Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement d'être parmi nous ce matin.
Le décret d'application relatif à vos attributions comporte près de 2 000 mots ! C'est dire combien votre champ de compétences est large : environnement, transports, équipements routiers, logement, renouvellement urbain, urbanisme, etc.
À cela s'ajoutent vos attributions en matière de décentralisation - le Sénat y voit un outil efficace -, qui recouvrent le renforcement des responsabilités locales - qui doivent, à nos yeux, s'accompagner des libertés locales -, le développement des métropoles, les finances locales et la solidarité financière entre les territoires.
Vous êtes également chargé de mettre en oeuvre la politique de transition écologique à l'égard des collectivités territoriales.
Vous comprenez donc tout l'intérêt que nous portons à cet échange. J'aborderai, pour ma part, quelques sujets qui nous préoccupent tous.
Le premier est le « zéro artificialisation nette » (ZAN). Les sénateurs comprennent parfaitement les nécessités qui ont présidé à son instauration et nous souhaitons travailler avec vous à l'élaboration de modalités d'application diversifiées, pertinentes et efficaces. Quel regard portez-vous sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de zéro artificialisation nette au coeur des territoires ?
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur les injonctions contradictoires qui découlent de la pluralité des normes. La maire du Croisic, par exemple, ne peut pas satisfaire à l'obligation de construire des logements sociaux en raison d'une autre obligation qu'est le ZAN, mais elle devra tout de même s'acquitter d'une amende au titre du non-respect de l'obligation de construire des logements sociaux. En la matière, monsieur le ministre, j'estime que l'excès de bien est le plus grand ennemi de l'efficacité.
Certains collègues vous interrogeront sans doute sur les finances des collectivités locales. Je rappelle que les normes et les lois produites entre 2017 et 2021 ont entraîné un surcoût de près de 2 milliards d'euros pour les collectivités.
Par ailleurs, comment les élus locaux seront-ils associés à la gouvernance du fonds vert ?
Nos collectivités ont grandement besoin d'ingénierie et d'expertise. En matière de transition écologique, les collectivités avancent aussi vite que leurs moyens le leur permettent, mais elles pâtissent de l'injonction à recourir à certaines techniques perçues comme positives, mais qui emportent parfois des coûts disproportionnés. Il faut donc que les collectivités qui ne disposent pas de l'ingénierie nécessaire soient accompagnées dans l'expertise qu'il convient de réaliser avant d'engager des dépenses considérables.
Avec Mathieu Darnaud, nous estimons enfin que les collectivités font face à une juxtaposition d'agences - Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), etc. - qui n'est pas très lisible. Je vous soumets donc une idée disruptive, monsieur le ministre : ne pourrait-on pas les fusionner ?
Je ne vous infligerai pas de propos introductif, car, le champ étant large, je risque de perdre un temps utile. Je me contenterai donc d'aborder quelques thèmes de manière succincte et de vous apporter quelques éléments de réponse, madame la présidente.
L'intitulé de mon ministère - c'est son originalité - affirme le lien entre la transition écologique et la cohésion des territoires, la seconde étant une condition de réussite de la première. Le fait que mon portefeuille inclue également les logements et les transports est un autre indicateur du besoin d'union sacrée entre les élus et l'État sur ces sujets.
En ce qui concerne le ZAN, je vous invite à appliquer vous-mêmes les conseils que vous pourriez nous donner, en faisant en sorte que le texte sénatorial remanié ne prévoie pas la création de nombreuses instances supplémentaires qui risquent de se traduire par des usines à gaz. Si je vous rejoins sur certains points de la proposition de loi, je suis plus réservé sur d'autres, tels que l'institutionnalisation de la conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou l'instauration de contrats à toutes les échelles, qui ne me semblent pas utiles.
Par ailleurs, je suis en désaccord avec le Sénat en ce qui concerne la garantie rurale, car je ne considère pas que la justice consiste à donner la même chose à toutes les collectivités. Pour ma part, je plaide pour que, au lieu de donner 1 hectare à chaque commune, nous accordions à chacune une garantie rurale équivalente à 1 % du territoire artificialisé.
J'en viens aux finances locales. Nous disposons déjà de tendances plutôt positives pour l'année 2022 puisque, malgré l'inflation, l'épargne des régions et des départements a progressé. Cela s'explique par le maintien d'une dynamique élevée des recettes perçues au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ainsi que par la baisse de 5 % des dépenses de revenu de solidarité active (RSA). Pour les communes, les premières tendances, qui font état d'un recul de la dette, sont également positives.
J'estime, enfin, qu'il faut se méfier des effets de bord induits par des mesures qui peuvent paraître bonnes. Alors que les collectivités font face à d'importants besoins d'ingénierie, il serait paradoxal de fusionner des agences qui sont précisément chargées de les accompagner. S'il convient d'éviter les doublons, je suis convaincu qu'une fusion des structures que vous avez citées, madame la présidente, nous ferait perdre l'agilité et la souplesse qui sont nécessaires pour apporter un service sur mesure.
Il est précieux que des agences d'intérêt général puissent employer des personnels dont le statut est moins rigide que celui des fonctionnaires, car il s'agit de développer des idées qui n'existent pas et qui n'ont pas vocation à donner lieu à des normes ou à des dispositions législatives. Il arrive, du reste, qu'une fusion de structures aboutisse à une hausse des coûts.
Comme pour les communes, il convient de s'adapter à la carte et à la réalité. Certaines fusions peuvent avoir du sens, tandis qu'il sera plus judicieux, dans certains cas, de maintenir une petite structure qui sera plus attentive à ses coûts de fonctionnement et au bon emploi de ses ressources.
