Séance en hémicycle du 4 mars 2023 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RATP
  • métier
  • pénibilité
  • pénible
  • régimes spéciaux
  • spéciaux
  • travailleurs

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (projet n° 368, rapport n° 375, avis n° 373).

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à la motion n° 4738 tendant au renvoi en commission de l’article 1er.

PREMIÈRE PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2023

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi, par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, d’une motion n° 4738.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission l’article 1er du projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2023 (368, 2022-2023).

Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l’article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant pour deux minutes maximum, un orateur d’opinion contraire pour deux minutes maximum, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

L’article 1er du projet de loi vise à supprimer plusieurs régimes spéciaux ou autonomes.

En réalité, les régimes spéciaux concernent non pas l’ensemble des salariés de ces branches, mais uniquement ceux qui ont les conditions de travail les plus dures.

À la RATP, les conducteurs et agents de maintenance représentent 31 000 personnes sur 45 000. À l’échelle du pays, la part de retraités recevant une pension des régimes spéciaux était, en 2019, d’environ 6 %.

Mettre fin aux régimes spéciaux et autonomes sous prétexte d’équité et de supposée universalité est une diversion visant à faire oublier que tout le monde pâtira du report de l’âge légal de départ à la retraite.

Les régimes d’EDF et de la RATP, par exemple, prévoient de meilleures anticipations de départ et une meilleure prise en compte de la pénibilité. Les travailleurs concernés sont en effet exposés à des facteurs de pénibilité qui sont décrits dans des tableaux détaillés et, par conséquent, à des risques d’incapacité importante. Après dix-sept ans de catégorie active, donc d’exposition à ces risques et facteurs de pénibilité, ils peuvent partir à 57 ans et, demain, à 59 ans.

Nous n’avons pas eu le temps de débusquer en quoi ils seraient des privilégiés. La justice sociale et l’équité voudraient que l’on applique ces mesures sérieuses de prise en compte de la pénibilité à tous les travailleurs accomplissant des travaux pénibles, plutôt que de niveler par le bas, et, comme le font ces régimes spéciaux, que l’on prévienne avant de réparer.

S’agissant des discussions en commission, je précise qu’elles ont eu lieu à huis clos, sans captation vidéo, sans que nous ayons eu le temps de nous exprimer sur tous les amendements.

Au-delà du recours abusif à l’article 47-1 de la Constitution et de l’attente lancinante de la note du Conseil d’État, les problèmes que ce texte soulève et la manière dont le débat est muselé vous forceront bien, monsieur le ministre, à reconnaître que nous avons un véritable problème démocratique.

Le groupe écologiste estime donc que le sujet des régimes spéciaux et de son impact sur la vie de milliers de travailleurs mérite, au préalable, un débat en commission bien plus approfondi.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame Poncet Monge, par cette motion, vous demandez en somme le retour du débat en commission. Il me semble que vous étiez présente lors de nos réunions et que, comme un certain nombre de vos collègues, vous avez pu vous y exprimer.

Formulez-vous ici une demande de rattrapage à destination des absents ?

En l’occurrence, nous avons procédé à des heures et des heures d’auditions. Nous avons reçu l’ensemble des représentants des régimes spéciaux et leur avons d’ailleurs posé un certain nombre de questions. Certains d’entre vous, qui étaient présents lors de ces auditions, mes chers collègues, ont obtenu, me semble-t-il, des réponses.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion. Le retour en commission, c’est non.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l ’ insertion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cette motion.

M. Pierre Laurent s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Les auditions ont eu lieu. En outre, la question des régimes spéciaux n’est pas nouvelle dans le paysage politique. Année après année, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce sujet est amplement débattu au sein de votre assemblée.

Nous savons que ces régimes ont été créés à un moment où ils pouvaient sembler nécessaires. Aujourd’hui, cependant, les différences qu’ils présentent par rapport au régime général ne se justifient plus : elles ne se justifient plus au regard de l’évolution des conditions de travail des personnes concernées et encore moins quand on les compare aux conditions d’exercice de salariés affiliés au régime général qui exercent les mêmes tâches et les mêmes métiers et remplissent les mêmes missions.

Il est temps d’avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

En 2019, le gouvernement a qualifié les régimes spéciaux de privilège pour diviser les Français et faire passer la retraite par points.

Monsieur le ministre, c’est un comble aujourd’hui de vous entendre vanter le régime par répartition, alors que vous vouliez l’abattre voilà à peine quatre ans.

Vous entendez mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte de renforcer la justice sociale entre les futurs retraités. Vous allez plus loin et vous proposez des mesures plus dures que ne l’avait fait Nicolas Sarkozy en son temps.

Les régimes spéciaux accordent des compensations à des travailleurs exerçant des métiers pénibles, qui exigent des astreintes fréquentes et entraînent une usure physique.

Nous nous opposons à leur suppression injuste. Il faudrait que vous nous expliquiez les raisons pour lesquelles ces métiers ne nécessitent pas de mesures spécifiques d’aménagement des carrières, comme la possibilité d’anticiper les départs à la retraite afin de mieux prendre en compte la pénibilité.

Dans ces secteurs en effet, les travailleurs ont une espérance de vie souvent inférieure à celle de la moyenne des salariés.

Nous souhaitons le maintien du modèle social actuel. Les régimes spéciaux ne sont pas des privilèges. Ambroise Croizat parlait d’ailleurs de « conquis sociaux ».

Au lieu de fermer le régime de la RATP, des électriciens et des gaziers, de la Banque de France, du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et des clercs de notaire, il faudrait généraliser ces compensations à l’ensemble des travailleurs qui accomplissent des travaux pénibles.

Notre groupe souhaite supprimer l’article 1er, qui ferme des régimes spéciaux fondés sur la reconnaissance de la pénibilité du travail. Pour cette raison, il votera la motion de renvoi à la commission déposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Monsieur le ministre, une fois de plus, nous vous demandons l’avis du Conseil d’État que vous nous cachez soigneusement depuis le début !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Monsieur le ministre, les régimes spéciaux constituent selon vous des privilèges, alors qu’ils ont été pionniers en matière de droits à la retraite. Ils ont été mis en place en raison de l’organisation et de la nature du travail dans les différents secteurs concernés et sont le fruit d’une véritable conquête sociale, qui s’est construite au fil des décennies. Ces régimes fonctionnent, en outre, sur la base d’une solidarité restreinte à une profession.

Vous voulez supprimer ces supposés privilèges, alors qu’ils ne sont que la simple reconnaissance de la pénibilité du travail exercé.

Les régimes spéciaux ont été construits et négociés pour compenser les nuisances inhérentes à des métiers qui méritent pourtant une attention particulière.

Pour notre part, nous sommes convaincus que l’ensemble des salariés qui sont exposés à la pénibilité doivent partir plus tôt à la retraite, sans qu’il faille pour autant organiser un régime favorable de reconnaissance de la pénibilité.

L’équité doit être construite en accordant davantage de droits et en améliorant la qualité du travail dans les métiers difficiles, y compris ceux qui bénéficient de régimes dits spéciaux.

D’ailleurs, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous expliquiez pourquoi seuls cinq régimes parmi l’ensemble des régimes spéciaux sont touchés par votre réforme. Comment avez-vous fait le tri ?

Le fait de revenir en arrière et de niveler ainsi par le bas risque en outre de nuire à l’attractivité de ces professions.

Pour ces raisons, nous sommes favorables à un renvoi à la commission afin de mieux étudier les caractéristiques de ces métiers.

M. Pierre Laurent applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Monsieur le ministre, vous avez raison : il y a des salariés qui sont affiliés au régime général – surtout depuis que l’on privatise les services publics et que l’on n’embauche plus que des contractuels – et qui ont les mêmes conditions de travail.

Vous prenez l’exemple d’un conducteur de bus RATP et d’un conducteur de car Macron. J’ignore d’ailleurs pourquoi vous citez souvent les conducteurs de bus RATP, vous devez avoir un problème avec eux… Leur exposition aux facteurs de pénibilité est en effet identique. Ce n’est pas le cas des salaires et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous privatisez.

Vous proposez que le conducteur de bus RATP soit soumis aux mêmes conditions que le conducteur de car Macron : il ne partirait à la retraite qu’à 64 ans, mais potentiellement avant, s’il est « cassé » ou a été licencié pour inaptitude.

Voyez-vous, les régimes spéciaux sont préventifs. Ils n’attendent pas que les gens soient cassés pour leur permettre de partir à 59 ans ou 57 ans. Il y a là une présomption, celle selon laquelle les facteurs de pénibilité altèrent l’espérance de vie.

Quand les conducteurs de car Macron atteindront 63 ans ou 64 ans, vous devrez réparer, à défaut d’avoir prévenu !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix la motion n° 4738, tendant au renvoi à la commission de l’article 1er.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 145 :

Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés342Pour l’adoption91Contre 251

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En conséquence, nous passons à la discussion de l’article 1er.

I. – Après l’article L. 2142-4-1 du code des transports, il est inséré un article L. 2142-4-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2142 -4 -2. – Les salariés dont le contrat de travail est régi par le statut particulier mentionné à l’article L. 2142-4-1 et qui sont recrutés avant le 1er septembre 2023 sont affiliés à un régime spécial de retraite régi par l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale. »

II. – Après le troisième alinéa de l’article L. 142-9 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents titulaires régis par ce statut et recrutés avant le 1er septembre 2023 sont affiliés à un régime spécial de retraite régi par les dispositions mentionnées à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale. »

III. – Les deux premiers alinéas du paragraphe 2 de l’article 1er de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaires sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Par. 2. – Cette caisse a pour objet la constitution, au profit de l’affilié, d’une pension en cas d’invalidité prématurée, la gestion des risques maladie, longue maladie, maternité et décès, le versement d’indemnités en cas de chômage et, éventuellement, la création d’œuvres sanitaires et sociales, dans des conditions déterminées par le décret en Conseil d’État prévu à l’article 5 de la présente loi.

« L’affiliation à cette caisse est obligatoire pour tous les clercs et employés, dès leur entrée en fonctions, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

« Cette caisse a également pour objet la constitution, au profit des clercs et employés de notaire recrutés avant le 1er septembre 2023 et qui remplissent, sans aucune interruption à compter de cette date, les conditions d’affiliation à la caisse, d’une pension en cas de vieillesse et, en cas de décès, d’une pension au profit du conjoint et des enfants mineurs. »

III bis

1° La deuxième phrase du 1° est complétée par les mots : « des clercs et employés de notaire mentionnés au troisième alinéa du paragraphe 2 de l’article 1er de la présente loi » ;

2° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Une autre cotisation obligatoire pour tous les notaires en exercice, les chambres, les caisses et les organismes mentionnés à l’article 1er. Cette cotisation est assise sur les revenus d’activité entrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, de l’ensemble des clercs et employés de notaire affiliés à la caisse. Le taux de cette cotisation est fixé par décret ; »

3° À la fin de la première phrase du 3°, les mots : « visés à l’article 1er » sont remplacés par les mots : « mentionnés au deuxième alinéa du paragraphe 2 de l’article 1er ».

IV. – Le premier alinéa du I de l’article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le mot : « vieillesse, » est supprimé ;

2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le fonctionnement du régime d’assurance vieillesse prévu au même article 47, pour les personnels salariés recrutés avant le 1er septembre 2023 et qui remplissent, sans aucune interruption à compter de cette date, les conditions d’affiliation à ce régime, est également assuré par cette caisse. »

V. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 160-17, les mots : « assurés mentionnés aux articles L. 712-1 et L. 712-2 » sont remplacés par les mots : « fonctionnaires et des anciens fonctionnaires de l’État, ne relevant pas de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, ainsi que de leurs ayants droits » ;

2° L’article L. 200-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « articles », la fin du 2° est ainsi rédigée : « L. 411-1, L. 412-2 et L. 412-8 ; »

b) Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Au titre de l’assurance vieillesse, les assurés relevant de l’article L. 381-32. » ;

3° L’article L. 311-2 est complété par les mots : « ou la nature de leur statut » ;

4° La section 10 du chapitre Ier du titre VIII du livre III est ainsi rétablie :

« Section 10

« Membres du Conseil économique, social et environnemental

« Art. L. 381 -32. – Les membres du Conseil économique, social et environnemental sont affiliés à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale. » ;

5° À la fin de l’article L. 411-1, les mots : « salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise » sont remplacés par les mots : « mentionnée à l’article L. 311-2 » ;

6° Les articles L. 711-3, L. 711-6, L. 712-1, L. 712-2, L. 712-10 et L. 713-4 sont abrogés ;

7° Le second alinéa de l’article L. 711-7 est supprimé ;

8° À l’article L. 712-3, après le mot : « décédés, », sont insérés les mots : « sont aux moins égales à celles qui résultent de la législation relative au régime général de sécurité sociale. Elles » ;

9° L’article L. 712-9 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « invalidité », sont insérés les mots : « dont bénéficient les fonctionnaires civils » et, à la fin, les mots : « des fonctionnaires et pour ceux qui sont en activité une cotisation au moins égale de l’État » sont remplacés par les mots : « à la charge de l’employeur » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

10° À l’article L. 712-10-1, les mots : « L. 712-1 et L. 712-3 du premier alinéa de l’article L. 712-9 et de l’article L. 712-10 » sont remplacés par les mots : « L. 712-3 et L. 712-9 » ;

10° bis

11° Le début de la première phrase de l’article L. 921-1 est ainsi rédigé : « Les personnes mentionnées à l’article L. 311-2 et les salariés des professions agricoles qui ne relèvent…

le reste sans changement

12° Au premier alinéa de l’article L. 921-2-1, après le mot : « public », sont insérés les mots : « et les personnes mentionnées à l’article L. 381-32 ».

V bis

VI. – Au premier alinéa de l’article L. 4163-4 du code du travail, les mots : « ainsi que » sont remplacés par les mots : «, les salariés régis par un statut particulier et ».

VII. – Le 4° du V s’applique aux membres du Conseil économique, social et environnemental entrant en fonction à compter du 1er septembre 2023. Les I à IV, les 1° à 3° et 5° à 12° du V et le VI entrent en vigueur à la même date.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

L’histoire sociale de notre pays est faite de luttes et de gains sociaux, mal nommés « acquis sociaux » et que nous appellerons plutôt « conquis sociaux », puisque l’on peut – c’est ce que vous voulez, messieurs les ministres – les remettre en cause.

La question de l’égalité et de la justice sociale s’est toujours réglée par le haut, et non en tirant les droits des travailleurs et des travailleuses vers le bas.

Les régimes spéciaux sont aussi un acquis lié au statut, qui tient compte de la pénibilité du travail des cheminots, des traminots, des gaziers-électriciens et de tant d’autres d’ailleurs. Nous ne connaissons chez eux aucun privilégié ni aucun milliardaire. Ces hommes et femmes assurent chaque jour une mission de service public dans des conditions difficiles.

Les régimes spéciaux étaient des régimes pionniers. Ils avaient vocation à s’étendre à l’ensemble des travailleurs et des travailleuses.

À l’occasion de la discussion de cet article 1er, j’ai une question à poser à la droite sénatoriale. Nous sommes en désaccord sur la question des retraites ; pour autant, nous pouvons nous mettre par exemple d’accord sur la question énergétique.

Nous aurons à nous prononcer prochainement sur la création de huit réacteurs pressurisés européens (EPR). Comment ferez-vous pour recruter les ingénieurs, les soudeurs et autres professionnels du nucléaire dont nous manquons, dès lors que vous cassez leur statut et mettez fin aux régimes spéciaux qui protègent leur sécurité autant que la nôtre, mais qui sont surtout un élément d’attractivité de la filière ?

Quel signal enverrez-vous, en cassant le régime spécial des industries électriques et gazières (IEG) ? Ce régime est d’ailleurs bénéficiaire et contribue à l’équilibre du régime général – en vingt ans, il a versé à trois reprises au régime général !

Voilà la question que je vous pose. Si vous y répondez, nous continuerons le débat.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Victoire Jasmin, MM. Thomas Dossus et Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous discutons de l’article 1er, qui porte sur les régimes de retraite improprement appelés régimes spéciaux.

Soyons clairs, la question n’est pas financière : les gains escomptés par la suppression de ces régimes seront peanuts au regard des problèmes dont on parle.

Il ne s’agit pas davantage d’une question de justice sociale : on ne fait jamais de justice sociale en tirant quelques dizaines de milliers de travailleurs supplémentaires vers le bas.

La vérité, monsieur le ministre, c’est qu’en vous attaquant à ces régimes spéciaux vous voulez continuer à démanteler des services publics dont nous avons absolument besoin pour relever le pays et le sortir de la crise actuelle.

D’ailleurs, dans les secteurs concernés, la conquête de ces statuts a constitué une part du contrat à l’origine de la construction du service public ferroviaire ou, comme l’a dit Fabien Gay, du système électrique public français.

En continuant dans la voie de la suppression, vous enverrez un signal désastreux.

À la RATP – nous y reviendrons –, 4 000 postes sont à pourvoir. Or, pour faciliter la tâche de M. Castex, qui doit recruter ces 4 000 personnes, vous enverrez le signal selon lequel les conditions de travail des embauchés de demain seront encore dégradées. Vous le faites, alors même que l’on ne parvient pas à pourvoir ces emplois à cause de la dégradation des conditions de travail dans tous les métiers de la RATP.

J’aperçois en face de moi Jean-François Rapin. Au mois d’août dernier, il manquait 300 conducteurs de trains express régionaux (TER) dans les Hauts-de-France. Comment les trouverez-vous, alors que vous envoyez le signal selon lequel les conditions de travail continueront de se dégrader ?

La question qui se pose n’est pas une question de justice. Vous allez porter un coup aux capacités de reconstruction de nos services publics, dont nous avons besoin pour la transition écologique et la réindustrialisation du pays.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Rémi Féraud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je prendrai l’exemple, rarement cité, des clercs de notaire.

On le sent : l’avenir du pays dépend du statut et du régime de retraite des clercs de notaire !

Sourires sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Par ailleurs, ce régime assez particulier est géré de façon paritaire entre les patrons – les notaires – et les clercs de notaire. D’habitude, monsieur le ministre, vous soutenez les patrons. En l’occurrence, les patrons demandent le maintien du système !

Le taux de cotisation élevé du régime s’explique par le fait qu’il est intégré, c’est-à-dire qu’il inclut à la fois la retraite de base et la retraite complémentaire.

En quoi s’attaquer à ce système ferait-il progresser l’égalité républicaine ? La profession de clerc de notaire n’est, qui plus est, pas très attractive non plus : des milliers de postes restent aujourd’hui non pourvus. Enfin, je rappelle que les notaires sont présents sur l’ensemble du territoire national.

Franchement, je ne vois pas à quoi répond ce projet de loi, si ce n’est à une vision idéologique de l’égalité par le nivellement par le bas. C’est la toise pour tout le monde !

Si, par malheur, le progrès dans un secteur amenait les autres salariés à formuler des revendications comparables, rendez-vous compte du désastre !

La réalité est que vous n’avez de cesse de fragiliser le salariat et de supprimer des statuts et avantages qui ne sont tout de même pas le Pérou !

Avec votre mesure, les clercs de notaire perdraient tout de même 25 % du taux de réversion de leur pension.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – M. Jean-Claude Tissot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.

Mme Victoire Jasmin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Voilà revenu le vieux débat de la suppression des régimes spéciaux.

La droite en rêve depuis qu’ils existent et c’est un gouvernement ni de droite ni de gauche, mais surtout ni de gauche

M. Vincent Éblé sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Quel est l’intérêt de supprimer des régimes autonomes tels que celui des gaziers ou des clercs de notaire, qui ne demandent rien à personne ?

Quel est l’intérêt de vouloir rompre un contrat avec des agents de catégorie active de la RATP qui, de toute façon, ne prennent pas leur retraite à 52 ans, mais au minimum quatre ou cinq ans plus tard ?

Quel est l’intérêt de verser au régime général des milliers de salariés, qui viendront finalement – s’il doit y en avoir un, puisque vous nous annoncez des déficits abyssaux – creuser le déficit ?

Une fois que ces transferts seront faits, que deviendra la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), versée par les usagers d’EDF pour financer les retraites de ses agents ? Oserez-vous la prélever au bénéfice du régime général et l’expliquerez-vous à tous les clients d’EDF ?

