Intervention de René-Paul Savary

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 février 2023 à 14h35
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Examen du rapport

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse :

Voilà quatre ans que notre assemblée vote, sur ma proposition, une réforme paramétrique du système de retraite fondée sur le report de l'âge d'ouverture des droits à 64 ans et sur l'accélération de la montée en charge de la réforme Touraine, c'est-à-dire l'allongement de la durée d'assurance requise pour l'obtention du taux plein à 43 annuités.

Bien qu'il s'y soit vigoureusement opposé chaque année, le Gouvernement semble finalement avoir été convaincu de la justesse et de l'intérêt de nos préconisations. Il était temps, me direz-vous. Quoi qu'il en soit, nous marchons enfin dans la bonne direction.

La situation financière du système de retraite et plus encore sa trajectoire sont, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure générale, particulièrement dégradées. Le principe de la retraite par répartition, c'est-à-dire la solidarité entre les générations, auquel nous sommes tous ici attachés, s'étiole pas à pas à mesure que nous faisons peser sur les épaules de nos enfants la charge du financement des retraites de nos parents et de nos grands-parents, que nous n'assumons plus nous-mêmes.

Dans une telle situation, le champ des possibles est extrêmement limité : augmenter le niveau des cotisations - c'est impensable dans un pays qui affiche déjà l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne - ; diminuer le niveau des pensions - c'est inacceptable dans un contexte d'inflation galopante et après plusieurs années de sous-indexation sur l'initiative du Gouvernement - ; relever l'âge légal de départ en retraite et la durée de cotisation requise.

C'est cette dernière option que nous propose le Gouvernement à l'article 7 du projet de loi. L'âge d'ouverture des droits serait donc progressivement relevé pour atteindre 64 ans à compter de la génération 1968. L'âge de départ au titre de la catégorie active atteindrait, quant à lui, 59 ans à compter de la génération 1973 et celui de la catégorie super-active 54 ans à compter de la génération 1978.

La durée de services requise pour le bénéfice d'un départ au titre des catégories actives resterait toutefois inchangée. En outre, les services actifs accomplis avant la titularisation du fonctionnaire seraient pris en compte pour l'ouverture du droit à un départ en retraite anticipé, tandis que les bonifications du temps de service accompli seraient accordées aux agents qui n'occupent plus un emploi classé en catégorie active au moment de leur départ en retraite.

Au surplus, les fonctionnaires ne relevant pas des catégories actives et auxquels s'applique une limite d'âge d'au moins 67 ans pourraient, sur autorisation, être maintenus en fonctions jusqu'à 70 ans. Les enseignants du premier et du second degré qui atteindront leur limite d'âge en cours d'année scolaire pourraient par ailleurs partir en retraite sans attendre la fin de l'année scolaire.

En parallèle, la durée d'assurance requise serait portée à 172 trimestres, soit 43 annuités, à partir de la génération 1965 au lieu de la génération 1973. Pour autant, l'âge d'annulation de la décote resterait fixé à 67 ans, comme le proposait notre assemblée.

Il résulterait de ces mesures un gain de 7,5 milliards d'euros en 2026. La pension moyenne augmenterait sous l'effet de l'allongement des carrières, pour atteindre 20 000 euros par an pour les générations nées à la fin des années 1970. Bien que l'augmentation prévue de l'âge moyen de départ des femmes soit supérieure à celle de l'âge moyen de départ des hommes, à hauteur de quatre mois pour la génération 1972, leur âge moyen de départ serait toujours inférieur à celui des hommes et s'établirait, pour la même génération 1972, à 64,3 ans, contre 64,5 ans pour les hommes.

Ces mesures permettraient de dégager, en dehors du système de retraite, 15 milliards d'euros de cotisations sociales et de recettes fiscales supplémentaires. Dans la mesure où, contrairement à ce qu'indiquent les prévisions très optimistes du Gouvernement, le système de retraite devrait toujours afficher un déficit important à l'horizon 2030, il me paraît indispensable que ces ressources lui soient affectées en priorité.

