sur des destinations régionales des États-Unis. L'arrivée récente de Delta Air Lines, de United Airlines et d'Hawaiian Airlines engendre une émulation et révèle le grand intérêt de nouvelles compagnies pour desservir la Polynésie française.
Vous nous demandez également si nous avons réalisé des tests de marché des compagnies qui desservent la Polynésie française. Comme vous le savez, les études de marché sont généralement effectuées par les compagnies elles-mêmes. Récemment, Delta Air Lines a demandé des droits de trafic sur la Polynésie française. C'est à la suite d'un travail d'analyse et d'étude fourni par la compagnie que cette demande a été examinée. Bien entendu, des discussions ont eu lieu au sein du gouvernement et avec les compagnies existantes pour évaluer la manière dont ces compagnies allaient absorber cette concurrence - sachant que nous souhaitons qu'Air Tahiti Nui, Air France et French Bee ne pâtissent pas de cette concurrence nouvelle. Je précise que ces nouvelles compagnies possèdent également d'autres réseaux fonctionnant à partir de plusieurs États américains vers l'Europe. Ils constituent également une concurrence indirecte pour nos compagnies.
S'agissant de la question n° 3 « Des obligations de service public ou des délégations de service public sont-elles en place sur certaines lignes vers ou au départ de Papeete ? Si oui, quelles sont-elles ? », je vous réponds qu'il n'existe pas aujourd'hui de délégation de service public (DSP) sur la desserte internationale, ni entre la Polynésie française et l'Hexagone. Une tentative de création d'une DSP entre la Polynésie française et la France métropolitaine a été initiée en 2020 par le Gouvernement de l'époque mais le Conseil d'État a annulé cette décision suite à une contestation.
En revanche, il existe une DSP locale car la Polynésie française, qui compte 78 îles habitées, est plus vaste que l'Europe. Son étendue nécessite, d'une part, de se déplacer en avion et, d'autre part, de maintenir certaines lignes déficitaires. Je laisse le soin au directeur général d'Air Tahiti Nui de développer ce point un peu plus tard. Cette DSP, mise en place par le gouvernement, permet de maintenir ces lignes sur 34 aéroports du territoire, tandis que les autres restent dans le domaine concurrentiel. Je reviendrai en détail sur ce point à l'occasion de votre question spécifique sur le sujet.
Vous souhaitez également des précisions sur les dispositifs relatifs à la continuité territoriale et le transport de passagers par voie aérienne et, par ailleurs, des informations sur la part du prix total d'un billet d'avion en moyenne. L'État met en place une aide à la continuité territoriale très appréciée des passagers. Elle est consentie à des familles dont le revenu est modeste et inférieur à un plafond déterminé. Mis en place en 2022, le budget de cette aide a été entièrement consommé. Il permet de prendre en charge quelque 40 % du prix d'un billet d'avion aller/retour, soit 76 000 francs Pacifique (soit 640 euros). Je précise que depuis la réouverture du ciel aérien polynésien, les prix des billets ont augmenté sous l'effet de la hausse de celui du baril de jet fuel. En sens inverse, la baisse de ce dernier qui a été constatée depuis octobre dernier ne semble pas avoir été répercutée sur le prix des billets. Par ailleurs, la plupart des compagnies aériennes, dont Air Tahiti Nui, n'ont pas répercuté la hausse du prix du baril depuis son envolée. Ce constat explique sans doute l'absence de baisse du tarif des billets d'avion.
Pour revenir à la question de la continuité locale, le ministère polynésien de l'éducation soutient également les étudiants non boursiers. Ces derniers bénéficient de l'aide de 40 % du prix d'un billet d'avion aller/retour, applicable aux étudiants et consentie par les compagnies aériennes locales. Je souligne également que l'État devrait augmenter cette aide à la continuité territoriale de manière substantielle au cours de l'année 2023. Je crois que les populations cibles devraient apprécier cette augmentation à hauteur de 111 000 francs Pacifique (soit 935 euros). Bien entendu, cette hausse nécessitera une augmentation du budget.
Vous nous interrogez également sur l'action de l'État, qui gère ces aides sur notre territoire, et vous nous demandez si la réforme des aides intervenue en 2021 nous paraît pertinente. Par ailleurs, vous nous demandez si LADOM intervient sur notre territoire et à quel titre.
Sur ce dernier point, LADOM intervient, en effet, via le dispositif du pôle de continuité territoriale mis en place par l'État et qui assure le suivi et le traitement des dossiers des passeports mobilité études (PME). Au niveau local, ce dispositif compte une cellule de cinq personnes avec une déconcentration de la prise en charge des demandes, notamment pour les îles Sous-le-Vent et les îles Marquises. Ce dispositif fonctionne bien.