De même, que deviendra la cotisation particulière qui est versée par les employeurs des clercs de notaire pour financer les retraites de leurs salariés ? La réclamerez-vous également aux notaires ?

Nous aurons l’occasion de l’exprimer très clairement au cours de la matinée : cette proposition est idéologique et démagogique. Elle a pour objectif de « faire passer la pilule » auprès des salariés dont vous entendez prolonger la durée de travail.

Tout le monde sait en effet que ces régimes sont enviés. Quoi de mieux, dans ces conditions, que de dresser les moyens contre les plus modestes et vice versa ?

Mme Émilienne Poumirol et M. Rémi Féraud applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Par cet article 1er, qui vise à l’extinction de cinq régimes spéciaux, vous voulez faire de ces derniers le symbole censé incarner la prétendue justice de votre réforme, en mettant fin aux privilèges inconsidérés d’une toute petite minorité qui se gaverait, au détriment de la grande majorité des salariés.

Quelle est la réalité de ces régimes ?

En France, 6, 8 millions de cotisants bénéficient d’un régime de base qui n’est pas le régime général, 8, 6 millions de retraités – soit près d’un sur deux – bénéficient d’un régime de base qui n’est pas le régime général, 600 000 personnes en invalidité bénéficient d’un régime général qui n’est pas le régime de base. Finalement, ce sont près de 40 % des assurés sociaux qui bénéficient d’un régime différent, hors fonctionnaires d’État.

La réalité de la situation des retraites est le fruit de l’histoire des différentes caisses, le fruit de conquêtes sociales et de la négociation des différentes conventions collectives.

Par cet article, vous visez moins de 1 % de la population active et vous en faites des boucs émissaires qui seraient à l’origine de tous les maux.

Ce dont il devrait être question aujourd’hui, c’est précisément d’élargir ce que nous considérons en effet comme des régimes pionniers. Nous pourrions, par exemple, élargir le régime de ce salarié de la RATP, dont il est question ces jours-ci et qui a été exposé à de l’amiante dans son travail d’électricien, aux « nomades du nucléaire », qui travaillent dans des entreprises sous-traitantes et subissent des pressions.

Voilà qui serait une réforme de justice, au lieu de pointer des boucs émissaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Mme Céline Brulin. La mobilisation est un front uni de l’ensemble des salariés et vous ne parviendrez pas à les diviser.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Cet acharnement contre les régimes spéciaux a quelque chose d’assez indécent.

En vérité, ces derniers sont à l’origine même de nos retraites, le premier des régimes ayant été mis en place, me semble-t-il, à la Royale.

Sans comparaison excessive, il convient de rappeler que saboter la question de la pénibilité – la raison d’être de ces régimes – revient en quelque sorte à perdre de vue ce qui fait le développement de notre pays.

Pour m’en tenir au seul exemple des marins, vous nous dites, lorsque l’on vous interroge, monsieur le ministre, qu’ils continueront à bénéficier de la retraite à 55 ans, mais vous ne nous dites jamais quel sera le montant de cette retraite et sur quelle base elle sera calculée.

En procédant ainsi, vous gommez une partie essentielle de ce qui fait notre développement, alors même que vous nous avez déjà imposé en 2018 un « nouveau pacte ferroviaire » qui a remis en cause le statut des cheminots. En 2018 également a été entérinée, après deux années de négociations, la nouvelle convention collective nationale unifiée ports et manutention.

C’est toute cette histoire, mais aussi le développement durable de notre pays, que vous remettez en cause et ce n’est pas acceptable !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Nous nous opposons à la fermeture des régimes spéciaux qui ne sont que la reconnaissance, conquise par les branches, de l’exposition aux facteurs de pénibilité du travail. Les prendre en compte participe à l’attractivité des professions à l’heure d’une crise inédite en la matière.

Le Gouvernement mobilise le principe de justice afin de justifier leur fermeture, mais votre chemin pour la justice est le nivellement par le bas et la diffusion dans tous les secteurs de la crise du travail et de l’attractivité.

Ce n’est pas cela, la justice ! La justice, c’est de permettre dans chaque branche la reconnaissance de la pénibilité, en créant des catégories actives dans chacune d’elles pour les métiers pénibles.

Ces régimes sont dits pionniers, parce qu’ils existaient avant 1945 et qu’ils ont adopté une méthode de reconnaissance différenciée des pénibilités par métier afin d’en prévenir les effets sur la santé et l’espérance de vie. C’est cette méthode que devraient appliquer toutes les branches !

Vous incitez une partie des salariés qui ne bénéficient pas des mêmes droits à demander l’abaissement de la protection de ceux qui sont mieux protégés. Manœuvre éternelle de la droite pour diviser et faire diversion aux reculs que vous voulez appliquer !

Quant aux régimes autonomes, ce sont des régimes qui surcotisent pour des prestations plus généreuses que les autres régimes et sans subvention publique d’équilibre. Alors, que leur reproche-t-on ? De s’exclure de la solidarité inter-régimes ? C’est un argument qui est en partie juste, mais cela ne vous rappelle-t-il pas un autre régime autonome du même type ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Monsieur le ministre, selon l’exposé des motifs, l’existence des régimes spéciaux de retraite visés à cet article 1er n’apparaît plus justifiée au regard des principes d’équité et d’universalité qui sont au cœur de notre modèle social.

Je lisais récemment dans une excellente revue, Alternatives économiques, que les régimes spéciaux représentaient moins de 3, 5 % de l’ensemble des cotisants de France et qu’ils ne pesaient pas tous le même poids.

Les danseurs de l’Opéra de Paris ne sont que 168 et, si j’ai bien compris, vous n’allez pas leur imposer de danser jusqu’à 64 ans…

Quant aux salariés de la Banque de France, ils sont 8 400 et ils partent déjà en moyenne à près de 62 ans. Je ne suis pas un grand spécialiste, mais leur régime me paraît ressembler au nôtre par beaucoup d’aspects, mes chers collègues ; je me demande d’ailleurs s’il ne s’agit pas de commencer par celui-là avant de s’attaquer au nôtre…

De plus, ni le régime spécial des IEG – cent cinquante-huit entreprises de production et de distribution d’électricité – ni celui de la RATP – une entreprise qui peine à recruter – ne mettent en péril l’ensemble du système. Bruno Le Maire a d’ailleurs déclaré : « C’est moins un problème financier qu’un problème d’équité. »

L’équité, c’est une vertu qui consiste à régler sa conduite sur le sentiment naturel du juste. Mes chers collègues, il n’est pas juste de niveler par le bas !

Enfin, je voudrais savoir ce que dit la note de synthèse du Conseil d’État sur ce sujet

Exclamations amusées sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

, car il ne s’agit pas d’un problème financier. Monsieur le ministre, si vous ne voulez pas diffuser cette note, pouvez-vous au moins nous dire ce qu’elle dit sur ce sujet particulier ?

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le ministre, les gouvernements auxquels vous avez appartenu jusqu’au gouvernement actuel ont de la suite dans les idées !

En 2017, par ordonnance, vous avez supprimé différents critères de pénibilité du régime général. Aujourd’hui, vous nous proposez de supprimer des régimes spéciaux qui tiennent compte de cette pénibilité. Vous nous proposez l’alignement par le bas des régimes spéciaux qui prennent en compte, branche par branche, la pénibilité d’un certain nombre de métiers.

Dans ces régimes spéciaux, les cotisations des salariés sont souvent supérieures à celles du régime général. Je pense en particulier au régime des industries électriques et gazières qui est en excédent de 120 millions d’euros.

Dans quelques semaines, vous nous proposerez des dispositions relatives aux métiers en tension. Comment pouvez-vous, d’un côté, nous dire qu’il y a des métiers en tension et, de l’autre, mettre fin à des régimes spéciaux qui accueillent justement nombre de ces métiers ? Pourquoi refusez-vous de maintenir les protections qui existent dans ces métiers, notamment la prise en compte de la pénibilité ?

Compte tenu des enjeux énergétiques de notre pays, nous avons besoin d’élargir les protections qui existent dans ces métiers à l’ensemble de ceux qui vont travailler à la reconstruction et à l’efficacité de notre réseau et à la mise aux normes de nos centrales nucléaires.

Pourquoi voulez-vous fermer le régime des IEG au moment même où nous avons besoin d’attirer des compétences dans ce secteur qui est déjà en tension ?

Je ne peux pas accepter que le régime de ceux qui ont des carrières longues ou pénibles soit aligné sur celui des salariés qui ont des carrières plus confortables.

Il est important de prendre en compte la pénibilité et de toujours avoir en tête que l’espérance de vie à la retraite dépend aussi de la pénibilité de la carrière. Les régimes que vous voulez supprimer prennent justement en compte ces facteurs.

Je ne peux pas me résoudre à ce que l’intérêt général ne consiste pas à attirer les gens vers le haut.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Votre temps de parole est écoulé, monsieur Leconte.

La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Monsieur le ministre, l’article 1er qui vise à supprimer certains régimes spéciaux constitue à l’évidence un détournement de procédure.

En effet, il est bien indiqué que cette suppression n’interviendrait que pour les personnes recrutées à compter du 1er septembre 2023. Cela n’aura par conséquent aucun effet direct sur les dépenses en 2023, puisque les premières pensions versées du fait de cette modification ne le seront pas avant de très nombreuses années.

Or une loi de financement rectificative de la sécurité sociale ne peut concerner que l’année en cours, 2023 en l’occurrence. Certes, notre collègue Bruno Retailleau a déposé un amendement portant article additionnel après l’article 7 et visant à accélérer la suppression des régimes spéciaux, mais nous en débattrons à un autre moment.

Monsieur le ministre, comment justifiez-vous un tel détournement de procédure ?

Ensuite, cet article remet gravement en cause le contrat social. Je rappelle que ces régimes spéciaux ont été instaurés au moment de la création du régime général de sécurité sociale en 1945 en reconnaissance de contraintes professionnelles – horaires décalés, travail de nuit, pénibilité, conditions de travail spécifiques, etc.

J’ajoute qu’une réforme des régimes spéciaux est déjà intervenue en 2008.

Monsieur le ministre, il faut dire la vérité aux Français ! Je sais que vous avez du mal avec cette notion et nous aurons l’occasion de le voir, lorsque nous parlerons des petites pensions. Il faut dire la vérité aux Français : cette remise en cause des régimes spéciaux ne concerne pas l’ensemble des salariés du secteur qui seraient des privilégiés, comme cela a été avancé, mais uniquement celles et ceux qui ont les conditions de travail les plus difficiles.

Je le redis, la création de ces régimes spéciaux a permis de reconnaître la pénibilité au travail et les contraintes très fortes qui pèsent sur ces salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

On nous propose, dans cet article, de supprimer cinq régimes spéciaux. Je ne veux pas faire de provocation, mais comment allons-nous garder notre crédibilité, mes chers collègues ?

Les Français nous regardent et, pour eux, un régime spécial ou un régime autonome, comme celui du Sénat, c’est la même chose !

Comment dire, d’un côté, que les salariés des régimes spéciaux ayant vocation à être supprimés seraient des privilégiés, des profiteurs, et que leur travail ne serait pas pénible – j’ajoute que vous ne comptez pas rétablir les quatre critères supprimés en 2017, notamment l’exposition aux pesticides ou les vibrations – et, de l’autre, que notre propre travail serait particulièrement pénible, parce que nous siégeons la nuit ?

Comment pouvons-nous être crédibles, si nous conservons notre régime autonome très spécial ? Comment voulez-vous que les Français nous croient ? Comment pouvez-vous jouer ainsi sur les bas instincts de l’être humain, l’envie, la jalousie, pour qualifier les salariés des régimes que vous voulez supprimer de profiteurs ?

Marie-Noëlle Lienemann a parlé des clercs et employés de notaire. Leur retraite est calculée, comme pour les fonctionnaires, sur les six derniers mois de salaire, leur régime est excédentaire et la profession a du mal à recruter. Ils vont beaucoup perdre avec cette réforme. Comment pouvez-vous leur demander cela ?

Nous ne sommes pas crédibles !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

L’article 1er prouve, dès le début de ce texte, la volonté du Gouvernement de détricoter notre modèle social, en s’attaquant à des régimes spéciaux présentés comme des « sur-privilèges » auxquels il faudrait mettre fin dans les meilleurs délais.

Face à cela, il est nécessaire, une nouvelle fois, de rappeler quelques faits.

Premièrement, les régimes spéciaux représentent moins de 3, 5 % de l’ensemble des cotisants en France. Heureusement, votre stratégie d’accabler une minorité pour recevoir l’assentiment de l’opinion publique ne semble pas fonctionner.

Deuxièmement, les régimes spéciaux ne sont pas une exception française, loin de là.

Monsieur le ministre, vous qui aimez comparer – vous le faites sans cesse – notre régime aux systèmes de nos voisins européens, que pensez-vous des 22 % de retraités polonais issus de régimes spéciaux ou encore des nombreux régimes spéciaux existant en Espagne, en Belgique ou en Allemagne ?

Alors que nous devrions défendre collectivement un projet d’amélioration de notre modèle social qui prenne en compte le quotidien des individus et la pénibilité de chaque profession, vous faites le choix de vous attaquer à des régimes qui étaient précurseurs par une juste appréhension du travail et de ses effets sur les travailleurs.

Comme cela a été dit, il ne faut pas oublier que, lors de la création du régime général en 1945, les régimes existants, notamment celui des cheminots, ont été maintenus, car ils apparaissaient comme un horizon à atteindre pour le régime général.

Nous reviendrons longuement sur la question de la pénibilité lors de nos débats, mais je pense que l’adoption de l’article 1er représenterait déjà une première atteinte particulièrement regrettable à notre système de protection sociale et illustrerait le manque de considération envers ces professions pénibles au quotidien.

Pour éviter de nombreux pas en arrière et une atteinte aux fondements mêmes de notre modèle social, mes chers collègues, supprimons cet article !

Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je rappellerai quatre principes.

Premièrement, le principe du dialogue social. Chacun voit bien qu’il est mis à mal, puisque les organisations syndicales s’opposent unanimement à ce texte.

Deuxièmement, le principe du respect des engagements pris. Il est complètement bafoué par les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre.

Troisièmement, le principe de transparence. Je vais revenir à ce propos sur cette fameuse note du Conseil d’État…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… qui revient comme un serpent de mer dans ce débat.

Monsieur le ministre, soyons clairs : il ne s’agit tout de même pas d’un document classé secret-défense – on est loin de la bombe atomique ! – ou qui serait si épouvantable que l’on ne pourrait pas le laisser entre toutes les mains… Une telle conception est complètement infantilisante !

Si le Conseil d’État a réalisé un travail, c’est évidemment au service de la République. Par conséquent, les parlementaires de la République doivent pouvoir en prendre connaissance.

Cette histoire est totalement ridicule. Monsieur le ministre, cessez ces arguties ! Ce document permettrait d’éclairer le débat ; d’ailleurs, sa diffusion éviterait certainement les éventuels faux procès.

Quatrièmement, le pragmatisme. Je ne vais pas revenir sur l’exemple des clercs de notaire avancé par Marie-Noëlle Lienemann et Victorin Lurel, mais il montre clairement que vous avez choisi le dogmatisme plutôt que le pragmatisme.

De notre côté, nous plaidons pour le pragmatisme dans la prise en compte des situations spécifiques liées notamment à la pénibilité, en particulier lorsque le régime est équilibré ou, encore plus, lorsqu’il est excédentaire.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Les salariés attendent de chacun de nous que nous les défendions, que nous défendions leur santé, leur qualité de vie au travail, les emplois et la population en général.

Vous avez supprimé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Vous voulez faire disparaître certains régimes de retraite, mais vous voulez surtout faire disparaître les travailleurs eux-mêmes !

Aux Antilles, territoire à vocation agricole, les agriculteurs et leurs proches sont victimes des pesticides, en particulier du chlordécone. Ils souffrent de cancers. Vous avez pourtant réintroduit les néonicotinoïdes, il faut le savoir !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Dans le même temps, par incohérence ou provocation, vous avez supprimé des critères de pénibilité. C’est injuste, malheureux et méprisant !

C’est triste, parce que, en tant qu’assemblée des territoires, nous sommes ici pour défendre la population et je vois que nous sommes dans une tout autre dynamique : détruire tout ce qui fonctionne, détruire l’humain, déshumaniser la politique. C’est vraiment dommage !

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol . Ce qui est intéressant avec le débat sur cet article – je m’avance un peu, en parlant de débat…

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’observe que ceux qui soutiennent cet article – ils veulent même parfois en durcir encore les dispositions – parlent d’injustice pour les salariés qui ont plus, pas pour ceux qui ont moins. Jamais ils ne prennent pour étalon les salariés qui ont davantage d’acquis sociaux, qui ont mieux négocié leurs rémunérations, qui ont obtenu, par des luttes sociales, de meilleures conditions de travail.

J’observe aussi que cette conception ne vaut que dans un sens : ceux qui soutiennent cet article n’ont cette perspective que pour les salariés, il en va tout autrement pour les revenus du capital. Pour eux, il est juste que les revenus du capital assurent des conditions et une qualité de vie bien meilleures que les revenus du travail. L’injustice devient subitement vertueuse !

Dans ce sens-là, vous n’êtes pas troublés, au contraire ! Vous pensez même, d’une certaine façon, que l’injustice contribue au bonheur économique : c’est la fameuse théorie du ruissellement. Or ce que vous appelez le ruissellement, c’est simplement de l’injustice qui crée encore plus d’injustice !

On parle souvent du désamour des salariés pour leur entreprise, du manque d’esprit d’entreprise, ce que l’on appelle de nos jours l’esprit corporate… Dites-vous bien que ce qui faisait l’esprit d’entreprise, la communauté de travail, c’était aussi cette somme d’avantages – les billets de train, le régime de retraite, les réductions sur l’achat d’une voiture pour ceux qui travaillaient dans l’industrie automobile, etc.

Je ne suis pas une nostalgique du capitalisme social ou du paternalisme, mais j’en vois aujourd’hui les vertus. La volonté constante de tout niveler par le bas tend à désagréger les relations sociales et l’esprit d’entreprise.

Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous souhaitez supprimer des régimes spéciaux. Cette suppression relève d’une logique, celle du Président de la République qui « n’adore pas ce mot de pénibilité, parce qu’il donne le sentiment que le travail serait pénible ».

C’est ce qui a amené son gouvernement à vider de sa substance le compte professionnel de prévention, créé en 2015, en supprimant dès 2017 les quatre critères principaux qui permettaient aux salariés qui effectuent des travaux pénibles de cumuler des points pour partir à la retraite de manière anticipée.

C’est la même logique qui prévaut avec cet article sur les régimes spéciaux. Vous choisissez un nivellement par le bas, alors que la justice et l’équité voudraient non seulement qu’on les conserve, mais surtout que l’on s’en inspire pour prendre en compte les difficultés de nombreux métiers.

Oui, monsieur le ministre, mes chers collègues, porter des charges lourdes, travailler en horaires décalés, subir des vibrations mécaniques, travailler dans un environnement chimique dangereux, soulever des malades, tout cela est pénible.

Ces régimes sont le fruit de conquêtes sociales par les travailleurs concernés et leurs organisations syndicales. C’est le fruit d’un compromis social. Notre conception de la relation au travail diffère de la vôtre. Nous considérons que la pénibilité existe, qu’elle pèse sur la santé des salariés et qu’elle doit se traduire par des gains en espérance de vie à la retraite en bonne santé, donc par un départ anticipé.

C’est là de votre part une mesure de diversion, s’appuyant sur un postulat faux : l’opinion publique serait favorable à la suppression de ces régimes spéciaux. C’est une mesure de diversion et de division des salariés, car vous laissez croire que ceux qui bénéficient de ces conditions seraient des privilégiés, alors qu’en fait, comme tous les autres, ils subiront votre réforme qui est tout simplement néfaste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

Finalement, cet article est inséparable de l’article 7. Vous voulez tout simplement appliquer aux régimes spéciaux les mêmes dispositions et les intégrer au régime général dans le cadre d’une réforme profondément injuste et brutale.

Comme vous faites une réforme des retraites injuste qui frappera durement l’ensemble des Français, vous avez voulu détourner leur attention, en cherchant des boucs émissaires. Fidèles à vos penchants sarkozystes, c’est sur ce qu’on appelle les régimes spéciaux que vous avez choisi de vous acharner.

Vous allez nous chanter la ritournelle habituelle et faire passer des règles dérogatoires pour des privilèges. Vous allez essayer de diviser les salariés de ce pays et plus généralement l’ensemble des Français.

