Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, lors de l’examen de l’article liminaire de ce projet de loi, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont refusé de débattre avec nous des prévisions budgétaires qui sous-tendent cette réforme et qui, par conséquent, sont au cœur du débat.
Nous y revenons en partie avec l’article 4, qui présente les recettes et dépenses attendues en 2023 pour les différents régimes de base de la sécurité sociale. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que son examen sera l’occasion d’avoir des discussions plus éclairantes sur vos choix.
Le Gouvernement nous a malheureusement habitués au peu de cas qu’il fait du Parlement. Mais je m’inquiète que vous, mes chers collègues de la droite et du centre, acceptiez de vous-mêmes de vous affubler du bâillon que l’exécutif ne cherche que trop souvent à nous imposer.
Quelle image de la démocratie parlementaire pensez-vous donner en agissant de la sorte ? Celle d’une majorité muette, qui ne prend pas la peine d’expliquer ses choix, car le vote lui sera forcément favorable ? Celle d’une chambre dans laquelle rien ne se décide, mais qui se contente d’entériner on ne sait quel accord signé sur un coin de table entre Mme Borne et M. Ciotti ?
Ce genre de coup tactique risque d’avoir des conséquences fort délétères pour notre démocratie parlementaire et de porter atteinte à la légitimité du Sénat.
C’est pourquoi j’espère que vous accepterez, mes chers collègues, de répondre à cette question simple, qui se pose à nous au travers de l’article 4 : la sécurité sociale doit-elle payer pour les décisions gouvernementales prises au nom du « quoi qu’il en coûte » ?
Pour la seule année 2023, le coût des politiques mises en œuvre pour faire face à la crise sanitaire s’élève à 17, 7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour les comptes sociaux. Le déficit de la branche vieillesse prévu pour 2023 n’était que de 3, 9 milliards d’euros. La réaffectation de tout ou partie des 17, 7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires permettrait donc de le combler aisément.
Durant la crise covid, les ministres se succédaient dans les médias pour vanter toutes les dépenses consenties par l’État afin de sauver l’économie. Or aujourd’hui, le Gouvernement siphonne les comptes de la sécurité sociale pour financer ces mesures, créant au passage un déficit, qui permet aux mêmes ministres de revenir dans les médias, où, prenant prétexte de ce déficit, ils justifient la réforme des retraites la plus injuste qui soit…
L’opération est donc trois fois rentable pour M. Macron et son gouvernement.