En complément de ce dispositif, le gouvernement polynésien a également créé un dispositif dédié aux boursiers polynésiens depuis leur île de résidence jusqu'à l'Hexagone. Cette mesure vise à prendre en charge 100 % du prix des billets d'avion et le remboursement des billets entre leur île d'habitation et Tahiti, où se situe l'aéroport international. Nous pensons que le dispositif d'État pourrait être amélioré s'il ouvrait le passeport mobilité et la mobilité territoriale depuis le lieu de résidence des Polynésiens. En effet, une personne vivant, par exemple, aux îles Marquises doit prendre un vol domestique pour se rendre à Papeete. Le coût du billet aller/retour pour ce trajet est d'environ 600 euros - somme non négligeable au regard du pouvoir d'achat de nombre de Polynésiens.
Encore une fois, je souligne que ce dispositif fonctionne bien et je salue le travail réalisé par les services du Haut-Commissariat localement, puisque le traitement des dossiers est d'environ dix jours, ce qui est très court. Des procédures dématérialisées permettraient sans doute de réduire encore ce délai, notamment pour les populations résidant dans les îles. Je précise que toutes les îles principales bénéficient d'un réseau internet à haut débit, ce qui constitue un bon outil pour rapprocher les populations des administrations et des administrations d'État.
Vous nous avez transmis une série de questions portant sur les collectivités locales. S'agissant de la question n°6 « Votre collectivité met-elle en place des aides à la continuité territoriale en complément ou indépendamment des aides de l'État ? Si oui, préciser les modalités et les montants de ces aides. Comment ce dispositif territorial cohabite-t-il avec celui de l'État ? », je vous informe que la Polynésie française ne dispose pas d'aides à la continuité territoriale. Une continuité territoriale qu'il faut entendre au sens d'un dispositif de droit commun qui permettrait à chacun, même sous condition de ressources, de bénéficier de tarifs préférentiels pris en charge par la collectivité. D'ailleurs, un projet de ce type porté par La Réunion a été rejeté par le Conseil d'État. Nous avons donc bien compris qu'un dispositif de ce type ne pouvait pas être porté par une collectivité territoriale.
En revanche, suite à la crise sanitaire, nous avons mis en place depuis deux ans une DSP, au motif que notre compagnie locale Air Tahiti ne pouvait plus assumer les pertes engendrées par certaines lignes, alors que les lignes profitables venaient jusqu'alors compenser les pertes de ces lignes (au départ de 34 aéroports sur les 47 aéroports que compte le pays).
Bien entendu, nous sommes convenus avec la compagnie que cette situation n'était pas admissible. Nous avons donc travaillé afin de mettre en oeuvre un fonds de continuité territoriale. Ce dernier est alimenté par une contribution sur chaque billet d'avion payé par l'ensemble des passagers selon deux tarifs différenciés : un tarif pour la zone de libre concurrence et un tarif pour la zone des îles les plus éloignées. Aujourd'hui, ce fonds permet d'équilibrer les 34 lignes déficitaires et principalement les lignes qui desservent les îles Marquises, Tuamotu et Australes. Je précise également que dans le cadre de ce dispositif, le niveau tarifaire et les fréquences sont fixés par un arrêté du gouvernement. En fonction de la situation, ces mesures peuvent être révisées annuellement. La compagnie peut, quant à elle, décider de fixer des tarifs moins élevés.
La situation du fonds nous permet, en concertation avec la compagnie, d'entrevoir pour l'année 2023 une baisse des tarifs sur les lignes qui desservent les îles éloignées et une augmentation de la fréquence des vols pour ces îles qui souhaitent se développer ou développer le tourisme. Aujourd'hui, ce fonds dispose de 10 millions d'euros environ.
Au départ, je rappelle qu'il a été en partie subventionné par le Pays. Aujourd'hui, grâce aux recettes de la contribution, cela fonctionne bien. Cependant, j'ai récemment sollicité, au nom de la Polynésie française, l'État pour qu'il participe à l'alimentation de ce fonds. Notre président Édouard Fritch a transmis ce courrier à l'État il y a quelques jours. Par ailleurs, j'ai rencontré il y a quelques mois Jean-Baptiste Djebbari, ministre des transports alors en fonction, pour lui demander si l'État pouvait nous accompagner afin que nous puissions agir davantage pour une baisse tarifaire sur les destinations très éloignées de Papeete. Je tenais donc, Monsieur le président, mesdames et messieurs, à vous informer de cette démarche, qui participe, selon nous, dans le cadre de cette DSP, à la continuité territoriale.
Je vous remercie Monsieur le ministre, pour vos propos très complets et très éclairants. Je cède la parole à Monsieur Marc Houalla, directeur de l'aviation civile en Polynésie française.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, Monsieur le ministre, Messieurs les directeurs des compagnies aériennes, Mesdames et Messieurs, je tiens d'abord à vous remercier, et particulièrement à remercier la Délégation sénatoriale aux outre-mer pour son invitation à participer à cette table ronde consacrée à la continuité territoriale entre l'Hexagone et la Polynésie française. Je suis en compagnie de Charles Peretti, directeur adjoint du SEAC Polynésie française.