Vous allez nous parler du chauffeur de bus de la RATP et nous demander pourquoi un chauffeur de bus a des droits particuliers à Paris et pas à Poitiers. Pourtant, la véritable question est : pourquoi le chauffeur de bus de Poitiers qui connaît également des horaires et des conditions de travail difficiles n’a-t-il pas les droits de son collègue parisien ? Qu’attendez-vous pour lui offrir une retraite digne à un âge décent, comme il le mérite ?

Au lieu de chercher à niveler par le bas, soyez à la hauteur de l’histoire de notre pays et harmonisez par le haut. C’est cela, être juste !

En vérité, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est un exercice d’équilibre budgétaire. Après avoir rempli les poches des riches avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de l’exit tax, avec l’introduction de la flat tax et avec toutes les autres mesures que vous avez mises en place – il y en a tellement que l’on ne peut même pas les citer toutes ! –, ce sont les salariés et les ouvriers que vous voulez faire payer. C’est profondément scandaleux !

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Nous en sommes à l’article 1er, la première mesure de votre projet de réforme, et il s’agit de la suppression de cinq régimes spéciaux qui ont été créés pour mieux compenser la pénibilité de certains métiers.

Les régimes spéciaux sont non pas des privilèges, mais la juste compensation des contraintes du travail – travail de nuit, de week-end ou en sous-sol, horaires décalés, exposition à des risques chimiques, etc.

Nous connaissons votre avis sur ces critères de pénibilité, puisque la première mesure prise par le Président de la République en 2017 a été d’en supprimer quatre : la manutention manuelle des charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition aux risques chimiques. Une entrée en matière de mépris pour ceux qui travaillent dans des conditions particulièrement difficiles.

De plus, vous choisissez de supprimer certains régimes : la RATP, mais pas celui des avocats ; celui des industries électriques et gazières, mais pas celui des médecins ; pas celui des marins – fort justement ! Pourquoi tel ou tel régime ? Sur quels critères vous êtes-vous fondés, alors que tous ces régimes sont justifiés ?

Nous pensons que ces régimes spéciaux font partie des éléments d’attractivité de ces métiers et qu’ils sont justifiés. Quelque 4 000 postes vacants à la RATP ! Ce sont des métiers qu’il faut rendre attractifs en compensant leur pénibilité, si nous voulons recruter. C’est pourtant ce que vous avez rejeté en 2017.

Contrairement à ce que vous laissez penser, ces régimes spéciaux concernent uniquement ceux qui sont soumis à des travaux difficiles et non tous les salariés.

Vous supprimez des acquis sociaux pour les travailleuses et travailleurs français. Vous protégez, encore une fois, les plus riches, ceux qui ne vivent pas de leur travail, mais qui se contentent d’attendre que le fruit de leur capital leur tombe dans les mains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Les régimes spéciaux reviennent à chaque réforme comme le mal absolu. Je note d’ailleurs – cela a été dit – que l’on choisit ceux qui sont concernés… Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi vouloir revenir sur ces acquis sociaux ?

Je pense que c’est tout simplement pour diviser, cliver, mépriser les travailleurs, opposer l’agent EDF aux contractuels, le conducteur de car Macron au chauffeur de bus de la RATP. Je ne vois que cette raison.

Le problème n’est pas le statut de la RATP – Raymonde Poncet Monge l’a rappelé –, mais c’est le fait que le chauffeur d’un car Macron n’en bénéficie pas.

Diviser pour éviter de parler des vraies inégalités, des vrais privilèges, des profits records, des profiteurs de crise.

Diviser pour éviter de parler de justice sociale et d’équité, parce que vous n’aimez pas cela !

Bien plus, l’article 1er est caractéristique de la méthode du Gouvernement : quelques petits accords avec ses alliés de droite, une absence d’études et d’analyses – on les attend toujours ! –, un nivellement par le bas. Bref, tout simplement du bricolage, à l’image de l’ensemble de ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Le Président Macron a supprimé des critères de pénibilité, en expliquant qu’il ne fallait pas donner le sentiment que le travail était pénible.

En visitant le marché de Rungis, le président a peut-être – je dis bien, peut-être – entendu que les horaires, les charges lourdes, le stress, les troubles musculo-squelettiques, la charge mentale sont autant de raisons qui rendent les métiers pénibles, difficiles et peu attractifs.

En visitant le salon de l’agriculture, le Président de la République nous a expliqué que le monde agricole travaillait beaucoup, que ses métiers étaient pénibles – pas de week-end ni de jour férié – et qu’il était important de regarder avec attention les conditions de travail de ce secteur. Il a expliqué que les difficultés du monde agricole justifiaient la retraite à 64 ans pour tous.

Je pense au contraire que nous devrions nous poser la question de créer de nouveaux régimes spéciaux pour tous ceux qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles – les salariés de Rungis, le secteur agricole, etc. Nous devons faire en sorte que ces métiers redeviennent attractifs, tant par les conditions de travail que par l’espérance d’une retraite agréable après la vie professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le ministre, par cet article, vous comptez mettre fin à la plupart des régimes spéciaux que notre système de retraite permet actuellement. Ces régimes constituent, selon vous, une dépense exagérée qui ne serait plus soutenable par notre système de retraite.

En réalité, et vous le savez, les dépenses liées aux régimes spéciaux demeurent contenues en proportion des recettes totales de cotisations sociales.

Plus encore, ces régimes permettent à des secteurs et à des cadres d’emploi de rester attractifs là où la main-d’œuvre, pourtant essentielle, peine à être trouvée.

Par ailleurs, nous avons bien noté – c’est un exemple – que vous préservez la faculté pour les hauts fonctionnaires de cotiser, donc de bonifier leur future retraite sans exercer la mission de service public en rapport avec cette retraite future – ce n’est pas un regret de ma part, bien au contraire.

Vous demeurez dur avec les faibles et faible avec les forts ! Avec cet article 1er, nous avons une fois de plus la preuve que, depuis 2017, votre grand œuvre est bien de casser tous les statuts un tant soit peu protecteurs.

Le « quoi qu’il en coûte » socialement comme viatique politique, voilà votre seule boussole ! Ce n’est pas comme cela que l’on donnera au travail la place et la valeur qui doivent être les siennes en France et qu’appellent de leurs vœux toutes les composantes de notre société.

Plus encore, monsieur le ministre, au-delà de ceux qui sont directement concernés par les régimes spéciaux, les Français ne veulent pas de votre réforme. Écoutez-les !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Prévoir dès le début de l’examen de ce projet de loi de supprimer certains régimes spéciaux, c’est agiter un chiffon rouge ! Que pensez-vous faire ? Diviser les Français, les monter les uns contre les autres ? Pourquoi certains régimes et pas les autres ? Quelles sont les justifications de ce choix ? Au fond, pourquoi les supprimer ?

Les régimes spéciaux, c’est une longue histoire sociale de conquêtes de haute lutte, car, il faut le rappeler, rien n’a jamais été donné. C’est tout simplement la prise en compte de la dureté du travail, ce que l’on appelle maintenant pénibilité. Oui, certains métiers sont durs, abîment.

Finalement, avons-nous abandonné l’idée même de progrès social ? Oui, j’ai bien dit progrès, ce n’est pas un gros mot : le progrès, c’est un avenir qui donne envie. C’est tout l’archaïsme de ce débat : il est déconnecté de la transformation profonde de notre société, qui aspire à mieux vivre au travail. Au regard de toute la richesse produite dans notre pays, d’autres financements sont largement possibles. Voilà le vrai défi que ce texte devrait relever !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier article de ce projet de loi prévoit la suppression de régimes de retraite spécifiques à un certain nombre de professions.

Cette place, en début de texte, ne doit rien au hasard. Elle est étonnante : on aurait pu débattre du rétablissement d’un certain nombre de facteurs de pénibilité au travail, on aurait pu débattre de progrès social… Non !

En réalité, la ficelle est un peu grosse. Personne n’est dupe de cette tentative de diversion. Vous voulez monter les Français les uns contre les autres, mais vous n’y arriverez pas. Il n’y a aucune justice sociale, aucun progrès social dans le recul des droits des travailleurs. Personne ne souhaite niveler par le bas les conditions de travail. Vous ne parviendrez pas à briser l’union de tous les travailleurs contre votre projet de réforme.

Cela a été dit, la particularité des régimes spéciaux ne vient pas de nulle part. Elle est le fruit d’une histoire, l’histoire sociale de notre pays, de notre République – parce que, oui, la République française est sociale. Justement, où sont les défenseurs de ce roman national, des valeurs de notre République ? Où sont celles et ceux qui n’ont de cesse de défendre l’universalisme, ce phare que devraient être la France et son modèle, celles et ceux qui ont la République à la bouche, mais uniquement pour nous diviser ?

Nous sommes face à une crise du travail, de l’emploi de l’attractivité d’un certain nombre de métiers, qui met notamment à mal nos services publics. Votre engouement à détériorer en permanence les conditions et statuts de celles et ceux qui portent notre société, les essentiels, les premiers de cordée met à mal notre société et notre République.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Monsieur le président, monsieur le ministre, comme agriculteur, je suis rompu à des conditions de travail difficiles. Je crois pouvoir en parler.

Comme parlementaire, je me suis spécialisé dans les questions de transport et j’ai réalisé diverses immersions pour mieux comprendre ce milieu. J’ai ainsi accompagné un conducteur de train – ce n’est pas l’objet de nos débats – et un conducteur de métro. Je pourrais vous en parler, mais je vous parlerai plutôt des conducteurs de bus de la RATP de la grande couronne. Allez faire un tour dans les bus de nuit dans la Seine-Saint-Denis : vous verrez l’épreuve que représente le contact avec des usagers à la limite de la violence. Vous verrez si de telles situations font envie !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

La Seine-Saint-Denis, c’est vous qui l’avez faite ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

J’ai envie de vous parler de ce régime spécial de la RATP, avec ses horaires atypiques, la fréquence des astreintes, l’usure physique, pour les uns liée au travail souterrain, pour les autres, soumis au contact avec des usagers difficiles, au travail en surface, à l’air libre.

Dans un contexte d’ouverture à la concurrence, de crise du recrutement, le mal-être des conducteurs est important. Plus de 4 000 offres de conducteurs ne sont pas pourvues en Île-de-France.

La dérégulation que vous proposez via la suppression du régime spécial de la RATP ne facilitera certainement pas les choses, bien au contraire : elle contribuera à rendre cette profession encore plus injuste. C’est absolument inacceptable et c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le système de retraite est un ensemble complexe, qui produit de multiples interactions. Dès lors que l’on modifie l’un des éléments, celui-ci interagit avec d’autres, générant des effets induits, qu’il est important de discerner. C’est pourquoi le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est trop étriqué pour traiter l’ensemble du sujet.

J’en veux pour preuve – nous en avons discuté hier – l’irrecevabilité de nombreux amendements et les nombreuses demandes de rapports, dès lors que l’on est en dehors du cadre de financement de la sécurité sociale. Nous abordons l’article qui supprime certains régimes spéciaux sous un angle budgétaire, sans nous soucier d’une vision globale sur ces régimes et des conséquences qui découleront de leur suppression.

Comme l’ont souligné de nombreux orateurs, ces régimes spéciaux sont le fruit d’une histoire, l’aboutissement de longues négociations, la prise en compte d’une spécificité liée aussi à l’intérêt national.

Ils sont souvent discrédités et jetés en pâture à l’opinion, sans tenir compte de l’ensemble des conditions dans lesquelles s’exercent les professions concernées, de leurs contraintes particulières, certes, mais aussi de l’ambition qui a présidé à leur création : en 1945, il fallait reconstruire, relever les défis et mobiliser l’ensemble des acteurs et des citoyens.

En 2023, nous avons l’immense défi de la transition énergétique, du développement des transports collectifs, des énergies et mobilités. Tels sont les enjeux pour lesquels il faut désormais une ambition politique. Cette ambition ne pourra jamais être atteinte en stigmatisant ceux qui doivent en être les acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’attaquer l’examen des très nombreux amendements à l’article 1er, je souhaite réagir à ce qui a d’ores et déjà pu être dit sur les régimes spéciaux.

Premièrement, il ne s’agit pas de supprimer les régimes spéciaux : il s’agit de fermer le régime de retraite. §Les autres risques de sécurité sociale continueront à être couverts par les régimes spéciaux.

Attention, chers collègues du groupe CRCE ! Vous qui êtes férus de sémantique, soyez prudents : ce n’est pas une suppression, c’est une fermeture, et d’un seul risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Deuxièmement, vous avez beaucoup fait appel à l’histoire. Pour ce qui me concerne, je respecte l’histoire et ceux qui se sont battus pour ces régimes spéciaux – ils font, de fait, partie de l’histoire. Reste que nous avons avancé : les choses se passent différemment aujourd’hui. Cela me fait penser à la « mutabilité », terme qui désigne l’adaptation à la vie contemporaine, dans l’intérêt général.

(Chiche ! et vives exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Vous verrez que le résultat ne sera pas le même, parce que les choses ont changé !

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Puisque vous demandiez un référendum hier, je vous propose d’organiser un référendum pour demander aux Français s’ils veulent ou non maintenir les régimes spéciaux. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, c’est encore moi qui fais la police dans cette assemblée !

De la même manière que nous avons écouté tous les intervenants à l’article 1er, nous écouterons dans le calme tous ceux qui défendent leur amendement. Je vous demande de ne pas interrompre les orateurs qui ne sont pas membres de votre groupe.

Veuillez poursuivre, madame la rapporteure générale – et vous seule.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Je tiens à rappeler que les régimes spéciaux devaient avoir un caractère provisoire lorsqu’ils ont été créés, ainsi que cela transparaît dans la rédaction de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale : « demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale […] les branches d’activités ou entreprises… » Les régimes spéciaux n’étaient pas faits pour durer.

Vivait-on après la Libération comme l’on vit aujourd’hui ? Non !

Ces métiers sont-ils aussi pénibles qu’ils l’étaient hier ? §Non !

Quand on parle par exemple des conducteurs de bus aujourd’hui, ne doit-on pas réfléchir en termes de branche plutôt que de statut ? §Il me semble que oui. Être un chauffeur de la RATP à Paris, n’est-ce pas la même chose que l’être dans une autre ville ? Je pose la question.

Ces débats ont lieu dans toutes les familles. Tous se demandent : est-ce juste ? Est-ce équitable ? Non, cela ne l’est pas.

Si nous souhaitons fermer ces régimes spéciaux de retraite, c’est parce qu’ils sont, aujourd’hui, déficitaires et qu’ils le sont de façon importante.

Il n’est qu’à regarder le coût de la subvention publique versée à la SNCF – sa situation est différente, puisque ce régime est déjà fermé, mais l’État compense encore, et aujourd’hui encore plus qu’avant –, à la RATP et aux industries électriques et gazières : 5, 7 milliards d’euros. Certes, il s’agit des trois régimes spéciaux les plus importants, mais la somme est énorme ! Est-ce juste ? C’est la solidarité nationale qui intervient. Les autres régimes sont financés par des taxes, payées par l’ensemble des Français : c’est encore la solidarité nationale. Là aussi, est-ce normal ?

En fait, pour beaucoup de régimes spéciaux, le nombre des cotisants est largement inférieur à celui des pensionnés. C’est pourquoi il faut les faire entrer dans le régime de base d’aujourd’hui.

Mes chers collègues, nous aurons l’occasion, au travers des amendements que vous présenterez, de revenir sur chacun de ces régimes spéciaux.

Si nous sommes évidemment attachés à l’histoire, il faut ouvrir les yeux et s’adapter au présent. Fermer ces régimes spéciaux aujourd’hui n’est tout de même pas très difficile en soi ! §En effet, qu’est-ce que cela représente par rapport à l’ensemble des Français qui feront des efforts du fait de l’adoption de projet de loi ? Il convient de se poser la question.

On demande des efforts à tous les Français, quels qu’ils soient !

Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je ferai ce rappel très factuel : la majorité sénatoriale est constante dans ses positions. Voilà quatre ans que nous présentons un projet de réforme qui prend en compte une convergence des régimes spéciaux. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir rejoints sur cette philosophie.

Vous proposez une fermeture aux nouveaux entrants. Ce n’est pas d’une redoutable brutalité, puisque ceux qui sont actuellement dans le régime pourront continuer à bénéficier de leur retraite pendant en moyenne vingt ans, à l’issue d’une carrière d’une quarantaine d’années. La fermeture des régimes n’interviendra donc pas avant au moins soixante ou soixante-dix ans. Que les choses soient bien claires.

Nous verrons, à l’article 7, que nous pensons que nous pouvons accélérer un peu les choses : il n’est pas nécessaire que le processus dure autant d’années.

Par ailleurs, mes chers collègues, vous avez décrit des métiers particulièrement durs, pénibles et, parallèlement, vous avez mentionné le manque d’attractivité. Je crois que, plus on met en exergue la brutalité de ces métiers, moins on trouvera de nouveaux entrants !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Par ailleurs, il me semble important qu’il n’y ait pas de différence de traitement au sein des entreprises concernées. Les Français sont sensibles à ce que le chauffeur de bus de Paris soit traité à l’égal de celui qui travaille dans d’autres grandes villes, puisqu’il est soumis aux mêmes contraintes. Pensez-vous normal que la pension des uns soit calculée sur les six derniers mois, alors que celle des autres l’est sur les vingt-cinq meilleures années ? Cette inégalité peut sans doute se réduire dans le temps. Pour notre part, nous le pensons.

Nous proposons d’aligner les règles applicables aux différents métiers et de faire en sorte que l’on prenne en compte les difficultés. Il faudra bien qu’un jour on arrive à harmoniser les statuts pour ceux qui exercent le même métier, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé…

Les âges de départ doivent être rapprochés pour ceux qui exercent le même métier, qu’ils soient actifs ou sédentaires, quelle que soit la région où ils travaillent. Il ne s’agit pas d’occulter les difficultés : il existe des catégories actives dans les régimes spéciaux, dans le régime de la fonction publique… N’est-il pas légitime d’aligner les âges de départ ? Les superactifs peuvent également être pris en compte.

On le voit, la réforme est très progressive quant à la fermeture des régimes spéciaux.

On peut se demander pourquoi on ne nous propose la fermeture que de cinq régimes. C’est la question qui se pose au Gouvernement et M. le ministre y répondra sans doute.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement des propos de M. le rapporteur, la question qu’il faut se poser lorsque l’on parle des régimes spéciaux est celle de l’équité.

Cela signifie non pas qu’il faille supprimer la prise en compte de la pénibilité, mais qu’il faut faire en sorte que l’ensemble des salariés voient les conditions d’exercice de leurs activités prises en compte de la même manière. La pénibilité, l’exposition à l’usure doivent être mesurées de la même façon, dans une logique d’effectivité des conditions d’exercice plutôt que dans une logique de statut. En effet, derrière une logique de statut, il peut y avoir des inégalités et, derrière un même statut, l’effectivité de l’exposition à la pénibilité et des conditions de travail n’est évidemment pas la même.

Nous avons cette volonté et nous aurons l’occasion, lors de l’examen de l’article 9, dans quelques heures, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Crce

Dans quelques jours !

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

… d’avancer sur la prise en compte des critères ergonomiques comme sur l’amélioration du compte professionnel de prévention et, ainsi, de faire en sorte que les salariés et, au-delà, l’ensemble des travailleurs exposés à des conditions d’exercice difficiles soient mieux protégés.

Nous avons fait le choix de proposer au Parlement la fermeture du régime d’assurance vieillesse uniquement pour cinq régimes spéciaux et de conserver tout particulièrement les avantages et conditions de régimes spécifiques – je pense à la Comédie-Française et à l’Opéra de Paris, essentiellement pour des questions d’âge et d’aptitude physique requise pour la pratique de la danse et la représentation des spectacles.

Monsieur Lahellec, nous ne voulons pas toucher à la question du régime spécial des marins et des pêcheurs. À travers eux, en réalité, nous pensons à tous ceux qui sont affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine (Enim). En effet, le métier de marin-pêcheur est le plus exposé à des conditions d’exercice particulièrement difficiles.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Ce qui est encore plus dramatique, c’est qu’il s’agit du métier où la part des accidents mortels est la plus importante : pour les pêcheurs en haute mer, notamment en eau très froide, le moindre accident peut être absolument tragique et mortel. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait le choix de maintenir l’Enim.