J'ajoute que, pour mieux répondre à vos questions, je suis accompagné par des membres de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de l'ANCT.
En ce qui concerne l'ingénierie, j'ai dit, non pas qu'il fallait moins, mais qu'il fallait mieux. Le besoin d'ingénierie n'est pas le même dans tous les territoires ; c'est pourquoi les services déconcentrés de l'État sont particulièrement importants.
Depuis 2012, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a baissé de plus de 14 milliards d'euros. Selon mes calculs, un tiers des communes sont bénéficiaires du filet de sécurité.
Contrairement à l'État, les communes doivent obligatoirement adopter des budgets équilibrés, si bien que certains maires ont dû abandonner leurs projets d'investissements, comme à Douchy-les-Mines, dans le Nord, alors qu'ils répondaient parfaitement à l'objectif de transition écologique.
Comment pouvons-nous accompagner au mieux les communes dans la transition écologique si celles-ci n'ont déjà pas les moyens d'investir ? Qu'adviendra-t-il des collectivités qui ont déjà perçu un acompte pouvant atteindre 50 % de la dotation prévue pour leur futur budget ?
Je souhaite vous interroger sur votre vision de la planification territoriale. Celle-ci fait l'objet d'approches assez différenciées, en fonction à la fois des régions et des départements. Dans ce cadre, les SCoT ont le mérite d'associer l'ensemble des communes adhérentes pour construire un projet territorial. Les schémas territoriaux de développement des énergies renouvelables élaborés à l'échelle des SCoT constituent des éléments pertinents d'un projet de territoire. Il paraît donc naturel que les SCoT soient consultés pour tout sujet relevant de la consommation d'espace.
Quelle est votre vision du développement des SCoT ? Ne croyez-vous pas qu'il serait pertinent de renforcer l'articulation entre les différents niveaux régionaux que sont les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), la conférence des SCoT et les inter-SCoT ?
Le fonds vert a été mis en place pour soutenir les collectivités. Les subventions aux collectivités territoriales sont ainsi passées de 2 à 4 milliards d'euros. Ce doublement du budget vise à soutenir la dynamique d'investissements.
Le fonds vert est déjà un succès, puisque plus de 2 500 dossiers ont été déposés, alors que le dispositif a officiellement ouvert le 27 janvier et qu'il n'a pas encore été présenté à toutes les collectivités par les préfets. Par ailleurs, les treize portes d'entrée que nous avons prévues ont, à ce stade, toutes trouvé preneur - érosion du trait de côte, projets de replantation d'arbres, rénovation thermique ou de l'éclairage public, etc. Ce dispositif est donc pertinent et nous avons bien fait de lui donner une grande envergure.
J'en viens à la DGF proprement dite. Celle-ci progresse pour la première fois depuis treize ans. Cette augmentation ne s'élève certes qu'à 320 millions d'euros, mais elle intervient après de fortes diminutions, en particulier durant le quinquennat 2012-2017.
À l'heure où je vous parle, 4 100 communes ont demandé à bénéficier du filet de sécurité voté dans la cadre de la loi de finances rectificative pour 2022, ce qui correspond à environ 100 millions d'euros d'acompte. Aussi, il n'est pas du tout certain que l'enveloppe de 430 millions d'euros soit intégralement dépensée, sans compter que des erreurs d'appréciation sont possibles et que certaines communes pourraient avoir à restituer une partie des sommes qu'on leur aurait versées. Nous ne devrions pas tarder à savoir si le dispositif a rencontré un réel succès auprès des collectivités, les comptes administratifs jouant le rôle de « juges de paix » en la matière.
J'espère disposer assez rapidement des projections sur les aides réellement versées au titre du filet de sécurité voté, cette fois, dans le cadre de la loi de finances pour 2023, dans la mesure notamment où l'abondement s'élève à 1,5 milliard d'euros, un montant élevé qui tient compte de l'ampleur de la hausse des prix de l'énergie.
Si certains critères d'éligibilité à ce filet devaient être modifiés, il conviendrait de le faire assez vite. Je pense notamment au fait que le dispositif profitera, cette année, aux collectivités qui auront subi une perte d'épargne brute supérieure ou égale à 15 % - le Sénat a abaissé le seuil de 22 %, qui avait initialement été retenu -, alors qu'il n'est pas encore certain que les finances des communes se soient dégradées de manière excessive.
Monsieur le sénateur Gillé, je crois en l'utilité des SCoT et à la nécessité d'une planification. Je regrette, pour ma part, l'absence d'inter-SCoT, notamment parce que les collectivités surestiment leurs perspectives de développement, leurs besoins en termes de foncier et de logement. Je suis, par conséquent, favorable à l'existence d'instances propices au dialogue. Faut-il, pour autant, créer de nouvelles structures en plus des Sraddet et des SCoT ? Je ne le pense pas, car la juxtaposition de nouvelles strates risque de désespérer une partie des élus. J'ajoute que je suis attentif à ne pas alourdir les dépenses des collectivités et à ne pas complexifier les dispositifs techniques qui sont à leur disposition.
À mon sens, il faudrait que les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) couvrent la majeure partie du territoire, car ils sont le bon niveau d'intégration et de dialogue. En contrepartie de la mise en place d'une garantie rurale dans le cadre du ZAN, peut-être faudrait-il envisager de limiter l'application du règlement national d'urbanisme (RNU) et de réduire la liste des secteurs dans lesquels les plans d'urbanisme ne s'appliquent pas.
J'estime aujourd'hui que le SCoT doit rester le pivot de la planification à l'échelle d'un bassin de territoire et qu'il est préférable d'encourager le dialogue au sein des Sraddet plutôt que d'ajouter un échelon intermédiaire.
