L'amendement COM-1 rectifié vise à restreindre l'application du dispositif proposé au seul territoire de La Réunion pour une durée limitée, à titre d'expérimentation. Les arguments faisant douter de l'adéquation du dispositif proposé par la PPL à l'objectif poursuivi par son auteur sont tout aussi valables à La Réunion que sur le reste du territoire national.
Les acteurs réunionnais interrogés ont confirmé la grande efficacité de la procédure actuelle de retenue des allocations de logement ; on peut donc s'interroger sur le gain à attendre d'un durcissement de la mesure, avec la consignation du reste à charge.
En revanche, le risque que le dispositif fragilise les propriétaires modestes et les locataires semble réel, à La Réunion comme en métropole. Concernant les propriétaires, le risque est exacerbé par le profil des bailleurs privés, dont une large part est constituée de propriétaires modestes, vivant dans des conditions similaires à celles de leurs locataires, et qui manquent souvent de ressources suffisantes pour réhabiliter ces logements. En outre, si le critère de performance énergétique ne s'applique pas pour l'instant à l'outre-mer, il y entrera progressivement en vigueur à partir de 2028, ce qui induira des coûts supplémentaires pour les bailleurs.
A contrario, dans le parc social qui serait aussi couvert par le champ du dispositif à La Réunion, le dispositif ne semble pas pouvoir avoir d'effet incitatif sur les bailleurs, pour lesquels le manque à gagner serait marginal. En revanche, le risque d'exposition à des situations d'impayés de locataires déjà en situation de vulnérabilité, victimes d'une mauvaise compréhension du dispositif, est tout à fait identifié par les services déconcentrés de l'État à La Réunion.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement La Réunion, les problèmes de dégradation du logement y excèdent le plus souvent le cadre de la simple non-décence, et relèvent plus fréquemment de l'insalubrité, de l'indignité ou du péril, pour lesquels il existe d'autres procédures administratives, y compris des procédures d'urgence, afin de protéger les locataires. La plus-value du dispositif proposé n'apparaît donc pas évidente pour ces cas typiques du territoire réunionnais.
In fine, c'est tout l'écosystème réunionnais du logement et plus spécifiquement de la construction qu'il faut réformer si l'on veut résoudre le problème de la dégradation des logements, et pas seulement les rapports contractuels entre les locataires et les propriétaires ; cela n'est fait ni par la PPL, ni par cet amendement.
Je note deux écueils supplémentaires quant à cette idée d'expérimentation. D'une part, aucun argument ne justifie la dérogation au principe d'égalité que constituerait, malgré son caractère temporaire et limité, une telle expérimentation. La situation du logement à La Réunion est difficile, mais n'est pas plus dramatique que dans d'autres territoires ultramarins. D'autre part, le régime des allocations de logement n'étant pas le même en outre-mer et en métropole, le bilan d'une telle expérimentation ne serait pas probant pour déterminer s'il faudrait ou pas étendre le dispositif à l'ensemble du territoire national. Il s'agirait donc moins d'une réelle expérimentation que d'un dispositif dérogatoire temporaire au bénéfice d'un seul territoire. Pour toutes ces raisons, je propose un avis défavorable.
L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
La réunion est close à 12 h 10.