Intervention de Jean-Noël Barrot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 8 mars 2023 à 10h30
Audition de M. Jean-Noël Barrot ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Jean-Noël Barrot, ministre :

Monsieur le sénateur Houllegatte, s'agissant des raccordements complexes, vous avez raison de dire que lorsqu'on a fait 80 %, les 20 % restants sont généralement plus compliqués.

C'est pourquoi j'ai voulu vous présenter notre programme de travail qui, s'agissant des engagements que nous voulons que les opérateurs puissent prendre, va toucher à la complétude, à la résilience et à l'abordabilité, mais aussi nécessiter un effort de l'État.

Nous réfléchissons à un accompagnement du génie privé par l'État grâce à un guichet qui existe déjà, vers lequel les concitoyens difficiles à raccorder pour des raisons de génie privé pourraient se tourner pour bénéficier d'un soutien de l'État.

Une partie des raccordements complexes relève du génie civil et devra néanmoins être portée par les opérateurs d'infrastructures. Cela suppose un investissement assez considérable que nous n'obtiendrons pas uniquement selon moi sur le fondement de la menace et de la sanction.

C'est aussi pourquoi nous voulons, en contrepartie de ces engagements des opérateurs, réfléchir à une grande visibilité de l'Ifer, qui permettrait de donner un peu d'air aux opérateurs afin d'assurer ces obligations assez substantielles.

S'agissant des 162 communes que vous évoquez, une expérimentation a déjà eu lieu pour une commune de 1 600 habitants de la deuxième circonscription des Yvelines, Lévy-Saint-Nom, ce qui a permis d'identifier le rôle déterminant des élus locaux et des maires dans la bascule du cuivre vers la fibre. Il faut convaincre un certain nombre de nos concitoyens les plus éloignés des usages que le moment est venu de passer à la fibre. Une expérimentation est en cours avec deux communes d'Île-de-France et du Pas-de-Calais, où l'abandon du cuivre est prévu fin mars de cette année.

Des lots de plus en plus importants vont être concernés, mais, en tout état de cause - l'Arcep a été très claire sur le sujet -, une fermeture technique ne peut intervenir sans que la complétude soit assurée. La balle est donc dans le camp d'Orange.

S'agissant de la question sur la reprise des baux, vous avez raison de souligner que les élus locaux et les préfets demandent à être éclairés sur l'article 33 de la loi Chaize. C'est pourquoi le Gouvernement a rédigé un document en concertation avec l'Association des maires de France (AMF) pour expliciter la manière dont cette disposition législative peut être mobilisée. Nous tenons ce guide à votre disposition.

En réponse à vos questions, madame Demas, nous avons lancé des groupes de travail présidés par des acteurs, des associations d'élus ou des acteurs associatifs sur un certain nombre de problématiques sur lesquelles il faut que nous convergions, qui étaient bien identifiés dans votre rapport d'information.

Le premier est celui de la gouvernance locale et du financement de cette politique. J'ai pour ma part une légère différence d'appréciation avec la recommandation de votre rapport d'information, qui évoque la nécessité de ne pas chercher un chef de filât unique dans chaque territoire.

Pour ma part, sans aller jusqu'à déterminer un niveau administratif ou un acteur de référence qui soit le même dans tous les territoires, je souhaite que nos concitoyens et les acteurs locaux puissent identifier le chef de file de cette politique publique.

On ne pourra pas systématiser le niveau administratif. J'étais dans l'Ain avec Patrick Chaize. Le niveau départemental, peut-être le plus adéquat, s'est d'ores et déjà saisi de cette politique.

Le syndicat numérique de l'Ain s'est non seulement pleinement saisi des questions des déploiements, mais, en outre, s'agissant des questions d'inclusion, coordonne l'action des conseillers numériques sur l'ensemble du territoire.

Dans d'autres départements où se trouve par exemple une métropole, ou dans des bassins de vie plutôt éclatés et orientés vers d'autres aires d'influence urbaine, le département n'est peut-être pas l'acteur clé pour jouer ce rôle de chef de file. J'aimerais en tout cas qu'à l'issue de ces travaux, un chef de file puisse être identifié dans chaque territoire.

Le deuxième groupe travaille sur la structuration des métiers et de la formation à la médiatisation numérique. Avec les conseillers numériques, les Aidants Connect, les médiateurs, un métier nouveau émerge. Il est exercé par des professionnels qui se consacrent quasiment à 100 % à cette tâche, mais aussi par des agents dont ce n'est pas la vocation première, mais qui jouent le rôle d'accompagnant. Je pense aux secrétaires de mairie ou aux responsables de médiathèque, dont l'accueil est déterminant et qui devraient accéder eux aussi à des formations et à une forme de reconnaissance de leur action en matière de médiation numérique.

Le troisième groupe de travail est dédié à la question de l'outillage de la médiation numérique et du parcours usager. L'outillage est une question importante. Dans votre rapport d'information, vous soulignez notamment des expériences très intéressantes partant des conseillers numériques, avec un déploiement dans les communes grâce à des dispositifs mobiles. J'en ai visité un dans le département de la Somme, qui fonctionne très bien.

Un conseiller numérique ou un médiateur est déployé dans les petites communes avec une fourgonnette munie d'une parabole, d'ordinateurs et de tablettes, et passe des conventions avec les communautés de communes pour se déployer, avec un planning très serré, dans les communes et se rapprocher de nos concitoyens.

Le quatrième groupe de travail est consacré à l'évaluation de cette politique. Dans quelques jours, un nouveau rapport sur l'inclusion va venir actualiser les chiffres de l'éloignement numérique.

Nous disposons désormais par ailleurs des évaluations PIX en classe de troisième au collège, qui nous permettent de mesurer très finement le niveau atteint par les élèves, avec des différences assez marquées selon les territoires, d'après ce que j'ai pu en voir.

Je pense qu'il nous faudra réorienter l'effort du pass numérique qui, vous l'avez très bien décrit dans vos travaux, n'a pas produit les effets escomptés vers ces leviers que nous voulons mettre à la disposition de la politique d'inclusion au niveau territorial, avec une structuration au niveau national, grâce notamment aux conseillers numériques, au niveau régional avec les hubs, à propos desquels vous indiquez avec justesse que certains fonctionnent déjà très bien, alors que d'autres sont encore en phase de rodage.

Il nous faut les accompagner, car le niveau régional est assez pertinent pour capter un certain nombre de financements, comme les financements européens. Le hub des Assembleurs, dans les Hauts-de-France, a réussi à solliciter des financements européens qui ruissellent ensuite sur l'ensemble des territoires.

Au niveau local, ce que nous sommes en train de construire fera l'objet d'annonces à l'issue du travail des groupes. J'insiste à nouveau sur le fait que les travaux que vous avez menés ont largement inspiré ces réflexions.

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