Je remercie notre collègue Françoise Gatel de cette initiative. Certes, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui entend répondre à un problème ponctuel, mais elle mérite toute notre attention, car certaines communes connaissent des situations de vacances durables de sièges au sein des conseils communautaires faute de candidats de même sexe pour remplacer le conseiller démissionnaire. Ainsi, pour illustrer mon propos, j'évoquerai le recours gracieux formé par le préfet de la Nièvre en 2021 à l'encontre de la délibération procédant au remplacement d'un conseiller de sexe masculin démissionnaire de son mandat municipal par une conseillère municipale, faute de candidats de même sexe, aboutissant à une vacance durable du poste en dépit de cette candidature. Si celui-ci n'a fait qu'appliquer la règle de droit, cette règle conduit, faute de candidats, à freiner la représentation juste et continue des communes au sein de leur intercommunalité.
Ce constat a été partagé par le Gouvernement ainsi que certains de nos collègues députés. En effet, Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger déplorent dans leur rapport d'information sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal d'octobre 2021 « les marges de manoeuvre nulles » des élus locaux face à une telle obligation et appellent le ministre des collectivités territoriales à se saisir du sujet.
De façon analogue, interrogé par Françoise Gatel, l'ancien ministre des collectivités territoriales Joël Giraud avait constaté que « ces situations, qui sont exceptionnelles, pourraient faire l'objet d'une attention particulière à l'occasion d'un prochain vecteur législatif ».
Une telle situation de vacance est préjudiciable aux communes et aux intercommunalités, et ce à trois égards.
Premièrement, la vacance d'un siège aboutit à un amoindrissement de la représentation des communes au sein du conseil communautaire, alors même que les intercommunalités ont de nombreuses compétences.
Deuxièmement, dans certains cas, une telle vacance conduit à un amoindrissement des droits de l'opposition, qui peut se retrouver privée de représentation au sein du conseil communautaire, faute d'un réservoir de candidat de même sexe, fléchés ou non, suffisant.
Troisièmement, des vacances durables sont également préjudiciables au bon fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre eux-mêmes, dont les décisions pourraient être considérées comme entachées d'un défaut de représentativité et de légitimité, en particulier s'agissant des équilibres fragiles de la pondération de la représentation de la ville-centre et de l'ensemble des communes de plus petite taille.
La présente proposition de loi apporte une solution pragmatique en prévoyant, pour les seules communes de plus de 1 000 habitants représentées par plusieurs sièges au conseil communautaire, et lorsqu'il n'existe pas de conseiller municipal, « fléché » ou non, de même sexe candidat à ce siège, de le pourvoir par le suivant de liste « fléché » et élu au conseil municipal sans tenir compte de son sexe. Lorsque la liste concernée ne comporte plus de conseillers municipaux dits « fléchés », le siège serait alors pourvu par le premier conseiller municipal élu sur la liste n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe.
Ces deux assouplissements étant subsidiaires aux modalités existantes de remplacement d'un conseiller communautaire démissionnaire, le dispositif me semble constituer un point d'équilibre satisfaisant entre l'exigence d'égale représentation des hommes et des femmes et l'indispensable représentation juste et continue des communes au sein des conseils communautaires.
Je vous propose, cependant, avec l'accord de l'auteur de cette proposition de loi, d'adopter un amendement de précision.
La principale originalité du dispositif initial est de n'être applicable qu'à l'issue de la première année du mandat. La rédaction de la proposition de loi initiale, si elle a le mérite de prévoir une première limitation, apparaît toutefois imprécise. Le point de départ de ce délai n'est pas suffisamment déterminé, ainsi que l'a indiqué en audition la direction générale des collectivités locales (DGCL).
C'est pourquoi je vous propose de préciser que le dispositif s'appliquerait à compter d'une année suivant la date d'installation du conseil municipal, afin notamment de tenir compte d'éventuels renouvellements locaux.
Au bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption de cet amendement, je suis donc favorable à l'adoption de cette proposition de loi.