Monsieur le ministre, nous sommes nous aussi attentifs à la situation financière des collectivités et souhaiterions obtenir dès que possible les projections que vous mentionniez. Il se peut, en effet, que les budgets des communes ne soient pas aussi détériorés que l'on pourrait le craindre, dans la mesure où le principe d'équilibre réel du budget des collectivités locales a probablement incité les élus à se montrer précautionneux en 2022. En tout cas, comme vous, je considère qu'il existe une diversité de situations et qu'il ne faut pas opposer communes rurales et urbaines.
Autre remarque : il était prévu, me semble-t-il, que le filet de sécurité tel qu'il a été voté en 2022 soit un dispositif à ce point complexe que l'enveloppe ne serait pas intégralement dépensée. Il est donc heureux que ce mécanisme ait été revu pour l'année 2023.
Enfin, nous sommes tous conscients de la nécessité que les communes travaillent ensemble, mais je ne suis pas, à titre personnel, une fervente adepte du PLUi. Je rappelle que nous défendons ici la responsabilité et la liberté locales, y compris lorsqu'il est question d'accompagner les élus locaux.
Tout d'abord, je tiens à préciser que le problème de l'« agencification » découle avant tout d'un manque d'articulation entre collectivités et services déconcentrés de l'État, d'une part, et de l'application d'une doctrine uniforme au sein des agences, d'autre part.
Monsieur le ministre, vous avez déploré la mise en oeuvre d'une garantie qui s'appliquerait à l'ensemble des communes rurales dans le cadre du ZAN. Or cette mesure résulte directement du texte que vous avez présenté, lequel traite de la même manière des situations très différentes. Dans la mesure où la différenciation est impossible dans un cadre territorial, il est assez logique que nous cherchions à apporter des garanties aux élus, notamment à ceux du monde rural.
Nous venons d'apprendre que la publication du décret sur les zones tendues avait été reportée, et que son dispositif ne devrait s'appliquer qu'à compter de 2024. Je sais bien que la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) comportent des effets de bord et que leur articulation pose des problèmes, mais je pense qu'il serait contreproductif de repousser d'emblée toute solution nouvelle.
Je ne pense pas, en effet, que le Gouvernement ait pris la mesure de l'urgence sociale dans les territoires sous tension, notamment les territoires littoraux, où l'on assiste à une éviction de certaines populations, qui ne sont plus en mesure de se loger. Ainsi, dans mon département des Landes, la plateforme Airbnb a connu une progression de son activité de 125 % en un an, ce qui crée des difficultés supplémentaires et engendrera des problèmes d'une grande ampleur.
Monsieur le ministre, permettez-moi un aparté : la proposition de loi sénatoriale visant à assouplir les règles du ZAN a surtout pour objet de permettre aux élus locaux de donner leur avis et d'avoir voix au chapitre s'agissant de décisions qui concernent à la fois leurs collectivités et leurs habitants.
À côté de l'ingénierie d'État, il existe une ingénierie locale, au travers des agences d'urbanisme, des agences départementales, ou encore des entreprises publiques locales (EPL) dans le domaine du foncier. Quel rôle cette ingénierie, qui assure aujourd'hui plus d'agilité locale, pourrait-elle jouer selon vous ? Je considère, pour ma part, qu'elle recouvre des instruments indispensables pour les élus sur le terrain, et qu'il faudrait éviter de remettre en cause les marges de manoeuvre des collectivités en la matière.
Par ailleurs, je rappelle que les délégations sénatoriales aux collectivités territoriales et aux entreprises ont élaboré un rapport sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. La maîtrise de foncier est le « coeur du réacteur » des politiques publiques - je pense notamment à la problématique essentielle du devenir des friches et à la nécessaire lutte contre la spéculation foncière dans les territoires. Quels outils envisagez-vous de mettre en place pour améliorer cette situation et aider les entreprises à mieux maîtriser le foncier ?
Ma dernière remarque porte sur le fonds vert : sur le fondement de quels critères les sommes allouées dans chaque département seront-elles réparties ? Nous avons bien compris que vous étiez favorable à la liberté de gestion de ce fonds par les préfets, mais les élus souhaiteraient en savoir davantage sur la ventilation de ces crédits.
Je tiens à préciser certains de mes propos. Je n'ai jamais dit que la proposition de loi tendant à l'assouplissement des règles du ZAN était une usine à gaz, d'autant que le dispositif lui-même s'inscrit dans une logique particulièrement complexe. Je pense, en revanche, qu'il est indispensable de réfléchir à sa simplification dans la perspective d'une possible refonte.
Je me retrouve dans une situation paradoxale à ce sujet, puisque je dois défendre un texte que je n'ai pas voté, mais dont j'ai pu mesurer les difficultés d'application au moment où j'ai élaboré le SCoT de ma propre intercommunalité. En tant que ministre, je me dois aujourd'hui de défendre un principe, voté par une large majorité des deux assemblées dans le cadre de la loi Climat et résilience.
Je vous rappelle, en outre, que le ZAN faisait partie des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, et qu'il serait paradoxal de reprocher au Gouvernement de porter une mesure aussi vertueuse. Mettre fin à l'artificialisation des sols contribue, en effet, à la recharge des nappes phréatiques, à la préservation des îlots de fraîcheur naturels, à la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire et agricole, autant d'objectifs autour desquels nous devrions nous retrouver, d'autant qu'il est prouvé désormais qu'il n'existe aucune corrélation entre l'imperméabilisation des sols et l'évolution de la population.
