Intervention de Marc Houalla

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 31 janvier 2023 : 1ère réunion
Continuité territoriale entre l'hexagone et les outre-mer — Audition thématique centrée sur le bassin de l'océan pacifique - la polynésie française

Marc Houalla, directeur du SEAC en Polynésie française :

Mesdames et Messieurs les sénateurs, Monsieur le ministre, Messieurs les directeurs des compagnies aériennes, Mesdames et Messieurs, je tiens d'abord à vous remercier, et particulièrement à remercier la Délégation sénatoriale aux outre-mer pour son invitation à participer à cette table ronde consacrée à la continuité territoriale entre l'Hexagone et la Polynésie française. Je suis en compagnie de Charles Peretti, directeur adjoint du SEAC Polynésie française.

Je vous rappelle brièvement les missions du SEAC en Polynésie française. Notre rôle est triple, puisque nous exerçons les prérogatives de l'Autorité de surveillance en matière de sécurité aérienne et de sûreté pour l'ensemble de la Polynésie française. Nous veillons également à ce que les opérateurs de l'écosystème aéronautique respectent et appliquent la réglementation en matière de sécurité et de sûreté et nous les accompagnons dans les éventuelles actions correctives qu'ils doivent mettre en oeuvre. Par ailleurs, je représente le Haut-commissaire ainsi que le directeur de l'aviation civile pour les missions régaliennes dans ce domaine, notamment en matière de sûreté, d'environnement et d'obligations économiques dans l'accompagnement de la filière aéronautique. Enfin, et c'est une particularité propre à la Polynésie française, le SEAC Polynésie française est également chargé des services du contrôle aérien.

Je vous propose de présenter quelques éléments du contexte aérien entre la zone Polynésie française et l'Hexagone. Ensuite, je partagerai avec vous une description rapide des infrastructures existantes et je vous décrirai la perception que nous avons de l'offre actuelle des transports ainsi que des tarifs appliqués.

S'agissant des infrastructures aéroportuaires et leurs trafics, la Polynésie française dispose d'un aéroport international et un maillage extraordinaire de 46 aéroports commerciaux domestiques pour un territoire de la taille de l'Europe. Ces infrastructures sont stratégiques pour la collectivité et le territoire et garantissent la continuité territoriale entre l'Hexagone et nos îles.

En termes de trafic, l'année 2022 a connu une forte reprise du trafic, bien au-delà des attentes. Cette hausse a été principalement portée par une augmentation des liaisons : Air France et United Airlines sont passées de 3 à 5 liaisons hebdomadaires, arrivée de Delta Air Lines avec 3 liaisons hebdomadaires entre Papeete et Los Angeles et une nouvelle desserte d'Air Tahiti Nui vers Seattle.

Je vous propose une description rapide du paysage concurrentiel et je vous communiquerai quelques chiffres sur l'évolution de l'offre de sièges et les fréquences en distinguant le trafic entre Papeete et l'Hexagone, et entre Papeete et les territoires de la Polynésie française.

S'agissant de la liaison Papeete/Hexagone, 3 compagnies aériennes (Air Tahiti Nui, Air France et French Bee) proposent des vols entre Tahiti et Paris avec une saine concurrence : 11 fréquences hebdomadaires entre Papeete et Paris, soit 4 400 sièges par semaine (Air France propose 5 fréquences, Air Tahiti Nui 4 fréquences et French Bee 2 fréquences). Je souligne que l'offre actuelle est supérieure à la période pré-Covid (9 fréquences en 2019). Le rebond du trafic aérien est donc très favorable et bénéfique aux Polynésiens.

À cette offre entre Papeete et Paris, il faut ajouter le renforcement de la ligne entre Papeete et Los Angeles avec l'arrivée de United Airlines et de Delta Air Lines qui permettent de déposer, via Los Angeles et San Francisco, des passagers entre Papeete et Paris.

Concernant le trafic entre Papeete et les territoires de la Polynésie française, 12 aéroports appartiennent au secteur de la libre concurrence et 34 autres sont desservis à travers une DSP du pays. La compagnie Air Tahiti est attributaire de la DSP financée par le Pays à hauteur de quelque 10 millions d'euros. Sur la zone de libre concurrence, Air Tahiti sera désormais en compétition avec Air Moana à partir de février 2023 et, potentiellement au cours de l'année 2023, avec Motu Link Airline. Cette compagnie a, en effet, déposé une demande de certificat de transporteur aérien auprès de nos services. Ainsi, sur le segment le plus porteur et le plus concurrentiel, trois compagnies pourraient opérer dans les prochains mois contre une seule aujourd'hui.

