Ce rapport sort des sentiers habituellement battus par la Cour, puisqu'il a pour objet des enjeux moins financiers que technologiques et prospectifs.
La question des événements exceptionnels a été prise en compte dès l'origine de la construction des centrales nucléaires - je pense aux normes de résistance au vent et au seuil de construction des réacteurs au-dessus du niveau de la mer. Nos centrales sont déjà prêtes à résister à des événements extrêmes, dont la probabilité de survenance est très faible - elles sont capables de résister à un tsunami du même type que celui qui s'est produit à Fukushima, alors que la probabilité d'un tel tsunami est très faible en France. Aussi, nous pouvons considérer que nous sommes prêts sur les aspects liés à la sûreté.
En revanche, nous serions moins prêts pour les événements qui s'inscrivent dans le temps long. Les centrales sont en effet concernées par l'élévation des températures, ce qui soulève le problème de la disponibilité de la ressource en eau nécessaire pour faire fonctionner le cycle du combustible nucléaire.
Ainsi, EDF pourrait être amenée à arbitrer entre produire de l'hydroélectricité ou garder l'eau pour assurer la production nucléaire, sachant que dans les deux cas la production est décarbonée - l'une répond à la taxonomie européenne, l'autre reste à ce stade dans les marges de cette taxonomie -, même si le coût de l'électricité ne sera pas le même. Ce choix relève non pas seulement de l'exploitant, mais également d'une décision politique.
La gestion de la ressource en eau soulève également le problème de la réutilisation des eaux usées. À ce titre, l'exemple de la centrale de Palo Verde, dont le fonctionnement est bien décrit dans le rapport de la Cour, ouvre des perspectives sur une utilisation possible des eaux usées, puisque cette centrale, située dans le désert, se refroidit en réutilisant les eaux usées.
Il faut également se demander comment diminuer, à l'avenir, l'empreinte environnementale du nucléaire, au-delà de la question du retraitement des déchets qui n'entrait pas dans le périmètre du rapport, ce qui nécessite d'augmenter les moyens publics dédiés à la recherche. Par exemple dans le but de diminuer l'utilisation de biocides dans les tours aéroréfrigérantes ou d'optimiser le rendement de ces tours, notamment en utilisant une partie de la chaleur qui s'échappe de celles-ci sous forme d'évaporation.
Par ailleurs, la question des capacités de recherche de l'IRSN n'avait pas été abordée dans l'amendement du Gouvernement portant sur la fusion entre l'IRSN et l'ASN déposé dans le cadre du projet de loi d'accélération du nucléaire ; or ce sujet est au coeur de notre discussion du jour.
Pour finir, je souscris pleinement au constat de la Cour selon lequel ce sujet doit être envisagé de manière systémique. Au-delà de la prise en compte de l'environnement proche des centrales, de la préemption des terrains voisins de la centrale et de la construction de digues, c'est l'ensemble de la chaîne du nucléaire qui doit être appréhendée. En effet, il faut pouvoir construire les installations et extraire du combustible, ce qui a des conséquences sur l'environnement, et doit répondre aux exigences des directives européennes, notamment sur le devoir de vigilance.
Notre travail sur ce pan de l'économie pourra s'appliquer à d'autres conflits d'usage entre des ressources environnementales finies et les besoins des consommateurs et des industriels.
- Présidence de M. Bernard Delcros, vice-président -