Intervention de Christophe Béchu

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 9 février 2023 à 9h15
Audition de M. Christophe Béchu ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Christophe Béchu, ministre :

Je tiens à préciser certains de mes propos. Je n'ai jamais dit que la proposition de loi tendant à l'assouplissement des règles du ZAN était une usine à gaz, d'autant que le dispositif lui-même s'inscrit dans une logique particulièrement complexe. Je pense, en revanche, qu'il est indispensable de réfléchir à sa simplification dans la perspective d'une possible refonte.

Je me retrouve dans une situation paradoxale à ce sujet, puisque je dois défendre un texte que je n'ai pas voté, mais dont j'ai pu mesurer les difficultés d'application au moment où j'ai élaboré le SCoT de ma propre intercommunalité. En tant que ministre, je me dois aujourd'hui de défendre un principe, voté par une large majorité des deux assemblées dans le cadre de la loi Climat et résilience.

Je vous rappelle, en outre, que le ZAN faisait partie des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, et qu'il serait paradoxal de reprocher au Gouvernement de porter une mesure aussi vertueuse. Mettre fin à l'artificialisation des sols contribue, en effet, à la recharge des nappes phréatiques, à la préservation des îlots de fraîcheur naturels, à la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire et agricole, autant d'objectifs autour desquels nous devrions nous retrouver, d'autant qu'il est prouvé désormais qu'il n'existe aucune corrélation entre l'imperméabilisation des sols et l'évolution de la population.

Je le dis pour les élus du littoral : il n'y a pas de corrélation entre l'augmentation de la population et celle de l'artificialisation. Certains secteurs ont accueilli beaucoup de population avec peu d'hectares, alors que d'autres ont perdu de la population tout en s'étant étendus.

Que prévoit la loi que vous avez écrite pour associer les élus ? Vous avez voté le fait que nous n'appliquerions pas aveuglément la disposition et que nous ferions confiance aux élus locaux et aux régions. En effet, le Parlement a décidé que l'on ne pourrait descendre à un niveau trop bas, de manière à pouvoir tenir compte des dynamiques de population. Pour répartir intelligemment la charge, il faut se placer à une échelle assez vaste pour répartir le foncier, en faisant ensuite confiance aux régions pour tenir compte, en leur sein, des besoins et des efforts passés.

C'est paradoxal : certaines collectivités y sont prêtes, quand d'autres déclarent que c'est trop compliqué et qu'elles se contenteront de donner le même pourcentage à tout le monde. C'est la négation même de la justice ! Face à un tel refus de délibération d'une région, cela ne me choquerait pas que l'on redonne le pouvoir à l'État.

Mais comment, dans la chambre des collectivités territoriales, animé de mes convictions d'ancien président de département et d'intercommunalité, d'ancien sénateur, puis-je souhaiter que les trajectoires foncières entre les collectivités se décident à la préfecture ? Il faut préserver un dispositif de partage. Cela dit, si la conférence des SCoT était l'enceinte où tous les maires du territoire étaient entendus, cela se saurait. Vous le savez très bien, ce sont avant tout les présidents des SCoT qui s'y expriment, ainsi qu'un certain nombre d'élus représentant les autres. Tout le monde n'a pas voix au chapitre.

Néanmoins, l'argument selon lequel cette conférence n'assure pas la participation de l'intégralité des élus ne me semble pas dirimant. De façon similaire, vous représentez des territoires et vous parlez au nom des élus qui vous ont choisis. Imaginez que l'on passe à une démocratie directe des élus, où tous les maires s'expriment : ce ne serait pas non plus la garantie d'une meilleure prise en compte ! On sait bien que, dans toute assemblée, certains parleront toujours plus fort que d'autres... Oui, il faut trouver un mécanisme, mais non, il ne faut pas donner l'illusion que tous seront entendus.

De plus, si tout le monde approuve le principe de la non-artificialisation, bien peu sont prêts à le mettre en oeuvre sur leur territoire, par peur de manquer. Ainsi, comptez les SCoT, les PLU et les programmes locaux de l'habitat (PLH) où les objectifs d'artificialisation sont atteints : ils ne concernent même pas un tiers du territoire national. Dans quantité d'endroits - l'Ouest de la France est plutôt mieux doté -, les projections ne sont pas atteintes. Des marges et des sujets de travail concrets existent.