En tout état cause, il n'est pas envisageable de demander aux Français de travailler davantage sans lutter plus efficacement contre la fraude aux prestations sociales, qui suscite, à juste titre, la colère de nos concitoyens. Le Gouvernement n'ayant toujours pas pris le décret d'application des dispositions de la LFSS pour 2020 qui permettent le recours à la biométrie dans le cadre du contrôle de l'existence des retraités résidant à l'étranger, je vous proposerai de prévoir qu'elles s'appliquent au plus tard le 1er septembre 2023.

Afin d'éviter que les mesures paramétriques ne pénalisent les travailleurs les plus fragiles, l'article 8 aménage les différents dispositifs de retraite anticipée. Trois bornes d'âge au lieu de deux seraient prévues pour les assurés ayant accompli une carrière complète et commencé à travailler tôt et les trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et de l'assurance vieillesse des aidants (AVA) seraient désormais comptés parmi les trimestres cotisés pour le bénéfice du départ en retraite au titre des carrières longues.

Dans le but de tenir compte de la situation des mères de famille qui atteignent souvent la durée de cotisation requise grâce aux trimestres de majoration de durée d'assurance accordés au titre de la maternité, de l'adoption ou de l'éducation des enfants, je vous soumettrai un amendement permettant aux assurées ayant obtenu au moins un trimestre de majoration et ayant atteint la durée requise à 63 ans de bénéficier d'une surcote de 5 % par an dès cet âge, sans avoir à attendre pour cela l'âge de 64 ans. Il s'agira non seulement d'une marque de reconnaissance, mais aussi et surtout d'un puissant instrument de politique familiale. Je rappelle en effet que la natalité constitue la principale déterminante de l'équilibre financier du système de retraite à long terme.

Par ailleurs, le départ en retraite anticipée pour handicap, dont les bornes d'âge n'évolueraient pas, serait facilité par la suppression de la condition de durée validée, plus exigeante que la condition de durée cotisée, qui serait, quant à elle, conservée. De même, afin de maintenir à 62 ans l'âge de départ à taux plein des assurés inaptes au travail ou invalides, un dispositif de départ anticipé spécifique serait institué à leur profit. Le Gouvernement évalue son coût à 3,1 milliards d'euros en 2030, mais il convient de noter qu'il permettra d'éviter une grande partie de l'augmentation des dépenses sociales qui résulte généralement d'un report de l'âge de départ en retraite.

En matière de compensation de l'usure professionnelle, le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente ouvre droit à un départ à la retraite à taux plein dès 60 ans aux victimes d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail avec un taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 20 % ou, sous conditions, compris entre 10 % et 19 %.

L'article 9 du projet de loi prévoit plusieurs assouplissements procéduraux visant à simplifier l'accès au dispositif. En outre, le seuil d'exposition aux facteurs de risques professionnels permettant de bénéficier du dispositif à partir de 10 % d'incapacité serait abaissé par décret de 17 à 5 ans. Le Gouvernement propose par ailleurs de repousser par voie réglementaire l'âge de départ de 60 à 62 ans.

Nous estimons que l'équilibre des évolutions proposées ne permet pas d'assurer une juste réparation des dommages subis par les assurés exposés à la pénibilité au cours de leur carrière. En conséquence, nous vous présenterons un amendement visant à maintenir à 60 ans l'âge minimum de départ en retraite anticipée pour incapacité permanente en fixant cette condition d'âge dans la loi.

Le compte professionnel de la prévention (C2P) permet aux salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels d'acquérir des droits pour leur permettre de sortir de la pénibilité soit en suivant une formation professionnelle, soit en accédant à du temps partiel sans perte de rémunération, soit en partant à la retraite de manière anticipée. Dans ce dernier cas, les bénéficiaires pourraient désormais partir en retraite à 62 ans au lieu de 60 ans. Ce dispositif étant censé inciter ses bénéficiaires à s'orienter vers des professions moins pénibles, notamment au travers de la formation, je suis favorable à ce relèvement de l'âge de départ.