Pour le reste, en matière de régimes d’assurance vieillesse, l’objectif est de parvenir à une véritable harmonisation, à l’exception des trois régimes que je viens d’évoquer.

Pour conclure, je formulerai trois remarques. Les deux premières portent sur les régimes spéciaux et la troisième a trait à une question que j’ose qualifier de « récurrente » dans le débat depuis hier.

La première remarque concerne la question de l’équilibre économique et financier des régimes spéciaux. En réalité, la plupart de ces régimes ne sont pas équilibrés. De fait, on ne peut pas considérer qu’un régime est équilibré quand il l’est grâce au versement d’une subvention de l’État ou au paiement d’une contribution par les usagers.

Je pense au régime des IEG, puisque la contribution tarifaire d’acheminement, qui porte mal son nom, s’élève à 1, 8 milliard d’euros. Pardon de le dire ainsi, mais il est plus facile d’équilibrer un régime quand il bénéficie d’une contribution fiscale spécifique à hauteur de 1, 8 milliard d’euros !

La notion d’équilibre des régimes ne tient donc pas dès lors que l’on retire les subventions spécifiques versées par l’État à certains régimes – par exemple, la RATP – ou des contributions ayant un caractère fiscal payées sur la facture de chacun des consommateurs – je pense aux IEG.

Nous avons un devoir de responsabilité par rapport au coût pour la collectivité que représentent aujourd’hui des régimes qui, par leur logique de statut, entretiennent des iniquités, alors même qu’ils sont coûteux pour l’ensemble des contribuables. Tout cela n’est évidemment pas légitime.

La seule question, derrière le financement des régimes spéciaux, se résume à cette alternative : est-ce au contribuable qu’il revient de financer les dispositions particulières d’un régime spécial, quand bien même il serait considéré que ce dernier détermine l’attractivité des métiers, ou est-ce aux entreprises dans lesquelles subsisteront des régimes spéciaux, au titre de l’application de la clause du grand-père, qu’il revient d’assurer l’attractivité des métiers par le dialogue social et un financement spécifique, quitte à ce que ce financement passe, selon les cas, par l’usager ou le client plutôt que par le contribuable général ? C’est la question de l’équité. Revient-il au contribuable ou à l’employeur, dans le cadre du dialogue social, d’assurer l’attractivité d’un métier ?

La deuxième remarque concerne une solution qui a été proposée à l’occasion des différentes interventions : s’il existe une difficulté ou une forme d’iniquité – c’est peut-être, d’ailleurs, une façon de la reconnaître –, il faudrait que l’ensemble de celles et de ceux qui exercent des métiers identiques ou proches puissent bénéficier des mêmes conditions.

J’ai notamment entendu que les agents de conduite des métros et des bus d’autres communes que celles qui sont couvertes par la RATP devraient pouvoir bénéficier des mêmes conditions de départ anticipé.

Souvent, cette solution nous est proposée au nom du pragmatisme. C’est la démonstration que le pragmatisme et le réalisme ne font pas toujours bon ménage, en tout état de cause qu’ils ne sont pas synonymes ! En effet, une telle mesure aurait un coût absolument impossible à financer, sauf à renchérir de manière drastique le coût des services rendus par celles et ceux qui seraient concernés, ce qui est évidemment inenvisageable.

La troisième et dernière remarque n’a pas grand-chose à voir avec les régimes spéciaux. À plusieurs reprises est revenue, aujourd’hui comme hier, la question de la fameuse note de synthèse du Conseil d’État.

Sans vouloir faire offense à quiconque en le rappelant, je répète, comme je l’ai dit hier, que le Conseil d’État est bicéphale : il a un rôle de juridiction et un rôle de conseiller du Gouvernement. Un certain nombre de documents qu’il produit dans le cadre des conseils qu’il délivre au Gouvernement sont publics, conformément à une décision orale prise par le président François Hollande en 2015. D’autres, qui concernent les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale, n’ont pas de caractère public : seuls un certain nombre de parlementaires, du fait de leurs prérogatives de contrôle et d’évaluation, peuvent y avoir accès, s’ils le souhaitent et dans des conditions déterminées par la loi, mais aussi par le secrétariat général du Gouvernement. Je souligne, au passage, qu’y avoir accès ne signifie pas être autorisé à les publier.

Le secrétariat général du Gouvernement est à la disposition de ceux qui, parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, disposent de ces prérogatives – je ne doute pas qu’il y en ait parmi vous, parce que vous êtes, sur ce plan, organisés comme le sont les députés – et souhaiteraient consulter ces documents. Cependant, s’il est dans votre droit de me demander, autant de fois que vous le souhaitez, de rendre publique une note qui n’a pas vocation à l’être, il est dans le mien de maintenir ma réponse et même de considérer qu’elle a un caractère définitif.

Au reste, je m’étonne de devoir rappeler à un ancien président de la commission des lois le principe de séparation des pouvoirs et le rôle du Conseil d’État.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Fabien Gay, pour un rappel à règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.

Monsieur le ministre, vous le savez, nos travaux sont extrêmement suivis. D’ailleurs, les salariés des industries électriques et gazières ont décidé, dès hier soir, avec leur syndicat majoritaire, la CGT, de reprendre leur outil industriel en main, dans le nucléaire, l’hydroélectrique et le thermique.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

De Flamanville à Tricastin, à Martigues ce matin, à Paluel, à Saint-Alban, à Ajaccio, ce sont d’ores et déjà 4 000 mégawattheures en moins sur le réseau électrique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Dans le même temps, les Robins des Bois ont, dès hier, procédé à des centaines de distributions d’électricité à celles et ceux qui en avaient été privés ou ont basculé les artisans, commerçants ou petites collectivités au tarif zéro.

Ils se rappellent, d’ailleurs, que vous avez refusé le tarif réglementé pour toutes les collectivités que nous avions proposé, comme vous avez refusé de sortir du marché européen de l’électricité.

Pour notre part, nous les soutenons et saluons leur mobilisation.

Nous reposons la question – je l’adresse directement à M. Retailleau, président du groupe Les Républicains : alors que nous partageons le souci de la souveraineté électrique et énergétique de la France et alors que nous voterons, au mois de juin ou juillet prochain, la création de huit nouveaux EPR, comment y parviendrons-nous sans salariés sous statut et sans régimes spéciaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Comment attirerons-nous des talents sans attractivité ? Il faut nous le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

À moins que vous ne vous satisfassiez du dumping social et que nous allions chercher des travailleurs et des travailleuses de l’autre côté du monde… À moins que vous ne vous satisfassiez de ce qui a empêché la naissance de l’EPR de Flamanville et que ce soit, en réalité, l’organisation du dumping social que vous vouliez.

Il faut répondre à cette question ! Vous ne pourrez pas rester silencieux aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur Gay, votre rappel au règlement ne portait pas sur l’organisation de nos travaux ! C’est un détournement manifeste de procédure. C’est le premier et le dernier.

Je le dis clairement : si, dans la suite de la discussion, un orateur recourt au rappel au règlement pour détourner la procédure, je lui retirerai la parole immédiatement.

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 23 bis A, dont le premier alinéa prévoit que « les sénateurs s’obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat ».

J’ai une question à poser à nos collègues du groupe Les Républicains : estiment-ils, par l’attitude qu’ils ont adoptée depuis hier, qu’ils participent aux travaux du Sénat ?

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Leur attitude consiste à boycotter les travaux du Sénat et je demande au groupe s’il va continuer ainsi…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur Laurent, votre rappel au règlement est aussi un détournement de procédure !

Cela suffit ! Je vous retire la parole.

Protestations sur les travées du groupe CRCE. – M. Pierre Laurent poursuit son intervention hors micro, sous les exclamations du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Claude Raynal, pour un rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 33 du règlement, relatif à la police de la séance.

Sur la forme, je n’ai pas de commentaire à faire sur votre intervention de tout à l’heure. Sur le fond, je partage l’idée que nous devons nous respecter et nous écouter au sein de cette assemblée. J’aurais cependant apprécié que votre interpellation soit élargie à l’ensemble des intervenants.

Je le dis très amicalement, l’intervention de Mme la rapporteure générale, qui s’adresse à une partie de l’hémicycle en lui posant des questions, appelle des réponses. Je rappelle que, une fois que l’on a pris la parole, on ne peut plus intervenir de nouveau dans le débat. Dès lors, comment répondre à des questions qui nous sont posées après coup ?

J’en appelle donc évidemment, sur la forme, au respect de la parole de chacun dans le débat, mais aussi à ce que les rapporteurs s’abstiennent de telles interpellations.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Nous sollicitons une suspension de séance de quelques minutes pour réorganiser les dossiers de séance à la suite de nombreuses erreurs matérielles dans l’ordre des signataires des amendements.

Exclamations sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Il n’y a pas de suspension de droit pour corriger des erreurs matérielles, mais une brève suspension permettra à chacun de se calmer…

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de cinquante et un amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

L’amendement n° 129 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 130 est présenté par M. Gontard.

L’amendement n° 131 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Labbé, Parigi et Salmon.

L’amendement n° 200 est présenté par Mme Blatrix Contat.

L’amendement n° 280 est présenté par M. Féraud.

L’amendement n° 312 est présenté par M. Pla.

L’amendement n° 342 est présenté par Mme Briquet.

L’amendement n° 366 est présenté par Mme Féret.

L’amendement n° 449 est présenté par M. Fichet.

L’amendement n° 484 est présenté par M. Chantrel.

L’amendement n° 518 est présenté par M. Gillé.

L’amendement n° 567 est présenté par Mme de La Gontrie.

L’amendement n° 579 est présenté par M. Redon-Sarrazy.

L’amendement n° 666 est présenté par Mme Le Houerou.

L’amendement n° 726 est présenté par M. M. Vallet.

L’amendement n° 808 est présenté par M. Jacquin.

L’amendement n° 821 est présenté par M. Lozach.

L’amendement n° 861 est présenté par M. Durain.

L’amendement n° 896 est présenté par M. Lurel.

L’amendement n° 941 est présenté par M. Cardon.

L’amendement n° 980 est présenté par M. Raynal.

L’amendement n° 1008 est présenté par M. Stanzione.

L’amendement n° 1029 est présenté par Mme G. Jourda.

L’amendement n° 1059 est présenté par M. Houllegatte.

L’amendement n° 1075 est présenté par M. Tissot.

L’amendement n° 1096 est présenté par M. Éblé.

L’amendement n° 1151 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.

L’amendement n° 1205 est présenté par M. Mérillou.

L’amendement n° 1238 est présenté par Mme Jasmin.

L’amendement n° 1268 est présenté par M. Montaugé.

L’amendement n° 1314 est présenté par Mme Préville.

L’amendement n° 1338 est présenté par M. Marie.

L’amendement n° 1371 est présenté par M. Bourgi.

L’amendement n° 1404 est présenté par M. Sueur.

L’amendement n° 1434 est présenté par M. Kerrouche.

L’amendement n° 1502 est présenté par Mme M. Filleul.

L’amendement n° 1541 est présenté par Mme Monier.

L’amendement n° 1579 est présenté par M. Assouline.

L’amendement n° 1590 est présenté par M. J. Bigot.

L’amendement n° 1620 est présenté par Mme Poumirol.

L’amendement n° 1650 est présenté par Mme Meunier.

L’amendement n° 1662 est présenté par Mme Bonnefoy.

L’amendement n° 1691 est présenté par M. Leconte.

L’amendement n° 1748 est présenté par M. Todeschini.

L’amendement n° 1789 est présenté par M. Jomier.

L’amendement n° 1817 est présenté par M. Kanner.

L’amendement n° 1990 est présenté par Mme Rossignol.

L’amendement n° 2069 est présenté par M. Jeansannetas.

L’amendement n° 2257 est présenté par Mme Espagnac.

L’amendement n° 3871 est présenté par Mme Apourceau-Poly.

Ces cinquante et un amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cet amendement de suppression exprime notre désaccord face à la suppression des régimes spéciaux. Nous plaidons, a contrario, pour leur généralisation.

En effet, il s’agit de régimes pionniers en matière de droit à la retraite, en cela qu’ils reconnaissent la pénibilité physique du travail, qui raccourcit parfois la durée de vie.

La pénibilité, ce sont les contraintes liées au maintien de services 365 jours par an et 24 heures sur 24, dans des conditions exigeantes : travail de nuit, horaires décalés, astreintes, port de charges lourdes, environnement de travail bruyant, exposition à des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR)…

En outre, les régimes spéciaux indexent les pensions sur les salaires, au contraire du régime général, qui les indexe sur les prix. Ce type d’indexation induit chaque année une perte de pouvoir d’achat pour les retraités. Aussi, sur quinze ans, le recul est estimé à 20 points. Autrement dit, une pension qui représentait, au moment de la liquidation, en 2015, 80 % du Smic, ne représentera plus, en 2030, que 60 % du Smic.

L’indexation sur les prix fait donc basculer une grande partie des retraités dans la pauvreté et dans la dépendance aux aides sociales. C’est pourquoi il est absolument urgent d’amorcer dès maintenant un retour pour toutes et tous à l’indexation sur les salaires. Cela constitue une condition sine qua non de la pérennité du système par répartition.

Ainsi, nous demandons la généralisation des régimes spéciaux au régime général et donc la suppression de cet article.

Madame la rapporteure générale, je vous invite, avant de donner des arguments, à être sûre de votre fait. Nous avons auditionné, en commission des affaires sociales, M. Nicolas Mitjavile, directeur général de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg), qui nous a dit que son régime était parfaitement équilibré. Il a même évoqué une trésorerie de 700 millions d’euros, gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Nous voulons débattre de nos désaccords, mais faisons-le sur le fondement d’arguments qui reposent sur la réalité des faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 129.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Ne sachant pas comment justifier sa réforme, le Gouvernement a tenté d’invoquer, en faisant preuve d’un certain culot, la justice sociale. Ainsi sont avancés, dans l’exposé des motifs, les principes d’équité, d’universalité, etc.

Procéder à une politique de justice et d’équité, ce serait appliquer des mesures ambitieuses et sérieuses de prise en compte de la pénibilité à tous les travailleurs de toutes les branches qui accomplissent des travaux pénibles ou qui sont exposés à des facteurs de pénibilité, plutôt que de niveler les droits sociaux par le bas.

La vraie question est de savoir si ces régimes spéciaux sont justifiés ou non par la pénibilité des métiers classés en catégorie active. Je rappelle que des tableaux très pertinents, comportant de nombreuses subdivisions définissent les critères de pénibilité, que nous essayons, en vain, de faire reconnaître – notamment en vue d’ouvrir, dans les autres branches, la possibilité de profiter de départs anticipés.

J’ai entendu, lors des auditions que nous avons menées en commission, quelqu’un dire que, dans ces régimes spéciaux, les salariés partaient parfois à la retraite sans « être cassés ». Ah bon ? Tout est dit lorsque l’on qualifie – et certains l’ont fait – d’« effet d’aubaine » le départ anticipé de salariés qui ont été exposés à des risques, mais ne sont pas « cassés ».

Les effets d’aubaine ne sont jamais ceux des employeurs… Ceux que l’on traque sans répit, ce sont ceux dont bénéficient les travailleurs, c’est-à-dire des salariés qui sont couverts par leur appartenance à une catégorie active ou à un régime spécial et qui partent à la retraite – quelle honte en effet… –, alors qu’ils pouvaient continuer de travailler jusqu’à l’apparition des premiers symptômes de dégradation de leur santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 130.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

La suppression des régimes spéciaux concerne les industries électriques et gazières, la RATP, les clercs et employés de notaires, la Banque de France et les membres du Conseil économique, social et environnemental, pour les agents qui seront recrutés à compter du 1er septembre 2023.

La suppression de ces régimes spéciaux constitue une stratégie supplémentaire du Gouvernement pour faire oublier le principal : le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Ce gouvernement est prêt à toutes les manœuvres pour opposer les Français les uns aux autres. Les régimes spéciaux sont stigmatisés pour pouvoir niveler par le bas les droits à la retraite. Le but de ce gouvernement est clair : fissurer le front uni qui se dresse contre cette réforme injuste.

Cette stigmatisation est d’autant plus injuste que les régimes spéciaux concernent non pas l’ensemble des salariés de ces professions, mais seuls ceux qui occupent des fonctions impliquant des conditions de travail difficiles. À titre d’exemple, seuls 5 % des salariés de la RATP sont concernés par son régime spécial.

Si certains régimes spéciaux ont été supprimés, c’est seulement parce que la réforme du régime général a ouvert aux salariés des conditions proches de ces régimes.

Les régimes spéciaux protègent les salariés en prenant en compte la pénibilité de leur travail. Ils sont également nécessaires pour attirer de nouveaux salariés vers des secteurs tendus, au sein desquels les difficultés de recrutement ne vont que s’accroître.

Cette volonté de suppression est totalement hors sol, puisque le but est de remplacer les régimes spéciaux par le compte professionnel de prévention (C2P), dispositif inutile et même contre-productif, dont la Cour des comptes estime qu’il n’est pas à la hauteur des objectifs qui lui ont été assignés. Le C2P n’a plus aucune vertu de prévention.

Cela dit, il n’y a là rien d’étonnant : cette réforme injuste s’inscrit dans la continuité de la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017. La pénibilité et la souffrance au travail qui touchent les salariés sont complètement ignorées par ce gouvernement.

Le Président de la République avait ainsi supprimé quatre critères de pénibilité en 2017 : les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les manipulations de charges lourdes et les agents chimiques dangereux. Et voilà que le Gouvernement veut maintenant supprimer ce qu’il reste de droits aux salariés qui travaillent dans des conditions difficiles !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 131.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

M. Thomas Dossus. Tout d’abord, je tiens à alerter le président Retailleau qui, dans son intervention en discussion générale, nous enjoignait de choisir entre la société du droit à la paresse et celle du travail que la paresse et la langueur semblent avoir gagné les rangs de son groupe, qui se livre à un non-débat.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Rires sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Madame la rapporteure, vous avez demandé que l’on fasse faire des efforts à tous les Français. Comme l’ont dit certains de mes collègues, un régime n’est pas étudié dans ce projet de loi : le nôtre. Quel exemple donnons-nous aux Français en nous attaquant à plusieurs régimes, mais pas au nôtre ?

Vous continuez de dérouler la maxime « forts avec les faibles, faibles avec les forts » : vous êtes durs avec les travailleuses et les travailleurs tandis que ceux qui bénéficient des superprofits et de la rente sont exemptés.

Pourtant, ce sont bel et bien celles et ceux qui travaillent qui savent ce qu’est la valeur du travail : une valeur non pas morale, mais économique et marchande, comme l’a rappelé notre collègue Laurence Rossignol. Ce sont bel et bien ces travailleurs du public et du privé qui font tourner le pays et le maintiennent à flot depuis la pandémie.

Nous aurions aimé débattre en préambule des facteurs de pénibilité, plutôt que de niveler les droits vers le bas pour tout le monde.

Monsieur le ministre, nous aimerions vous suivre lorsque vous prétendez vouloir sortir de la logique de statut pour aboutir à la reconnaissance de plusieurs facteurs de pénibilité et d’usure, mais l’article 1er ne le permet pas. Il s’agit d’un article de division, auquel nous disons « non ! », comme à ceux qui le suivent.

Si vous voulez que nous vous suivions sur les facteurs d’usure et de pénibilité, demandez l’examen en priorité de l’article 9, afin que nous puissions débattre de ces facteurs avant de procéder à un nivellement vers le bas pour tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 200.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

L’article 1er supprime, pour les agents recrutés à compter du 1er septembre 2023, les régimes spéciaux de retraites de cinq entités. Cet amendement vise à revenir sur cette suppression.

En réalité, les régimes spéciaux concernent non pas l’ensemble des salariés des secteurs concernés, mais uniquement ceux qui ont les conditions de travail les plus pénibles. Ainsi, en 2019, les retraités recevant une pension au titre des régimes spéciaux représentaient environ 6 % de l’ensemble des retraités.

Mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d’équité et d’une supposée universalité est une diversion pour faire oublier que chacun va pâtir du report de l’âge légal.

Il est faux d’affirmer que les régimes spéciaux sont un privilège à abolir. La situation devant l’emploi est inégale. Certaines professions, par leurs horaires, les effets qu’elles produisent sur le corps et le stress qu’elles engendrent, sont particulièrement pénibles. Les régimes spéciaux sont la contrepartie de sujétions particulières.