Je vous rappelle brièvement les missions du SEAC en Polynésie française. Notre rôle est triple, puisque nous exerçons les prérogatives de l'Autorité de surveillance en matière de sécurité aérienne et de sûreté pour l'ensemble de la Polynésie française. Nous veillons également à ce que les opérateurs de l'écosystème aéronautique respectent et appliquent la réglementation en matière de sécurité et de sûreté et nous les accompagnons dans les éventuelles actions correctives qu'ils doivent mettre en oeuvre. Par ailleurs, je représente le Haut-commissaire ainsi que le directeur de l'aviation civile pour les missions régaliennes dans ce domaine, notamment en matière de sûreté, d'environnement et d'obligations économiques dans l'accompagnement de la filière aéronautique. Enfin, et c'est une particularité propre à la Polynésie française, le SEAC Polynésie française est également chargé des services du contrôle aérien.
Je vous propose de présenter quelques éléments du contexte aérien entre la zone Polynésie française et l'Hexagone. Ensuite, je partagerai avec vous une description rapide des infrastructures existantes et je vous décrirai la perception que nous avons de l'offre actuelle des transports ainsi que des tarifs appliqués.
S'agissant des infrastructures aéroportuaires et leurs trafics, la Polynésie française dispose d'un aéroport international et un maillage extraordinaire de 46 aéroports commerciaux domestiques pour un territoire de la taille de l'Europe. Ces infrastructures sont stratégiques pour la collectivité et le territoire et garantissent la continuité territoriale entre l'Hexagone et nos îles.
En termes de trafic, l'année 2022 a connu une forte reprise du trafic, bien au-delà des attentes. Cette hausse a été principalement portée par une augmentation des liaisons : Air France et United Airlines sont passées de 3 à 5 liaisons hebdomadaires, arrivée de Delta Air Lines avec 3 liaisons hebdomadaires entre Papeete et Los Angeles et une nouvelle desserte d'Air Tahiti Nui vers Seattle.
Je vous propose une description rapide du paysage concurrentiel et je vous communiquerai quelques chiffres sur l'évolution de l'offre de sièges et les fréquences en distinguant le trafic entre Papeete et l'Hexagone, et entre Papeete et les territoires de la Polynésie française.
S'agissant de la liaison Papeete/Hexagone, 3 compagnies aériennes (Air Tahiti Nui, Air France et French Bee) proposent des vols entre Tahiti et Paris avec une saine concurrence : 11 fréquences hebdomadaires entre Papeete et Paris, soit 4 400 sièges par semaine (Air France propose 5 fréquences, Air Tahiti Nui 4 fréquences et French Bee 2 fréquences). Je souligne que l'offre actuelle est supérieure à la période pré-Covid (9 fréquences en 2019). Le rebond du trafic aérien est donc très favorable et bénéfique aux Polynésiens.
À cette offre entre Papeete et Paris, il faut ajouter le renforcement de la ligne entre Papeete et Los Angeles avec l'arrivée de United Airlines et de Delta Air Lines qui permettent de déposer, via Los Angeles et San Francisco, des passagers entre Papeete et Paris.
Concernant le trafic entre Papeete et les territoires de la Polynésie française, 12 aéroports appartiennent au secteur de la libre concurrence et 34 autres sont desservis à travers une DSP du pays. La compagnie Air Tahiti est attributaire de la DSP financée par le Pays à hauteur de quelque 10 millions d'euros. Sur la zone de libre concurrence, Air Tahiti sera désormais en compétition avec Air Moana à partir de février 2023 et, potentiellement au cours de l'année 2023, avec Motu Link Airline. Cette compagnie a, en effet, déposé une demande de certificat de transporteur aérien auprès de nos services. Ainsi, sur le segment le plus porteur et le plus concurrentiel, trois compagnies pourraient opérer dans les prochains mois contre une seule aujourd'hui.
Sur le segment Papeete/territoire de la Polynésie française, le trafic domestique a rapidement retrouvé un niveau proche de celui de 2019 dès le début de l'année 2022, notamment grâce à des incitations financières favorables du pays à destination des populations locales. Le trafic domestique était en 2019 de 750 000 passagers, en 2020 de 420 000 passagers et en 2021 de 518 000 passagers. En 2022, il devrait être supérieur à celui de 2019.
S'agissant des tarifs, la liberté tarifaire est la règle pour les transporteurs entre l'Hexagone et les territoires ultramarins. Sous certaines conditions, des aménagements tarifaires sont cependant possibles en droit européen. Ces conditions sont notamment liées à l'obligation de service public prévue par le droit européen. De telles obligations ont déjà été fixées pour les liaisons entre l'Hexagone et les régions ultrapériphériques. Elles prévoient en particulier des réductions tarifaires obligatoires pour les mineurs, les étudiants, les personnes endeuillées et des évacuations sanitaires. La concurrence effective sur les liaisons vers Tahiti et la difficulté à démontrer des besoins vitaux pour le développement économique et social de ces territoires font que le cadre juridique européen ne permet pas de justifier la proportionnalité d'une mesure imposant des prix maximum, si une extension des contraintes tarifaires actuelles devait être envisagée sur ces liaisons.