De plus, l'article 9 tend à assouplir et à compléter le C2P en déplafonnant l'acquisition de points sur le compte, actuellement limitée à 100 points sur l'ensemble de la carrière, et en permettant leur utilisation pour financer un projet de reconversion professionnelle.

Depuis sa création en 2014, et malgré les allégements opérés en 2017, le C2P reste mal connu des salariés et mal accepté par les employeurs. À cet égard, les améliorations proposées semblent aller dans le bon sens. En revanche, il serait contre-productif de réintroduire dans le C2P les quatre facteurs de risques professionnels supprimés en 2017, dont l'évaluation par les employeurs s'est avérée trop complexe.

Il paraît cependant nécessaire d'encadrer plus précisément les modalités du projet de reconversion professionnelle afin d'apporter davantage de garanties aux utilisateurs. En outre, afin de faciliter les transitions entre emploi et retraite des salariés âgés, nous proposons de limiter à un nombre maximum de points fixé par décret l'utilisation du C2P pour financer un passage à temps partiel avant le soixantième anniversaire du salarié. Passé l'âge de 60 ans, cette utilisation serait déplafonnée.

L'article 9 introduit par ailleurs des dispositifs dédiés à la prévention des effets de l'exposition aux trois facteurs de risques « ergonomiques ». Il prévoit ainsi la création d'un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu), qui serait adossé à la branche AT-MP. Ce fonds serait doté de 1 milliard d'euros jusqu'à la fin du quinquennat, soit 200 millions par an en année pleine. Les orientations du Fipu seraient définies sur la base d'une cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés à ces facteurs de risques, à partir de listes établies par les branches professionnelles.

Le texte prévoit également la mise en place d'un suivi médical spécifique pour les salariés exposés aux facteurs de risques concernés, consistant en une visite de mi-carrière « améliorée » à 45 ans et une nouvelle visite médicale obligatoire entre le 60e et le 61e anniversaire.

Les manutentions manuelles sont à l'origine de 50 % des accidents du travail et les troubles musculo-squelettiques représentent la grande majorité des maladies professionnelles. Ces constats justifient que les facteurs de risques à l'origine de ces pathologies fassent l'objet d'un effort de prévention soutenu.

Il résulte toutefois de ces mesures une prise en compte à géométrie variable des facteurs de risques professionnels. En effet, l'exposition aux agents chimiques dangereux, exclus du C2P en 2017 au même titre que les facteurs ergonomiques, n'ouvrirait toujours droit qu'à un accès simplifié, auquel le recours reste très faible, à une retraite anticipée pour incapacité permanente. Or, il reste aussi dans ce domaine des marges d'amélioration en matière de prévention. Nous vous proposerons donc de prendre en compte les agents chimiques dangereux dans le cadre des dispositifs créés par cet article.

En revanche, nous vous proposerons de supprimer l'ensemble des dispositions prévoyant un suivi médical spécifique des salariés, dont la portée nous semble essentiellement cosmétique. Nous considérons, d'une part, que ces mesures n'ont pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, qu'il est prioritaire d'augmenter les moyens consacrés à la santé au travail et d'assurer une application satisfaisante du cadre légal existant, modifié par la loi du 2 août 2021.

Afin de prendre en compte les facteurs de pénibilité auxquels sont exposés les soignants des fonctions publiques hospitalière et territoriale, l'article 9 prévoit enfin la création, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), d'un fonds de prévention de l'usure professionnelle dans les établissements de santé et médico-sociaux, qui serait doté de 100 millions d'euros par an. Compte tenu des problématiques d'usure professionnelle que connaissent les métiers concernés, cette initiative mérite d'être soutenue.

