Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 janvier 2023 à 9h05
Politique commerciale — Actualités de la politique commerciale de l'union européenne - communication

Photo de Didier MarieDidier Marie, rapporteur :

Le deuxième axe de notre communication concerne les nombreux textes finalisés ou en cours de finalisation au Conseil ou en trilogue. Plusieurs visent précisément à renforcer les outils dont dispose l'Union pour se défendre ou promouvoir ses valeurs.

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) a été négocié dans le cadre du paquet ajustement à l'objectif 55. Jean-Yves Leconte et Marta de Cidrac avaient formulé un certain nombre d'observations et de craintes lors de leur communication sur le sujet et la résolution adoptée par le Sénat en février 2022 avait mis en lumière la nécessité de certaines corrections.

Le résultat final des négociations n'apparaît à cet égard pas totalement satisfaisant, car il ne permettra pas de répondre aux besoins des industries exportatrices de l'Union, une fois que le mécanisme sera entré en vigueur.

La mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone couvrant six secteurs s'accompagnera, pour les entreprises des secteurs concernés, d'une annulation progressive des quotas gratuits d'émission de gaz à effet de serre.

La résolution précitée soulignait que les entreprises exportatrices européennes souffriraient d'une perte de compétitivité, en raison d'une augmentation du prix des produits de base couverts par le MACF et concernés par l'extinction progressive des quotas gratuits. Elle relevait également l'enjeu des produits finis exposés à un risque de fuites de carbone, alors que le mécanisme ne concerne que les produits de base. Aucune solution de soutien direct aux entreprises exportatrices européennes compatible avec les règles de l'OMC n'a été trouvée au cours des négociations.

La représentation permanente auprès de l'Union européenne nous a confirmé qu'aucune possibilité de maintien de quotas gratuits n'était envisageable au regard des règles de l'OMC et a fait valoir que les quotas gratuits d'émission étaient déjà contestés avant la mise en place du MACF. En contrepartie de l'annulation progressive des quotas gratuits, un accord a été trouvé en trilogue afin de renforcer la compétitivité des entreprises exportatrices concernées par le MACF, au travers du fonds d'innovation abondé par le système d'échanges de quotas d'émission.

La temporalité du soutien n'est donc pas la même puisque l'aide qui interviendra au travers du fonds d'innovation vise à renforcer la compétitivité hors coûts à moyen et long termes, mais ne constitue pas une compensation directe de l'impact du MACF.

En outre, des évaluations régulières sont prévues, notamment dès le rapport d'étape de la Commission prévu en 2025, pour évaluer si des fuites de carbone liées à la mise en place de ce mécanisme apparaissent et si les entreprises exportatrices se trouvent pénalisées.

Denis Redonnet, responsable européen du respect des règles du commerce à la DG Commerce, a par ailleurs estimé que l'impact global du MACF dépendrait de la mise en oeuvre, ou non, dans les États hors Union européenne, d'une tarification carbone adaptée. À défaut, le mécanisme pourrait entraîner d'éventuelles tensions commerciales.

Nous avons toutefois pu constater dans nos échanges avec la représentation de la France auprès de l'OMC que le mécanisme qui suscite le plus d'interrogations actuellement à l'OMC est le dispositif visant à lutter contre la déforestation.

Un accord a pu être obtenu en trilogue concernant la lutte contre la déforestation importée avant le lancement de la COP15, dans un sens qui semble nettement plus favorable aux positions du Conseil qu'à celles défendues par le Parlement européen. La mise en place de cet outil vient renforcer la boîte à outils dont dispose l'Union pour faire valoir ses positions en faveur d'un commerce plus respectueux du développement durable. Elle nécessitera toutefois des efforts de pédagogie à Genève.

Deux autres textes importants sont en cours de finalisation : celui sur le mécanisme anti-coercition et celui qui porte sur le système de préférences généralisé.

Le mécanisme anti-coercition vise à renforcer les moyens dont dispose l'Union pour faire face aux pressions exercées par des États tiers sur certains États membres de l'Union, notamment par des mesures commerciales. Les négociations ont commencé en trilogue au mois de décembre. Une divergence apparaît actuellement entre le Parlement européen et le Conseil concernant le processus de décision.

Le Conseil souhaite avoir la main sur la décision de reconnaissance de la coercition et la nécessité de prévoir des mesures en contrepartie, ce que ne prévoyait pas le texte initial de la Commission. Celle-ci serait en revanche chargée de la définition des mesures de rétorsion proprement dites.

Le Parlement européen s'oppose à cette nouvelle prérogative du Conseil et a également des vues différentes concernant le champ des mesures de rétorsion.

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