En l'occurrence, ces besoins vitaux qui sont réels, telles la formation ou la santé, sont bien pris en compte par les aides sociales instaurées dans le cadre de la continuité territoriale. Ainsi, pour un billet aller/retour, la part de la continuité territoriale est d'environ 40 % et pour un aller simple, les données du Haut-Commissariat font état d'une aide représentant 80 % à 90 % du prix. Cette part peut évoluer selon le choix de la compagnie aérienne et la saisonnalité. L'enveloppe annuelle allouée pour financer ces dispositifs du fonds de continuité territoriale en Polynésie française s'élève à 1,1 million d'euros. Sur l'exercice budgétaire 2022, le pôle de continuité territoriale du Haut-Commissariat a consommé 100 % des crédits en Polynésie française, notamment pour les jeunes en formation et les étudiants. Toutefois, afin de compenser la hausse inéluctable du prix du billet d'avion et de contribuer au pouvoir d'achat des résidents ultramarins, le ministère délégué aux outre-mer souhaite apporter en 2023, une évolution à la politique nationale en matière de continuité territoriale via une revalorisation du montant forfaitaire de cette aide à hauteur de 935 euros contre 635 euros actuellement par voyageur. Les conditions d'éligibilité à cette aide restent identiques.
Concernant l'évolution des prix, les compagnies aériennes restent les mieux placées pour transmettre des informations détaillées sur leur politique tarifaire. Cependant, je me permets de vous transmettre quelques éléments de contexte pour comprendre la construction des prix. S'agissant des coûts, ils peuvent être très variables en fonction de la taille de la compagnie et du type de routes exploitées et des services proposés. Néanmoins, la part prépondérante du coût du carburant, de la masse salariale et des taxes et redevances est une constante. Or, tous ces éléments ont augmenté et la parité euro/dollar pèse également dans un secteur où toutes les transactions s'effectuent en dollar.
Par ailleurs, un autre élément influence fortement la construction des prix : l'utilisation par les compagnies de techniques de gestion de la recette qui conduisent, pour un même vol, à proposer une multitude de tarifs pour, d'une part, répondre aux attentes et contraintes des voyageurs et d'autre part, optimiser les recettes. Ainsi, les tarifs varient en fonction de la classe de voyage, de la date de réservation, de la durée du séjour, des conditions d'échange, etc. Si hausse des billets il y a eu, et très sincèrement nous ne l'avons pas perçu, elle peut s'expliquer par une série de facteurs propres à l'ensemble du transport aérien, à la hausse générale des coûts liés à l'inflation et la parité euro/dollar. Les transporteurs devant faire face à l'augmentation de leurs coûts d'exploitation et disposant d'une trésorerie fragilisée par la crise sanitaire, ils sont contraints de reporter, en partie au moins, toute hausse sur le prix des billets. Si une hausse des prix s'est produite en 2022, ce qui n'est pas démontré, elle relève davantage d'un effet de rattrapage, car la tendance sur les dix dernières années montre plutôt une baisse des tarifs. Cependant, ces moyennes annuelles ne doivent pas occulter la forte saisonnalité des prix, notamment lors des pics de trafic de la période estivale et des fêtes de fin d'année.
En conclusion, un paysage concurrentiel est présent pour les liaisons entre l'Hexagone et la Polynésie française. Cette concurrence a contribué à augmenter l'offre de sièges et les fréquences de vols ainsi qu'à amortir la hausse des coûts d'exploitation des compagnies aériennes. Les tarifs actuels sont ainsi sensiblement équivalents à ceux de 2019, bien qu'ils soient, comme partout ailleurs, soumis à une forte saisonnalité.
Je vous remercie Monsieur Houalla. Je cède la parole à Monsieur Manate Vivish, directeur général d'Air Tahiti.
Je ne suis pas directement concerné par les interrogations que vous avez, Air Tahiti étant une compagnie aérienne domestique. Cependant, quelques questions revêtent un intérêt particulier pour Air Tahiti et je m'associe à la description partagée par le vice-président Jean-Christophe Bouissou au sujet des dispositifs mis en place par la Polynésie française à travers les DSP.
