Ce projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est scindé en quatre titres.
Le premier s'intitule « Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue », le deuxième « Améliorer le dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public », le troisième « Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières » et le quatrième « Engager une réforme structurelle du système de l'asile ». Je présenterai les deux premiers titres et notre collègue Philippe Bonnecarrère présentera les deux derniers.
Ce projet de loi n'est pas le « Grand Soir » de l'immigration, car il ne développe pas véritablement une stratégie claire et cohérente sur le sujet. Si certaines mesures sont intéressantes, d'autres le sont moins. Nous vous proposerons de supprimer un certain nombre d'articles, dont nous n'avons pas véritablement perçu la plus-value. En revanche, nous avons essayé de lui donner un sens, en partant d'un certain nombre de constats.
Le nombre d'étrangers en France va croissant. En 2022, la primo-délivrance de titres de séjour a augmenté de 17,2 % et concernait plus de 320 000 personnes, chiffre inédit. L'immigration irrégulière est, par définition, difficilement chiffrable. Néanmoins, ce chiffre est en progression à chaque fois que le ministre de l'intérieur l'évoque. D'après lui, « entre 600 000 et 900 000 » clandestins seraient présents sur le territoire national. L'asile est aussi en augmentation avec plus de 11 000 demandeurs chaque mois. Nous pouvons estimer que l'asile est un droit dû aux termes de nos engagements nationaux et internationaux. Je rappellerai néanmoins que 60 % des demandeurs d'asile sont finalement déboutés et n'avaient donc pas de motif légitime pour faire cette demande.
Ces chiffres ont évidemment des conséquences. Les préfectures, à tout le moins un certain nombre d'entre elles, sont embolisées - le rapport d'information du président Buffet de mai 2022 l'indiquait déjà et nous avons pu le constater à la fois au cours de nos auditions et sur le terrain -, et ce malgré la bonne volonté des agents qui y travaillent. Les juridictions administratives sont aussi accaparées par le contentieux des étrangers. J'évoquerai rapidement l'exemple du contentieux des rendez-vous mentionné également dans le rapport précité. Ainsi, les étrangers qui se présentent en préfecture, alors qu'aucun rendez-vous n'est disponible rapidement, forment un référé « mesures utiles » afin que le tribunal administratif enjoigne à la préfecture de leur en attribuer un. Les préfectures réservent des plages de rendez-vous pour répondre à ces injonctions, ce qui diminue d'autant la possibilité d'obtenir un rendez-vous. Ce contentieux frôle l'absurde et embolise encore davantage des juridictions administratives qui consacrent déjà au contentieux des étrangers environ 40 % de leur temps.
S'agissant de l'asile, il existe une incapacité à accueillir l'ensemble des demandeurs d'asile alors que, selon les règles européennes, nous devons les héberger. Nous en hébergeons environ la moitié, même si 60 % d'entre eux n'ont pas le droit d'obtenir cette protection, je le rappelle. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est la première juridiction de France au regard du nombre de décisions, soit environ 67 000 décisions par an. Les textes doivent être adaptés ; la justice est rendue dans des conditions acceptables, mais pas optimales.
Au regard de ces éléments, on peut incriminer le manque de moyens, mais ce n'est pas la seule raison. En réalité, le nombre crée des difficultés. Les étrangers se regroupent, d'une part, parce qu'on leur propose de se regrouper dans certains hébergements et, d'autre part, parce qu'il est naturel de le faire lors de son arrivée dans un pays étranger. Or ce regroupement peut favoriser l'apparition du communautarisme, car parfois leurs moeurs et leurs cultures heurtent frontalement les moeurs, les cultures, les principes de la République française et de nos concitoyens, qui le vivent mal.
En outre, la pression des médias est importante lorsqu'un acte de délinquance est commis par un étranger, car ils s'empressent désormais de préciser si ce dernier faisait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF).
La tension est croissante en France entre la population issue de l'immigration et la population française. Or, actuellement, une des principales difficultés de notre système réside dans la grande impuissance publique à faire respecter les textes sur l'immigration. Ainsi, selon les derniers chiffres disponibles, 120 000 OQTF sont délivrées chaque année, mais seuls 6 % à 7 % d'entre elles sont exécutées.
Il importe de ne pas laisser les choses en l'état et de présenter un projet un peu plus « musclé », si je puis dire, en essayant d'inverser cette courbe.
Il est vrai que la politique de l'immigration ne dépend pas que de la France. Ainsi, nous sommes tenus de respecter les règlements et les directives de l'Union européenne, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), les conventions bilatérales, notamment celle qui nous lie à l'Algérie depuis 1968, et nous sommes assez dépendants de la diplomatie française. Par conséquent, la solution dépend davantage de la volonté politique du Gouvernement, ainsi que de sa politique diplomatique, que du Parlement, même si nous devons montrer une certaine fermeté.
Nous soutenons certaines dispositions, sur lesquelles je reviendrai lors de l'examen des amendements. Pour le reste, nous proposons de combler les manques de ce texte en prévoyant : une définition des orientations pluriannuelles de la politique d'immigration dans un débat parlementaire annuel, un renforcement des conditions d'accès au regroupement familial - y compris par l'exigence d'un niveau de langue minimal pour ses bénéficiaires et par un renforcement du contrôle des conditions de ressources et de logement -, le renforcement des conditions d'admission au titre d'« étranger malade », un meilleur contrôle de l'immigration étudiante qui est devenue la première cause de délivrance de titres de séjour et, enfin, l'expérimentation de l'instruction « à 360° » de l'examen des demandes de titres de séjour.
Tout cela s'ajoute aux dispositions du Gouvernement, notamment celles de l'article 1er du projet de loi, qui prévoit la maîtrise d'un certain niveau de langue pour bénéficier d'une carte de séjour pluriannuelle. Nous y ajouterons une formation civique.
S'agissant de l'éloignement, le Gouvernement propose de faciliter la levée des protections de certains étrangers extrêmement protégés et ne pouvant donc faire l'objet ni d'une expulsion, ni d'une interdiction du territoire français, ni éventuellement d'une OQTF. Nous allons non seulement accepter de le faire, mais également nous attacher à maximiser la portée du dispositif.
Nous allons également encadrer, pour plus d'efficacité, le relevé d'empreintes et la prise de photographies coercitives. Nous accepterons par ailleurs l'interdiction de placement des mineurs de 16 ans dans les centres de rétention administrative (CRA), pour des raisons que nous vous expliquerons lors de l'examen des amendements.
Enfin, à l'engagement des étrangers à respecter les principes de la République proposé par le Gouvernement, nous ajoutons la création d'un « contrat d'engagement au respect des principes de la République ».