Par ailleurs, les métiers concernés sont essentiels à notre pays et relèvent de secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement. La mise en cause des régimes spéciaux de retraite renforcera cette carence. Prendre en compte la pénibilité est non pas un privilège, mais une mesure de justice sociale.

Il s’agit de régimes pionniers, souvent issus de la négociation. Votre volonté de les supprimer est idéologique et dogmatique. Plutôt que de chercher à aligner les droits des salariés vers le bas en supprimant les régimes spéciaux, il faut au contraire que l’ensemble des salariés exposés à la pénibilité puissent partir plus tôt. Voilà en quoi consisterait la justice sociale !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 280.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, car on ne supprime pas des décennies d’histoire sociale de la France de la sorte, sans aucune négociation, sans aucune compensation et sans aucun accord avec la moindre organisation syndicale.

La suppression des régimes spéciaux est l’arbre qui cache la forêt. M. Retailleau a déclaré qu’il souhaitait supprimer des cas flagrants d’injustice. Or ce genre de cas, il y en a beaucoup et il y en a de vrais.

Vous avez supprimé l’ISF à un moment où les inégalités de patrimoine augmentaient – rétablissons-le !

Vous avez supprimé la flat tax, ce qui fait que le travail est bien plus taxé que le capital – supprimons-la !

Vous avez refusé d’instaurer un minimum jeunesse alors que les jeunes représentent un quart des bénéficiaires des Restos du cœur – instaurons-le !

Vous avez refusé de taxer les superprofits. Nous avons appris ce matin que la Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime (CMA GGM) avait réalisé, en 2022, 23, 5 milliards d’euros de bénéfice net, qui n’est taxé qu’à 2 %, à la faveur de l’application d’une taxe au tonnage plutôt que d’une imposition sur les bénéfices. Supprimons ce privilège !

S’il s’agit de supprimer des privilèges, nous avons des idées : commençons par supprimer le régime spécial des superprofits et des très riches dans ce pays ! Dès lors, vous nous trouverez à vos côtés.

En attendant, nous proposons de supprimer cet article et, pourquoi pas, d’organiser, comme l’a suggéré la rapporteure générale, un référendum.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 312 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 342.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Les régimes dits spéciaux résultent de luttes et de conquêtes sociales. Quel besoin y a-t-il de les supprimer, qui plus est en les présentant comme des régimes de faveur ? Aucun besoin, aucune urgence.

Les dépenses des régimes spéciaux diminuent de façon constante en part du PIB et avec elles les ressources nécessaires pour assurer leur équilibre budgétaire.

Aussi, la manifestation de cette volonté de suppression des régimes spéciaux s’apparente plutôt à une manœuvre de diversion pour atténuer la seule réalité de cette réforme : le report de l’âge légal, dont tout le monde pâtira incontestablement.

Par ailleurs, à l’heure où les secteurs concernés peinent à recruter, la mise en cause de certains régimes spécifiques de retraite est contre-productive. Il est au contraire nécessaire de renforcer l’attractivité des secteurs déficitaires en emplois. Cette mesure est donc pour le moins malvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 366.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, car si vous dites, monsieur le ministre, souhaiter mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d’équité et d’une supposée universalité, il s’agit en réalité d’une diversion pour faire oublier que cette réforme, c’est deux ans de plus pour tous ! N’oublions pas l’argument majeur de cette réforme.

Une fois de plus, vous faites preuve d’une volonté de diviser les Français entre ceux qui seraient privilégiés et les autres. Or ceux qui seraient privilégiés travaillent dans des conditions extrêmement pénibles. Mais ce n’est vraisemblablement pas votre priorité, puisque vous avez supprimé, dès 2017, quatre critères de pénibilité sur dix. Cela dit tout de votre conception de la pénibilité, que vous n’appelez même plus ainsi, mais « usure professionnelle ».

Par ailleurs, je tiens à revenir sur les propos du rapporteur René-Paul Savary selon lesquels cette mesure ne serait pas brutale, car elle s’appliquerait de manière progressive d’ici à 43 ans. Dans ce cas, pourquoi M. Retailleau, qui appartient au même groupe politique que lui, a-t-il déposé un amendement portant article additionnel après l’article 7, et seulement à ce stade de l’examen du texte – pourquoi ne pas l’avoir déposé sur l’article 1er pour en discuter dès maintenant ?– visant à supprimer les régimes spéciaux dès 2023 ? Si ce n’est pas une mesure brutale, je ne sais pas comment la qualifier.

Il est vrai que la totalité des membres du groupe Les Républicains ne figurent pas parmi les cosignataires de cet amendement. Au reste, c’est votre affaire, cela ne nous regarde pas… Pour autant, je constate, une fois de plus, votre silence dans ce débat si important pour l’avenir de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 449.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

À l’heure où les secteurs concernés sont, pour plusieurs d’entre eux, en manque d’agents et de salariés, la mise en cause des services spéciaux de retraite renforcera cette carence de recrutement.

M. le rapporteur Savary nous a expliqué, en somme, qu’il ne fallait pas parler de ces métiers difficiles afin de ne pas aggraver les difficultés de recrutement. Cette méthode me semble un peu juste…

La fin des régimes spéciaux est une diversion pour faire mieux passer la pilule du passage à la retraite à 64 ans. Certaines professions, par leurs horaires, les effets qu’elles produisent sur le corps ou le stress qu’elles engendrent, sont particulièrement pénibles et sont parfois même source de souffrances.

En vue de réduire le nombre de salariés se retrouvant en situation de longue maladie à la suite de nombreuses interventions de chirurgie ou à cause de troubles musculo-squelettiques, il vaudrait mieux ne pas relever de deux ans l’âge de départ à la retraite.

Aussi, je propose de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 484.

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

Ce débat, qui porte sur les régimes spéciaux, nous permet de constater que deux visions du modèle social français s’opposent…

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

Selon vous, non seulement il n’est plus possible de prélever le moindre euro supplémentaire sur les grandes entreprises et les grandes fortunes, mais il faudrait même diminuer leur taux de prélèvement.

En conséquence, afin de maintenir l’équilibre du budget, vous avez, hier, baissé les prestations de l’assurance chômage, et vous voulez maintenant détricoter les régimes spéciaux, qui protègent celles et ceux qui exercent des métiers pénibles.

Pour vous, la vie et le marché se confondent : l’utilité se mesure à la seule valeur commerciale. Avant de vous demander comment améliorer la vie des êtres humains et le sort de la planète qui les nourrit, vous commencez toujours par vous demander à quoi consentiront les puissances de l’argent.

Or, pour les puissances de l’argent, chaque crise est l’occasion de réclamer de l’aide de la part de l’État. À l’inverse, dans les temps de prospérité, elles crient à la spoliation si on leur demande de contribuer davantage à la solidarité nationale.

La vision que nous défendons depuis le début de l’examen de ce texte, c’est celle d’Ambroise Croizat, qui s’était promis, à la Libération, que la retraite serait « non plus une antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie ». Vivre décemment jusqu’à son dernier souffle, laisser en paix les corps brisés par l’usure, voilà la grande conquête du XXe siècle sur laquelle vous voulez revenir avec cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

M. Yan Chantrel. Vous voulez sacrifier cet âge de la vie durant lequel, après avoir consacré l’essentiel de son existence au travail salarié, on dédie son temps libéré à sa vie familiale, à ses parents dépendants, à ses enfants, à ses petits-enfants, aux vies associative, culturelle, sportive, caritative, démocratique, qui sont essentielles à la vie de notre pays. Voilà ce que vous voulez supprimer !

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les amendements n° 518 et 567 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 579.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Redon-Sarrazy

Monsieur le ministre, selon vous et votre gouvernement, supprimer les régimes spéciaux, c’est de la justice sociale. Quelle est donc votre vision du milieu du travail ? Pour vous, la justice sociale passe systématiquement par un alignement par le bas.

Certains régimes spéciaux sont des régimes autonomes, qui trouvent leur équilibre dans des niveaux de contribution ou de cotisations délibérément plus élevés que la moyenne. Il s’agit d’un choix des partenaires.

D’autres, dans des secteurs d’activité bien spécifiques, résultent de conquêtes sociales – qui ont d’ailleurs été validées à l’époque par des exécutifs appartenant à votre majorité – et visent à prendre en compte les conditions d’exercice particulières de certains métiers.

La pénibilité, les risques professionnels, le fait que le travail puisse altérer les capacités physiques et morales et priver les travailleurs et travailleuses d’années de vie en bonne santé – ou d’années de vie tout court ! – vous vous en moquez !

Plutôt que de prendre une mesure dogmatique, posez-vous les bonnes questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 666.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Cet amendement vise à maintenir les régimes spéciaux de retraite visés par l’article 1er, à savoir ceux des industries électriques et gazières, de la RATP, de la Banque de France, du Cese, des notaires et des clercs de notaires. Il n’est pas inutile de répéter que ces régimes spéciaux ont été créés pour compenser la pénibilité des métiers qui y sont exercés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Ah oui, c’est pénible d’être clerc de notaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

En 2019, les retraités recevant une pension d’un régime spécial représentaient seulement 6 % environ de l’ensemble des retraités. En les supprimant, le Gouvernement va mécaniquement soumettre les travailleurs de ce régime au droit commun, c’est-à-dire les intégrer au régime général, les privant ainsi d’une compensation suffisante de la pénibilité de leur métier.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Mettre fin aux régimes spéciaux, c’est une diversion pour faire oublier la confiscation par le Gouvernement de deux années de retraite à tous les Français. Ne nous laissons pas berner : une vraie mesure de justice sociale et d’équité serait d’appliquer les mesures de prise en compte de la pénibilité à tous les travailleurs et travailleuses qui accomplissent des travaux pénibles.

En 2017, vous avez supprimé des critères de pénibilité en échange d’un suivi médical personnalisé qui serait offert aux travailleurs concernés. En quoi consiste ce suivi médical, si ce n’est en un constat des effets de la pénibilité, un constat du fait que, après des années de dur labeur, les salariés sont « cassés » ?

Ceux qui travaillent dans l’industrie agroalimentaire, ceux qui accompagnent nos aînés, ceux qui construisent nos maisons et nos routes, ceux qui nous transportent midi et soir ne veulent pas que l’on mesure les effets de leur travail sur leur santé ; ils les ressentent tous les jours et les mesurent tous les matins en se levant !

Ce qu’ils demandent, c’est le respect de leur métier et de leur personne. Ils demandent que l’on prévienne leurs douleurs et que l’on travaille sur les facteurs de pénibilité. Or la santé au travail et la prévention au travail ne sont pas à la hauteur de leurs attentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 726 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 808.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, car cette réforme des retraites est injuste, injustifiée et inopportune. Elle rencontre l’opposition de la majorité des Françaises et des Français.

La suppression des régimes spéciaux ne peut en aucun cas résorber les problèmes de financement du système de retraites, dont le Conseil d’orientation des retraites (COR) a démontré qu’il n’était pas au bord du gouffre, comme voudrait le faire croire le Gouvernement.

L’article 1er tend à supprimer les régimes dits spéciaux, qui ont été obtenus par les luttes et les conquêtes sociales des salariés et de leurs organisations syndicales représentatives pour faire valoir, dans certains secteurs d’activité, des conditions particulières, difficiles, voire pénibles d’exercice.

À l’heure où les secteurs concernés sont, pour plusieurs d’entre eux, en manque d’agents ou de salariés, la mise en cause des régimes spécifiques de retraite renforcera cette carence. Par exemple, quelque 4 000 emplois de chauffeurs de car ne sont pas pourvus en Île-de-France. Le secteur des transports rencontre des problèmes de recrutement très importants, qui contribuent à l’embolie de nombreux réseaux.

Ainsi, plutôt que de tout supprimer de manière démagogique, le Gouvernement serait mieux inspiré de retirer sa réforme, de reprendre de véritables négociations avec les partenaires sociaux et d’étudier, profession par profession, l’opportunité de revenir intégralement ou en partie sur certains régimes dits spéciaux.

Une bonne réforme des retraites est une réforme qui allie sauvegarde de la répartition et progrès social, pas une réforme qui stigmatise certains et monte les Français les uns contre les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les amendements n° 821 et 861 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 896.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Nous demandons que cet article soit supprimé. Les arguments présentés par les uns et les autres me semblent suffisants pour que je concentre mon propos sur d’autres motifs.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu’un régime spécial devrait se suffire à lui-même et ne saurait faire appel à personne d’autre que ses clients ou ses agents. Selon vous, nous ne pourrions en aucun cas faire appel au contribuable par l’impôt. Cet argument m’interpelle, car cela reviendrait à ne plus tenir compte de l’utilité sociale des activités. Or si nous allons au bout de cette logique, nous devrions supprimer tous les services publics : les usagers devraient tout financer.

Cette conception restrictive du régime par répartition m’interpelle. Nous savons depuis longtemps que les régimes spéciaux sont en partie financés par des subventions et des impôts, ce qui est tout à fait normal, dans la mesure où les emplois qu’ils couvrent sont d’utilité sociale. C’est le rôle du travail.

Je ne me retrouve pas non plus dans votre conception de la valeur travail, en cela que le capital est une accumulation de travail mort tandis que les salariés représentent du travail vivant. Or ces derniers payent des impôts. Dès lors, pourquoi le capital ne devrait-il pas également contribuer à la solidarité nationale ?

Mmes Victoire Jasmin et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 941 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° 980.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je m’exprimerai en quelque sorte ès qualités, car je ne suis pas sûr que beaucoup de mes collègues comptent intervenir sur le sujet de la Banque de France. En tant que président de la commission des finances, je me dois de dire quelques mots sur la suppression du régime de retraite de cette dernière.

Tout d’abord, cette mesure concernant environ 10 000 salariés, sa portée est limitée.

Par ailleurs, le régime de la Banque de France est totalement aligné sur celui de la fonction publique, en matière d’âge de départ comme de durée de cotisation.

En outre, les pensions versées aux retraités de ce régime n’ont jamais rien coûté à l’État. En revanche, l’État a perçu à de nombreuses reprises des excédents de la couverture des engagements du régime de retraite de ce régime, par solidarité avec le régime général, pour un montant qui s’élèverait à plus de 1 milliard d’euros à ce jour.

Enfin, les flux futurs de pensions sont déjà intégralement couverts. Alors quoi ? Quelle est la logique de la suppression de ce régime autonome, si ce n’est – et il est toujours très dangereux de s’engager sur ce terrain moral – une supposée exemplarité ?

Mes chers collègues, quelle façon extraordinaire, de la part de l’État, de remercier les salariés d’une institution qui, par la politique monétaire très conciliante qu’elle a menée ces dernières années, a protégé le budget de celui-ci !

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Laurent applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les amendements n° 1008, 1029 et 1059 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 1075.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Dans la même logique que les précédents, cet amendement vise à supprimer l’article 1er. Issus de longues luttes sociales menées par les salariés du privé comme du public, les régimes spéciaux ont été conçus de manière à être adaptés à des professions exercées dans des conditions de travail particulières, bien souvent difficiles et pénibles.

Avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je considère que la suppression des régimes spéciaux visés par cet article n’est, sous couvert d’un prétexte d’équité, qu’une diversion pour faire oublier que tout le monde va pâtir du report de l’âge légal de départ à la retraite.

En effet, comme nous le soulignerons en présentant plusieurs autres amendements sur l’article 1er, une grande partie des régimes spéciaux concernés sont excédentaires et ces excédents proviennent d’un taux de cotisation bien plus élevé que la moyenne du régime général.

Vouloir présenter comme de mauvais élèves des professions qui ont fait, voilà des décennies, le choix de surcotiser constitue une orientation étonnante pour un gouvernement disant défendre le budget de la Nation « à l’euro près »…

Monsieur le ministre, il est temps de comprendre les spécificités de ces professions et d’entendre les difficultés quotidiennes des salariés des industries électriques et gazières, sur lesquels nous devons compter pour rebâtir notre souveraineté énergétique. Il est temps de comprendre les spécificités du régime des salariés de la Banque de France, de celui des clercs de notaire, et de celui des salariés du Cese. Il est grand temps, enfin, de prendre correctement en compte la pénibilité, le stress quotidien, l’environnement du travail et les horaires atypiques des salariés de la RATP.

Pour toutes ces raisons, supprimons l’article 1er, qui ne représente rien d’autre qu’un retour en arrière.

Mme Émilienne Poumirol applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1096 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1151 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Mme Monique Lubin. Je voudrais que les choses soient bien claires.

Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

La suppression des régimes spéciaux ne consiste pas uniquement en l’alignement de l’âge de départ à la retraite. Cela modifiera aussi la base de calcul du montant de la retraite, puisque l’on passera de la rémunération des six derniers mois pour la RATP et les gaziers et de la moyenne des dix meilleures années pour les clercs de notaire à la moyenne des vingt-cinq meilleures années – on sait ce que cela a donné en 1993 pour les salariés du privé –, et que cela modifiera également la durée de cotisation.

Évidemment, grâce à la « clause du grand-père », les agents actuels ne seront pas concernés. Vous espérez donc, monsieur le ministre, que les choses se passeront en douceur, mais l’ambiance risque tout de même d’être un peu curieuse quand se côtoieront, dans la même entreprise, deux catégories de personnel exerçant le même métier, mais n’ayant pas les mêmes avantages !

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Alors, il faut voter l’amendement de M. Retailleau !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

En outre, cela a déjà été évoqué : où se trouve l’urgence de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), puisque l’effet comptable de la réforme ne se fera réellement sentir que dans de très nombreuses années ?

Par ailleurs, madame la rapporteure générale, vous nous avez menacés d’un référendum, …

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

… mais c’est facile ! Vous – et tous les autres – martelez, depuis que ces régimes existent, que ceux-ci sont illégitimes : cela a forcément fini par s’imprimer dans la tête des Français ! Évidemment, il est beaucoup plus simple de désigner à la vindicte de nos concitoyens le voisin qu’ils croisent tous les jours et qui est peut-être un peu plus chanceux qu’eux que le très fortuné, qui bénéficie de beaucoup plus d’avantages, mais qu’ils ne croisent jamais parce qu’il ne vit pas avec eux !

Du reste, cette idée est si peu ancrée dans la tête de nos concitoyens que, finalement, même quand on supprime des régimes spéciaux, ils ne le savent pas ; pour la SNCF, par exemple, personne ne l’a encore compris…

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1205 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° 1238.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

L’amélioration continue de la qualité de vie et des conditions de travail nécessite, par équité et pour ne pas déstabiliser les professions et les entreprises concernées, de supprimer cet article.

En effet, la suppression, au travers du présent article, de cinq régimes spéciaux suscite des interrogations, car nous devons au contraire créer les conditions de la cohésion sociale, impliquer davantage les partenaires sociaux et valoriser, d’ailleurs de façon urgente, les travailleurs. L’existence des régimes spéciaux est toujours justifiée par les contraintes spécifiques à chacun de ces métiers. Il est en outre de notre devoir de rendre ces filières attractives.

Monsieur le ministre, vous avez supprimé les CHSCT et vous voulez déshumaniser encore davantage les entreprises et les métiers ! Il faut supprimer cet article inutile et injuste !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 1268.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le ministre, par cet article, vous souhaitez mettre fin à cinq régimes spéciaux de notre système de retraite. Ces régimes entraîneraient, selon vous, des dépenses exagérées que notre système de retraite ne pourrait plus supporter.

En réalité, vous le savez, les dépenses liées aux régimes spéciaux demeurent contenues au regard des recettes totales des cotisations sociales. Surtout, ces régimes permettent de maintenir l’attractivité de secteurs et de cadres d’emploi dont la main-d’œuvre essentielle peine à être trouvée. Je pense particulièrement au régime de la RATP, déjà évoqué, puisque les possibilités de départ anticipé profitent à ceux qui font vivre ce service public essentiel : conducteurs, agents de station, agents chargés de la maintenance des voies, etc.

Non, monsieur le ministre, le départ anticipé de ces personnes n’est ni un privilège hérité de l’ancien monde ni une dépense exagérée, vu la nécessité et la pénibilité de leurs métiers, et, si les économies engendrées par la suppression de ces régimes sont, pour vous, essentielles, c’est avant tout en raison de leur caractère symbolique d’éradication méthodique des statuts en général et de ceux-là en particulier !