Je le dis pour les élus du littoral : il n'y a pas de corrélation entre l'augmentation de la population et celle de l'artificialisation. Certains secteurs ont accueilli beaucoup de population avec peu d'hectares, alors que d'autres ont perdu de la population tout en s'étant étendus.
Que prévoit la loi que vous avez écrite pour associer les élus ? Vous avez voté le fait que nous n'appliquerions pas aveuglément la disposition et que nous ferions confiance aux élus locaux et aux régions. En effet, le Parlement a décidé que l'on ne pourrait descendre à un niveau trop bas, de manière à pouvoir tenir compte des dynamiques de population. Pour répartir intelligemment la charge, il faut se placer à une échelle assez vaste pour répartir le foncier, en faisant ensuite confiance aux régions pour tenir compte, en leur sein, des besoins et des efforts passés.
C'est paradoxal : certaines collectivités y sont prêtes, quand d'autres déclarent que c'est trop compliqué et qu'elles se contenteront de donner le même pourcentage à tout le monde. C'est la négation même de la justice ! Face à un tel refus de délibération d'une région, cela ne me choquerait pas que l'on redonne le pouvoir à l'État.
Mais comment, dans la chambre des collectivités territoriales, animé de mes convictions d'ancien président de département et d'intercommunalité, d'ancien sénateur, puis-je souhaiter que les trajectoires foncières entre les collectivités se décident à la préfecture ? Il faut préserver un dispositif de partage. Cela dit, si la conférence des SCoT était l'enceinte où tous les maires du territoire étaient entendus, cela se saurait. Vous le savez très bien, ce sont avant tout les présidents des SCoT qui s'y expriment, ainsi qu'un certain nombre d'élus représentant les autres. Tout le monde n'a pas voix au chapitre.
Néanmoins, l'argument selon lequel cette conférence n'assure pas la participation de l'intégralité des élus ne me semble pas dirimant. De façon similaire, vous représentez des territoires et vous parlez au nom des élus qui vous ont choisis. Imaginez que l'on passe à une démocratie directe des élus, où tous les maires s'expriment : ce ne serait pas non plus la garantie d'une meilleure prise en compte ! On sait bien que, dans toute assemblée, certains parleront toujours plus fort que d'autres... Oui, il faut trouver un mécanisme, mais non, il ne faut pas donner l'illusion que tous seront entendus.
De plus, si tout le monde approuve le principe de la non-artificialisation, bien peu sont prêts à le mettre en oeuvre sur leur territoire, par peur de manquer. Ainsi, comptez les SCoT, les PLU et les programmes locaux de l'habitat (PLH) où les objectifs d'artificialisation sont atteints : ils ne concernent même pas un tiers du territoire national. Dans quantité d'endroits - l'Ouest de la France est plutôt mieux doté -, les projections ne sont pas atteintes. Des marges et des sujets de travail concrets existent.
Sur le sujet du littoral et des plateformes, je crois à la décentralisation. Si je devais fixer des règles nationales, j'irais au-devant de difficultés. Pour Airbnb et les plateformes, on ne peut comparer celui qui loue sa résidence principale quelques jours et celui qui achète un immeuble pour faire de la location de courte durée. La loi ne doit pas bouleverser le complément de revenus de particuliers en traitant le cas de loueurs professionnels. Notre législation sur ces plateformes est, en outre, la plus poussée en Europe, et celle qui donne le plus d'instruments aux élus. Des maires, de droite comme de gauche, s'en saisissent avec efficacité. Ainsi, Franck Louvrier, maire de La Baule, limite la possession à un logement Airbnb, avec une compensation par de la longue durée au-delà. Voyez ce qui se passe à Biarritz, à La Rochelle : il faut combler certains manques.
Ma réponse est simple et liée à la réunion que j'aurai mardi matin avec les associations d'élus sur la décentralisation du logement : les outils les plus puissants sont conditionnés au statut de zone tendue. Il y a deux options : retirer cette conditionnalité ou décentraliser la détermination de ce statut. Cette seconde hypothèse, autour du Pinel breton, est prometteuse, mais je souhaite, avant tout, que le dialogue avec les associations d'élus aboutisse à trouver le bon dispositif. Nous devons entendre le retour d'expérience de ceux qui se sont confrontés aux limites du texte. Ce sujet est une priorité de la décentralisation.
Je suis prêt à aller très loin, à l'exception des aides personnelles au logement (APL), qui relèvent de la solidarité nationale, et de l'hébergement d'urgence, lié à la maîtrise des flux migratoires. Tout le reste se discute, y compris le soutien aux maires bâtisseurs. Nous avons tout de même une drôle de discussion : nous craignons de manquer de terrain pour construire, alors que la difficulté aujourd'hui est, bien souvent, le manque de permis de construire. Les mises en chantier reculent et les promoteurs expriment leurs difficultés à trouver des maires enclins à accepter des projets.
J'en viens aux agences : je crois profondément aux agences locales, qui participent de la libre administration. Il ne faut pas légiférer sur ce qui reflète la diversité des territoires : ici, une agence d'urbanisme ; là, une agence régionale de la transition écologique, comme dans le Grand Est. Laissons la liberté locale s'exprimer. L'ANCT est, finalement, le grand frère, la déclinaison nationale, de ces agences locales avec un principe de subsidiarité. Le territoire qui n'a rien - qu'il s'agisse d'une trop petite intercommunalité, ou que l'agence départementale ait fermé - bénéficie ainsi d'un filet national de sécurité, que ce soit pour de l'ingénierie ou pour défricher des sujets, comme avec Action coeur de ville. C'est pareil pour le foncier. Dans certains endroits, son acquisition n'est pas toujours le fait d'un établissement public foncier (EPF) : elle relève parfois d'une société d'économie mixte (SEM) ou d'une société publique locale (SPL), sans lever de taxe. À ce sujet, le Sénat fait oeuvre utile avec la proposition de loi sur le ZAN et les outils de sursis à statuer et de préemption. En effet, le ZAN crée, par nature, une tension sur les prix. Les mécanismes anti-spéculatifs sont bienvenus, mais j'aimerais aller plus loin, avec une taxation significative de l'artificialisation. Une part de la plus-value, en partie due à la raréfaction induite par la loi, doit être taxée, ce qui alimenterait les caisses des collectivités et leur stratégie de sobriété foncière, dans une logique vertueuse.