Comme en témoignent les multiples propositions de loi que nous avons adoptées ces dernières années, la situation des retraités les plus fragiles constitue l'une de nos principales préoccupations. À cet égard, l'article 10 prévoit une revalorisation des minima de pension des futurs retraités à compter du 1er septembre 2023. Je rappelle en effet que 37 % des retraités percevaient une pension inférieure à 1 000 euros bruts par mois en 2016 et que le Gouvernement a aggravé cette situation en choisissant de sous-indexer les pensions par rapport à l'inflation constatée en 2018, 2019 et 2020. Les montants du minimum contributif de base et majoré seraient donc relevés de 100 euros au total pour une carrière complète cotisée au niveau du Smic, ce qui permettrait de porter la pension globale d'un assuré dans cette situation à 85 % du Smic net au 1er septembre 2023, soit 1 193 euros bruts, contre 82,6 % aujourd'hui. Toutefois, sur 100 euros d'augmentation, 75 euros seraient réservés aux assurés justifiant d'au moins 120 trimestres cotisés, tandis que la majoration serait réduite au prorata de la durée d'assurance effectivement accomplie par rapport à la durée requise pour le taux plein. Afin que la cible de 85 % du Smic soit toujours atteinte par les nouveaux liquidants en remplissant les conditions, le montant du minimum contributif serait désormais indexé sur le Smic, et non plus sur l'inflation. De plus, certains trimestres validés au titre de l'AVPF et de l'AVA seraient désormais pris en compte pour atteindre les 120 trimestres cotisés qui conditionnent l'accès au minimum contributif majoré.

Le minimum de pension des non-salariés agricoles, la pension majorée de référence (PMR), serait lui aussi augmenté de 100 euros pour une carrière complète cotisée au Smic.

Les retraités actuels, quant à eux, percevront une majoration de leur pension pouvant atteindre 100 euros pour une carrière complète cotisée et réservée aux assurés bénéficiant du taux plein et justifiant d'au moins 120 trimestres cotisés.

Au total, ces mesures bénéficieraient à 1,8 million de retraités, dont 60 % de femmes, pour un gain annuel moyen de 400 euros et un coût de 1,8 million d'euros à l'horizon 2030. Je signale toutefois que seuls 125 000 retraités percevront effectivement 100 euros de plus par mois.

Du reste, l'article 10 assouplit les conditions d'accès au complément différentiel de points de retraite complémentaire des exploitants agricoles, c'est-à-dire la garantie de pension à 85 % du Smic pour une carrière complète en qualité d'exploitant, qui serait ouvert aux assurés bénéficiant du taux plein et non plus aux seuls assurés justifiant de la durée d'assurance requise pour le taux plein. Dans le même temps, le seuil de récupération sur succession des sommes versées au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) serait porté par décret de 39 000 à 100 000 euros. Je vous proposerai de graver ce montant dans le marbre de la loi et de permettre, en sus de ces mesures, aux professionnels libéraux de bénéficier de la majoration de 10 % du montant de la pension des parents d'au moins trois enfants.

L'article 12 propose que les aidants actuellement éligibles à l'AVPF soient transférés vers l'AVA. Outre ce transfert à droits constants pour les assurés, l'AVA sera ouverte à de nouveaux bénéficiaires. D'une part, les conditions de cohabitation et de lien de parenté ne seront plus requises pour l'affiliation des aidants d'une personne adulte en situation de handicap. D'autre part, l'éligibilité à un complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui peut être accordé pour compenser la réduction d'activité d'un des parents dont l'enfant a un taux d'incapacité d'au moins 50 %, ouvrira droit à l'AVA.

Nous vous proposons de soutenir ces mesures qui améliorent la lisibilité de l'affiliation des aidants au régime général de l'assurance vieillesse, en visant l'ensemble des situations d'aide qui ont des conséquences sur l'activité professionnelle. Leur financement est rendu plus cohérent puisque la branche autonomie remboursera à la branche famille les cotisations acquittées pour l'affiliation de l'ensemble des personnes éligibles à l'AVA.

