C'est une question très intéressante. On la retrouve chez les émetteurs de dettes « corporate » qui, surtout lorsqu'ils sont notés en double A, en A, voire en triple B, sont très satisfaits. Ils peuvent difficilement accepter une dégradation mais cela constitue la preuve d'une ouverture sur les marchés financiers, que l'émetteur de dettes -collectivité locale ou entreprise- joue le jeu du marché et qu'il n'existe pas d'opacité. C'est fort bien vu par les investisseurs qui, s'agissant des collectivités locales, sont bien conscients que les restructurations de dettes bancaires, ces dernières années, ont été faites de la façon la plus discrète possible -lorsqu'on n'a pas tout simplement essayé de les étouffer. Plusieurs restructurations de dettes de petites villes françaises ont ainsi eu lieu -même si celles-ci n'étaient pas notées.
Le fait d'aller sur les marchés et d'être noté constitue un risque. La ville de Paris avait prévu de se refinancer en septembre 2008, au moment de la crise de Lehman Brothers. Or, malgré sa bonne réputation, on a subi un report de quelques jours, le marché était complètement fermé à ce moment. C'est donc un pari qui est fait.
On peut considérer dans une certaine mesure qu'une bonne note constitue un quitus donné à une gestion, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'une collectivité locale. En termes politiques, les collectivités locales ou un Etat sont des entités publiques qui ont la capacité de lever des taxes et donc d'augmenter leurs revenus de façon rapide. On est dans un cadre juridique et politique bien particulier mais on ne peut pas en conclure qu'un autre maire ou une autre couleur politique aurait connu une dégradation ou une augmentation de note.
Un Etat ou une collectivité locale présentent beaucoup d'inertie en termes de solvabilité. Leur solvabilité ne se dégrade généralement pas en quelques semaines. Cela prend beaucoup plus de temps. Il faut tenir compte du fait qu'on est là dans un temps long, ce qui est moins le cas dans le « corporate ». On l'a vu ces derniers mois avec Renault, Peugeot, Carrefour, où les choses peuvent facilement dégénérer sur les marchés.
Malgré tout, la question que vous soulevez est intéressante. Dans le cadre français, elle revêt un intérêt encore plus grand mais je crois que le jeu vient plus des autorités politiques que des agences. On l'a vu avec l'instrumentalisation qui peut avoir lieu en matière d'augmentation de note. Lorsque le Brésil est passé à 10 sur 20, après avoir été noté durant des années entre 5 et 9 sur 20, pour le président Lula, cela a constitué une publicité extraordinaire au plan politique, économique, financier. On ne peut dire que les agences se prêtent à ce jeu...