Je précise que des milliers de communes sont déjà au ZAN sans le savoir, pour diverses raisons : zones inondables, appellations d'origine contrôlée, épuisement du foncier - je pense à Paris, mais aussi à de toutes petites communes notamment. Finalement, le principal défaut du ZAN est le « zéro », qui figure dans son intitulé, mais qui ne correspond pas à la réalité. Or je rappelle la moyenne des droits d'artificialisation pour les dix ans à venir : 12 500 hectares, sans compter le bonus de 200 000 hectares de friches de grande taille dans notre pays - je ne parle même pas de la dent creuse ou de la serre abandonnée.
Enfin, les enveloppes du fonds vert sont réparties par le préfet du département. Le dialogue avec les élus locaux a commencé presque partout, selon des fonctionnements différents selon les endroits. J'ai fixé deux consignes : pas d'appel à projets ni à manifestation d'intérêt, et des réponses promptes. En effet, engager rapidement le fonds que j'ai obtenu pour 2023 étaiera les arguments pour en demander la prolongation.
Nous suivrons cette réflexion sur la décentralisation au niveau du logement avec intérêt. Je suis heureuse que le Pinel breton, avancée remarquable obtenue à l'époque où Édouard Philippe était Premier ministre, époque aussi du revirement sur Notre-Dame des Landes, apparaisse vertueux aujourd'hui.
Je confirme que le fonds vert est une attente forte. De nombreuses communes de la Drôme ont déposé un dossier : dans combien de temps auront-elles une réponse ? L'inflation justifie l'urgence des dossiers, dont le montant augmente.
À propos du ZAN, vous avez dit que donner la même chose à tout le monde n'est pas juste. Cependant, il s'agit plutôt d'assurer une garantie à tout le monde, donc de ne laisser aucune commune au bord du chemin. Vous l'avez vous-même reconnu, les maires des petites communes sont perdus et à la merci des experts. On parle d'une retraite minimum à 1 200 euros : une garantie minimale pour les petites communes est nécessaire. J'ai longtemps été maire d'un petit village qui a su maintenir son école et sa population tout en consommant peu d'espace.
Le 1 % que vous mentionnez concerne-t-il bien la surface urbanisée ?
Sur les finances des collectivités, les moyennes et le tableau d'ensemble, plutôt positif, avec un recul de la dette, cachent des disparités. Il convient d'être prudent sur les jugements que l'on porte. Ainsi, la DGF pour 2023 augmente, certes, de 320 millions d'euros - à ramener à un total de 27 milliards d'euros, dans un contexte d'inflation -, mais l'augmentation est ciblée sur les communes les plus fragiles, c'est-à-dire celles qui bénéficiaient de la péréquation. Nous sommes nombreux à approuver cette orientation. Qu'en sera-t-il pour les années à venir ? Continuerez-vous à privilégier l'aide aux plus fragiles, alors que les moyennes globales sont plutôt bonnes ?
Ensuite, les aménités rurales - sujet qui m'est cher - ont connu des avancées significatives ces deux ou trois dernières années : pensez-vous qu'il faut aller plus loin ? Si oui, nous serions tout à fait en phase avec vous. Je pense notamment à leur meilleure reconnaissance à travers la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité.
Je retiens votre propos sur la reconduction du fonds vert, qui dépend de sa réussite en 2023, réussite dont je ne doute pas.
Enfin, sur les compétences, faut-il faire évoluer ou adapter les partages de compétences au niveau du bloc communal, mais aussi entre les départements et les régions ? Beaucoup de nos collègues sont, par ailleurs, sensibles à la question de l'eau et de l'assainissement. La réflexion est-elle ouverte pour laisser aux territoires l'attribution de cette compétence ?
Ce n'est pas une mince question, et c'est encore moins un simple marronnier sénatorial...
L'Agenda rural, initialement bien accueilli, a suscité des déceptions. Les maires s'en sont, certes, rapidement approprié les outils financiers - dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), fonds vert - mais il est apparu comme un programme nébuleux, diffus, réparti entre différents ministères et, de ce fait, difficile à maîtriser.
Pour l'acte II de l'Agenda rural, irez-vous vers davantage de lisibilité ?
Monsieur Mizzon, il existe, en effet, une marge de manoeuvre pour mieux faire connaître l'Agenda rural. Toutefois, celui-ci reste totalement nécessaire, car les communes rurales sont en pointe dans la transition écologique, malgré le discours contraire que l'on entend parfois. En effet, la capacité de stockage du carbone repose sur leur aptitude à mener cette transition, et c'est là que les tensions sont potentiellement les plus fortes : parfois les investissements n'existent pas et il n'y a pas d'alternative à la voiture, ou bien, dans d'autres cas, les alternatives sont des impasses sur le plan écologique, de sorte qu'il faut conjuguer avec la réalité du terrain pour trouver des solutions, comme le leasing social pour la voiture électrique à moins de 100 euros.