Air Tahiti réalise la desserte de l'ensemble des destinations polynésiennes, au nombre de 46. Cette activité était rendue possible grâce à un système de péréquation interne qui nous permettait de compenser les pertes sur certaines lignes grâce à une politique tarifaire pratiquée sur les lignes excédentaires et principalement touristiques comme les îles Sous-le-Vent et notamment Bora-Bora. Ce système a été mis à mal par la crise du Covid, puisque les touristes ne se rendaient plus en Polynésie française. De fait, la compagnie n'a plus été en mesure de compenser ses pertes. Elle s'est donc tournée vers le Gouvernement afin d'étudier la mise en place de solutions. Le pays a agi rapidement en créant deux DSP que le vice-président a évoquées. Ces DSP permettent de contribuer à la desserte des destinations éloignées et à faible population à hauteur de 10 millions d'euros. En dehors de ce dispositif, financé par une contribution payée par tous les passagers, il n'existe pas d'aide particulière aujourd'hui pour les dessertes entre les îles et Tahiti.
Le prix du carburant a plus que doublé sur l'exercice 2022, jusqu'à une augmentation de 104 % sur la période. L'effet de la parité euro/dollar a également beaucoup pesé sur nos marges et sur le prix du carburant qui se négocie en dollar. Le taux du dollar a également fortement impacté les coûts de maintenance de la compagnie. En revanche, cette parité a favorisé la venue de touristes américains en 2022.
Concernant les taxes perçues sur le prix des billets, elles sont variables en fonction de la valeur absolue du prix des billets. En moyenne, elles varient de 10 à 25 % du prix du billet sur les lignes domestiques. En termes de politique tarifaire, nous avons décidé en 2022 de ne pas répercuter les coûts liés à l'inflation sur le prix du billet, alors qu'ils ont été particulièrement sévères en Polynésie française, puisque la hausse du volume du trafic nous a permis de compenser l'augmentation de nos charges. Les tarifs pratiqués en 2022 ont même baissé.
Voilà, en quelques mots, les informations que je pouvais vous communiquer en complément de celles partagées par les précédents intervenants.
Je vous remercie Monsieur le directeur. Je cède la parole à Monsieur Michel Monvoisin, président-directeur général d'Air Tahiti Nui.
En introduction, je souhaite vous présenter Air Tahiti Nui qui dessert des liaisons internationales. Air Tahiti Nui est une société d'économie mixte détenue à 85 % par la collectivité locale. Nous desservons principalement la métropole via des vols directs vers Los Angeles. Depuis peu, nous desservons également Seattle et dans quelques mois nous ouvrirons des vols vers l'aéroport Charles-de-Gaulle depuis cette ville. Le Pacifique est bien couvert grâce à notre liaison vers Auckland avec des accords qui nous permettent de proposer des billets vers l'Australie. Par ailleurs, via le hub Asie et Narita, nous desservons Papeete. Cette route qui a été fermée durant la crise sanitaire devrait rouvrir en octobre 2023.
S'agissant des questions d'ordre général, notre vice-président et Marc Houalla ont déjà répondu à vos interrogations. Je peux cependant compléter leurs propos au sujet de l'offre de transport aérien. Je précise que ce sujet a particulièrement intéressé l'Association internationale du transport aérien (IATA) car elle a été très surprise de la croissance du trafic sur notre territoire qui constitue, selon elle, un record mondial après Covid. French Bee et United Airlines ont généré à elles seules 30 % de croissance. Ainsi, en 2022, l'augmentation de l'offre en sièges après le Covid s'élève à 39 %. Cette concurrence et cette surcapacité ont dû être absorbées et permettent de transporter quelque 650 000 passagers annuellement, parmi eux quelque 50 000 Polynésiens voyagent chaque année, sur les 300 000 habitants de l'archipel.
La capacité d'accueil du territoire est de l'ordre de 280 000 touristes. Mécaniquement, cette surcapacité de sièges entraîne une guerre des prix notamment en classe économique. Les tarifs affichés par certains de nos concurrents sur la ligne Los Angeles/Papeete sont d'environ 450 dollars aller/retour, ce qui équivaut à peu près à un Paris/Nice. Cependant, l'offre aérienne subit la carence de l'offre d'accueil. Malgré la stimulation par les prix, cette situation aboutit à une impossibilité de vente puisque les touristes, qui représentent 75 % des passagers en cabine, ne peuvent se loger sur place.
Comme vous, j'ai lu récemment l'étude publiée par l'agrégateur MisterFly au sujet de l'augmentation des tarifs aériens vers les départements d'outre-mer. Cette étude constate des hausses tarifaires au départ de la métropole de l'ordre de 20 à 40 %. L'originalité de la Polynésie française est qu'elle enregistre une baisse de 2 % sur un trajet Papeete/Paris par rapport à 2013. Dans ce contexte de forte concurrence, Air Tahiti Nui n'a pas pu, malgré des tentatives, répercuter la hausse du prix du carburant, qui représente 33 % de nos charges, sur le prix des billets qui sont, du fait de la forte saisonnalité, structurés en fonction de l'offre et de la demande. À titre d'exemple, pour un vol Paris/Papeete, les taxes représentent entre 7 et 10 % et le carburant 15 %. Le reste constitue le tarif de base qui varie en fonction de l'offre et de la demande. Malgré les hausses et les baisses qui se succèdent, le prix du kérosène reste élevé. Le Jet Kérosène Singapour (JKS) a oscillé entre 110 et 130 dollars le baril. Dans ce contexte, une baisse des billets d'avion n'est pas envisageable.
