Intervention de Jean-Noël Barrot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 8 mars 2023 à 10h30
Audition de M. Jean-Noël Barrot ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Jean-Noël Barrot, ministre :

S'agissant de la question de M. Gold, la cybersécurité est désormais une question essentielle, tant pour le quotidien de nos concitoyens que pour celui de nos entreprises ou de nos collectivités.

Au deuxième semestre de l'année dernière, ce sont les communes de Caen et de Chaville, les départements de Seine-Maritime, des Alpes-Maritimes, de Seine-et-Marne, les régions Guadeloupe et Normandie, les établissements hospitaliers de Corbeil-Essonnes ou de Versailles qui ont fait l'objet d'attaques significatives et pénalisantes pour la mise en oeuvre de leur service aux populations.

Face à cela, le Gouvernement a lancé en 2021, dans le cadre du plan de relance, un programme de cybersécurité pour nos grandes collectivités et nos grands établissements publics. 950 d'entre eux ont pu bénéficier de ces parcours de cybersécurité, consistant en une phase d'audit et de conseil qui doit amener à une meilleure formation des collaborateurs et un équipement des institutions concernées en logiciels adaptés.

C'est un processus relativement long délivré par l'Agence nationale de sécurité informatique (ANSI) qui n'a pas encore tout à fait abouti pour les 950 établissements et organisations bénéficiaires.

En revanche, nous avons constaté que, parmi les collectivités ayant fait l'objet d'une attaque, la ville de Caen a bien mieux résisté que d'autres organisations parce qu'elle avait terminé son parcours de cybersécurité et s'était équipée d'une solution dite Endpoint detection and response (EDR), un antivirus sophistiqué fourni par une entreprise française appelée HarfangLab, qui lui a permis d'identifier très en amont le début de l'attaque et de mettre à l'abri ses données les plus sensibles.

À la suite de l'attaque contre l'hôpital de Corbeil-Essonnes, nous avons décidé de renforcer ce programme en l'ouvrant à 150 hôpitaux et collectivités supplémentaires afin de mieux armer les grandes collectivités et établissements publics.

La question se pose aussi pour les petites collectivités et les petites communes qui sont elles aussi victimes de ces attaques qui se multiplient.

Pour y répondre, nous avons souhaité que l'ANSI développe un outil mutualisé sur abonnement à destination des petites collectivités vers lequel celles-ci pourront se tourner pour obtenir un nom de domaine, une messagerie sécurisée dès l'origine et, à terme, un dispositif d'hébergement.

Je ne puis vous dire, l'horizon de déploiement de cette solution étant fixé à la fin de l'année 2023, s'il s'agira d'une plateforme nationale ou de solutions délivrées au niveau local par les collectivités ou les syndicats de collectivités en charge de la politique numérique sur les territoires, mais notre objectif est que toutes les communes de France puissent se tourner, à la fin de l'année 2023, vers une solution sécurisée.

S'agissant des questions de M. Demilly, je partage son avis sur l'illectronisme et sur la nécessité de mieux structurer cette politique. Nous dévoilerons dans quelques semaines l'issue des travaux menés sur la structuration de cette politique au niveau local, ainsi que sur sa gouvernance, son financement, la formation et l'identification des professionnels de la médiatisation numérique au sens large, le parcours usager, l'outillage de la médiatisation numérique. Je souhaite que tous les acteurs s'engagent à terme dans cette voie, avec une bonne identification locale du chef de file.

Concernant la liaison ferroviaire Amiens-Paris, qui peut manquer de connectivité en plus d'être parfois en retard sur les horaires prévus - j'en ai fait l'expérience moi-même -, je rappelle que, dans le New Deal mobile, plus de 3 000 antennes ont déjà été identifiées et plus de 2 000 déployées. Ce sont autant de zones blanches qui ont été effacées. Dans la dernière phase du New Deal mobile, ce sont les axes des voies ferrées et les axes routiers qui seront plus particulièrement ciblés. Ce sont des engagements pris par les opérateurs au moment du lancement de ce plan.

Pour ce qui est du Wi-Fi, je retiens votre suggestion et vous propose d'en discuter avec la direction de la SNCF pour voir comment la généraliser.

S'agissant des observations de Mme Filleul, il est important de bien caractériser la fracture numérique. Le rapport qui paraîtra dans quelques jours viendra apporter des éléments nouveaux. Vous avez raison de dire qu'il ne s'agit pas d'une question générationnelle.

D'après les analyses, il existe une très forte corrélation entre les compétences numériques observées sur un territoire et la part de la population qui a eu accès à un diplôme de l'enseignement supérieur. La fracture numérique est un fait social, et il faut l'aborder comme tel.