Depuis 2017, malgré la hausse sans précédent des revenus des placements financiers, vous refusez d’augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital ; vous avez également permis à des foyers très aisés de profiter de déductibilités et de dégrèvements de cotisations, grâce à l’instauration de la flat tax ; et je ne reviens pas sur la prospérité outrancière de CMA CGM, que vous entendez au contraire sanctuariser.

Surtout, au-delà des personnes concernées par les régimes spéciaux, les Français ne veulent pas de votre réforme, monsieur le ministre. Écoutez-les donc…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 1314.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Tout le problème est là : c’est parce que les dégâts du travail n’ont pas été corrigés, parce que l’on a renoncé à améliorer les conditions de travail et parce qu’il n’a même pas été envisagé de prévoir des sources de financement en lien avec la nouvelle donne de la société contemporaine – je pense notamment, comme mes collègues, aux profits exorbitants, qui sont très peu taxés par ailleurs – que nous en sommes là.

Cette réforme est socialement injuste, car les régimes spéciaux permettent de tenir compte de la dureté du travail ; j’emploie à dessein ce mot et non celui de « pénibilité ». Les risques, notamment psycho-sociaux, sont peut-être plus prégnants encore que par le passé, les amplitudes horaires et la pénibilité perdurent. Il n’y a donc pas de régime de faveur, il n’y a que la prise en compte de cette dureté, qui abîme.

Oui, tous ceux qui font le même travail doivent avoir les mêmes droits et il doit s’agir des meilleurs droits possible, puisque nous sommes pour le progrès social. C’est tout le questionnement autour du « bonheur différé » que constitue la retraite. En quelque sorte, ces régimes spéciaux sont la compensation de ce qui n’a pas été pensé en amont. Comment demander de travailler plus longtemps dans de telles conditions, qui restent dures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Alors, instaurons la retraite à 57 ans pour tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Comme le dit le philosophe Denis Maillard, « avant tout droit à la retraite, les travailleurs demandent aujourd’hui un droit de retrait de la comédie inhumaine du travail ».

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Puisque toute la réflexion consistant à repenser le travail n’a pas été menée – on a été, d’une certaine manière, paresseux, oublieux, aveugles aux évolutions rapides de la société –, défaire ce qui existe sans rien proposer constitue une régression inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Aussi, je propose, avec mes collègues, de supprimer cet article, qui met fin à cinq régimes spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 1338.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Si certains régimes sont dits « spéciaux », c’est non pas parce qu’ils constitueraient des lieux de privilèges, mais parce qu’ils fonctionnent sur le fondement d’une solidarité restreinte à une profession – comme pour les marins ou les militaires – ou à une entreprise – comme pour la RATP – prenant en compte certaines formes de pénibilité subies par leurs travailleurs : horaires atypiques, fréquence des astreintes ou encore usure physique.

Est-ce à dire que ces travailleurs ont été choyés, privilégiés ? Non, c’est même l’inverse. Ce sont les travailleurs du régime général qui sont, trop souvent, délaissés, défavorisés, au regard de l’évolution des modes toujours plus astreignants de production. J’en veux pour preuve la sous-déclaration croissante des accidents du travail et des maladies professionnelles. Écoutez, à cet égard, ce que dit la Cour des comptes, qui a récemment signalé la sinistralité hors norme dont souffrent certains secteurs, notamment les métiers du soin et du lien, et qui nécessiterait des mesures spécifiques.

En réalité, les régimes spéciaux étaient précurseurs d’une juste appréhension du travail et de ses effets sur les travailleurs. Ils ont veillé à maintenir l’équilibre nécessaire entre la vie au travail et la vie en bonne santé à la retraite. L’objectif devrait donc être d’aligner le régime général sur ces régimes, afin de prendre en considération la spécificité des différents métiers, et non l’inverse.

J’ajoute qu’il est tout de même extraordinaire de supprimer des acquis sociaux issus, pour bon nombre, d’accords obtenus en 1945, juste après la Libération, au travers d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, sans dialogue, sans négociation avec les partenaires sociaux, sans même l’once d’une compensation ! Vous appelez cela l’équité ; pour moi, moins d’avantages et deux ans de plus, c’est de la brutalité.

C’est la raison pour laquelle il faut supprimer cet article.

Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1371 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 1404.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez fait allusion précédemment à un ancien président de la commission des lois. Comme nous ne sommes que deux dans cet hémicycle à pouvoir nous prévaloir de ce titre, j’ai cru comprendre que vous vous adressiez à moi ; je crois avoir bien compris…

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

François Hollande a un jour décidé de rendre publics les avis du Conseil d’État. Je crois que vous avez une certaine connaissance de M. François Hollande et que, à cette époque, vous partagiez bien des choses avec lui.

Applaudissements sur quelques travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Plus que vous aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne comprends pas votre argumentation. Je ne vous l’apprends pas, le Conseil d’État a deux fonctions : il est un juge et le conseiller du Gouvernement ; il existe d’ailleurs une littérature abondante sur la compatibilité entre ces deux missions. En tant que conseiller du Gouvernement – c’est de cela qu’il s’agit ici –, le Conseil d’État donne de bons conseils au Gouvernement et je suppose qu’il fait état, dans la note dont il est question, d’appréciations judicieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne vois pas en quoi le fait, pour le Gouvernement, pour vous, monsieur le ministre, de décider de partager largement ces appréciations serait contraire à la séparation des pouvoirs. Ça le serait si vous étiez contraint de le faire, mais rien ne vous y oblige, vous en avez simplement la possibilité.

Nous vous renouvelons donc cette demande, conforme à une doctrine que vous avez certainement approuvée par le passé.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Monsieur Sueur, vous profitez de ma générosité, car vous n’avez pas vraiment défendu votre amendement…

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1434 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Martine Filleul, pour présenter l’amendement n° 1502.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Monsieur le ministre, en supprimant – ou plutôt en fermant, madame la rapporteure générale – cinq des régimes spéciaux, vous divisez pour mieux régner, vous opposez les Français les uns aux autres, vous les divisez ; voilà la stratégie.

Les régimes spéciaux ne constituent en aucun cas un privilège ni une grâce ; en l’état, c’est une compensation, un acquis, une histoire. En tout cas, nulle générosité, nulle dépense exagérée ici.

Vous parlez d’un système qui serait inégalitaire. Oui, mais certainement pas dans le sens que vous lui donnez, car ce sont les métiers qui sont inégalitaires, dans la dureté de leurs effets sur les corps et les esprits. Les ouvriers n’ont-ils pas une espérance de vie inférieure de 6, 4 ans par rapport aux cadres ? Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de percevoir, aussi longtemps que les autres catégories professionnelles, leur retraite, celle pour laquelle ils ont cotisé toute leur vie ? Loin de réparer les inégalités au travail, cette réforme les accentue.

Nous devons permettre aux travailleurs de partir à la retraite au moment où leur corps n’est pas usé ; nous le leur devons ! Malheureusement pour eux, votre rhétorique est immuable : vous voulez faire porter aux travailleurs le poids de votre réforme comptable. Ceux qui souffrent déjà aujourd’hui dans leur chair souffriront encore plus demain ; ce sera l’inégalité dans la souffrance.

Pour comble, vous simulez une concertation avec les organisations syndicales, sans jamais tenir compte de leurs demandes, de leurs propositions. Tout dialogue absent, vous le payerez et vous le payerez cher, dans la rue !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

C’est pourquoi je vous invite à retirer cette réforme.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 1620.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Des « privilégiés » – le mot est lâché –, telle est la vision dogmatique, monsieur le ministre, que votre gouvernement semble avoir des personnes affiliées à un régime spécial de retraite.

Je rappelle que les premiers régimes spéciaux ont été mis en place par l’État en 1673 pour les marins. Au fil des siècles, différents régimes spéciaux de retraite ont été instaurés et ils ont été conservés par le Conseil national de la Résistance au moment de la création de notre système actuel de sécurité sociale. Ces régimes sont le résultat de luttes sociales, menées par les salariés et les organisations syndicales de certains secteurs d’activité pour obtenir la reconnaissance des conditions particulières et de la pénibilité de leur travail. La mesure que vous proposez constitue donc une véritable régression sociale, comme l’était déjà, en 2017, la suppression des critères de pénibilité.

Le Gouvernement justifie la suppression des régimes spéciaux par une volonté d’équité, mais il s’agit surtout de diviser les salariés. On le sait bien, depuis Machiavel, diviser pour mieux régner, c’est la solution.

En outre, vous faites un choix arbitraire, à la carte, entre les régimes spéciaux qui seront supprimés par cette réforme et ceux qui seront conservés. Alors que plusieurs secteurs concernés pâtissent d’un manque de personnel, la mise en cause des régimes spécifiques de retraite ne fera qu’aggraver leur manque d’attractivité et leur pénurie de personnel.

Aussi, plutôt que de défendre un système de retraite adapté à la réalité, notamment à la pénibilité, des métiers, le Gouvernement choisit de détruire ces droits acquis et de niveler ainsi les retraites par le bas. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les amendements n° 1650 et 1662 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1691.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Voilà un peu moins de trois ans, nous avons découvert ceux que nous avons appelés à cette époque les « premiers de corvée » : les personnes dont le métier n’est pas « télétravaillable » et qui ont tenu le pays. Or beaucoup des activités visées par la suppression de ces régimes concernent ces personnes, en particulier dans les transports publics et l’énergie.

Aussi, madame la rapporteure générale, opposer les uns aux autres, exacerber les jalousies entre les différents types de droits à pension ne me paraît pas convenable. Le premier principe de la République est de travailler à la cohésion et à la solidarité nationales, non d’expliquer aux uns qu’ils doivent perdre parce que les autres ont moins. Il n’est pas logique de procéder de cette manière.

Je veux bien croire que les évolutions technologiques fassent évoluer les pénibilités, mais celles-ci demeurent. Même si elles ne sont pas les mêmes qu’il y a soixante ans, elles doivent être prises en compte et, pour cela, il faut être crédible, ne pas avoir supprimé, il y a cinq ans, la liste des critères de pénibilité pour le régime général tout en voulant maintenant supprimer certains régimes spéciaux. Ce n’est pas convenable, surtout lorsque l’on sait que, dans les transports collectifs, il y a des métiers en tension et il est nécessaire, pour la sécurité de l’ensemble des usagers, d’avoir des agents respectés et correctement assurés.

Le secteur de l’énergie représente un enjeu important pour l’avenir de notre pays et nous devons même élargir ces régimes à tous ceux qui travaillent dans le secteur, notamment parmi les sous-traitants.

En outre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… puisque l’on évoque les premiers de corvée, les travailleurs des plateformes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. … sont les oubliés de cette réforme, alors qu’ils étaient…

Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mon cher collègue, quand il y a cinquante et un amendements identiques, chacun a deux minutes pour présenter le sien et deux minutes seulement.

Les amendements n° 1748 et 1789 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1817.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner. Curieuse ambiance ce matin, encore une fois : comme dans un match de football, on s’attache à comparer les durées de possession de la balle. Manifestement, il y a une partie de l’hémicycle qui maîtrise plus la balle…

Sourires. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je ne sais pas s’il y aura des tirs au but – je l’espère – et nous verrons bien, plus tard, s’il y a des buts, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

… mais n’hésitez pas à animer un peu nos débats, mes chers collègues, moins d’ailleurs pour nous que pour les Français qui nous regardent et qui attendent de nos débats des clarifications politiques.

Finalement, ces multiples amendements de suppression visent à donner un peu de sens au mot de réforme. J’ai retrouvé une phrase assez célèbre d’un fameux premier ministre britannique du XIXe siècle, Benjamin Disraeli, qui était d’ailleurs un conservateur : réformer ce qu’il faut, conserver ce qui vaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Oui, il faut conserver quand les choses vont plutôt bien et qu’elles ne posent pas de problèmes majeurs. Or ces régimes spéciaux sont les pionniers de notre régime général de retraite, ils correspondent à une histoire, mais aussi à un actuel et à un avenir pour beaucoup de salariés. Ce sont des conquêtes sociales qu’il convient de préserver.

Nous ne voulons pas nous associer à l’opération de démolition sociale qui est la vôtre, monsieur le ministre, et que soutient la droite sénatoriale. Je demande donc à mon tour la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Si je puis me permettre une parenthèse, monsieur Kanner, Benjamin Disraeli a perdu le pouvoir au profit de Gladstone parce qu’il maltraitait la Chambre des communes. Donc attention à vos références…

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 1990.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Quand je vous entends, monsieur le président, je regrette que vous soyez au plateau et non dans l’hémicycle, parce que vous contribueriez à nourrir un peu le débat. Cela dit, vous le faites bien de votre place…

Mes chers collègues, il y a une autre raison de voter la suppression de cet article, c’est le débat biaisé, en trompe-l’œil, que nous avons sur la suppression des régimes spéciaux.

En effet, deux voies sont empruntées pour supprimer ces derniers : il y a l’article 1er, proposé par le Gouvernement, et l’amendement n° 2057 de M. Retailleau. Or quelle n’a pas été ma surprise quand j’ai découvert que cet amendement serait examiné après l’article 7 ! Nous allons donc parler des régimes spéciaux une première fois ce matin, en examinant l’article 1er, et une seconde fois après l’examen de l’article 7. Cela donne l’impression qu’il y a un problème…

Je suppose qu’il s’agit d’une erreur de rédaction : l’amendement n’aurait pas dû commencer par la mention « Après l’article 7 » ; il eût été plus franc, plus sincère, d’écrire « Après la date du 7 mars, date du prochain mouvement social ». Parce que c’est de cela qu’il s’agit, en réalité : ce que vous ne voulez pas, mes chers collègues, c’est que votre amendement sur la suppression des régimes spéciaux soit discuté avant le mouvement du 7 mars prochain !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Parce que le Parlement est sous pression de la rue !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

C’est d’ailleurs étonnant, parce que, si vous êtes si sûrs que les Français détestent tous les régimes spéciaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

… et que vous seriez certains de recueillir une immense adhésion autour de cette suppression, eh bien, soumettez votre amendement au vote dès maintenant, avec l’article sur les régimes spéciaux ! Peut-être les Français vous soutiendront-ils ! Peut-être même déclencherez-vous une manifestation de soutien à votre amendement de suppression des régimes spéciaux ! Peut-être y aura-t-il autant de gens dans la rue pour votre amendement qu’il y en a contre cette réforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Ce sont les plus protégés qui sont dans la rue, non les plus exposés !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 2057 devrait être examiné ici, mais ce n’est pas le cas. Donc nous voterons pour la suppression de l’article 1er.

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les amendements n° 2069 et 2257 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 3871.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Le capitalisme contemporain se caractérise par de multiples dynamiques, qui se déploient tant dans les conditions que dans l’organisation du travail : on appelle cela la précarisation.

Depuis plus de vingt ans, on assiste à la précarisation et à la flexibilisation de l’emploi et des temps de travail, avec une banalisation des emplois précaires, le développement du travail à temps partiel ainsi que la normalisation du travail flexible et irrégulier. À tout cela, il faut ajouter l’insécurité de l’emploi, que de plus en plus de travailleurs perçoivent du fait des multiples restructurations d’entreprises et des licenciements qui vont avec.

Depuis plus de vingt ans, la pénibilité déclarée par les salariés est en nette hausse, sur le plan tant physique, avec le port de charges lourdes, les mouvements répétitifs ou l’exposition à de multiples nuisances, que mental, avec l’exigence d’une vigilance constante, les polyvalences forcées, le raccourcissement des délais ou encore l’exigence d’une réponse immédiate à la demande du marché.

Cette précarisation a des conséquences directes sur la santé des travailleurs, à commencer par l’insuffisance ou l’irrégularité des revenus, qui rendent difficile le maintien en bonne santé. En témoignent l’explosion des pathologies musculo-squelettiques ainsi que les fluctuations du nombre d’accidents du travail, qui sont trop souvent le corollaire des fluctuations de l’activité économique.

Ainsi, au-delà des atteintes physiques et mentales subies par les salariés, il convient de s’interroger profondément sur les conditions et l’organisation du travail. Il est grand temps de réduire le temps de travail prescrit et de revenir à la retraite à 60 ans. En effet, si, comme vous, j’accorde une grande importance à l’emploi et au travail, cela ne doit pas se faire au détriment de la santé des travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Avant de demander l’avis de la commission et du Gouvernement sur ces amendements, je demande aux rapporteurs et au ministre de ne procéder à aucune interpellation, afin de tenir compte du rappel au règlement de M. Raynal. Veuillez donc répondre globalement à l’ensemble des amendements, sans interpeller personne.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Merci de la liberté de parole que vous accordez aux rapporteurs, monsieur le président…

En tout état de cause, nous serons très vigilants dans nos propos, et ce tout au long du débat.

D’abord, beaucoup d’interventions ont évoqué les acquis sociaux, auxquels un attachement fort a été exprimé, ce que l’on comprend bien. Néanmoins, au fil du temps, ces acquis ont parfois été remis en cause – on a ainsi augmenté la durée de cotisation, puisque l’âge de départ, qui était jadis à 60 ans, est passé à 62 ans –, mais les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais remis cette évolution en cause !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ensuite, c’est vrai, l’accélération de la convergence ne figure pas à l’article 1er, qui est relatif à la fermeture des régimes spéciaux aux nouveaux entrants. La convergence consiste à accélérer le report de l’âge de la retraite et c’est bien l’article 7 qui en traite ; en outre, il s’agit d’une dépense. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas trouvé de moyen d’examiner dans le cadre de l’article 1er l’amendement n° 2057, qui relève, vous en conviendrez, de l’article 7.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Enfin, j’ai bien compris que certaines interventions comportaient une interpellation relative aux inégalités dans la prise en compte de la pénibilité. Là encore, la commission a souhaité gommer ces inégalités. En effet, la pénibilité du métier de chauffeur de bus, par exemple, n’est pas prise en compte de la même manière selon que l’on travaille à la RATP, où l’on relève du régime d’un service public ou que l’on travaille dans le secteur privé, puisque, dans le public, la pénibilité relève des services actifs. Or, entre les services actifs et les services « super-actifs », il y a bien des possibilités de convergence.

Vous souhaitez… Pardon, monsieur le président : « certains d’entre vous » souhaitent favoriser la réduction des inégalités en prenant en compte la situation de ceux qui commencent plus jeunes. Mais, cela a été rappelé par M. le ministre, il en résulterait alors une dégradation des comptes publics et du solde des régimes de retraite, qu’il faudrait donc compenser. Cela signifierait que, en contrepartie, on devrait soit augmenter la durée de cotisation de ceux qui n’ont pas de facteurs de pénibilité – ceux qui ne travaillent pas dans les secteurs ou les métiers concernés devraient travailler plus longtemps –, soit recourir à l’impôt. Or notre système est un système contributif, dans lequel 80 % des recettes procèdent des cotisations des salariés et 20 % de la solidarité, dans un souci de justice sociale, et plus on augmente la part des impôts dans un système par répartition, plus on le remet en cause.

C’est pourquoi nous n’avons pas choisi ce dispositif, car nous n’entendons pas remettre en cause le système par répartition. Telle est la position de la commission, qui explique notre avis défavorable sur ces amendements, ce qu’Élisabeth Doineau va préciser maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Je rappelle que la fermeture des régimes spéciaux ne concerne que le risque vieillesse, pas l’ensemble des autres risques, comme je l’ai dit précédemment. Cela répond à des enjeux de lisibilité, d’équité et de confiance, surtout dans le système de retraite par répartition. D’ailleurs, nous le voyons bien, les sondages pratiqués auprès de l’ensemble de la population le montrent : la jeunesse n’a absolument pas confiance dans notre système actuel.

Les régimes spéciaux, cela a été rappelé et c’est important de le dire, ont été créés par l’ordonnance du 4 octobre 1945 et maintenus à titre provisoire jusqu’à ce jour. Certains ont toutefois été supprimés depuis. C’est le cas par exemple du régime vieillesse des entreprises minières ou encore de celui de la SNCF, qui ont été alignés sur le régime général.

Il a été dit qu’il n’y avait aucune urgence à procéder à l’extinction de ces régimes. C’est justement pour cette raison que nous vous proposons la clause du grand-père !

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

On peut toutefois comprendre que d’autres propositions soient faites à cet égard…

La poursuite du mouvement d’extinction des régimes spéciaux est aussi une question d’équité entre les assurés. Ces régimes dérogatoires se justifient de plus en plus difficilement par des critères objectifs. Vos témoignages l’ont d’ailleurs montré, une approche par branche ou par métier n’est pas équitable.

