Je dirai quelques mots à mon tour sur l’index seniors et, au-delà, sur la question de l’emploi des seniors. Quelle est l’intention du Gouvernement et quelle est sa démarche ?
L’intention du Gouvernement, telle qu’exprimée dans la version initiale du projet de loi déposée à l’Assemblée nationale, est de créer un instrument de mesure de l’implication des entreprises dans l’emploi des seniors, applicable aux entreprises de plus de 300 salariés.
Cet instrument est assorti d’outils de contrainte, ou d’encouragement, selon le point de vue que l’on adopte. La première d’entre eux est l’obligation de publicité de l’index de l’emploi des seniors pour les entreprises de plus de 300 salariés. Cette obligation s’appliquera dès 2023 aux entreprises de plus de 1 000 salariés.
J’insiste sur ce dernier point. Les entreprises qui se soustrairaient à cette obligation se verraient imposer des pénalités, dont le produit alimentera les recettes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Ce mécanisme aura un effet direct sur les comptes sociaux de l’année 2023.
Par ailleurs, nous avons prévu de réintégrer la question de l’emploi des seniors dans les items qui font l’objet des négociations obligatoires tous les trois ans au titre de la gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels pour les entreprises de plus de 300 salariés. M. le rapporteur en a parlé il y a un instant.
Si nous avions d’ailleurs prévu dans le texte initial l’obligation de publicité pour les entreprises de plus de 300 salariés, c’est en cohérence avec l’obligation de négociation triennale en matière de gestion des emplois et des parcours professionnels pour tous les autres items, auxquels nous ajoutons donc l’item de l’emploi des seniors.
Pour toutes ces raisons, j’émettrai tout à l’heure un avis de sagesse, si les amendements de suppression de l’article ne sont pas adoptés, sur l’amendement de la commission tendant à relever de 50 à 300 salariés le seuil d’application de ce dispositif.
Je précise que la majorité présidentielle a proposé à l’Assemblée nationale de créer un troisième outil d’encouragement. Son amendement tendait à prévoir que, après publication de l’index et à l’issue d’une première période d’observation – la création d’un index est toujours assortie d’une période d’observation –, les conditions seraient durcies. Après les négociations triennales sur l’emploi des seniors, les entreprises qui auraient respecté l’obligation de publicité et de négociation triennale, mais qui n’auraient rien fait par la suite, qui auraient refusé d’agir et d’améliorer leur situation, voire qui l’auraient laissée se dégrader, auraient eu l’obligation de mettre en place un plan d’action, sous peine de se voir infliger une sanction financière supplémentaire.
Cet amendement, qui visait à durcir les conditions de mise en œuvre de l’index seniors afin de le rendre plus efficace et à contraindre les entreprises ne jouant pas le jeu à obtenir des résultats, a été repoussé. À ceux qui, sur les travées de la gauche, viennent de nous reprocher de proposer un outil insuffisamment incitatif, j’indique que l’intégralité des députés de gauche a repoussé cet amendement !
Je veux à présent aborder un point plus technique. Certains d’entre vous, questionnant la recevabilité de ce dispositif, ont interrogé le Gouvernement, directement ou indirectement, sur ses effets financiers.
Je l’ai dit, le défaut de publicité de l’index entraînera une sanction dès 2023, dont le produit sera directement affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Pour plus de précisions, vous me permettrez de renvoyer aux pages 22 et 23 de l’annexe 2, où sont précisés les effets attendus.
Puisque nous évoquons l’annexe 2, je précise que, oui, nous nous sommes inspirés pour créer l’index seniors de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cet index, dont les résultats pour la dernière période d’observation seront rendus publics dans la semaine qui vient, présente des particularités intéressantes, selon les premiers résultats dont je dispose.
D’abord, la note moyenne des entreprises soumises à l’obligation de publication de l’index, note obtenue à partir de critères qui n’ont pas évolué – la méthodologie employée est stable – ne cesse de croître, et c’est tant mieux.
Ensuite, des pénalités ont commencé, l’année dernière, à être infligées aux entreprises dont la note se dégrade ou reste substantiellement inférieure à la moyenne de celles des entreprises de leur secteur. Au total, plusieurs dizaines d’entreprises de plus de 1 000 salariés ont été soumises à des sanctions en 2022. J’attends les résultats consolidés pour l’année 2023, mais le mouvement devrait être identique.
Vous avez certainement remarqué que la Première ministre souhaite aussi étudier la possibilité d’écarter des appels d’offres publics les entreprises dont la note est durablement inférieure à 75 points, soit celles qui se situent au bas du classement. Ce sujet est en cours d’instruction.
Pour élargir le débat sur l’emploi des seniors, si je me présentais devant le Sénat en indiquant que la politique du Gouvernement en la matière se réduit à l’index, ce serait évidemment très insuffisant. Cet index est une première pierre et nous voulons aller vite. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que, dès la fin de l’année 2023, il soit possible de sanctionner les entreprises qui se soustrairaient à leur obligation de publicité.
Pourquoi dès la fin de l’année 2023 et non pas plus tôt ?
Dans l’hypothèse où ce texte serait adopté par le Parlement tel que nous le proposons, nous aurons besoin d’un peu de temps pour soumettre aux différentes branches les indicateurs, qui devront faire l’objet d’une concertation interprofessionnelle, conformément à l’article L. 1 du code du travail.
Par ailleurs, nous avons fait part de notre volonté que les branches professionnelles puissent disposer d’un peu de temps pour adapter les critères de l’index. Nous savons en effet que, d’une branche à l’autre, le nombre de seniors et la possibilité d’en employer peuvent varier. Il nous paraît donc utile de confier aux branches le soin de négocier certaines adaptations.