Quant au chef de filât, ma position est intermédiaire entre la vôtre et celle de Mme Demas. J'ai besoin d'avoir un chef de file identifié, ne serait-ce que pour que l'État lui confie quelques moyens qu'il aura la charge de répartir entre les acteurs de cette politique. J'en ai besoin, mais je pense que l'État aurait tort de définir, à Paris, la structure la mieux à même d'être le coordonnateur local de cette politique. Nous verrons ce que feront remonter les groupes de travail à ce sujet.

S'agissant des conseillers numériques, nous avons annoncé il y a quelques semaines aux structures porteuses que le programme est bien maintenu. Vous avez pérennisé les crédits associés au programme consacré aux conseillers numériques lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Certes, nous allons progressivement diminuer la part de l'État dans le financement des postes, mais cela signifie-t-il pour autant qu'il va y avoir moins de conseillers numériques ? Je n'en suis pas sûr. En effet, un autre programme très important, celui des maisons France Services, est cofinancé à hauteur de 30 % par l'État et fonctionne plutôt bien.

Nous avons essayé d'être attentifs à la définition des paramètres de ce cofinancement et à la capacité parfois hétérogène des structures porteuses, qui sont parfois des collectivités, des organismes consulaires, des associations, et qui supportent le reste à charge.

Le programme a bien vocation à être pérennisé, avec une part de cofinancement des structures porteuses et une meilleure coordination au niveau local, une meilleure coordination entre les conseillers numériques et les autres acteurs de la médiation numérique, qu'ils soient Aidants Connect bien identifiés ou acteurs de la médiatisation non encore identifiés à ce stade - responsables de médiathèque, secrétaires de mairie.

On a bien entendu la nécessité de donner un peu plus de visibilité et de structure en matière de formation, d'organisation du travail sur le territoire. C'est tout l'objectif qu'on a fixé aux acteurs qu'on a fait plancher sur la feuille de route qui sera présentée prochainement.

Je partage le souci de monsieur Belin que les antennes du New Deal et les autres puissent être plus facilement et plus rapidement déployées pour effacer les zones blanches et les zones grises. Un certain nombre de réflexions sont en cours. Elles nous permettront, je l'espère, d'avancer sur les questions liées au littoral, où l'on a encore des difficultés assez significatives en matière de déploiement des antennes du fait de conflits de normes, qu'il faudrait pouvoir lever.

On a constaté sur le terrain que, dans certains cas, la mise en service des antennes New Deal était parfois ralentie par le raccordement électrique. Ce sont des discussions que nous voulons avoir avec Enedis pour que les choses puissent se faire le plus rapidement possible. Comptez sur nous pour soutenir les initiatives parlementaires ou, à défaut, pour en prendre d'autres si les véhicules législatifs s'y prêtaient dans les mois à venir.

Il est intéressant que monsieur Chevrollier évoque les mesures de la loi REEN. Les questions soulevées sont celles que j'ai posées aux auteurs de l'étude Ademe-Arcep qui a été rendue publique lundi dernier, et qui évalue l'empreinte carbone et l'impact environnemental du numérique en les projetant jusqu'à 2030 et 2050.

Ma première question a été de leur demander s'ils avaient pris en compte les mesures que nous avons déjà arrêtées, en particulier celles issues de la loi REEN. Il est un peu tôt à ce stade - c'est la réponse qui m'a été faite - pour estimer cet impact. Cela étant, nous sommes là pour veiller à la bonne application de la loi.

Quant au soutien au reconditionnement, nous avons lancé, début 2022, un plan de soutien doté d'une enveloppe de 15 millions d'euros pour soutenir le secteur, avec un dispositif d'aide visant à financer les entreprises à court terme. Nous avons également lancé des travaux avec la filière du reconditionnement des produits numériques afin de définir un système de référence permettant de mettre en valeur la bonne qualité des produits numériques reconditionnés. Il ne s'agissait toutefois que d'une aide d'amorçage. Nous avançons en parallèle sur deux autres sujets.

D'une part, si une première décision de la commission de la copie privée a été repoussée par le Conseil d'État, une seconde décision réduit la redevance pour les appareils reconditionnés, ce qui est un bon signal. Cela va-t-il suffisamment loin ? Les avis sont particulièrement tranchés sur le sujet.

Par ailleurs, dans le cadre du plan France 2030, nous sommes en train de réfléchir à une stratégie d'accélération en faveur du verdissement du numérique. Cela faisait partie du paquet, mais cette stratégie est en cours d'élaboration. Elle laissera une part importante au reconditionnement, l'empreinte carbone du numérique s'élevant à 15 % pour les réseaux, à 15 % pour les centres de données et à 80 % pour les terminaux. Si nous voulons maintenir l'empreinte carbone du numérique à 17 millions de tonnes équivalent carbone, il nous faudra allonger de deux ans la durée de vie de nos terminaux. Pour cela, il faut habituer nos concitoyens à cette idée, mais également soutenir la filière de reconditionnement.

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