L'Agenda rural contribue à faire des territoires ruraux des fers de lance de la transition écologique, à renforcer leur attractivité, à améliorer la vie des habitants et à accompagner les élus. Il doit entrer dans une nouvelle phase et s'intégrer dans une réflexion sur les zones de revitalisation rurale et, plus largement, dans le pacte de confiance que nous devons nouer avec la ruralité pour éviter le sentiment d'abandon de ces territoires.
Je maintiens ce que j'ai dit sur la garantie : retenir un hectare ne me semble pas approprié. La taille des communes varie de quelques unités à 1,8 million d'habitants. Le texte prévoit le critère d'un hectare pour toutes les communes, quelle qu'en soit la taille. Je plaide pour que la garantie rurale s'applique uniquement aux communes rurales. Le critère pour entrer dans cette catégorie doit-il être celui du nombre d'habitants ou de la faible densité ? On peut en discuter. Il me semble a priori qu'un critère de faible densité permettrait de mieux tenir compte de ce que l'Association des maires ruraux de France (AMRF) indique.
Quoi qu'il en soit, à partir du moment où un pourcentage identique s'applique à toutes les communes, le dispositif me paraît juste : une commune de 2 000 habitants bénéficiera, ainsi, d'un peu plus qu'une commune de 200 habitants. Je vous le dis clairement : il n'y aura pas de commission mixte paritaire (CMP) conclusive sur ce texte si l'on maintient la règle d'un hectare. Par conséquent, soit nous améliorons le texte, soit nous privilégions des postures à quelques mois d'une échéance électorale, ce qui serait dommage.
Les impacts en termes de surface sont les mêmes. Si l'on donne un hectare à toutes les communes, cela représentera 35 500 hectares ; si l'on donne 1 % à chaque commune, cela représentera 34 500 hectares. En revanche, si l'on réserve ce bénéfice aux communes peu denses, on réduit le chiffre de moitié, soit 17 000 hectares. On sera donc, à la fin, sur un volume comparable, mais pas réparti de la même manière.
Il ne faudrait pas que, dans la discussion sur le plancher ou la garantie, on finisse par créer un monstre qui consisterait à considérer que les communes peu denses n'auraient droit à rien de plus. En effet, il est souhaitable que les perspectives et les trajectoires soient significativement plus élevées que cette garantie dans bien des endroits, y compris parce qu'il y a une attractivité naturelle qu'il ne faut pas masquer.
Pour ce qui est des aménités rurales, voilà deux années consécutives que le montant de la dotation biodiversité pour les communes a été doublé : l'effort, en tendance, est réel. Je considère que cela reste un bon axe, car la question de la biodiversité pèsera sur bien des sujets en 2023 : après la COP15 de décembre dernier, l'enjeu principal porte sur la Stratégie nationale pour la biodiversité et sur son financement.
Aujourd'hui, la biodiversité est en partie financée par les agences de l'eau, alors que les dépenses liées à la situation hydrique ne font qu'augmenter. Avec la secrétaire d'État Bérengère Couillard, nous avons finalisé un plan Eau, qui comprend une cinquantaine de mesures portant notamment sur l'encadrement des forages, la réutilisation des eaux usées, la question des eaux grises, la lutte contre le gaspillage des eaux, la sécurisation de l'eau potable, etc.
Pour en venir à un sujet qui vous préoccupe et qui est loin d'être un « marronnier », 700 communes ont connu des difficultés en matière d'eau potable l'été dernier. La proportion de celles qui gèrent la compétence seules démontre que ce système n'est pas tenable. L'intercommunalisation de la gestion de l'eau va devenir une question de santé publique et de sécurisation. Il existe une corrélation et une simultanéité quand on superpose les cartes entre la gestion solitaire et le défaut d'approvisionnement. De faibles prix au mètre cube sont parfois l'indice d'un sous-investissement et d'un niveau de fuite élevé. On peut difficilement expliquer que l'eau est un sujet crucial et ne pas reconnaître la nécessité d'assurer un minimum d'interconnexions de sécurité et de rebouclages pour que le dispositif soit plus résilient. Par conséquent, je n'aurai pas la main qui tremble lorsqu'il s'agira d'expliquer que l'on ne peut pas remettre en cause l'obligation de l'intercommunalisation en 2026. Je connais les attentes sur ce sujet. Je ne souhaite pas rigidifier le dispositif. Je crois à la nécessité d'avoir des cartes qui tiennent compte de la réalité, mais on ne peut pas laisser les communes gérer seules, sauf en cas de situation géographique très exceptionnelle.
En matière de péréquation, la multiplication des couches archéologiques dans la DGF, dues à des « bouts de réforme » qui se sont additionnés, nécessiterait d'ouvrir une réflexion plus large sur la manière d'accompagner les collectivités territoriales. La question de la péréquation y aurait toute sa place. Quoi qu'il en soit, les écarts de richesse entre les collectivités rendent la péréquation objectivement juste : elle renforce la cohésion des territoires.
Au Sénat, il n'a jamais été question de prétendre que, quand une commune a seule la compétence eau, la gestion n'en serait que meilleure. Toutefois, l'eau ne coule pas selon des périmètres administratifs, mais selon la nature et selon des bassins versants. Nous souhaitons simplement sortir de la rigidité administrative française.
La capacité des collectivités territoriales à porter la transition en matière de ressources humaines et d'ingénierie est un facteur d'incertitude dans l'utilisation du fonds vert et, plus largement, de tous les fonds. Ne serait-il pas pertinent de permettre aux communes d'utiliser une partie du fonds vert pour des frais d'ingénierie et de fonctionnement ?
