Cet article corrige à la marge le plafond des dépenses de la branche autonomie pour 2023.
L’occasion nous est ainsi donnée de reparler de l’espérance de vie en bonne santé, qui est l’alibi principal de l’allongement de la durée du travail.
L’espérance de vie en bonne santé devrait être au cœur d’une réforme des retraites qui tiendrait notamment compte des catégories socioprofessionnelles. Cette variable serait d’ailleurs un indicateur essentiel s’il s’agissait de vivre dans une société de prospérité ; l’agrégat qu’est le PIB y est totalement aveugle, je n’y reviens pas.
L’espérance de vie en bonne santé varie selon les revenus – vous en avez parlé, monsieur le ministre, à propos des 5 % les plus pauvres. De ce point de vue, je me permets de rappeler que, pour les 30 % les plus pauvres – les trois premiers déciles, comme disent les statisticiens – et pour eux seuls, le passage à la retraite correspond à une amélioration du niveau de vie, ce qui n’est pas le cas pour les classes moyennes et encore moins pour les classes supérieures. Aussi, quand vous ajoutez deux ans à tout le monde, vous retardez de deux ans cette bascule pour les 30 % les plus pauvres ; je vous renvoie aux travaux du Conseil d’orientation des retraites si vous en doutez. Il s’agit donc bien d’une loi antipauvres.
On parle souvent des femmes et de leur longue espérance de vie. Je rappelle toutefois que les années supplémentaires d’espérance de vie dont bénéficient les femmes par rapport aux hommes sont en majeure partie des années en mauvaise santé, comme le soulignent les chercheurs Ulysse Lojkine et Julien Blasco : à 30 ans, une femme française peut espérer vivre 55, 7 ans, dont, pour les ouvrières, 21 ans avec incapacité, soit 10 ans de plus en mauvaise santé qu’un cadre.
Non, monsieur le ministre, votre réforme ne fait pas de gagnants : elle ne fait que des perdants, à commencer par les pauvres.