Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 mars 2023 à 9h30
Audition conjointe de Mm. Thomas Gomart directeur de l'institut français des relations internationales ifri et bruno tertrais directeur adjoint de la fondation pour la recherche stratégique frs sur les enjeux de la loi de programmation militaire

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, président :

Chers collègues, nous recevons ce matin M. Thomas Gomart, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI) et M. Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS). Je vous remercie, messieurs, de vous être rendus disponibles pour venir dans ce format de table ronde nous livrer votre analyse sur les enjeux de la prochaine loi de programmation militaire.

Vous êtes tous deux d'éminents géopolitologues et experts des relations internationales. La guerre en Ukraine bouleverse depuis plus d'un an la conception que les Français et les Européens pouvaient se faire de la guerre. Il ne s'agit plus d'interventions militaires choisies, sur des théâtres extérieurs et face à un adversaire asymétrique, mais bien d'un champ de bataille au coeur de l'Europe où s'affrontent indirectement les grandes puissances. M. Gomart, dans votre dernier ouvrage (Les Ambitions inavouées), vous analysez les antagonismes et les ambitions des principales puissances partenaires et adversaires de la France et déplorez cette forme, je vous cite, de « désinvolture géopolitique » dont les Européens ont fait preuve, en ignorant les confrontations que préparent les Américains, Russes et Chinois. Dans vos précédents ouvrages, notamment L'Affolement du monde, vous annonciez déjà « trois théâtres régionaux de confrontation de puissances susceptibles de déclencher une déflagration mondiale : l'Ukraine, Taïwan et l'Iran ». La France est donc bien à l'heure des choix, qui n'est plus celui d'un conflit de haute intensité hypothétique mais bien celui d'un engagement majeur à quelques heures de nos frontières. Quels sont pour vous, dans ce contexte, les enjeux de la LPM à venir, dont nous ne connaissons bien sûr pas encore les détails ?

L'affrontement massif de forces conventionnelles remet en lumière des insuffisances que de nombreux experts et parlementaires relayaient quant à l'absence de masse et de profondeur de nos forces, quant à la relégation de la préparation opérationnelle et des stocks de munitions. J'ai en mémoire un rapport de la RAND corporation qui salue les capacités techniques des armées françaises sur tout le spectre du champ de bataille, mais sans la capacité de durer.

Votre analyse, Messieurs, nous sera précieuse. Je n'oublie pas la spécificité maintenant unique de notre pays au sein de l'Union européenne qui est d'être une Nation, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, dotée de la dissuasion nucléaire.

À cet égard, M. Tertrais, vous avez publié plusieurs ouvrages sur les questions nucléaires et en êtes un expert reconnu. À l'heure où les grandes masses budgétaires de la prochaine programmation militaire sont en cours de finalisation (comment répartir les 413 milliards d'euros annoncés ?), une chose semble acquise : la continuité de notre dissuasion. Il s'agira d'ailleurs d'un effort encore plus conséquent puisque le développement de plusieurs vecteurs des deux composantes, océanique et aérienne, de la dissuasion est programmé. D'ici 15 ans, nous devrions voir la 3ème génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE 3G) et le futur missile hypersonique air-sol nucléaire (ASN4G), successeur de l'ASMPA actuel. La dissuasion est une charge que la France supporte, avec toujours le risque d'un effet d'éviction au détriment de l'équipement de nos forces conventionnelles, problème que n'ont pas nos partenaires européens qui ne font que participer à la dissuasion américaine au sein de l'OTAN.

Ainsi, M. Tertrais, dans un article récent, vous avez posé la question de « la cohérence sans l'abondance ? » de la nouvelle loi de programmation militaire. Selon vous, quels sont les principaux arbitrages à trancher ? Pouvons-nous tout assumer de front : masse et technologie ? Théâtre centre-Europe, Afrique, Moyen-Orient et Indopacifique ? Cyber et espaces exo-atmosphériques ? Cette liste de question n'est pas exhaustive. Mes collègues complèteront mes propres interrogations de leurs questions à l'issue de vos exposés liminaires.

Vous l'avez compris, dans l'attente du texte, nous souhaitons pouvoir réfléchir avec vous sur le contexte, c'est-à-dire ce qui constitue, selon vous, l'état des menaces, notre capacité à y faire face, et nos besoins.

Je rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et qu'elle est retransmise en direct sur le site internet du Sénat et les réseaux sociaux.

Messieurs, je vous cède la parole, en commençant peut-être par M. Thomas Gomart.

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