S'agissant du tarif fixe, l'effet de saisonnalité nous empêche de pratiquer cette politique de vente. À cet égard, je note que le modèle corse est très particulier. Je salue cependant l'annonce de Marc Houalla pour favoriser la continuité territoriale. Nos clients utilisent beaucoup ce dispositif dans le cadre de la convention que nous avons signée avec l'État. Toutefois, à notre niveau, la majeure partie de notre clientèle étant touristique, cette mesure ne concourt pas à rééquilibrer nos liaisons. Aujourd'hui, pour une compagnie comme la nôtre, le challenge se situe d'abord au niveau de la concurrence et de l'offre d'accueil qui n'est pas en adéquation avec l'offre en sièges.
Je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je vous remercie Monsieur le président-directeur général. Je cède la parole à nos deux rapporteurs Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier.
Si je comprends bien, l'octroi d'une aide à la continuité territoriale vers l'Hexagone est soumise à conditions en fonction de critères sociaux et du statut des passagers. Envisagez-vous un moyen qui permettrait d'aller au-delà de ces critères et un accompagnement de la collectivité de Polynésie pour augmenter l'apport à l'achat d'un billet d'avion ? Par ailleurs, les compagnies aériennes indiquent qu'elles n'ont pas répercuté la hausse du carburant sur le prix du billet. Je souhaite donc connaître la pérennité de ce système alors que la part du carburant est essentielle dans la composition du prix qui, pourtant, n'a pas augmenté.
Merci Madame la vice-présidente. Chers collègues, Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour vos interventions très complètes.
Dans le prolongement des questions de Catherine Conconne, considérez-vous que les dispositifs sont suffisamment identifiés par les habitants du territoire polynésien ? Par ailleurs, les 20 % des Polynésiens qui voyagent sur les lignes sont-ils des habitués ou notez-vous un renouvellement ? Pour les personnes ayant besoin d'accéder à des services de santé, les aides sont-elles cumulatives ? J'ai noté que les compagnies aériennes font état de prix particulièrement bas dû à une forte concurrence. Quelles sont les marges et la rentabilité de vos sociétés dans ce contexte ?
Avant de céder la parole aux intervenants, la sénatrice Lana Tetuanui souhaite intervenir.
Je suis contrainte à une certaine réserve car je suis la rapporteure de la mission sur Air Tahiti. Cependant, je suis farouchement attachée à la notion de continuité territoriale depuis le lieu de résidence des Polynésiens. Cette continuité ne peut pas se limiter, en effet, au trajet entre Papeete et Paris. Elle doit également être étendue aux déplacements inter-îles. Il n'est pas acceptable qu'un habitant des îles Marquises débourse 650 euros aller/retour pour se rendre à Papeete. Dans ce contexte, j'espère que les travaux de la délégation porteront leurs fruits.
Je vous rejoins sur la notion de continuité territoriale inter-îles. Il faut sans doute vivre dans des archipels comme les nôtres pour mesurer les difficultés.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'importance d'internet pour accéder aux services administratifs, pensez-vous que la continuité numérique serait une solution pour bénéficier de la formation professionnelle et de la télémédecine pour tous ?
Merci pour vos questions qui sont très pertinentes dans le contexte polynésien.
Je réponds à la question de Madame Catherine Conconne. Il existe, en effet, un plafond de revenus pour bénéficier de l'aide à la continuité territoriale. Il revient à l'État de fixer les plafonds. Actuellement, une personne qui perçoit moins de 1 200 euros par mois est éligible à cette aide. L'aide du passeport mobilité est accordée à toute personne ayant un revenu de moins de 26 000 euros par an. Comme je l'ai évoqué, la Polynésie française a souhaité augmenter cette contribution allouée par l'État. Cette délibération du gouvernement polynésien a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État qui a jugé qu'il n'était pas dans la compétence du Pays de financer le fonds de continuité territoriale -- peut-être faudrait-il lancer une analyse juridique des statuts de la Polynésie française de 2004, qui évidemment ont évolué depuis, pour identifier les dispositions qui permettraient cette participation.
J'ai évoqué également le souhait de la Polynésie française de voir l'État nous accompagner sur le financement de la continuité territoriale intérieure pour agir sur la baisse des prix. C'est une discussion que nous devons avoir avec l'État. De la même manière, et si la réglementation le permet, il nous faut envisager comment le Pays, à l'avenir, pourrait renforcer les dispositifs de continuité territoriale. Nous devons également examiner les besoins de la prise en charge, car le budget étant entièrement consommé, les demandes sont très certainement supérieures à notre capacité actuelle. Ce constat appelle également à renforcer les effectifs du pôle territorial local.