Vous dites que l'ensemble des crédits du filet de sécurité risque de ne pas être consommé. Quand elles l'apprendront, les communes risquent de réagir fortement. Nous avions alerté sur la complexité du dispositif, notamment sur le fait que certaines communes devraient rembourser les acomptes versés. Nous allons au-devant d'un fort mécontentement. Ne serait-il pas plus simple que toutes les collectivités qui le souhaitent puissent en revenir à la possibilité d'accéder aux tarifs réglementés de l'énergie, quitte à mieux adosser ces tarifs de vente aux coûts réels de production et de commercialisation ?
Par ailleurs, un certain nombre de communes ont dû renouveler leur contrat avec les énergéticiens à l'automne dernier, alors que la hausse des prix était à son plus haut niveau. Ne faudrait-il pas leur permettre de renégocier ces contrats pour en revenir au prix actuel ?
Le fonds vert comporte un certain nombre de critères qui ne permettent pas de prendre en compte toutes les opérations que les collectivités voudraient réaliser, d'où un certain recul de l'autonomie des collectivités. Même si l'on peut se réjouir de l'existence du fonds vert, il ne faut pas enterrer l'idée que la DGF doit être indexée sur l'inflation.
Sur le filet de sécurité, je dis seulement, de la manière la plus transparente possible, que le niveau de recours n'est pas à la hauteur de ce qui était initialement prévu. Il en va de même sur le chèque carburant. Doit-on expliquer ce non-recours par une méconnaissance des dispositifs ou par une mauvaise appréciation se traduisant dans un écart entre la prévision et la réalité ? Mieux vaut anticiper pour éviter une éviction de budget et apporter plutôt des compléments dont les collectivités pourraient avoir besoin. À ce stade, il ne s'agit que d'une alerte que je lance : nous souhaitons tous que les collectivités aient les moyens de relever les défis en matière de transition écologique.
Nous avons ajouté 2 milliards d'euros d'aides aux collectivités à travers le fonds vert. Le dispositif est à rebours de tout ce qui a été fait auparavant et est aussi simple que possible. Laissons-lui le temps d'exister avant de dresser un bilan. Les élus ont une large possibilité d'utiliser ce fonds. On me dit que des crédits jusqu'alors fléchés vers la DETR ou vers la DSIL le sont désormais vers le fonds vert, de manière à utiliser les enveloppes sur d'autres critères.
Le sujet des prix de l'énergie est complexe, car il relève du droit européen et du droit à la concurrence. L'urgence est d'abord celle de la réforme du marché européen de l'électricité, ce qui nécessite de revenir sur vingt ans de politique globale. Les enjeux sont considérables : nous devons retrouver notre part de nucléaire, la conforter pour conserver notre indépendance et bénéficier d'une énergie décarbonée et pilotable, et nous devons aussi sortir de l'énergie fossile en développant les énergies renouvelables.
La question des tarifs, aussi brûlante soit-elle, reste secondaire par rapport au mécanisme de fixation des prix. Il faut réformer le dispositif pour éviter de vendre de l'énergie à perte.
Mes chers collègues, si nous n'avons pas le temps de poser toutes nos questions, nous pourrons les transmettre au ministre par écrit.
La sobriété énergétique suppose que les communes investissent. Nous avons du retard dans la rénovation des piscines, des écoles, des gendarmeries, des maisons de retraite et des hôpitaux.
J'ai l'impression que certaines municipalités se lancent dans des travaux sans avoir pris le temps de réfléchir à la meilleure solution. De plus, malgré leur bonne volonté, elles manquent souvent de moyens.
Il convient de dresser un état des lieux et d'établir un calendrier, mais comment ? Nous sommes au début d'une grande histoire, qui s'écrira avec le partenariat de plusieurs ministères, dont le vôtre.
Sur les plus de 300 millions de mètres carrés de bâtiments publics appartenant aux collectivités locales, la moitié est du bâti scolaire.
Vous avez raison : avant de rénover, il faut établir une cartographie des passoires thermiques, afin d'identifier les meilleurs retours sur investissements. Il convient peut-être aussi de ne pas conserver dans le patrimoine public certains bâtiments qui sont sous-utilisés et qui pourraient servir pour d'autres usages. Mais, compte tenu des moyens humains dont disposent les communes de petite taille, il sera complexe de conduire cette planification.
La proposition de loi sur le tiers-financement qui sera examinée la semaine prochaine par le Sénat nous dotera d'un cadre et de moyens de financement alternatifs à la dépense budgétaire. Les dispositifs d'évaluation qui sont prévus, et que les amendements déposés par le Sénat tendent à renforcer, permettront d'estimer les gains en termes de performance énergétique que l'on peut attendre d'une rénovation et la durée d'amortissement des travaux. Mais tout cela suppose des ressources d'ingénierie.
Nous envisageons de confier une mission nationale sur le bâti scolaire à la Banque des territoires, afin de nous doter d'un référentiel pour les 44 000 écoles publiques de notre pays. Cela ne permettra pas, toutefois, de prendre en compte l'hétérogénéité des situations. Il faudra, pour cela, recourir à l'ingénierie locale, au travers des SEM ou des EPL, qui peuvent aussi jouer un rôle dans le portage foncier.
Je salue, à ce titre, l'amendement sénatorial visant à ouvrir la possibilité à des intercommunalités d'être tiers-financeur. Cela permettra aux intercommunalités qui le souhaitent de centraliser les diagnostics énergétiques et l'accompagnement des communes, en laissant la main à ces dernières, ensuite, pour la gestion du bâti scolaire, par exemple. Il s'agit, non pas d'une contrainte ou d'un transfert, mais d'une option qui me paraît bienvenue.
