Intervention de Françoise Férat

Réunion du 7 septembre 2006 à 15h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Françoise FératFrançoise Férat :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'occasion de cette deuxième lecture, notre assemblée a, une nouvelle fois, la possibilité d'apporter des améliorations au projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, texte essentiel à la préservation de la qualité et de la quantité de notre ressource en eau.

« L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. » Cette affirmation, que le législateur a inscrite dans la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, conserve aujourd'hui toute sa justesse.

En effet, comme l'écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes : « Eau, [...] tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. »

Cet aphorisme traduit parfaitement la place occupée par cette ressource au travers des siècles. Toutes nos activités, qu'elles soient d'ordre alimentaire, hygiénique, industriel, logistique ou encore agricole, ont l'eau pour dénominateur commun. Notre corps lui-même n'est-il pas essentiellement composé d'eau ? Ne doit-il pas en consommer régulièrement afin de compenser ses pertes quotidiennes, évaluées à 2, 5 litres ? Aussi convient-il d'en réguler les usages et d'en améliorer le traitement afin d'offrir une eau de qualité.

Si ces exigences imposées au cycle de l'eau n'ont pas immédiatement été prises en considération par notre société, la convergence des directives communautaires et des normes nationales vers une maîtrise des pollutions et des consommations démontre désormais une volonté partagée de protéger ce don de la nature. Mais, pour être pleinement efficaces, ces décisions et leurs bienfaits sur l'environnement doivent être expliqués à nos concitoyens.

Ainsi pourrons-nous, dans nos existences respectives, adopter et développer des usages raisonnés s'agissant de la consommation de l'eau. Usages sanitaires, alimentaires, culinaires ou encore de pur confort doivent être maîtrisés par l'homme, tous les hommes.

Il faut inlassablement faire preuve de pédagogie, à l'intention de tous, notamment, bien sûr, des plus jeunes. Il est d'ailleurs fréquent d'entendre les enfants reprendre leurs parents gaspilleurs. La formation des parents passe donc également par les enfants. Cette attitude augure de comportements responsables pour aujourd'hui et, surtout, pour demain.

Nous devons donc poursuivre nos efforts pour préserver les nappes phréatiques de toute pollution et en enrayer la raréfaction.

Aussi difficiles soient-ils à atteindre, en raison des déficits pluviométriques répétés et de la persistance d'activités polluantes, ces objectifs ont pourtant donné lieu à une réelle appropriation par les secteurs économiques primaires et secondaires. Suivons leur démarche.

À titre d'exemple, je m'attarderai sur un sujet qui m'est cher : la gestion des effluents de la viticulture champenoise.

Comment, en effet, imaginer qu'un produit aussi noble et naturel que le raisin soit à la source d'une pollution ? À l'instar d'autres activités agro-alimentaires, la matière première est engagée dans un process dont l'aboutissement est la réalisation d'un produit transformé. Mais le raisin, au travers des étapes de pressurage, de soutirage et de filtration génère des effluents viticoles, à l'origine de pics de pollution au cours des mois d'octobre, de décembre, de janvier, de mars, d'avril et de mai.

En Champagne, à la suite d'une importante pollution, les autorités et le Comité interprofessionnel du vin de Champagne ont signé un accord-cadre le 1er avril 2001 sur les équipements de traitement des effluents viticoles. La profession s'était alors engagée à atteindre en cinq ans le traitement de 80 % du total des effluents champenois. À l'heure du bilan, le pari semble gagné.

Grandes maisons de champagne, coopératives et petits exploitants sont donc soumis aux mêmes exigences environnementales. Si certains réalisent leurs unités de traitement in situ, d'autres décident de se raccorder au réseau urbain. Ainsi, pour le bassin de vie d'Épernay, la communauté de communes a dimensionné sa station afin d'accueillir les rejets viticoles. Elle a réparti ce surcoût en investissement et en fonctionnement au prorata du volume émis par le viticulteur.

Cette coopération entre les autorités administratives, les collectivités territoriales et l'interprofession champenoise me paraît donc exemplaire. Tant d'efforts méritent que les autorités publiques accompagnent cette prise de conscience par des mesures raisonnables et raisonnées, seules susceptibles de préserver la motivation des professions viticoles à protéger leur environnement.

C'est pour soutenir cette démarche et celles qui ont été lancées dans d'autres vignobles que je présenterai un amendement, madame la ministre, sur l'article 37 du présent texte. En effet, la modification proposée pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement aurait pour conséquence d'accroître l'assiette de la redevance pour pollution de l'eau acquittée pour les activités saisonnières, telles que la viticulture. Ne décourageons pas les bonnes pratiques !

Je forme donc le voeu que cette deuxième lecture permette à la Haute Assemblée d'élaborer un texte qui traduise notre ambition commune de concilier préservation du milieu et satisfaction des usages.

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