Voilà un moment que nous le répétons : la pénibilité au travail aurait dû être l’un des sujets centraux de ce projet de loi, mais le Gouvernement a décidé de n’y consacrer qu’un seul article ; et encore, il est largement insuffisant sur le fond et considérablement édulcoré, puisque la terminologie utilisée est « usure professionnelle ». Or nous connaissons toutes les différences d’acception, que ma collègue Raymonde Poncet Monge a expliquées précédemment.
Pourtant, la question de l’impact sanitaire négatif du travail aurait dû être prise en compte.
Monsieur le ministre, vous ne souhaitez pas l’entendre quand cela vient de nous, vous n’acceptez pas non plus de l’entendre lorsque les syndicats de travailleurs vous le disent, mais je vous le demande, soyez au moins attentif aux propos du collectif des responsables de la société française de santé au travail et du collège des enseignants hospitaliers et universitaires de médecine du travail.
Les médecins du travail, qui sont en première ligne pour savoir exactement quels sont les effets du travail sur la santé au travail, ont récemment publié une tribune dans Le Monde, dans laquelle ils ont souligné à quel point la réforme des retraites prenait trop peu en compte les risques professionnels.
Selon eux, « elle poursuit ainsi le mouvement initié en 2017, lorsque quatre critères de pénibilité sur dix avaient été supprimés. Les inégalités sociales de mortalité, d’espérance de vie sans incapacité d’état de santé entre cadres et ouvriers persistent indépendamment des modes de vie, des milieux de vie et d’environnement, et du recours aux soins, selon l’Insee et l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé). La pénibilité de certains métiers et postes de travail, cumulée au fil de la carrière professionnelle, contribue à ces différences. »
Pour ces professionnels de la santé au travail, je poursuis, « l’approche proposée dans la loi retraite est à la fois restrictive et non conforme aux principes généraux de prévention des risques professionnels. Restrictive, car plusieurs facteurs de pénibilité avérée sont absents. Non conforme, car contraire au principe fondamental de la prévention des risques, qui enjoint de supprimer ou de réduire les risques plutôt que de compter les victimes a posteriori ».