Cette méfiance - pour ne pas dire plus - à l'égard du Parlement est insupportable !
En avançant cette idée, je sais que je peux compter sur l'accord d'une large majorité dans cet hémicycle. Ainsi, M. Garrec indique ceci, à la page 32 de son rapport : « Afin de permettre à la délégation de diversifier ses sources d'information, votre commission vous propose de prévoir que la délégation peut recueillir toutes les informations utiles à l'accomplissement de sa mission. »
Par ailleurs, les membres de la délégation auront toujours un oeil ouvert sur ce qui se passe en Europe parce que les risques, les dangers doivent être de plus en plus appréhendés, pour être maîtrisés efficacement, à l'échelle de l'Union européenne.
Le projet de loi prévoit que cette instance aborde l'activité générale, l'organisation, le budget et les moyens de ces services spécialisés. Ainsi nous pourrons nous pencher utilement sur les questions du recrutement et de la formation des agents pour suivre leur adaptation aux nouvelles missions en fonction de nouvelles menaces.
Que cette instance ne puisse pas connaître les activités opérationnelles en cours me semble s'inscrire dans la droite ligne de la logique gouvernementale.
Cependant, en ce qui concerne les activités opérationnelles passées, le débat doit s'ouvrir. Je pense notamment au travail qui pourrait être effectué sur des situations passées afin de mieux comprendre les situations à venir et de mieux préparer l'adaptation de nos services aux nouvelles situations.
Je suis d'accord avec la proposition de rédaction d'un rapport public qui puisse informer des travaux des délégations, tout en respectant le secret défense, bien sûr, et la confidentialité des informations recueillies.
D'autres propositions méritent que l'on s'y attarde.
Le projet de loi tend à bien délimiter la mission des délégations, notamment en ce qui concerne les informations touchant aux relations entretenues par nos services spécialisés avec des services étrangers.
Je comprends bien le pourquoi de cette limitation voulue par le Gouvernement. Toutefois, cette contrainte s'applique-t-elle seulement aux échanges d'informations et de « services » entre les services nationaux et étrangers ou doit-elle aller jusqu'à nous interdire d'analyser la politique générale qui sous-tend ces relations et, en conséquence, la direction prise par une politique de coopération et d'alliances ?
Comme le signale M. Garrec dans son rapport, la délégation, si elle avait existé, n'aurait donc pas été informée, par exemple, de la création de la cellule « Alliance-base » en collaboration avec la CIA et d'autres services occidentaux sur le territoire français.
Un autre exemple est celui des enquêtes parlementaires qui ont lieu autour du dossier dits des « vols de la CIA ». Des membres de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont pu mener une mission d'information en essayant d'établir les liens et les actions développées par des services des pays européens en coopérant avec des services non européens - c'est le rapport Marty présenté au Conseil de l'Europe en juin 2007.
Je m'interroge, je vous interroge, monsieur le secrétaire d'État : pourrons-nous mener un travail de ce type à l'avenir ?
Il faut faire attention à ne pas brider les capacités de l'instance que nous sommes en train de créer, à force d'en limiter les compétences ; l'effet obtenu pourrait en effet être négatif.
Malgré les imperfections que je viens de signaler, ce projet de loi a le mérite d'exister ; il constituera un premier pas dans la bonne direction si nos débats servent à apporter de substantielles modifications.
Je souhaite par conséquent que nos amendements, destinés à améliorer ce texte, soient pris en compte par la Haute Assemblée. Toutefois, je sais déjà qu'il ne faudra pas s'arrêter en si bon chemin. Les premiers travaux de ces délégations nous permettront de voir, au bout d'une année, si nous devons en rester là ou si des points doivent être améliorés.
En effet, après un si long silence des assemblées en matière de renseignement, nous allons « essuyer les plâtres », et je vois le travail de ces délégations dans un mouvement perfectible. In fine, nous aurons à réajuster et les méthodes et le champ de travail de cette instance, en coopération avec les services de renseignement eux-mêmes.