Pour répondre à Monsieur le rapporteur Guillaume Chevrollier, je confirme que ces dispositifs sont parfaitement identifiés des Polynésiens. Nos services sont très souvent sollicités, notamment dans le cadre d'accompagnements à la formation professionnelle et du passeport mobilité. Ces dispositifs sont donc connus et utilisés par les Polynésiens pour se former, étudier, passer des concours ou effectuer un stage.
Pour répondre aussi à Madame Micheline Jacques, internet peut, bien entendu, participer à la formation. Plusieurs dispositifs de ce type existent déjà. Je pense notamment à la formation des pompiers des plateformes aéroportuaires qui est dispensée depuis Toulouse. Cet outil permet donc de se former sans se déplacer en métropole ou dans les îles. Par ailleurs, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et l'université de la Polynésie française dispensent également des cours en ligne et en direct. Ces dispositifs sont développés grâce au déploiement du réseau numérique à très haut débit dans la plupart des îles et du haut débit via des relais hertziens pour les îles les plus éloignées.
S'agissant de la télémédecine, elle est également en place. Nous souhaitons cependant aller plus loin en développement le dispositif des « valises médicales » capables de transmettre des données aux médecins. Nous avons formé les infirmières et aides-soignantes à l'utilisation de ces valises.
Je souhaite revenir sur la question de la sénatrice Lana Tetuanui. Un tiers de la population vit dans les îles Sous-le-Vent, Tuamotu, Marquises et Australes. Ces habitants utilisent l'avion et règlent leur billet dans le cadre de la DSP (si leur aéroport est concerné par cette DSP), et s'ils se rendent à Papeete. Ce dispositif ne fonctionne pas, en effet, sur des trajets inter-îles. Dans ce contexte, le déploiement de la continuité territoriale sur l'ensemble de la Polynésie française serait une réelle avancée pour les Polynésiens.
Je vous remercie Monsieur le vice-président. Je cède la parole à Catherine Conconne.
Pour rassurer tout le monde, et en particulier Lana Tetuanui, je souligne que les différents rapports du Sénat sont fréquemment utilisés et inspirent la construction de politiques publiques extrêmement concrètes. Pour l'instant, nous en sommes au stade de l'investigation et nous devons identifier tous les dispositifs mis en oeuvre dans les outre-mer. À cet égard, je remercie les services du Sénat qui nous ont transmis hier, 30 janvier, un excellent travail comparatif des dispositifs en cours dans les RUP et dans d'autres pays européens comme l'Espagne ou le Portugal.
Je suis convaincue que nous allons prendre part à une « petite révolution » en matière de continuité territoriale. Ce chantier a été ouvert avec la Corse qui bénéficie aujourd'hui d'un système « idyllique », totalement pris en charge par l'État à hauteur de 200 millions d'euros et pour une population équivalente à celle de la Martinique. Cependant, nous devons rester réalistes et conscients des contraintes budgétaires dans lesquelles nous évoluons. Le bassin atlantique est également très concerné par les problématiques de continuité territoriale. Même si ce territoire est plus modeste que celui de la Polynésie française, il n'empêche que les habitants de Saint-Barthélemy doivent transiter par la Guadeloupe ou Saint-Martin afin de rejoindre Paris. La Guadeloupe a également mis en place des DSP avec des transporteurs maritimes pour assurer les déplacements des habitants vivant sur La Désirade et Marie-Galante, alors que ces petites îles ne possèdent pas de lycée. La Guyane est également un pays immense avec les populations autochtones très isolées et qui doivent également se déplacer.
Je vous remercie pour toutes vos questions et pour les réponses qui ont été apportées par les intervenants. En revanche, je ne crois pas avoir obtenu de réponse au sujet du non-report sur le prix des billets de la hausse du coût du carburant.
Je pense que tout a été dit sur la partie des subventions qui contribuent à la continuité territoriale. Il me semble que les compagnies aériennes sont plus à même de répondre à la question de Madame la sénatrice.
Concernant l'augmentation du carburant, je précise que notre compagnie utilise des avions de transport régional (ATR). Ces avions sont les plus économiques au regard du nombre de sièges offerts. Pour Air Tahiti, les charges de carburants sont de l'ordre de 10 à 13 % des charges totales de la compagnie. Par ailleurs, durant la crise sanitaire, nous avons réalisé énormément d'économies et nous avons effectué un gros travail sur nos charges. Dans ce contexte, nous avons pu absorber la hausse du prix en misant également sur une hausse de l'activité dès 2022 qui s'est effectivement réalisée. Air Tahiti a terminé l'année 2022 en équilibre et a dégagé une marge très raisonnable.