Un mot concernant l'article 11, qui prévoit l'assimilation rétroactive à des trimestres cotisés pour la retraite des travaux d'utilité collective (TUC), et d'autres dispositifs similaires. Alors que les stages de la formation professionnelle sont, depuis 2015, considérés comme des périodes assimilées, les bénéficiaires de ces formes anciennes de contrats aidés, déployées dans les années 1980, restent traités de manière moins favorable au regard des droits à la retraite que s'ils étaient restés au chômage. Ces personnes atteignant aujourd'hui l'âge de la retraite, nous nous félicitons qu'il soit mis fin à cette iniquité.

Concernant l'emploi des seniors, les travaux de notre commission, que j'avais menés en 2019 avec ma collègue Monique Lubin, avaient montré les difficultés de recrutement et de maintien en emploi des actifs qui s'approchent de la fin de leur carrière.

Certes, le taux d'emploi des 55-64 ans a fortement progressé depuis le début des années 2000, passant de 37,7 % en 2003 à 56,1 % en 2021, mais il demeure relativement faible comparativement à celui qui est observé dans les pays européens, en particulier après 60 ans.

Cette situation vient des règles actuelles de l'assurance vieillesse et de la persistance de nombreux freins au maintien en emploi et au recrutement de seniors : réticences des entreprises, formation professionnelle inadaptée, faible mobilité géographique, etc. La sortie de l'emploi d'un salarié de plus de 50 ans est souvent définitive et l'expose donc au chômage et à la précarité.

Une réforme des retraites qui vise à allonger la durée du travail ne peut donc être envisagée sans favoriser l'emploi des seniors, en prenant en compte trois types de situation : celle des seniors qui souhaitent rester en entreprise, celle des seniors qui souhaitent progressivement quitter leur emploi et celle des demandeurs d'emploi seniors qui souhaitent retrouver un emploi. Pour y répondre, différents outils doivent être mis à la disposition des employeurs afin de favoriser l'emploi des seniors selon les publics, les besoins des entreprises et les secteurs d'activité. Un plan « 1 senior, 1 solution » devrait ainsi être mis en place sur le modèle du plan « 1 jeune, 1 solution », déployé par le Gouvernement à partir de 2020. Nous vous proposons que ce PLFRSS engage cette mobilisation par de premières mesures utiles pour l'emploi des seniors.

Dans sa version transmise au Sénat, l'article 2 prévoit que les entreprises d'au moins 50 salariés publient des indicateurs relatifs à l'emploi des seniors. À défaut, elles seraient passibles d'une pénalité pouvant aller jusqu'à 1 % de leur masse salariale. Cet article prévoit également que les entreprises d'au moins 300 salariés abordent le thème de l'emploi des seniors lorsqu'elles négocient sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

Nous vous proposons de revenir à la version initiale de l'article, en rehaussant à 300 salariés le seuil des entreprises concernées par la publication des indicateurs. Ils permettront d'évaluer la situation de l'emploi des seniors dans les entreprises, mais celles-ci doivent être en mesure de les publier. Or ce ne sera pas forcément le cas pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui ne sont pas toutes dotées d'importants services de ressources humaines.

Ces indicateurs ne seront pertinents qu'à partir d'un certain effectif de salariés, pour établir des statistiques reflétant réellement l'engagement de l'entreprise en faveur des seniors. Avec un petit effectif de 50 salariés, le départ de quelques seniors pourrait dégrader fortement les indicateurs de l'entreprise, alors même qu'elle déploie des mesures pour le maintien en emploi et le recrutement de seniors.

En outre, revenir au seuil de 300 salariés serait cohérent avec la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, obligatoire à partir de ce seuil, qu'il est proposé de renforcer en la complétant par le thème de l'emploi des seniors.

