Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette réforme des retraites est l’une des plus importantes de ce quinquennat, car, à travers elle, c’est le système productif et le contrat social qui sont en jeu.
C’est le travail, l’emploi, mais ce sont aussi les conditions de travail. C’est le temps libéré du travail subordonné, la place des activités non marchandes. Ce sont toutes les problématiques sociales qui sont convoquées ici : l’espérance de vie en bonne santé, le handicap, la part du travail dans la répartition des richesses, l’invalidité, l’inaptitude.
C’est l’exclusion sociale, la précarité, la pauvreté, qui ont été questionnées.
C’est la place du prendre soin, de l’autonomie, des aidants.
C’est la place des services publics et les conséquences de la baisse des effectifs et du gel du point d’indice des fonctionnaires.
C’est la place des femmes, des personnes immigrées et, plus largement, la question des discriminations sur le marché de l’emploi, qui sont mises en avant.
La retraite ne peut être traitée avec une règle de trois budgétaire. C’est un projet de société.
Alors que ces questions auraient mérité d’être débattues, interrogées, faire l’objet de controverses, nous nous sommes heurtés à un mur antidémocratique visant à bâillonner la minorité parlementaire.
D’abord, par le silence et la passivité de la droite sur nos propositions d’amendements tenant à résoudre le problème des ressources – je rappelle que le problème n’est pas la dynamique des dépenses de retraite.
Ensuite, par la mobilisation de tous les outils possibles, du 47-1 et du 44.3 de la Constitution au 42.9 de notre règlement, pour imposer l’examen express de nos amendements, après le recours abusif aux irrecevabilités, le retrait d’amendements de la majorité de droite pour faire tomber les nôtres, puis l’interdiction d’expliquer nos votes dans un Sénat dévitalisé de toute confrontation d’arguments.
Et cela, pour aboutir le plus vite possible au vote, seul enjeu de la droite et du Gouvernement, un vote actant au plus vite la collusion de la droite sénatoriale et du Gouvernement, pour gagner une course de vitesse face à une mobilisation qui monte, croissante, inédite, déterminée, une mobilisation d’une majorité de Français, de la quasi-totalité des actifs, des jeunes, des femmes, de toutes les catégories socioprofessionnelles et, surtout, de l’ensemble des syndicats de salariés, unis dans une intersyndicale historique et faisant du refus du recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite une question non négociable.
Une course de vitesse pour plier le débat, car jamais un texte n’a été aussi impopulaire.
La pièce qui s’est jouée au Sénat crée un précédent