Monsieur le ministre, vous aviez l’occasion de marquer l’histoire de notre pays en allant dans le sens des acquis sociaux, qui font sa fierté, et en donnant de l’espoir à une jeunesse qui aimerait croire que, comme les générations précédentes, sa vie sera meilleure que celle de ses aînés. Cela, précisément, est difficile à croire dans le monde instable et fracturé où nous vivons, où les tensions et les guerres se multiplient, difficile, quand nous observons tous les jours l’impact du dérèglement climatique, difficile, dans une France qui voit ses institutions abîmées.
Vous aviez, avec cette réforme, la possibilité d’envoyer un signal très fort aux jeunes, aux femmes, à tous ceux qui ont envie de s’investir dans leur travail, de trouver du sens dans leur métier et une motivation au nom de laquelle se dépasser quotidiennement.
Au culte du travail pénible, supposé témoigner du sérieux du subordonné, s’oppose l’engagement de travailleurs considérés, heureux dans leur environnement professionnel, mieux formés, dont les perspectives d’évolution de carrière débouchent sur une dernière partie de la vie consacrée aux siens ou à l’engagement associatif ou humanitaire, car la personne est en bonne santé et, surtout, est capable de vivre dignement, malgré la baisse substantielle de ses revenus.
Votre réforme ne le permet pas ; en tout cas, elle ne le permet pas aux plus vulnérables, en dépit des espoirs que vous avez fait naître en annonçant 1 200 euros de pension minimale. En définitive, quelques petits milliers de personnes seulement les toucheront, alors qu’il aurait pu s’agir de votre mesure phare. Et je ne parle pas des femmes…
Quant aux Français de l’étranger, votre réforme les pénalise doublement : la mobilité, qu’ils ont choisie, les privera de 43 annuités en continu et leur carrière hachée les place de fait dans la catégorie « femmes ». Il y a eu là, donc, une véritable occasion ratée.
Nous quitterons toutes et tous cet hémicycle avec un sentiment d’immense déception : de notre côté, le regret de n’avoir pas pu exercer correctement notre fonction législative ; du vôtre, certainement, le remords d’avoir voté un mauvais projet de loi.