... je crois qu'il faut commencer de manière modeste. Comme l'a fort bien dit M. Karoutchi tout à l'heure, le texte qui nous est présenté vise à concilier la protection du secret et l'ouverture démocratique sur nos assemblées. Par conséquent, son article unique, sur lequel de nombreux amendements ont été déposés, fait preuve de la timidité aujourd'hui nécessaire. On ne peut en effet pas passer brutalement d'un système dans lequel il n'y avait pas d'information suffisante du Parlement à un système global dans lequel il y aurait un contrôle de l'ensemble des activités par un certain nombre de parlementaires.
Entre la notion d'information et la notion de remise au coeur du dispositif du renseignement d'un système de contrôle, le projet du Gouvernement me paraît représenter un juste milieu. C'est la raison pour laquelle je voterai l'article unique, modifié par les amendements des deux commissions.
Permettez-moi maintenant d'apporter un témoignage.
En 2001, après que le Gouvernement eut supprimé les fonds spéciaux qui servaient à beaucoup de choses, comme je l'ai moi-même autrefois constaté - m'étant occupé des fonds spéciaux quand j'étais au Gouvernement, je sais un peu de quoi je parle -, a été créé un organisme de contrôle des fonds spéciaux utilisés en matière de renseignement, comprenant deux députés, deux sénateurs et deux membres de la Cour des comptes. Les membres de cette commission, qui travaillent dans le secret le plus absolu, ont examiné de manière précise l'usage que faisaient de ces fonds la DST, la DGSE, le groupement des communications téléphoniques, mais aussi le Quai d'Orsay, qui disposait de quelques-uns de ces fonds, la direction du renseignement militaire et les renseignements généraux n'ayant, quant à eux, pas de fonds spéciaux.
Le périmètre d'intervention de cette commission est donc limité, plus limité que celui qui est prévu par le texte dont nous discutons.
Étant membre de cette commission aux côtés de mon collègue M. Marc pour le Sénat et de MM. Galy-Dejean et Quilès pour l'Assemblée nationale, je constate que, progressivement, notre pouvoir d'intervention et de contrôle a été accepté par les services. Il n'y a en effet eu aucune objection et aucune manoeuvre de la part de ces derniers. Je tenais à en témoigner, car j'ai connu des services administratifs qui auraient résisté à de telles velléités de contrôle. Ceux-là nous ont ouvert leur comptabilité, bien entendu dans le respect de l'anonymat et du secret des opérations. Il serait en effet absurde que des parlementaires demandent pourquoi il a été décidé d'envoyer telle mission à tel endroit. Mais les rapports que nous avons faits depuis 2002 permettent d'y voir plus clair sur le fonctionnement de l'ensemble de ces services qui sont sans arrêt confrontés à des problèmes de mises à jour technologiques.
En effet, la technologie évoluant constamment, il y a toujours un décalage, par exemple en matière de cryptographie, et il faut alors envisager des opérations s'écartant des procédures un peu lourdes des marchés publics. Les fonds spéciaux trouvent alors toute leur utilité.
Je peux témoigner du fait que, dans tous les services, notamment à la DGSE et à la DST, qui ont été les deux services les plus consommateurs de fonds spéciaux et les plus vérifiés, nous avons obtenu tous les renseignements voulus. Non seulement nous avons pu voir comment s'effectuait, au niveau central, la comptabilisation des dépenses, mais je suis moi-même allé à l'étranger vérifier comment fonctionnaient certains postes de différents services, comment étaient organisées les liaisons entre un poste à l'étranger et l'organisation centrale. J'ai pu constater que cela fonctionnait dans des conditions convenables et que l'argent était utilisé selon des objectifs parfaitement clairs, afin d'obtenir des résultats en matière de renseignement.
La question soulevée au travers des amendements déposés par les deux commissions est de savoir si la commission de vérification des fonds spéciaux, qui subsiste et qui comprend donc quatre parlementaires et deux membres de la Cour des comptes, doit transmettre son rapport à la délégation parlementaire pour le renseignement.
Honnêtement, je ne le pense pas dans la mesure où le projet de loi précise que la délégation parlementaire ne s'occupera pas du financement des opérations en cours ou passées. À partir du moment où la délégation parlementaire ne doit pas connaître du financement des opérations, il me paraît souhaitable de maintenir la séparation entre la commission de vérification des fonds spéciaux et la délégation parlementaire pour le renseignement. Nous verrons plus tard s'il est nécessaire de procéder à une modification.
Si le Gouvernement avait été beaucoup plus aventureux, il aurait fusionné les deux missions et créé une délégation parlementaire qui aurait été à la fois informée des orientations générales et chargée de vérifier l'utilisation des fonds spéciaux.