Les retraites chapeaux ont officiellement disparu en 2019. Ces retraites supplémentaires, qui ne concernaient que 0, 1 % des entreprises – je ne parle donc ni des petits commerçants, ni des petits artisans, ni des petits contribuables –, ont été formellement abrogées par l’ordonnance du 3 juillet 2019 relative aux régimes professionnels de retraite supplémentaire.
On pourrait s’arrêter là, sauf que ce régime, paroxysme de la rente indue, exonéré de CSG et de cotisations patronales, demeure applicable aux grands dirigeants en poste avant 2019.
L’Observatoire des multinationales a publié, le 1er février dernier, une étude pour le moins révélatrice. Ainsi, plusieurs grands patrons ont, au moins en apparence, pris leur retraite ces derniers mois : le dirigeant de Veolia est parti à 64 ans, celui de L’Oréal à 65 ans, celui d’Air Liquide à 64 ans, le patron de Saint-Gobain à 63 ans.
Les mêmes qui ont réclamé en 2021, dans le cadre des rencontres économiques d’Aix-en-Provence, une réforme des retraites en urgence sont partis avant que celle-ci n’entre en vigueur.
C’est le cas du PDG d’Air Liquide, qui avait plaidé pour une nouvelle réforme, mais uniquement après l’élection présidentielle : « La réforme des retraites doit être pensée maintenant, mais appliquée seulement après la présidentielle de 2022. » C’est ce que vous êtes en train de faire, monsieur le ministre.
Cet ancien patron a le droit à une retraite chapeau de l’ordre de 650 000 euros par an, à laquelle s’ajoutent environ 200 000 euros versés dans le cadre du plan d’épargne retraite du groupe.
C’est dire que le Conseil constitutionnel, qui a censuré le 29 décembre 2012 la disposition relevant à 21 % le taux d’imposition sur les rentes dont le montant est supérieur à 24 000 euros, a commis un acte politique.
En quoi ce niveau d’imposition ferait-il peser sur les retraités concernés une charge excessive au regard de leur faculté contributive ? En quoi ne respecterait-il pas le principe d’égalité devant les charges publiques ? Comment peut-on invoquer ce principe, alors que les inégalités permettent à certains de bénéficier de retraites de près de 1 million d’euros, soit 126 fois la pension moyenne d’un Français ?