Sur le sujet du littoral et des plateformes, je crois à la décentralisation. Si je devais fixer des règles nationales, j'irais au-devant de difficultés. Pour Airbnb et les plateformes, on ne peut comparer celui qui loue sa résidence principale quelques jours et celui qui achète un immeuble pour faire de la location de courte durée. La loi ne doit pas bouleverser le complément de revenus de particuliers en traitant le cas de loueurs professionnels. Notre législation sur ces plateformes est, en outre, la plus poussée en Europe, et celle qui donne le plus d'instruments aux élus. Des maires, de droite comme de gauche, s'en saisissent avec efficacité. Ainsi, Franck Louvrier, maire de La Baule, limite la possession à un logement Airbnb, avec une compensation par de la longue durée au-delà. Voyez ce qui se passe à Biarritz, à La Rochelle : il faut combler certains manques.

Ma réponse est simple et liée à la réunion que j'aurai mardi matin avec les associations d'élus sur la décentralisation du logement : les outils les plus puissants sont conditionnés au statut de zone tendue. Il y a deux options : retirer cette conditionnalité ou décentraliser la détermination de ce statut. Cette seconde hypothèse, autour du Pinel breton, est prometteuse, mais je souhaite, avant tout, que le dialogue avec les associations d'élus aboutisse à trouver le bon dispositif. Nous devons entendre le retour d'expérience de ceux qui se sont confrontés aux limites du texte. Ce sujet est une priorité de la décentralisation.

Je suis prêt à aller très loin, à l'exception des aides personnelles au logement (APL), qui relèvent de la solidarité nationale, et de l'hébergement d'urgence, lié à la maîtrise des flux migratoires. Tout le reste se discute, y compris le soutien aux maires bâtisseurs. Nous avons tout de même une drôle de discussion : nous craignons de manquer de terrain pour construire, alors que la difficulté aujourd'hui est, bien souvent, le manque de permis de construire. Les mises en chantier reculent et les promoteurs expriment leurs difficultés à trouver des maires enclins à accepter des projets.

J'en viens aux agences : je crois profondément aux agences locales, qui participent de la libre administration. Il ne faut pas légiférer sur ce qui reflète la diversité des territoires : ici, une agence d'urbanisme ; là, une agence régionale de la transition écologique, comme dans le Grand Est. Laissons la liberté locale s'exprimer. L'ANCT est, finalement, le grand frère, la déclinaison nationale, de ces agences locales avec un principe de subsidiarité. Le territoire qui n'a rien - qu'il s'agisse d'une trop petite intercommunalité, ou que l'agence départementale ait fermé - bénéficie ainsi d'un filet national de sécurité, que ce soit pour de l'ingénierie ou pour défricher des sujets, comme avec Action coeur de ville. C'est pareil pour le foncier. Dans certains endroits, son acquisition n'est pas toujours le fait d'un établissement public foncier (EPF) : elle relève parfois d'une société d'économie mixte (SEM) ou d'une société publique locale (SPL), sans lever de taxe. À ce sujet, le Sénat fait oeuvre utile avec la proposition de loi sur le ZAN et les outils de sursis à statuer et de préemption. En effet, le ZAN crée, par nature, une tension sur les prix. Les mécanismes anti-spéculatifs sont bienvenus, mais j'aimerais aller plus loin, avec une taxation significative de l'artificialisation. Une part de la plus-value, en partie due à la raréfaction induite par la loi, doit être taxée, ce qui alimenterait les caisses des collectivités et leur stratégie de sobriété foncière, dans une logique vertueuse.

Je précise que des milliers de communes sont déjà au ZAN sans le savoir, pour diverses raisons : zones inondables, appellations d'origine contrôlée, épuisement du foncier - je pense à Paris, mais aussi à de toutes petites communes notamment. Finalement, le principal défaut du ZAN est le « zéro », qui figure dans son intitulé, mais qui ne correspond pas à la réalité. Or je rappelle la moyenne des droits d'artificialisation pour les dix ans à venir : 12 500 hectares, sans compter le bonus de 200 000 hectares de friches de grande taille dans notre pays - je ne parle même pas de la dent creuse ou de la serre abandonnée.

Enfin, les enveloppes du fonds vert sont réparties par le préfet du département. Le dialogue avec les élus locaux a commencé presque partout, selon des fonctionnements différents selon les endroits. J'ai fixé deux consignes : pas d'appel à projets ni à manifestation d'intérêt, et des réponses promptes. En effet, engager rapidement le fonds que j'ai obtenu pour 2023 étaiera les arguments pour en demander la prolongation.

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