Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 4 mars 2023 à 9h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Article 1er

Olivier Dussopt :

Ce qui est encore plus dramatique, c’est qu’il s’agit du métier où la part des accidents mortels est la plus importante : pour les pêcheurs en haute mer, notamment en eau très froide, le moindre accident peut être absolument tragique et mortel. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait le choix de maintenir l’Enim.

Pour le reste, en matière de régimes d’assurance vieillesse, l’objectif est de parvenir à une véritable harmonisation, à l’exception des trois régimes que je viens d’évoquer.

Pour conclure, je formulerai trois remarques. Les deux premières portent sur les régimes spéciaux et la troisième a trait à une question que j’ose qualifier de « récurrente » dans le débat depuis hier.

La première remarque concerne la question de l’équilibre économique et financier des régimes spéciaux. En réalité, la plupart de ces régimes ne sont pas équilibrés. De fait, on ne peut pas considérer qu’un régime est équilibré quand il l’est grâce au versement d’une subvention de l’État ou au paiement d’une contribution par les usagers.

Je pense au régime des IEG, puisque la contribution tarifaire d’acheminement, qui porte mal son nom, s’élève à 1, 8 milliard d’euros. Pardon de le dire ainsi, mais il est plus facile d’équilibrer un régime quand il bénéficie d’une contribution fiscale spécifique à hauteur de 1, 8 milliard d’euros !

La notion d’équilibre des régimes ne tient donc pas dès lors que l’on retire les subventions spécifiques versées par l’État à certains régimes – par exemple, la RATP – ou des contributions ayant un caractère fiscal payées sur la facture de chacun des consommateurs – je pense aux IEG.

Nous avons un devoir de responsabilité par rapport au coût pour la collectivité que représentent aujourd’hui des régimes qui, par leur logique de statut, entretiennent des iniquités, alors même qu’ils sont coûteux pour l’ensemble des contribuables. Tout cela n’est évidemment pas légitime.

La seule question, derrière le financement des régimes spéciaux, se résume à cette alternative : est-ce au contribuable qu’il revient de financer les dispositions particulières d’un régime spécial, quand bien même il serait considéré que ce dernier détermine l’attractivité des métiers, ou est-ce aux entreprises dans lesquelles subsisteront des régimes spéciaux, au titre de l’application de la clause du grand-père, qu’il revient d’assurer l’attractivité des métiers par le dialogue social et un financement spécifique, quitte à ce que ce financement passe, selon les cas, par l’usager ou le client plutôt que par le contribuable général ? C’est la question de l’équité. Revient-il au contribuable ou à l’employeur, dans le cadre du dialogue social, d’assurer l’attractivité d’un métier ?

La deuxième remarque concerne une solution qui a été proposée à l’occasion des différentes interventions : s’il existe une difficulté ou une forme d’iniquité – c’est peut-être, d’ailleurs, une façon de la reconnaître –, il faudrait que l’ensemble de celles et de ceux qui exercent des métiers identiques ou proches puissent bénéficier des mêmes conditions.

J’ai notamment entendu que les agents de conduite des métros et des bus d’autres communes que celles qui sont couvertes par la RATP devraient pouvoir bénéficier des mêmes conditions de départ anticipé.

Souvent, cette solution nous est proposée au nom du pragmatisme. C’est la démonstration que le pragmatisme et le réalisme ne font pas toujours bon ménage, en tout état de cause qu’ils ne sont pas synonymes ! En effet, une telle mesure aurait un coût absolument impossible à financer, sauf à renchérir de manière drastique le coût des services rendus par celles et ceux qui seraient concernés, ce qui est évidemment inenvisageable.

La troisième et dernière remarque n’a pas grand-chose à voir avec les régimes spéciaux. À plusieurs reprises est revenue, aujourd’hui comme hier, la question de la fameuse note de synthèse du Conseil d’État.

Sans vouloir faire offense à quiconque en le rappelant, je répète, comme je l’ai dit hier, que le Conseil d’État est bicéphale : il a un rôle de juridiction et un rôle de conseiller du Gouvernement. Un certain nombre de documents qu’il produit dans le cadre des conseils qu’il délivre au Gouvernement sont publics, conformément à une décision orale prise par le président François Hollande en 2015. D’autres, qui concernent les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale, n’ont pas de caractère public : seuls un certain nombre de parlementaires, du fait de leurs prérogatives de contrôle et d’évaluation, peuvent y avoir accès, s’ils le souhaitent et dans des conditions déterminées par la loi, mais aussi par le secrétariat général du Gouvernement. Je souligne, au passage, qu’y avoir accès ne signifie pas être autorisé à les publier.

Le secrétariat général du Gouvernement est à la disposition de ceux qui, parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, disposent de ces prérogatives – je ne doute pas qu’il y en ait parmi vous, parce que vous êtes, sur ce plan, organisés comme le sont les députés – et souhaiteraient consulter ces documents. Cependant, s’il est dans votre droit de me demander, autant de fois que vous le souhaitez, de rendre publique une note qui n’a pas vocation à l’être, il est dans le mien de maintenir ma réponse et même de considérer qu’elle a un caractère définitif.

Au reste, je m’étonne de devoir rappeler à un ancien président de la commission des lois le principe de séparation des pouvoirs et le rôle du Conseil d’État.

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