Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements, dans la mesure où cet article est indispensable à la construction d’un PLFSS.
Monsieur Gay, vous me faites un mauvais procès. Au-delà de la sémantique, « travailleur », « travailleur privé d’emploi », « grand précaire », nous pouvons nous retrouver pour dire que, quelle que soit la manière dont nous qualifions ou considérons ces personnes, nous pouvons avoir le même objectif de retour à l’emploi et de réinsertion, en considérant qu’il s’agit de personnes vivant dans une grande précarité. « Avec un emploi », « privé d’emploi », quels que soient les mots utilisés, on peut considérer que, à moins de 500 euros par mois à l’échelle d’une vie, nous parlons de grande précarité.
Nous serons également tous deux d’accord, je pense, pour dire que l’enjeu est d’aider le plus grand nombre de personnes à sortir d’une telle situation.
J’évoquerai également le financement du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Nous prévoyons d’abonder ce fonds à hauteur de 1 milliard d’euros à l’échelle du quinquennat, avec 100 millions cette année et une montée en puissance à hauteur de 200 millions à 250 millions d’euros par an.
Un tel abondement serait, selon certains, insuffisant. Aujourd’hui, la branche AT-MP consacre 40 millions d’euros par an à la prévention de l’usure professionnelle et à l’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Nous proposons donc un vrai changement d’échelle, puisque nous passons de 40 millions d’euros à 200 millions ou 250 millions d’euros pour accompagner la négociation et la signature d’accords de prévention, par branches, pour les métiers les plus exposés aux troubles musculo-squelettiques.
Mme Annie Le Houerou s’est notamment inquiétée de l’équilibre budgétaire et financier de la branche AT-MP. Selon nos prévisions, en 2025, l’excédent estimé atteindra 3, 3 milliards d’euros, ce qui représente à peu près 20 % du total des recettes. Ce chiffre tient compte de ce que vous avez qualifié à juste titre de sous-déclarations, puisque, chaque année, à l’occasion du PLFSS, est proposé, de mémoire, un transfert de la branche AT-MP vers la branche Cnam, à hauteur de 1, 1 milliard d’euros à 1, 2 milliard d’euros selon les années.
Nous intégrons ce transfert dans la prévision. Malgré cela, l’excédent restera de 3, 3 milliards d’euros en 2025. Le swap – veuillez excuser cet anglicisme – de taux entre l’AT-MP et la Cnam porte sur un peu plus de 1 milliard d’euros, ce qui signifie qu’il restera 2 milliards d’euros d’excédents en 2025. Sur cette somme, nous pouvons convenir qu’il est possible de financer la prévention à hauteur de 200 millions à 250 millions d’euros, sans mettre en péril l’équilibre financier de la branche AT-MP.
Tout compris, baisse des taux et sous-déclarations, il restera 2 milliards d’euros d’excédents en 2025. Donc, 200 millions d’euros, ça passe, même si cela reste de la dépense publique.
Enfin, j’ajouterai un dernier mot sur la question des accidents du travail, évoquée par Mme Laurence Rossignol dans le cadre de la discussion des tout premiers articles. Les chiffres sont parfois difficiles à exploiter, parce que nous ne parlons pas toujours de la même chose. Il y a une stabilité du nombre d’accidents graves et mortels – permettez-moi de m’en expliquer en quelques mots.
Chaque année, 650 accidents mortels se produisent sur le lieu de travail, auxquels il faut ajouter les morts sur accidents de parcours, ainsi que les personnes qui décèdent à la suite d’une maladie professionnelle, mais ne décèdent pas, la plupart du temps, sur leur lieu de travail.
Quelle est la prévalence de tout cela ? Nous observons, depuis 20019, une augmentation de ce chiffre, la jurisprudence intégrant désormais les décès par malaise comme les décès avec présomption de cause professionnelle.
Quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que les plus de 50 ans sont plus nombreux à mourir sur leur lieu de travail, essentiellement du fait de malaises. En revanche, hors malaises, les travailleurs les plus exposés à des accidents mortels sur le lieu de travail sont les jeunes, les intérimaires, les travailleurs détachés et les nouveaux embauchés. Ces quatre catégories ont pour caractéristique d’être présentes sur le lieu de travail depuis peu de temps. Elles manquent très certainement de formation, d’information et de prévention.
Telle est la typologie des décès. Dans ce décompte un peu macabre, il faut ajouter les décès, notamment dans le secteur des travaux publics et de l’agriculture, de personnes travaillant de manière isolée, qui peuvent être victimes d’un malaise ou subir un accident, par exemple une chute, et décéder faute de secours.
Dans le cadre du quatrième plan Santé au travail (PST 4), la partie « accidents du travail mortels et graves » constitue une priorité. J’aurai l’occasion, dans la loi Travail que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises, de proposer au Parlement des mesures qui permettront d’aller plus loin pour prévenir les accidents graves et mortels.
Je le rappelle, nous parlons de 650 morts sur leur lieu de travail et de 1 000 morts au total avec les accidents de trajet et les maladies professionnelles. Mais n’oublions pas qu’il y a 9 600 personnes par an qui sont victimes d’un accident du travail les laissant avec un taux d’incapacité supérieure à 10 % et entraînant des séquelles à vie, sinon extrêmement durables.
Il s’agit donc d’un vrai chantier à mettre en œuvre. Les chiffres que j’ai donnés pour la branche AT-MP nous permettront d’y faire face.