En effet, nous n'avons pas abordé les articles 3 et 4, pour lesquels nous n'avons pas trouvé à ce stade de position commune. En conséquence, pour ces deux articles, nous émettrons un avis défavorable sur l'intégralité des amendements pour laisser le Sénat trancher en séance publique.
L'article 4 prévoit que les demandeurs d'asile, dont le taux de protection serait équivalent à un pourcentage fixé par le Gouvernement, probablement à 50 % au regard des discussions, pourraient travailler dès l'enregistrement de la demande d'asile, alors qu'actuellement ce n'est possible qu'après un délai de six mois. La règle européenne est celle d'un délai maximum de neuf mois.
Nous avons une dissension sur ce sujet. Ma position est conforme au vote de la majorité sénatoriale en 2018. L'une des difficultés de la politique d'immigration est qu'il s'agit d'une politique du fait accompli. Elle conduit à estimer qu'il est nécessaire de régulariser les personnes installées sur le territoire, au motif qu'elles y mènent une vie que l'on peut qualifier de classique, notamment en travaillant. En réalité, cette politique conduit à ce qu'un nombre toujours croissant de personnes entrent sur notre territoire dans l'illégalité. C'est pourquoi je propose que nous en restions à six mois.
L'article 3, plus important, a trait à la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension. Ces derniers sont définis dans une liste qui n'est d'ailleurs pas mise à jour régulièrement - la dernière date de 2021 -, alors que, selon les représentants du patronat, elle devrait l'être tous les six mois pour être pleinement représentative. Cet article du projet de loi prévoit qu'un étranger en situation irrégulière présent depuis trois ans sur le territoire et ayant travaillé huit mois sur les vingt-quatre derniers mois pourra demander - et l'obtiendra, puisque c'est de droit - un titre de séjour d'un an.
Or, selon un principe général du droit public, chacun d'entre nous peut demander un examen individuel de sa situation à l'administration. Dans ce cadre, les travailleurs étrangers peuvent demander leur régularisation, qui a été encadrée par la « circulaire Valls » de 2012. La demande est formulée par l'étranger et, surtout, elle doit être soutenue par l'employeur. Ce dernier déclare employer une personne en situation irrégulière, demande sa régularisation et le préfet apprécie. La réponse est alors à la main de l'État.
Avec le dispositif proposé par le Gouvernement, ce n'est plus l'étranger ou l'employeur qui demandera la régularisation, mais uniquement l'étranger, et celle-ci sera de plein droit, sauf en cas de menace à l'ordre public. L'État se départit donc de la possibilité d'accepter ou de refuser, dès lors que les conditions fixées seront respectées.
Le changement radical, c'est que la fraude créera des droits. La situation frauduleuse est jusqu'ici appréciée par l'administration, alors qu'il suffira, avec ce nouveau dispositif, de frauder suffisamment longtemps, avec suffisamment d'habileté, pour obtenir un titre de séjour. À mon sens, cela signifie la fin de toute procédure d'immigration, car que l'on entre sur un territoire de façon régulière ou pas, on pourra de toute façon obtenir de droit un titre de séjour. Or la fraude ne peut pas être créatrice de droit. Faire droit à cet article revient à mettre fin à toute politique d'immigration.