Sur le segment Papeete/territoire de la Polynésie française, le trafic domestique a rapidement retrouvé un niveau proche de celui de 2019 dès le début de l'année 2022, notamment grâce à des incitations financières favorables du pays à destination des populations locales. Le trafic domestique était en 2019 de 750 000 passagers, en 2020 de 420 000 passagers et en 2021 de 518 000 passagers. En 2022, il devrait être supérieur à celui de 2019.

S'agissant des tarifs, la liberté tarifaire est la règle pour les transporteurs entre l'Hexagone et les territoires ultramarins. Sous certaines conditions, des aménagements tarifaires sont cependant possibles en droit européen. Ces conditions sont notamment liées à l'obligation de service public prévue par le droit européen. De telles obligations ont déjà été fixées pour les liaisons entre l'Hexagone et les régions ultrapériphériques. Elles prévoient en particulier des réductions tarifaires obligatoires pour les mineurs, les étudiants, les personnes endeuillées et des évacuations sanitaires. La concurrence effective sur les liaisons vers Tahiti et la difficulté à démontrer des besoins vitaux pour le développement économique et social de ces territoires font que le cadre juridique européen ne permet pas de justifier la proportionnalité d'une mesure imposant des prix maximum, si une extension des contraintes tarifaires actuelles devait être envisagée sur ces liaisons.

En l'occurrence, ces besoins vitaux qui sont réels, telles la formation ou la santé, sont bien pris en compte par les aides sociales instaurées dans le cadre de la continuité territoriale. Ainsi, pour un billet aller/retour, la part de la continuité territoriale est d'environ 40 % et pour un aller simple, les données du Haut-Commissariat font état d'une aide représentant 80 % à 90 % du prix. Cette part peut évoluer selon le choix de la compagnie aérienne et la saisonnalité. L'enveloppe annuelle allouée pour financer ces dispositifs du fonds de continuité territoriale en Polynésie française s'élève à 1,1 million d'euros. Sur l'exercice budgétaire 2022, le pôle de continuité territoriale du Haut-Commissariat a consommé 100 % des crédits en Polynésie française, notamment pour les jeunes en formation et les étudiants. Toutefois, afin de compenser la hausse inéluctable du prix du billet d'avion et de contribuer au pouvoir d'achat des résidents ultramarins, le ministère délégué aux outre-mer souhaite apporter en 2023, une évolution à la politique nationale en matière de continuité territoriale via une revalorisation du montant forfaitaire de cette aide à hauteur de 935 euros contre 635 euros actuellement par voyageur. Les conditions d'éligibilité à cette aide restent identiques.

Concernant l'évolution des prix, les compagnies aériennes restent les mieux placées pour transmettre des informations détaillées sur leur politique tarifaire. Cependant, je me permets de vous transmettre quelques éléments de contexte pour comprendre la construction des prix. S'agissant des coûts, ils peuvent être très variables en fonction de la taille de la compagnie et du type de routes exploitées et des services proposés. Néanmoins, la part prépondérante du coût du carburant, de la masse salariale et des taxes et redevances est une constante. Or, tous ces éléments ont augmenté et la parité euro/dollar pèse également dans un secteur où toutes les transactions s'effectuent en dollar.

Par ailleurs, un autre élément influence fortement la construction des prix : l'utilisation par les compagnies de techniques de gestion de la recette qui conduisent, pour un même vol, à proposer une multitude de tarifs pour, d'une part, répondre aux attentes et contraintes des voyageurs et d'autre part, optimiser les recettes. Ainsi, les tarifs varient en fonction de la classe de voyage, de la date de réservation, de la durée du séjour, des conditions d'échange, etc. Si hausse des billets il y a eu, et très sincèrement nous ne l'avons pas perçu, elle peut s'expliquer par une série de facteurs propres à l'ensemble du transport aérien, à la hausse générale des coûts liés à l'inflation et la parité euro/dollar. Les transporteurs devant faire face à l'augmentation de leurs coûts d'exploitation et disposant d'une trésorerie fragilisée par la crise sanitaire, ils sont contraints de reporter, en partie au moins, toute hausse sur le prix des billets. Si une hausse des prix s'est produite en 2022, ce qui n'est pas démontré, elle relève davantage d'un effet de rattrapage, car la tendance sur les dix dernières années montre plutôt une baisse des tarifs. Cependant, ces moyennes annuelles ne doivent pas occulter la forte saisonnalité des prix, notamment lors des pics de trafic de la période estivale et des fêtes de fin d'année.

En conclusion, un paysage concurrentiel est présent pour les liaisons entre l'Hexagone et la Polynésie française. Cette concurrence a contribué à augmenter l'offre de sièges et les fréquences de vols ainsi qu'à amortir la hausse des coûts d'exploitation des compagnies aériennes. Les tarifs actuels sont ainsi sensiblement équivalents à ceux de 2019, bien qu'ils soient, comme partout ailleurs, soumis à une forte saisonnalité.

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