Rares sont les sujets qui reviennent ainsi à échéance régulière et font l'objet de trois dépôts de propositions de loi, émanant de trois groupes différents. On a prétendu que nous étions enfermés dans des logiques anti-intercommunalistes et que nous tentions, de façon déguisée, de détricoter l'intercommunalité. Mais les faits sont têtus. Nous devons prendre en compte les aspirations des élus des territoires.
La loi NOTRe avait pour objectif de toiletter la carte intercommunale et les préfets avaient la mission de faire disparaitre les syndicats, notamment ceux des eaux. Pourtant, aucun syndicat des eaux n'a été supprimé lors des travaux des commissions départementales de coopération intercommunale.
Le Sénat a toujours adopté une démarche objective. À titre d'exemple, je rappelle que pour la loi Engagement et proximité, nous avons souscrit à la proposition faite par le Gouvernement de mettre en oeuvre le principe de subdélégation. Cependant, nous avions annoncé nos craintes - tout comme nous l'avions fait au moment des discussions sur la loi NOTRe -, convaincus que cette disposition nouvelle en droit ne fonctionnerait pas. Aujourd'hui, quatre départements s'y sont essayés, mais cela ne pouvait pas fonctionner puisque les communes se voyaient transférer ou déléguer l'exercice de la compétence, sans retrouver la capacité de fixer le prix de l'eau ou de voter le budget.
Nous sommes dans une impasse et, au-delà du débat technique dans lequel je ne voudrais pas que nous nous enfermions, deux sujets prévalent. Le premier a été rappelé : la compétence de l'eau est singulière et ne répond pas à une logique intercommunale, mais à une problématique de bassin versant. Souvent, les périmètres intercommunaux relèvent plutôt d'une logique de bassin de vie, raison pour laquelle nous n'avons pas fait disparaitre les syndicats des eaux. Cependant, à partir de 2026, les syndicats agiront en représentation-substitution des intercommunalités. Ainsi, ce ne seront plus les communes qui désigneront les membres du conseil syndical, mais les intercommunalités. L'intercommunalité sera toujours en capacité d'imposer des choix, à commencer par des choix budgétaires, à des syndicats dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils fonctionnent parfaitement bien.
Le prix de l'eau pour l'usager représente le deuxième argument plaidant en faveur d'un caractère facultatif du transfert. Hier, nous entendions l'ensemble des directeurs des agences de l'eau, dans le cadre de la mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » que le Sénat conduit depuis le mois dernier. Tous s'émeuvent et expliquent qu'ils ont mis en place les « Aqua prêts » pour leur permettre d'investir, mais que cela ne fonctionne pas. Les budgets eau et assainissement des intercommunalités sont saturés en raison du désengagement de ces agences et, au bout du compte, on actionne le levier fiscal et on augmente le prix de l'eau. Ce n'était pas la volonté du législateur.
Nous ne souhaitons pas faire de l'eau une compétence singulière même si, compte tenu des phénomènes de sécheresse qui vont rythmer les années à venir, une grande agilité en matière de gouvernance de l'eau sera nécessaire.
J'observe d'ailleurs que de nombreuses agences, alors même que nous ne sommes pas encore en 2026, ne financent plus les projets d'eau dès lors que la commune n'est pas en intercommunalité. Il s'agit là d'un profond dysfonctionnement et une façon de piétiner le travail du législateur. Par ailleurs, les enveloppes de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) sont contraintes de prendre en compte les projets eau et assainissement dans certains départements, alors que la DGCL ne le souhaitait pas. Pour toutes ces raisons, je souscris pleinement au texte et aux aménagements proposés.