Si cet « index seniors » apporte quelques données sur la situation, il ne sera toutefois pas suffisant pour favoriser l'emploi de seniors. Aussi, nous vous proposons d'adopter un article additionnel créant un « contrat de fin de carrière ». Ouvert aux salariés d'au moins 60 ans, ce contrat à durée indéterminée (CDI) sera exonéré de cotisations famille, afin de compenser le coût d'un salarié qui, compte tenu de son expérience, peut prétendre à une rémunération plus élevée qu'un jeune actif. L'employeur pourra mettre à la retraite le salarié s'il remplit les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Ainsi, il ne sera pas tenu de conserver le salarié jusqu'à ses 70 ans, âge butoir qui représente aujourd'hui un frein à l'embauche de seniors. Exonéré de contribution sociale sur les indemnités versées pour mise à la retraite, l'employeur sera toutefois incité à maintenir le senior en emploi jusqu'à ce qu'il puisse liquider sa pension. Bénéficiant ainsi d'une retraite à taux plein au terme de son contrat, le salarié n'aura pas à recourir à l'assurance chômage.

Afin d'inciter les employeurs à maintenir les seniors en emploi, nous vous proposerons d'approuver l'article 2 bis, qui harmonise à 30 % le taux de la contribution assise sur les indemnités de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur et sur celles versées à l'occasion d'une rupture conventionnelle. Il n'était pas justifié que, du point de vue du régime social, la rupture conventionnelle, taxée à 20 %, soit plus avantageuse que la mise à la retraite du salarié, aujourd'hui taxée à 50 %. Nous vous proposerons simplement d'avancer l'entrée en vigueur de cette mesure au 1er septembre, au lieu du 1er octobre, pour sa bonne articulation avec le « contrat de fin de carrière », qui prendrait effet au 1er septembre.

L'article 2 ter, introduit par l'Assemblée nationale, tend à modifier le calcul des cotisations AT-MP afin de permettre la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l'effet est différé dans le temps. Je suis favorable à cette mesure qui, en allégeant le poids pour le dernier employeur de l'usure accumulée par les salariés âgés au cours de leur carrière, est, elle aussi, de nature à lever un frein à l'emploi des seniors.

Enfin, deux instruments trop méconnus seraient mobilisés en faveur de l'emploi des seniors. Comme le demandait depuis plusieurs années le Sénat, l'article 13 prévoit ainsi que le cumul emploi-retraite redevienne créateur de droits supplémentaires, à condition que l'assuré ait liquidé l'ensemble de ses pensions et ait atteint soit l'âge légal tout en justifiant de la durée de cotisation requise, soit l'âge d'annulation de la décote. Afin de privilégier la surcote, la reprise d'activité créatrice de droits ne pourra intervenir moins de six mois après la date de la première liquidation si elle a lieu chez le dernier employeur. Dans la même logique, la retraite progressive sera étendue aux fonctionnaires, aux assurés des régimes spéciaux et aux professionnels libéraux. Le Gouvernement prévoyant de relever l'âge d'éligibilité à ce dispositif de transition entre l'emploi et la retraite de 60 à 62 ans, je vous suggérerai, afin de renforcer son attractivité, de le maintenir à 60 ans. Dans la mesure, néanmoins, où nous manquons d'éléments pour anticiper le taux de recours dans la fonction publique, il paraît souhaitable de prévoir une réduction progressive de l'activité de l'assuré. Un décret préciserait donc que la quotité de travail ne peut être inférieure à 80 % d'un temps plein entre 60 et 62 ans, puis qu'elle pourra atteindre jusqu'à 40 % d'un temps plein à compter de 62 ans.

Sous la réserve de l'adoption des amendements que la rapporteure générale et moi vous proposons pour améliorer ce texte en renforçant la réparation de la pénibilité du travail, le soutien à l'emploi des seniors et la prise en compte des difficultés professionnelles rencontrées par les mères de famille du fait de l'éducation des enfants, nous souhaitons l'adoption de ce texte important, dont l'avenir de notre système de retraite dépend.

Compte tenu de l'aridité du sujet, des raccourcis peuvent parfois conduire à une mauvaise interprétation...

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