Le fonds vert fixe un objectif de 40 % de baisse des émissions de CO2. Dans les faits, la consigne a été passée aux préfets d'apprécier l'efficacité des rénovations, non pas en mesurant précisément les émissions avant et après les travaux, mais en retenant celles dont l'effet de levier est significatif.
Les collectivités doivent financer au moins 20 % des travaux de rénovation énergétique qu'elles entreprennent. Il y a quelques années, une loi a toutefois donné au préfet la possibilité d'octroyer des dérogations à cette règle s'il estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage. L'application de cette disposition par les préfets reste pourtant marginale. Pourriez-vous vous engager à rappeler aux préfets qu'ils peuvent s'en saisir ?
Je vais le faire. J'estime que, si le zéro reste à charge n'est pas souhaitable, car un taux de participation, même faible, est gage d'un meilleur suivi des travaux et d'un bon usage de l'argent public, il serait positif que l'on puisse débloquer certains projets par une dérogation à ce seuil de 20 %.
En ce qui concerne le ZAN, le « comment ? » prime presque sur l'objectif politique que l'on se fixe. J'estime qu'il conviendrait d'étudier la faisabilité des dispositions qui sont proposées dès l'étude d'impact, car cela nous permettrait de légiférer en ayant connaissance d'éventuelles difficultés de mise en oeuvre.
Par ailleurs, vous avez évoqué une taxation visant à réduire les effets d'aubaine induits sur le foncier par le ZAN. De même, l'installation d'une ligne TGV dans un territoire contraint les populations modestes qui souhaitent acquérir du foncier pour se loger à le quitter au profit de territoires ruraux, lesquels ne peuvent pas toujours accueillir ces populations dans de bonnes conditions. Comptez-vous élargir le dispositif que vous avez imaginé pour le ZAN à d'autres secteurs sujets à des phénomènes inflationnistes, tels que le prix du foncier ?
Les études d'impact sont encadrées par un certain nombre de dispositions, mais la brièveté des délais d'examen rend parfois complexe leur application, alors qu'elles sont unanimement saluées.
Je milite, pour ma part, pour des études d'impact climatique. Je pense que nous devrions discuter, non pas seulement en euros, mais aussi en carbone. Certaines idées peuvent sembler bonnes et faire l'objet d'un consensus, alors que leur impact climatique est marginal, tandis que d'autres, moins documentées, permettraient des gains climatiques significatifs. Le meilleur exemple est le covoiturage, qui est certainement l'investissement le moins cher et dont l'effet climatique est le plus élevé. Nul besoin, pour le mettre en oeuvre, d'importer voitures et bornes de recharge ni de dégrader notre déficit commercial : à chaque fois que deux automobilistes empruntent le même véhicule, leur bilan carbone est divisé par deux. C'est un dispositif souple, que l'on peut mettre en oeuvre dans n'importe quel territoire, quelle que soit sa densité. C'est dire si j'adhère à votre idée, monsieur le sénateur.
J'irai même plus loin : la taxation de l'artificialisation des sols est, au fond, une invitation à penser la transition écologique d'un point de vue fiscal, c'est-à-dire à faire en sorte que les impôts et les signaux-prix incitent à des comportements vertueux.
En ce qui concerne le foncier sur les lignes TGV, je rappelle qu'un certain nombre de mécanismes sont à la main des collectivités locales, qui peuvent, par exemple, décider de majorer la taxe d'aménagement sur un secteur qui fait l'objet d'une opération de renouvellement urbain. Cela permet aux collectivités de récupérer une partie des retombées positives dont les promoteurs profitent grâce à l'investissement qu'elles ont réalisé.
Faut-il prévoir un mécanisme pour les lignes à grande vitesse (LGV) ? J'estime que nous devons mener une réforme fiscale globale en lien avec la transition écologique. Par exemple, les agriculteurs ne pourront pas s'affranchir de la nécessité d'avoir des rendements élevés tant que la fiscalité sur les terres agricoles sera, elle aussi, élevée. Surtout, il nous faudra tenir compte des 40 milliards d'euros de recettes issues de la fiscalité des carburants dans le budget de l'État, sachant que ces recettes qui sont appelées à diminuer servent notamment à financer nos investissements ferroviaires.
La consigne pour le recyclage des bouteilles en plastique est un sujet particulièrement sensible pour nos collectivités, car il aura forcément un impact sur la gestion globale des déchets. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?
La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) prévoyait qu'une concertation soit menée afin d'évaluer l'opportunité de consigner les bouteilles en plastique à compter du 1er juillet 2023. Cette concertation est en cours.
Nous recyclons environ 60 % de nos bouteilles en plastique, quand certains de nos voisins du Nord ont déjà dépassé les 80 %. Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux, que nous n'atteignons pas car nous ne disposons pas des mécanismes adéquats et parce que localement, la volonté fait parfois défaut.
Les bouteilles en plastique sont actuellement une ressource pour les collectivités locales, qui doivent déjà faire face à l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
En tout état de cause, la concertation avec les collectivités locales sera cruciale, car il faudra prévoir des lieux de collecte et imaginer un dispositif. Celui-ci pourrait, d'ailleurs, impliquer les collectivités locales de telle sorte que le « gisement » que sont les bouteilles en plastique ne leur soit pas retiré. Ces questions sont sur la table, mais nous ne pourrons pas faire l'économie d'un tel dispositif, alors que les conséquences de la dissémination du plastique dans les écosystèmes et sur notre santé sont parfaitement documentées.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions, monsieur le ministre.
La réunion est close à 11 h 05.