Vous avez parlé de la fluidité du marché du travail. Je pense que l’affiliation au régime général permettra de fluidifier davantage le marché du travail en réduisant la complexité du système et la variation des droits sociaux en fonction du régime d’affiliation.

Enfin, comme l’a indiqué le ministre, l’affiliation au régime d’assurance vieillesse de droit commun permettra de bénéficier du compte professionnel de prévention et donc de la prise en compte des effets de l’exposition à certains risques professionnels. Cette avancée pourra être complétée par des dispositifs conventionnels d’entreprise ou de branche sur le modèle de la SNCF. À cet égard, les représentants de la SNCF que nous avons auditionnés nous ont indiqué que la prise en compte de la pénibilité dans certains métiers était un progrès.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je serai bref, car les arguments pour défendre ces amendements de suppression, et c’est assez logique, ont déjà été très largement avancés lors des prises de parole sur l’article.

J’apporterai simplement trois précisions, la première en écho à ce que vient de dire Mme la rapporteure générale. L’affiliation des nouveaux embauchés au régime général de l’assurance vieillesse leur permettra, comme cela a été dit, de bénéficier du C2P et des nouveaux dispositifs que nous proposons sur des critères ergonomiques, ce qui n’est pas le cas pour les bénéficiaires des régimes spéciaux, en tout cas pas automatiquement.

Ma deuxième précision porte sur la soutenabilité et la solidité financières des régimes spéciaux, des inquiétudes ayant été exprimées sur le fait que la fermeture du flux pourrait poser des difficultés de financement des pensions des retraités actuels. D’abord, bon nombre de régimes ont la capacité de faire face à ce financement. Par ailleurs, comme nous l’avons fait pour la SNCF, nous veillerons à garantir la soutenabilité de ces régimes dans les futurs textes financiers, notamment dans les futurs projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Ma troisième précision sera de nature lexicale. Pour défendre leur amendement, certains intervenants ont parlé de « privilégiés », d’« inégalités ». Ce n’est pas le champ lexical du Gouvernement. Pour notre part, nous considérons que la fermeture des régimes spéciaux, et donc l’harmonisation des régimes, est une question d’équité. Nous ne parlons pas de « privilégiés ».

Nous savons que ces régimes ont été élaborés au fil du temps et que celles et ceux qui bénéficient de cette situation ne l’ont pas nécessairement construite. Ils ont adhéré à un régime spécial lorsqu’ils ont signé leur contrat de travail.

En revanche, l’équilibre financier de ces régimes et la nécessité de les subventionner ne sont pas des arguments suffisants. Ce sont des arguments majeurs concernant certains régimes, beaucoup d’entre eux étant déséquilibrés, mais la question de l’équité et de l’harmonisation des règles en termes de cotisations, de déroulement de carrière et d’âge de départ à la retraite sont des raisons tout aussi importantes, qui justifient, selon nous, la fermeture en flux des régimes spéciaux.

Pour ces différentes raisons, le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Avant de mettre aux voix ces amendements de suppression, je donne la parole à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Ainsi, je ne coupe jamais la parole aux autres !

Je vous ai bien écoutés, chers collègues. Je résumerai, en essayant d’être exhaustif, tout ce que vous avez dit concernant exclusivement la suppression des régimes spéciaux de retraite.

Vous nous avez expliqué que ces régimes pionniers furent les premiers à prendre en compte la pénibilité, qu’ils s’appliquent à des métiers en tension, soit du fait d’un manque d’agents, soit pour des raisons d’accidentologie et non de remplacement des agents arrêtés. Vous avez ajouté que ces régimes sont équilibrés, voire excédentaires, et que cette réforme augmenterait les difficultés de recrutement. Vous pensez que l’article 1er a pour but de diviser les travailleurs et de faire des bénéficiaires des régimes spéciaux des boucs émissaires, que l’on veut faire croire que ces agents sont des privilégiés. Vous dites que cet article remet en cause le contrat social, qu’il vise un nivellement par le bas et qu’il n’a d’autre objet que de faire diversion pour faire oublier les autres articles.

J’ai résumé en une minute trente – j’espère n’avoir rien oublié – ce que vous avez dit en deux heures et demie – et il me reste 37 secondes ! Quant aux rapporteurs et au ministre, ils vous ont apporté des réponses claires. §Je partage leur point de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Ah, l’équité !

Je comprends que les actionnaires de notre pays – mais pas tous –, qui viennent d’encaisser 59, 8 milliards d’euros, jugent scandaleux les avantages des chauffeurs de bus de la RATP, dont les conditions de travail sont si favorables que leur employeur ne parvient plus à recruter §ou encore les avantages inouïs des clercs de notaire ! Je pense en particulier au 0, 1 % des Français qui ont touché les deux tiers de ces dividendes, soit 40 milliards d’euros en 2022, sachant que vous en cherchez 13 pour équilibrer le système de retraite.

D’ailleurs, 200 millionnaires répartis dans treize pays demandent aux dirigeants du monde entier d’être davantage taxés. En France, selon l’association Oxfam, taxer nos milliardaires à hauteur de 2 % permettrait de financer le déficit prétendument hors de contrôle du système de retraite via le FRR (Fonds de réserve des retraites), judicieusement créé par Lionel Jospin pour faire face au papy-boom. Si cela se révélait trop douloureux, de nombreux bénévoles jeunes retraités des Restos du cœur pourraient accueillir ces milliardaires trop taxés ! Une telle mesure permettrait d’économiser deux ans de vie.

Enfin, puisqu’il me reste quelques instants, je tiens à dire que je ne comprends pas comment des sénateurs peuvent défendre, au nom de l’équité, la clôture des régimes spéciaux – j’ai bien dit : « clôture » – des chauffeurs de bus et des clercs de notaire sans réfléchir à leur propre régime autonome et sans voir que, pour les Français, celui-ci n’est pas équitable. D’ailleurs, si nous faisions un référendum, des vents mauvais, je le crains, souffleraient sur notre assemblée.

Monsieur le ministre, alors que nous avons un jeune Président de la République qui veut bouleverser et rénover la démocratie, il fait finalement du Richelieu ! Il maintient secrète la note de synthèse du Conseil d’État, qu’il refuse de diffuser, alors qu’elle éclairerait les Français et les parlementaires.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je relève d’abord l’inconséquence de notre rapportrice

M. Martin Lévrier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Madame la rapportrice, je ne crois plus que les Français soient obnubilés par les régimes spéciaux. Ils ont bien compris que le démantèlement des statuts et des régimes spéciaux revenait à poursuivre la dégradation massive des conditions du salariat dans ce pays et qu’il entraînerait leur précarisation.

Les Français considèrent que la France est l’un des pays où les salariés sont les moins bien traités et où les conditions de travail sont mauvaises, et c’est lié au déficit de certains régimes spéciaux. On a tellement externalisé, sous-traité, filialisé, que l’on a précarisé le travail, baissé les salaires, réduit les avantages sociaux. On a tué l’idée qu’une entreprise, c’est une communauté humaine dans laquelle les uns et les autres sont solidaires grâce à un statut, des garanties, une protection sociale.

Vous parlez d’équité, mais peut-on comparer aujourd’hui la situation du salarié d’une grande entreprise et celle de l’employé du sous-traitant de énième rang de cette même entreprise ? On ne peut pas parler d’équité : le sous-traitant est mal payé, précarisé…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je ne dis pas que les autres ont des avantages, mais le fait est que cet article n’est pas une avancée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Cela a été dit, les régimes dits spéciaux ne sont pas une concentration de privilèges, dont les cotisants au régime général seraient injustement privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

C’est pourtant ce que le Gouvernement s’efforce de faire croire pour que cette réforme, aussi inique qu’inutile, ait l’air un tant soit peu juste.

Vouloir fermer des régimes qui prennent en compte des contraintes particulières et la pénibilité de certaines professions, c’est se faire une curieuse idée de la justice ! Je pense ainsi, cela a été dit, au régime des industries électriques et gazières, mais aux autres aussi.

Il serait plus juste de s’inspirer de ces régimes, les travailleurs du régime général étant depuis trop longtemps délaissés au regard de l’évolution des modes de production. Ces régimes spéciaux sont donc des précurseurs en ce qu’ils appréhendent plus justement le travail et ses effets sur les travailleurs.

Pour vous, la justice, ce n’est pas aller vers le mieux pour tous, c’est s’assurer d’une régression sociale collective.

Monsieur le ministre, cette réforme va à contre-courant, comme vous le démontreront les Françaises et les Français le 7 mars prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Je voterai évidemment ces amendements de suppression de l’article 1er pour des raisons de fond, notamment parce que, madame la rapporteure, vous semblez penser que les régimes spéciaux n’ont plus lieu d’être aujourd’hui, car la pénibilité au travail serait un phénomène du XIXe siècle qui n’existe plus.

Je rappelle que, par exemple, les salariés qui font les trois-huit dans nos centrales nucléaires ont une espérance de vie inférieure à celle d’autres salariés. Je rappelle aussi que les autres salariés des IEG ne prennent pas leur retraite par anticipation : ils partent en moyenne à l’âge de 62, 9 ans, soit exactement l’âge moyen de départ en France. Vous parlez d’équité, la voilà !

Nous avons souvent ici des débats sur la différenciation, c’est-à-dire sur la possibilité de prendre en considération des réalités différentes et de mener des politiques publiques qui en tiennent compte. Or je suis surprise de constater qu’un certain nombre d’entre vous sont à la recherche d’un égalitarisme parfait, que je ne m’explique pas, qui ne prend en compte ni les difficultés de recrutement ni la réalité de la pénibilité.

Enfin, madame la rapporteure, vous évoquez les chauffeurs de bus qui ne bénéficient pas du régime des chauffeurs de la RATP. Eh bien, ouvrons le débat ! Nous disons depuis le début que les régimes spéciaux sont pionniers et qu’ils ont vocation à être étendus à d’autres catégories de salariés.

Enfin, j’évoquerai une raison, qui paraît peut-être moins de fond, mais qui n’en est pas moins importante. Pouvez-vous nous expliquer quel sera l’effet direct sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale en 2023, qui sont l’objet même de ce PLFRSS, de la fermeture des régimes spéciaux ? Vous avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, que ne seraient concernés par cette fermeture que les nouveaux entrants. Cette mesure n’aura donc absolument aucun impact sur les recettes et les dépenses de 2023. Elle n’a donc rien à faire dans ce texte !

Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Les régimes spéciaux sont le résultat de conquêtes sociales, cela a déjà été dit, et ont été créés dans le cadre de négociations. Ils sont une juste compensation de conditions de travail difficiles, de perspectives de carrière et d’évolution de salaire parfois plus limitées qu’ailleurs.

Aujourd’hui, on stigmatise de nouveau ces régimes et ceux qui bénéficieraient prétendument d’avantages exorbitants. On évoque sur certaines travées l’équité pour justifier cette nouvelle régression. On cherche surtout à faire quelques économies de bouts de chandelle sur le dos des travailleurs et à faire diversion pour mieux masquer l’injustice que constitue l’allongement de la durée du travail. Vous cherchez surtout à opposer les Français les uns aux autres pour justifier cette réforme.

Vous évoquez le coût de ces régimes. Cet argument en dit long sur la philosophie de votre réforme, une réforme paramétrique destinée à réaliser des économies. Votre problème, ce sont bien les déficits et la dette que vous avez creusés en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune, en refusant de trouver des ressources nouvelles issues, par exemple, de la taxation des superprofits.

Dans un très bon rapport, nos collègues communistes ont démontré que l’évasion et l’optimisation fiscales coûtaient entre 30 milliards et 36 milliards d’euros au minimum à l’État, voire 50 milliards d’euros si l’on prend en compte certains critères. On voit bien que les économies que l’on cherche à réaliser sur les régimes spéciaux et sur l’ensemble des retraités sont sans commune mesure avec les ressources dont on se prive pour réduire nos déficits.

Cette réforme et cette volonté de supprimer les régimes spéciaux illustrent l’esprit de la start-up nation, dans laquelle on décore, certes discrètement, un champion de l’optimisation fiscale tout en stigmatisant ceux qui travaillent et en réduisant leurs droits.

Cette réforme est injuste, comme le démontre cet acharnement sur les régimes spéciaux.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Je ne suis pas d’accord avec mon collègue Martin Lévrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Nous n’avons pas obtenu de réponses à toutes nos questions. Pour ma part, j’ai encore deux ou trois questions.

Il est beaucoup question d’égalité, d’équité. Pour vous, les régimes spéciaux, c’est horrible. Il faut en finir et mettre tout le monde au même niveau. Vous l’aurez compris, ce n’est pas notre choix.

Je voudrais comprendre selon quels critères il a été décidé d’éteindre ou de sauvegarder tel ou tel régime. Pourquoi est-ce qu’on s’attaque aux régimes de la RATP et des IEG, des clercs de notaire et de la Banque de France, mais pas à ceux de l’Opéra de Paris, de la Comédie française, des marins-pêcheurs, des avocats et des professions libérales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Le ministre l’a dit, mais vous ne l’avez pas écouté !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le ministre, on vous pose la question : quels sont les critères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

On vous l’a déjà dit, casser le statut coûtera très cher. Aujourd’hui, lorsqu’un nouvel embauché bénéficie, par exemple, du statut des IEG, il passe un contrat avec la Nation. Il sait qu’il partira plus tôt à la retraite, qu’il est protégé par un statut. En contrepartie, il accepte d’être moins payé que dans le privé et de travailler de jour et de nuit toute l’année. Casser le statut, cela signifie payer ces salariés beaucoup plus cher, autrement vous aurez un problème d’attractivité.

Je vous repose la question, monsieur le ministre : comment allez-vous faire dans les entreprises électriques et gazières, mais aussi à la RATP ? Le grand problème de la RATP, c’est qu’il lui manque des milliers de chauffeurs, on vous l’a dit. Sachez que cette année, plus de 300 personnes ont abandonné leur poste sans même passer par la case du service des ressources humaines ! La voilà, la réalité, aujourd’hui !

C’est la même chose chez les cheminots. On vous l’avait dit en 2018 que la SNCF aurait du mal à recruter ! C’est aujourd’hui le cas.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Il faut expliquer ce silence, et le silence complice du ministre. C’est vrai, monsieur Dussopt, que vous avez émis un avis extrêmement bref !

Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français sur les régimes spéciaux. Quel problème pose le régime spécial de la RATP en Île-de-France ? Le problème, ce n’est pas le régime en tant que tel, ce ne sont pas non plus les privilèges de ceux qui en bénéficient. Le véritable sujet, c’est la mise en concurrence de la RATP avec Keolis et Transdev ! Vous proposez aux machinistes de la RATP et aux cheminots de prendre un sac à dos social ! Vous en faites des routards du malheur en leur proposant d’aller travailler dans le privé et en cassant tous les statuts. Or les statuts sont une garantie du service public.

L’enjeu, ce ne sont pas les régimes spéciaux. Vous êtes en train de livrer la France pieds et poings liés à des intérêts étrangers ! Ainsi, quand vous choisissez Transdev en Île-de-France ou Keolis, vous donnez à l’un des principaux investisseurs, qui est un capitaliste allemand, le moyen d’entrer sur le marché du transport français. La voilà, la vérité !

Votre silence est cruel, mes chers collègues, c’est un mensonge ! Alors que les Français, qui manifestent, ont tant de sujets d’inquiétude – l’inflation, les retraites –, vous voulez leur imposer deux ans de travaux forcés ! Depuis deux jours, vous êtes incapables d’avancer des arguments et de présenter votre projet de société.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Il y a des silences qui valent mieux que certaines prises de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Le Parlement est en difficulté à cause de vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Des explications de vote, ce n’est pas ça !

M. Pierre Laurent s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Les explications de vote, ce ne sont pas des injures !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Vous ne respectez pas le règlement ! Monsieur le vice-président Laurent, vous devriez être le premier à le respecter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Est-ce qu’on vous dérange, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Rien ne me dérange ! Je demande simplement que le règlement du Sénat soit respecté et vous devez le respecter comme tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Ce n’est pas moi qui ai choisi Pécresse comme candidate !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur Savoldelli, ne m’obligez pas à appliquer des articles du règlement plus sévères !

La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Ce débat est absolument essentiel. Il est très concret : sommes-nous ici pour résoudre des problèmes qui existent dans notre pays ou pour les aggraver ?

Nous parlons de plusieurs régimes spéciaux, notamment de celui de la RATP. Quel est l’un des principaux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui dans notre pays ? C’est la crise dans les transports publics, en particulier en Île-de-France. Nous faisons face à une difficulté financière et à des difficultés de recrutement.

Lorsque nous dénonçons les injustices dans certaines lois de nature financière, vous nous répondez que, certes, c’est injuste, mais qu’il faut penser à l’attractivité. Ici, nous faisons face à un enjeu d’attractivité. Allons-nous rendre de nouveau attractifs les métiers de la RATP, notamment de machiniste et de conducteur de bus, en fermant le régime spécial de la RATP ? Non ! Au contraire, nous allons aggraver le problème, qui est d’abord, on le sait, un problème d’attractivité.

Notre assemblée a déjà refusé d’augmenter le versement mobilité des entreprises afin de financer les transports publics en Île-de-France. Elle a par ailleurs refusé d’augmenter, comme elle aurait dû le faire, la participation financière de l’État. Aujourd’hui, nous serions bien inspirés, je pense, de refuser la suppression du régime spécial de la RATP, parce que nous allons aggraver des problèmes que nous devrions plutôt résoudre, à savoir le manque d’attractivité des métiers dans le secteur des transports publics et les difficiles conditions de travail des personnels.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Dans les réponses qui nous ont été faites, on a beaucoup entendu le mot « convergence ». Or, en matière de droit social, la convergence, toute l’histoire du droit social le montre, c’est la généralisation progressive des dispositions les plus protectrices. Cela n’a jamais été le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Vous voulez la retraite à 57 ans pour tous ? Qui va la financer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Que ce soit en matière de temps de travail, de congés payés, de pénibilité ou, aujourd’hui, de droits des femmes, c’est en généralisant une disposition plus protectrice que les précédentes que l’on fait progresser le droit social. Alors que vous nous proposez de faire exactement le contraire, vous parlez de convergence !

Si nous avions réellement engagé une discussion sur la convergence au sens du droit social, les syndicats auraient été les premiers à accepter d’y participer. Or, s’ils sont tous opposés à la réforme aujourd’hui, c’est parce que ce n’est pas le cas.

En matière de pénibilité, vous allez vers la suppression de toutes les garanties collectives. Vous voulez individualiser ce droit. La voilà, la réalité ! Vous supprimez les régimes spéciaux parce qu’ils offrent des garanties collectives. C’est cela, à la vérité, que vous voulez supprimer.

Je dis, à l’instar de mes collègues, que nous allons vers des pénuries d’effectifs dramatiques dans des secteurs stratégiques. Quand les transports publics ne fonctionneront pas en Île-de-France pendant les jeux Olympiques l’année prochaine, vous serez les premiers à verser des larmes de crocodile sur l’image de la France dans le monde entier.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Ensuite, je le remercie d’avoir effectué une synthèse aussi brillante de nos travaux. Certes, il ne nous a pas livré son point de vue personnel, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

… mais on a au moins eu droit à une synthèse.

Vous nous avez fait la démonstration extraordinaire, cher collègue, qu’en discutant d’un amendement de suppression, on pouvait traiter de dizaines de sujets différents. Il fallait faire cette démonstration et je vous remercie de nous y avoir aidés. Je dois dire que j’ai été très heureux de voir notre groupe être aussi prolixe et faire autant de propositions, qui ne seront malheureusement pas reprises.

Le ministre nous a parlé d’équité. Le débat entre équité et égalité est toujours compliqué. Des livres sur ce sujet sont publiés tous les ans. Dans le cas précis qui nous occupe, l’équité consiste à bien prendre en compte les différences entre les professions. L’objectif est non pas l’égalité, mais l’équité. Il s’agit de mieux rendre compte des difficultés du travail. Peut-être faudrait-il d’ailleurs régulièrement regarder ce point. Nous ne travaillons pas du tout sur un projet de loi équitable. Il s’agit plutôt de tout tailler à la serpe pour atteindre un niveau plutôt bas.

