Intervention de Patrick Dehaumont

Commission des affaires sociales — Réunion du 22 mars 2023 à 8h30
Audition de M. Patrick deHaumont candidat à la présidence du conseil d'administration de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail anses

Patrick Dehaumont, candidat à la présidence du conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail :

Ce n'est pas l'Anses qui pourra, seule, traiter le sujet de l'obésité et du surpoids. Un certain nombre d'autres instances, telles que Santé publique France, doivent forcément être impliquées. Les ministères concernés ont une responsabilité importante en matière de conduite du programme national de l'alimentation, par exemple. Ce plan doit, me semble-t-il, être conduit avec l'ensemble des acteurs, notamment ceux du secteur médical.

Aujourd'hui, nous disposons d'un certain nombre de données, via l'Observatoire de l'alimentation (Oqali) ou le Ciqual, base de données sur la composition d'un grand nombre d'aliments. Effectivement, la question se pose des données relatives aux produits de consommation et des données médicales au regard des critères de population. Cette action devrait, à mon sens, être développée, en globalité, par les ministères de tutelle concernés - ministère de la santé et ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire notamment -, mais la contribution à l'expertise, à la recherche appliquée devrait être développée, sans oublier l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), pour les aspects de recherche. Cette approche globale me semble nécessaire.

Sur les relations avec le secteur agroalimentaire, j'ai toujours eu, dans mes différentes fonctions, des relations cordiales avec les acteurs économiques, mais j'ai toujours posé une ligne claire en termes d'indépendance. Pour ce qui concerne l'Anses, je pense qu'il faut une relation fluide. D'ailleurs, les acteurs du secteur agroalimentaire sont représentés au niveau de l'Anses, parce qu'ils sont une source d'informations extrêmement importante. Cependant, il faut que ces relations s'exercent dans un cadre déontologique bien cadré et qu'il n'y ait pas d'influence sur l'analyse de risques et l'expertise.

Le débat public doit pouvoir s'opérer avec l'ensemble des acteurs. Il faut connaître les attentes de la société lorsque l'on conduit des évaluations de risques ou lorsque l'on prend des décisions de gestion, mais il faut être capable de connaître l'ensemble des positions, et il ne faut pas qu'il y ait de conflit d'intérêts. Je pense très sincèrement que les instances de débat public qui existent au sein de l'Anses, compte tenu de leur nature, de leur positionnement et de leurs règles de fonctionnement, permettent de respecter cet impératif. Qu'il s'agisse des comités d'orientation thématiques auprès du conseil d'administration ou des plateformes de débat public, les règles permettent de collecter de l'information de manière pertinente. Ainsi, lorsque l'Anses a rendu un avis sur les nitrites et sur le risque cancérogène de leurs dérivés, il y a eu des échanges avec l'agro-industrie. Ce n'est pas pour autant que l'Anses doit répondre systématiquement aux attentes de l'agro-industrie ! C'est bien l'évaluation scientifique qui doit prévaloir.

J'avoue que je n'ai pas réfléchi au sujet des protections hygiéniques remises gratuitement aux femmes. Je pense que le risque doit continuer à être évalué - comme vous l'avez dit, l'Anses avait travaillé sur le sujet il y a quelques années. Cela dit, si l'on commence à parler de dispositif médical, on renvoie plus vers l'ANSM, qui est chargée des dispositifs médicaux. Il faut voir dans quelle catégorie cela entrerait. Il y a aussi potentiellement un risque de pollution environnementale. Il faut apprécier ces différentes dimensions et voir quels organismes seront concernés par ces dispositifs - il y en aura sûrement plusieurs. Cela dit, j'entends bien votre remarque sur la nécessité de prendre un certain nombre de précautions avant de s'engager dans la mise en place d'une mesure qui pourrait exposer à des risques supplémentaires les femmes qui en bénéficieraient.

Le budget santé au travail est inférieur à 10 millions d'euros. Je crois que, l'année dernière, le PNREST était de 7,5 millions d'euros. Je n'ai pas en tête le montant exact pour le travail, mais il me semble que, au-delà de la partie prescription, la partie opérationnelle, en matière de recherche, doit n'être que de 2 millions d'euros environ, fournis par la direction générale du travail (DGT). L'enveloppe est donc extrêmement faible. C'est sûrement l'un des sujets les moins visibles de l'Anses, alors que ce n'est pas le plus récent. La nécessité de lui apporter de la visibilité et d'y consacrer plus de moyens est bien identifiée.

Comment rendre visibles les travaux ? Il faut, d'abord, de la masse. Il faut des résultats, et il faut une politique d'information et de communication. Il faut que le grand public y ait accès, mais l'ensemble des parties prenantes doivent être très fortement impliquées sur le sujet. On a aujourd'hui des plateformes de débats. Le débat sur la santé au travail devrait sûrement être renforcé ; nous sommes d'accord.

J'en viens à la souveraineté alimentaire : nous n'avons pas aujourd'hui, à ma connaissance, d'indicateurs de suivi en matière d'approvisionnement - c'est un sujet que je maîtrise mal. Nous sommes dépendants sur certains produits, compte tenu des attentes sociétales et des habitudes alimentaires. Il y a donc aussi un enjeu d'explication, dans un contexte de dérèglement climatique, de coût, etc. En caricaturant un peu, si l'on veut manger des cerises en hiver, on dépend d'un approvisionnement !

Les produits phytosanitaires sont souvent très critiqués, mais leur usage permet, aujourd'hui, de produire en quantité et de participer à une certaine souveraineté alimentaire. On constate, avec l'avancée de la science, qu'il faut retirer certains produits, réduire les doses de certains autres... Les actions ne peuvent pas être isolées : lorsque l'on identifie un risque, un danger, on ne peut conduire que des actions coordonnées. Pour les produits phytosanitaires, la réduction des usages passe, bien entendu, par la réduction de dose et la suppression des produits les plus dangereux, mais, pour cela, il faut accompagner le monde agricole et l'emmener vers ces pratiques, qu'il faut identifier et qui doivent être viables économiquement. Des dispositifs nous permettent, si nous voulons être souverains sur le plan alimentaire, de faire évoluer les modèles si nécessaire, en accompagnant les différentes dimensions de la production.

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