Il faut évidemment aller plus loin, avec des dispositions figurant dans ce texte. Il faut notamment faciliter l’accès à la retraite progressive des salariés affiliés au régime général et ouvrir cette possibilité aux agents de la fonction publique.
Si les critères d’assouplissement du compte professionnel de prévention sont adoptés, nous faciliterons par voie réglementaire l’accès au temps partiel pour les salariés titulaires d’un tel compte. Actuellement, pour qu’un salarié puisse bénéficier de trois mois de temps partiel avant le départ à la retraite, il doit disposer de dix points. Nous souhaitons porter cette période de trois à quatre mois avec le même nombre de points. C’est l’une des pistes de renforcement que nous poursuivons.
Enfin, pour mémoire, je rappelle que nous maintenons la plupart des âges de départ anticipé qui existent pour les salariés handicapés, ou encore les victimes de l’amiante. Une telle mesure a un coût, mais un coût utile, car elle permet d’accompagner la mise en place de cette politique pour ces salariés.
Je sais, monsieur le rapporteur, car vous l’avez dit, que votre commission est plutôt favorable à deux dispositions adoptées par l’Assemblée nationale.
La première est la mutualisation du taux de cotisations patronales AT-MP pour les salariés âgés de plus de 55 ans. Nous savons que ce taux est un frein à l’emploi pour les entreprises qui souhaitent recruter un salarié de plus de 55 ans.
Les maladies professionnelles se déclarent généralement après une période d’exposition. Or lorsqu’un salarié de plus de 55 ans déclare une maladie professionnelle, c’est le taux de cotisation AT-MP de la dernière entreprise l’ayant recruté qui est majoré. La mutualisation de ce taux permet donc de réduire le risque lié à l’embauche d’un senior ayant été précédemment exposé à des facteurs de risques pouvant provoquer une maladie professionnelle.
La seconde disposition qui me semble recueillir votre approbation est l’harmonisation du régime fiscal et social des ruptures conventionnelles, qu’elles soient décidées avant ou après l’âge d’ouverture des droits.
Jusqu’à présent, une rupture conventionnelle décidée avant l’âge d’ouverture des droits était soumise à un régime fiscal et social de 20 % alors qu’une rupture conventionnelle décidée après l’âge d’ouverture des droits, notamment dans l’hypothèse où le salarié poursuit son activité pour atteindre la durée d’affiliation requise au régime de retraite, était soumise à un régime fiscal et social de 30 %. Harmoniser les taux à 30 % dans les deux cas, c’est casser l’effet d’aubaine et éviter d’encourager les ruptures conventionnelles avant l’ouverture des droits. Une telle disposition me semble aller dans le bon sens et engendrera en outre des recettes qui nous permettront d’atteindre notre objectif partagé d’équilibrer notre régime de retraite.
Je sais enfin que vous avez travaillé sur la création d’un CDI réservé aux seniors dans des conditions particulières. Vous connaissez, monsieur le rapporteur, notre volonté de continuer à avancer sur ce sujet et de discuter avec vous afin de réduire les effets d’aubaine d’un tel contrat et de le rendre le plus efficace possible.
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n’est qu’une étape. Nous déposerons dans les prochaines semaines un projet de loi relatif au travail, à l’emploi et à l’insertion, qui sera soumis à votre assemblée au cours de l’année 2023, avant l’été, je l’espère.
Ce projet de loi permettra de porter d’autres dispositions en matière de formation pour les seniors, la formation étant un enjeu. Aujourd’hui, le temps de formation continue des salariés âgés de plus de 50 ans est inférieur de moitié à celui des salariés de moins de 50 ans, parce qu’eux-mêmes ou leur employeur considèrent souvent qu’un tel investissement en temps et en énergie est moins utile.
Nous travaillerons aussi à améliorer l’articulation entre les règles d’assurance chômage et la reprise d’un emploi. Nous savons que la reprise d’un emploi est toujours une opération gagnante lorsqu’on est allocataire d’un minimum social, mais nous savons aussi que le passage d’un système à l’autre, quand la reprise suppose, par exemple, d’organiser la garde des enfants, peut empêcher la reprise d’activité, en raison du décalage de quelques semaines ou de quelques mois qui existe entre la reprise et la perception des aides à la garde d’enfant.
Un tel phénomène s’observe également chez les seniors. La rémunération d’un senior qui a perdu son emploi prend en compte à la fois ses compétences et son ancienneté dans l’entreprise. Lorsque ce senior retrouve un emploi, le chef d’entreprise qui l’embauche accepte évidemment de payer ses compétences, mais pas nécessairement de reprendre à son compte son ancienneté dans une autre entreprise. Il nous faut donc réfléchir à des systèmes prenant en compte la différence de revenu qui en résulte afin d’inciter les seniors à reprendre un emploi.
Enfin, j’ai souligné à plusieurs reprises, madame Gréaume, la complexité de la réforme que nous menons. Vous m’interrogez sur l’âge à partir duquel on est senior. Cette question est l’une de celles pour lesquelles nous privilégions la concertation, notamment avec les branches. Vous l’avez dit, cet âge est assez variable. Il peut être de 55 ans, il existe des CDD pour les plus de 57 ans, il est de 50 ans dans certains indices statistiques. Je sais même que, dans certains secteurs d’activité, on considère qu’on est déjà un senior dès 45 ans, ce qui me terrorise !