Par ailleurs, la rapporteure générale nous a dit qu’il n’y avait pas d’urgence à faire converger les régimes de retraite, la preuve étant que vous proposez la clause du grand-père. Mais s’il n’y a pas d’urgence, que faisons-nous ? Nous avions le temps de traiter cette question tranquillement.

Enfin, et ce sera mon dernier point, notre système est financé à 80 % par les cotisations et à 20 % par la solidarité nationale. Si ces taux étaient respectivement de 75 % et de 25 %, notre système fonctionnerait toujours sur la base de la répartition !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je vais tenter de tenir des propos qui vous agréent, monsieur le président, afin de ne pas être rappelée à l’ordre !

Afin d’y voir clair et avant de décider de notre vote, il faut bien comprendre quels sont les enjeux.

J’ai écouté avec attention la rapporteure générale et le rapporteur Savary, puis j’ai lu l’amendement n° 2057 de M. Retailleau et d’un certain nombre de ses collègues. Depuis, je ne m’y retrouve plus !

J’ai compris que vous souteniez la fermeture de certains régimes spéciaux. L’amendement de M. Retailleau, que nous examinerons beaucoup plus tard, ce qui est vraiment dommage pour la clarté de nos débats, tend à anticiper cette fermeture, même si, prudemment, aucune date précise ni trop proche n’est indiquée.

Mme Doineau nous dit de ne pas nous inquiéter, que ça va bien se passer – comme dirait votre ami Darmanin ! –, puisque l’extinction des régimes spéciaux se fera lentement grâce à la clause du grand-père. M. Savary nous le dit aussi. Je le redis : je n’y comprends plus rien !

Êtes-vous pour la fermeture des régimes spéciaux maintenant ? Êtes-vous pour la fermeture des régimes spéciaux plus tard ? Souhaitez-vous que cette fermeture soit anticipée ? Voterez-vous l’amendement tout à l’heure ?

Je vous conseille de faire comme moi et de voter la suppression de cet article. Autrement, vous allez vous aussi avoir la tête qui tourne !

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guillaume Gontard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Défendre les régimes spéciaux de retraite, c’est lutter contre une forme de régression sociale, inspirée par les adeptes d’une philosophie néolibérale qui prétendent ici, aujourd’hui, agir au nom de l’égalité. Cela nous a été dit.

La suppression proposée vise en réalité un alignement vers le bas et, finalement, la destruction de ce qui peut être qualifié de droit visant à une plus grande justice sociale.

Il faut plutôt voir ces régimes spéciaux comme des modèles. Ils ont servi de point d’appui à la mise en place d’une couverture vieillesse généralisée. Nous pouvons encore nous en inspirer pour continuer à améliorer le régime général d’assurance vieillesse, notamment par la prise en compte des spécificités des différents métiers, dont la nature évolue, tout comme la pénibilité qui les caractérise.

Je voterai donc l’amendement visant à maintenir ces régimes spéciaux.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

Comme l’ensemble de mes collègues sur ces travées, je ne peux que constater, et déplorer, le silence de cathédrale qui règne dans les travées de la droite. Votre bâillon, monsieur Retailleau, est solidement attaché sur les parlementaires de votre groupe. Vous pratiquez, en somme, ce qu’on pourrait appeler l’occlusion parlementaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

… faute d’être capables de défendre une réforme dont vous êtes pourtant les coauteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

M. Yan Chantrel. J’ai néanmoins relevé un propos du rapporteur Savary que je trouve particulièrement scandaleux, et révélateur de votre brutalité vis-à-vis des plus démunis. Il a dit, à propos des métiers pénibles, que « plus on met en exergue la brutalité de ces métiers, moins on trouvera de nouveaux entrants ». Je répète : « Plus on met en exergue la brutalité de ces métiers, moins on trouvera de nouveaux entrants. »

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Yan Chantrel

M. Yan Chantrel. Cela en dit long sur votre insensibilité et votre volonté d’invisibiliser les métiers qui abîment les corps.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Je rappelle que les régimes spéciaux ne constituent pas des privilèges : ils représentent l’héritage de régimes fonctionnant sur la base d’une solidarité interprofessionnelle ou propre à une entreprise. Ils prévoient des règles de départ à la retraite spécifiques, car ils prennent en compte une pénibilité spécifique à laquelle les travailleurs qui cotisent sont exposés : horaires atypiques, fréquence des astreintes, usure physique…

En raccrochant ces régimes spéciaux au régime général, le Gouvernement prévoit pour l’ensemble des nouveaux entrants dans ces régimes un départ à la retraite à 64 ans, avec 43 annuités, sans mesures suffisantes pour prendre en compte la pénibilité intrinsèque à ces métiers. C’est l’article 9 qui concerne la prévention et la réparation de l’« usure professionnelle » – je préfère utiliser le mot de pénibilité. Mais nous n’en débattrons qu’après avoir voté sur ces amendements.

Il aurait été extrêmement intéressant et constructif, chers collègues du groupe Les Républicains, d’entendre vos interventions et de connaître votre point de vue sur ces amendements de suppression et sur la remise en question des régimes spéciaux. Là encore, je considère que le débat est tronqué, puisque nous ne connaissons pas votre point de vue sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Je souhaite revenir sur les propos partiels de Mme la rapporteure. Auparavant, je salue les propos de Pascal Savoldelli sur la RATP. Oui, nous jouons les prolongations : le silence de la majorité est éloquent. Avec le nouveau pacte ferroviaire, en 2018, elle a voté pour l’ouverture à la concurrence, dont la suppression des régimes spéciaux est la conséquence. Pascal Savoldelli a rappelé à juste titre les difficultés de recrutement de Keolis, qui peine à trouver des chauffeurs de bus en Île-de-France.

Vous avez dit, madame la rapporteure, qu’une partie des régimes spéciaux avaient été créés à titre temporaire en 1945 et devaient être supprimés. Celui des mineurs l’a été, en effet. Je tiens à vous préciser, madame la rapporteure, qu’il n’y a plus de mineurs en France…

En fait, il reste une mine de sel en France, dans notre département de Meurthe-et-Moselle. Des mineurs descendent encore tous les jours à 400 mètres de fond pour travailler. Je vous invite, madame la rapporteure, monsieur le ministre, à visiter cette mine. Un circuit touristique permet d’ailleurs d’y déjeuner : je vous invite à le faire, tout comme Jean-François Husson…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

M. Olivier Jacquin. M. le président Karoutchi serait aussi le bienvenu !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Un séjour dans une mine de sel… Pas dans l’immédiat !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Nous avons entendu très peu d’explications convaincantes sur la place de cet article dans le texte. La rapporteure nous a dit qu’il n’y avait pas urgence à fermer ces régimes. J’en reviens donc à notre débat d’hier, sur l’architecture de ce véhicule législatif. Quelle urgence y a-t-il donc à modifier le PLFSS deux mois après son adoption par notre assemblée ? Je comprends pourquoi vous vous entêtez à garder confidentielle la note du Conseil d’État : cela tient certainement à la fragilité de la place de cet article dans le texte…

J’ai parlé tout à l’heure de la paresse, voire de la torpeur qui avait gagné les rangs de la majorité sénatoriale. Mais on pourrait parler aussi de la vôtre, monsieur le ministre : issu de la gauche, vous avez rapidement glissé vos pas dans les pantoufles du sarkozysme et de la recherche fainéante du bouc émissaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

M. Thomas Dossus. Contre le nivellement par le bas et la casse du service public, nous demandons et nous voterons la suppression de cet article.

Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je souhaite remercier M. Lévrier, seul de son groupe à avoir pris la parole ce matin. Ce constat est assez troublant, et révélateur d’une obstruction silencieuse qui est en train de s’installer. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pourtant, l’article 1er porte sur les fameux régimes spéciaux, auxquels on s’attaque, comme à chaque réforme. Nous avons entendu des arguments très différents. Mme la rapporteure nous dit qu’il n’y a pas urgence à revenir sur la clause du grand-père. M. Retailleau nous propose un amendement, après l’article 7, qui n’est pas anodin, puisqu’il changera en fait la nature de l’article 1er.

Je souhaiterais donc des explications. Y a-t-il urgence, ou non ? Que pensent les ministres de cet amendement du président Retailleau ? Hier soir, ils ont donné des avis sur des amendements qui n’avaient pas été présentés, ils pourraient donc le faire maintenant.

Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

M. Didier Marie. Nous devrions nous inquiéter collectivement d’une tendance de fond, qui n’a pas dû vous échapper et qui fait l’objet d’un certain nombre de publications. Cette tendance de fond touche particulièrement la jeunesse et se manifeste par une baisse constante de l’intérêt pour le travail, qui disparaît derrière le souhait de profiter du temps libre et de moments considérés comme plus épanouissants.

M. Laurent Duplomb s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Cette tendance est l’une des raisons du désamour des Français pour bon nombre de métiers qui apparaissent, à tort ou à raison, comme peu attractifs. La conséquence est qu’on observe des tensions extrêmes dans certains secteurs, comme la restauration, l’entretien, le bâtiment, les transports, l’énergie.

Ajoutez la remise en cause d’un certain nombre d’acquis sociaux, le refus d’augmenter le Smic et de convoquer une grande conférence sur les salaires, ajoutez la perte de pouvoir d’achat : pour beaucoup, travailler, ce n’est plus la santé, pour paraphraser Henri Salvador.

Et vous leur envoyez le message que la pénibilité n’existe pas ! Ceux qui bénéficiaient d’une prise en compte de celle-ci au travers de leur régime de retraite vont perdre ce qui n’était pas un avantage, mais une juste prise en compte de leur engagement professionnel.

Si nous voulons réhabiliter le travail et réduire les tensions dans un certain nombre de secteurs, ce n’est pas en alignant par le bas les acquis sociaux que l’on y arrivera. C’est la raison pour laquelle il faut maintenir ces cinq régimes dits spéciaux et surtout engager des négociations avec les partenaires sociaux sur la pénibilité. Mais ce mot a été rayé du projet de loi et ne fait l’objet d’aucun article…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

J’aimerais faire un rappel au règlement, sur la base de l’article 36, alinéa 5, de notre Règlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Comme m’y autorise l’alinéa 5 de l’article 36, je souhaite m’exprimer depuis la tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

M’interdirez-vous de monter à la tribune ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Vous interviendrez de votre place, comme tous les orateurs précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

M. Victorin Lurel. Il y a un problème d’interprétation, à tout le moins : je devrais pouvoir monter à la tribune.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur Lurel, vous avez déjà utilisé une minute de votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

M. Victorin Lurel. On dira que c’est de l’obstruction, mais c’est l’arme du parlementaire démuni.

Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Comme Laurence Rossignol l’a dit, les ministres ne nous ont pas répondu, non plus que la majorité sénatoriale. Nous voterons donc un peu à l’aveugle.

Nous allons accélérer la mise en extinction, c’est-à-dire la mort, de ces régimes, qui disparaîtraient avant 2025. Nous aimerions avoir une explication. J’ai même cru entendre le président Retailleau dire qu’on n’attendra pas 43 ans pour la mise à mort de ces régimes…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il y a une logique qui ne nous surprend pas. Le Gouvernement a supprimé les critères de pénibilité en 2017 par ordonnance. À présent, il veut supprimer plusieurs des régimes spéciaux qui prennent en compte cette pénibilité. Il respecte une forme de logique, même si ce n’est pas la nôtre.

Mais lorsque nous vous interrogeons sur la capacité des services publics à recruter, en particulier dans les transports, ou sur l’avenir de notre secteur énergétique, qu’il s’agisse d’EDF ou de ses sous-traitants, nous ne recevons aucune réponse. Comment assurer l’attractivité des métiers en tension ? Pas de réponse. C’est étonnant, de la part d’un ministre chargé de l’emploi. Nous sommes convaincus, nous, que les régimes spéciaux, s’ils ne sont pas la réponse parfaite, contribuent à rendre ces métiers attractifs. À ce titre, ils mériteraient d’être élargis et non fermés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Pardon de nous répéter, mais il semble que vous n’entendiez pas. Ces régimes spéciaux offrent des droits associés à la pénibilité de façon fine et pertinente, puisqu’ils sont conçus en fonction d’un tableau d’exposition aux risques au fil de la carrière.

Selon la pénibilité, on peut bénéficier d’une majoration de la durée de service, qui se traduit par une anticipation de l’âge du départ à la retraite. C’est un dispositif de départ anticipé, en somme.

Monsieur le ministre, vous voulez renvoyer les travailleurs concernés au compte professionnel de prévention, qui ne procure que deux ans, au plus, d’anticipation. Or 60 ans hier, 62 ans aujourd’hui, c’est trop tard, monsieur le ministre ! C’est pourquoi votre réforme contraindra l’assurance maladie à dépenser 1 milliard d’euros de plus pour les maladies de longue durée.

Il faut s’inspirer du système des catégories actives pour les métiers du soin et de l’aide. Si vous ne voulez pas accroître les départs pour inaptitude – alors que c’est déjà la première cause de départ –, il faut non seulement permettre les départs à 57 ans, comme à la RATP, mais aussi réduire la semaine de travail.

(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut, en fait, élargir à ces branches l’esprit et la méthode des régimes spéciaux.

MM. Thomas Dossus et Guillaume Gontard applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Non, monsieur le rapporteur Savary, il ne suffit pas de faire silence sur la dureté de ces métiers pour améliorer leur attractivité. Déjà, il n’y a plus d’aides-soignants et d’aides à domicile pour entrer dans nos services. La solution, ce n’est pas les exosquelettes, mais la réduction du temps de travail. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Nous ne voterons pas les amendements de suppression de cet article.

Depuis que le débat sur les retraites a commencé, d’abord à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, vous nous demandez d’écouter les Français.

Très bien, mais alors il ne faut pas avoir l’oreille sélective. Aujourd’hui, les Français demandent la suppression de ces régimes spéciaux. §Je les ai entendus, les Français : ils demandent pourquoi un plombier, un boulanger, un coiffeur auraient moins de droits qu’un chauffeur de la RATP à Paris. Nous devons donc harmoniser les régimes…

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

… et, pour rétablir une forme d’équité, supprimer ces régimes spéciaux.

Non, madame de La Gontrie, nous n’avons pas la tête qui tourne – en tout cas pas dans la majorité présidentielle. Nous sommes cohérents, au contraire. Ce gouvernement est le seul qui aura eu le courage de supprimer les régimes spéciaux, en conservant la clause du grand-père. C’est pourquoi nous ne voterons pas l’amendement de M. Retailleau, et je m’en excuse auprès de lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Il faut supprimer cet article, et même tout le texte ! La situation est inquiétante et c’est une erreur de ne pas avoir impliqué les partenaires sociaux.

Vous négligez les salariés concernés par ces régimes spéciaux alors que les cabinets de conseil s’engraissent régulièrement sur les carences, les défaillances et les incohérences de votre gouvernement.

Il faut valoriser le travail en protégeant davantage les travailleurs et en créant des conditions d’attractivité pour ces métiers. Nécessaires, ils doivent être justement reconnus et attractifs. Il faut également, pour le développement économique et social, que cet article, injustifié, soit supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Bien entendu, je voterai ces amendements, non seulement pour défendre les régimes spéciaux, mais parce que je pense qu’autre chose se joue dans cette affaire.

Voilà plusieurs années que j’observe les libéraux faire des régimes spéciaux une obsession.

C’est une obsession de la droite post-gaulliste. Sous de Gaulle, les régimes spéciaux n’étaient pas un sujet : on défendait le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ou l’ordonnance de 1945 sur la sécurité sociale.

Cette obsession s’est développée avec la financiarisation de l’économie et la distorsion de la juste répartition entre le capital et le travail. Plus notre pays est fragmenté, plus vous incitez nos concitoyens à chercher les responsables de leurs souffrances à côté d’eux, au plus proche d’eux.

En fait, c’est une méthode assez facile, qui consiste à faire croire au salarié que, s’il n’est pas assez payé, c’est à cause du chômeur ; au chômeur que, s’il n’est pas assez indemnisé, c’est à cause de celui qui est au RSA ; et à ce dernier que, s’il n’a pas de travail, c’est à cause de l’immigré, qui le lui prend.

Je me fais du souci quand je vois l’« archipélisation », comme dit Jérôme Fourquet, de la République, quand je constate l’atomisation de sentiment national collectif, que nous sommes en train de perdre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol. Nous ne le perdons pas simplement parce que les gens perdent en identité nationale, mais parce que le progrès social et le progrès républicain, qui faisaient le ciment du sentiment national et de la cohésion des citoyens dans la République, ne sont plus au rendez-vous. Avec la suppression des régimes spéciaux, vous contribuez à faire encore davantage s’effondrer ce qui fait la République.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Ah ! sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Honnêtement, je n’en mérite pas tant : merci, mes chers collègues, d’avoir donné un peu de notoriété au nom que vous avez fait résonner dans cet hémicycle.

Bien sûr, nous n’allons pas voter ces amendements, et nous voterons l’article 1er, puisque nous sommes favorables à la fermeture de ces régimes spéciaux. Nous sommes même favorables à une accélération…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pourquoi mon amendement a-t-il été déposé sur la seconde partie ? Non par un calcul de calendrier – que vous faites vous-même –, mais parce qu’il tend à modifier le régime de versements des prestations, et qu’il concerne donc la partie consacrée aux dépenses.

Si nous voulons l’extinction, ou en tout cas la fermeture, de ces régimes spéciaux, madame Rossignol, c’est précisément parce que nous pensons qu’ils abîment le commun et concourent à l’archipélisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Comment expliquer aux Français que, pour des mêmes travaux, pour la même pénibilité, vous partez à 52 ans à Paris, et dix ans plus tard ailleurs ? Ce n’est pas compréhensible, évidemment, cher Fabien Gay. Il n’y a pas de lien entre la souveraineté énergétique, que nous aimons, que nous voulons vous et moi promouvoir, et les régimes spéciaux.

Vous nous reprochez de ne pas participer au débat. Nous y participerons, bien entendu, pour défendre les amendements par lesquels nous voulons enrichir le texte. Il n’y a pas de silence : nous nous exprimons, très régulièrement, par la voix de nos rapporteurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Nous ne tomberons pas dans le piège que vous nous tendez. Vous voulez faire de l’obstruction

Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Depuis le début de ce débat, on nous explique que cette réforme répond à des exigences de nature budgétaire et comptable pour rééquilibrer un système de retraite par répartition supposément déficitaire.

Pourtant, il apparaît qu’en supprimant le régime spécial de la RATP, vous allez créer un déficit supplémentaire. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Christophe Rolin, le directeur de la caisse de retraite de la RATP, que la commission des affaires sociales a auditionné le 1er février dernier. Il nous a indiqué que la suppression de ce régime spécial provoquerait, à partir d’octobre 2023, entre 20 millions et 25 millions d’euros de déficit supplémentaire, alors que les agents sous statut continueraient de partir à la retraite entre 56 et 57, 5 ans, pour les personnels de catégorie A. Personne ne part à 52 ans, monsieur Retailleau, vérifiez vos sources…

Quel impact aura votre réforme, monsieur le ministre ? Un impact sur le niveau de pension des agents de la RATP. Le contribuable, lui, sera contraint de compenser l’aggravation du déficit : celui-ci s’élève à 780 millions d’euros par an aujourd’hui, avec votre réforme, la note passera à 1, 2 milliard d’euros par an d’ici quatre ans.

Chez les électriciens et gaziers, l’âge moyen de départ anticipé est de 57 ans, essentiellement pour les services actifs, qui concernent 20 % des agents, les plus exposés à la pénibilité, et le taux de service est de 100 % : il faut donc savoir raison garder.

Mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d’équité et d’une prétendue universalité est une diversion, pour faire oublier que tout le monde va pâtir du report de l’âge légal.

La justice sociale et l’équité consisteraient justement à appliquer des mesures sérieuses de prise en compte de la pénibilité à l’ensemble des travailleurs qui accomplissent des travaux pénibles, plutôt que de niveler par le bas. Voilà pourquoi il faut absolument supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 46 bis. Monsieur Retailleau, vous avez indiqué il y a quelques minutes que votre groupe s’exprimait par la voix des rapporteurs. Je suis désolée que vous quittiez l’hémicycle au moment où je m’adresse à vous, ce qui est d’une courtoisie relative…

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Les rapporteurs sont là pour exprimer le point de vue de la commission, pas pour exprimer le point de vue d’un groupe.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix les amendements identiques de suppression n° 2 rectifié et suivants.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 146 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.