Je rebondis sur les propos de notre vice-président au sujet de la continuité territoriale pour souligner combien cette notion est importante en Polynésie française. À titre d'exemple, un Polynésien vivant aux îles Marquises qui souhaite se rendre à Papeete équivaut pour un Francilien à un déplacement entre Paris et Stockholm. Par ailleurs, les Polynésiens n'ont pas d'autre solution que l'avion pour se déplacer à travers cet immense territoire. Pour les îles éloignées et à faible population, l'affrètement d'un avion, même de type ATR, engendre un coût important au regard du nombre de passagers et expose la clientèle locale insulaire à des coûts de transport relativement élevés au regard du contexte économique de la Polynésie. De mon point de vue, il y aurait un réel intérêt que l'État contribue au fonds de péréquation mis en place par le Pays afin notamment de soulager, en partie, les passagers du paiement de cette contribution et de participer ainsi au désenclavement des îles.
Je vous remercie. Je cède la parole à Michel Monvoisin pour répondre à la rapporteure Catherine Conconne. Il sera le dernier intervenant de notre table ronde.
Au préalable, je précise que Delta Air Lines et Air France sont en co-entreprise sur les lignes transatlantiques, mais également sur la destination Los Angeles/Papeete. Les deux compagnies partagent donc les recettes et les charges. Dans le cadre d'une immunité antitrust, elles négocient et fixent ensemble les tarifs. Aujourd'hui, le couple Delta Air Lines/Air France dispose de 8 fréquences. Par ailleurs, je rappelle que les États ont soutenu massivement leur compagnie nationale. Or cette manne n'a pas été contrôlée. Aujourd'hui, elle permet à ces compagnies d'avoir une stratégie de surcapacité et de placer leurs avions partout ou presque. Cette stratégie concurrentielle asphyxie les petites compagnies.
S'agissant de la non-répercussion de la hausse du carburant sur le prix du billet, elle est également due à l'effet de cette concurrence. Par ailleurs, nous avons travaillé sur la réduction de nos charges. Air Tahiti Nui a mis en place un plan de départ et s'est séparé de 20 % de son personnel durant la crise du Covid et depuis nous recrutons « au compte-gouttes ». Le personnel produit des efforts colossaux et a consenti une baisse de salaire de moins 5 % jusqu'à fin 2023 dans le cadre d'un protocole d'accord signé avec les personnels lors de la crise du Covid. Pour amoindrir l'effet de l'inflation, nous avons augmenté les salaires de 1,5 %, quand les autres compagnies octroyaient jusqu'à 5 % de compensation. Nous avons dialogué avec les représentants du personnel pour leur faire part de cette situation critique. Après le carburant, le second poste de charge est la masse salariale. Par ailleurs, nous tentons de négocier avec nos prestataires, ce qui n'est pas le plus simple, car ils augmentent les tarifs et sélectionnent désormais les compagnies avec lesquelles ils souhaitent travailler. Globalement, notre comptabilité se dégrade et nous enregistrons également une forte dégradation de notre rentabilité. Nous affichons une marge négative en 2022 et il en sera probablement de même en 2023. En tant que société d'économie mixte (SEM), nous recevons des subventions d'équilibre si un exercice est déficitaire. Nous avons également bénéficié du reversement total du prêt garanti par l'État (PGE) versé à la collectivité locale et d'autres aides versées par l'État au moment de la crise sanitaire. Air Tahiti Nui est entrée dans la crise avec six mois d'avance de trésorerie, les différentes aides et notre stratégie n'ont pas entamé cette trésorerie qui nous permet de tenir pour l'instant. Cependant, il est clair que le non-report de la hausse du carburant a absorbé la performance de la compagnie.
Je vous remercie. Je cède la parole au président Artano pour sa conclusion.
Au préalable, je souhaiterais connaître le statut des 46 aéroports domestiques, appartiennent-ils tous à la collectivité ? Par ailleurs, parmi les passagers, quelle est la part des autochtones et des touristes ?
L'ensemble des aéroports appartient au pays, excepté l'aéroport international de Tahiti Faa'a.
Je précise que la gestion des trois aéroports, Bora-Bora, Raiatea et Rangiroa, qui ont des trafics importants, a été transférée à Tahiti Faa'a. Cependant, ils restent sous le mandat d'Aéroport de Tahiti pour le compte du Pays dans le cadre d'une autorisation d'occupation temporaire (AOT).
S'agissant de la répartition entre les voyageurs polynésiens et internationaux, je confirme la tendance donnée par Michel Monvoisin, soit environ un tiers de Polynésiens et deux tiers de passagers internationaux.
Merci Monsieur le ministre pour ces précisions. Je cède la parole au président Stéphane Artano.
Merci chère Micheline d'avoir animé cette audition très riche. Je remercie également les participants et les participantes pour leurs apports respectifs et leurs questionnements.
Je tiens également à rassurer notre collègue Lana Tetuanui sur la portée des rapports du Sénat, comme l'a rappelé Catherine Conconne. Ces rapports sont désormais soumis à la nouvelle procédure mise en oeuvre par le Sénat relative au suivi des recommandations. Ce rapport d'information bénéficiera du même dispositif et notre principal souci est que ses préconisations soient traduites de manière opérationnelle.
Je vous remercie.