Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui les travaux de notre commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française par l'audition de M. Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), et M. Jean-Patrick Sales, vice-président chargé du médicament, que je remercie pour leur présence ce matin.
Organisme interministériel et interinstitutionnel, placé sous l'autorité conjointe des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l'économie, le CEPS est principalement chargé par la loi de négocier et de fixer le prix des médicaments, lequel constitue un levier essentiel de notre politique de santé publique comme de notre politique industrielle.
Le CEPS est compétent sur un champ large, mais délimité : il s'agit des médicaments remboursables délivrés en officines de ville, des médicaments inscrits sur la liste en sus et des médicaments dits « de rétrocession » distribués en pharmacie hospitalière. Le prix d'un médicament étant un élément d'attractivité pour sa commercialisation en France, mais aussi pour l'implantation industrielle de sa fabrication, nous nous proposons de vérifier si le modèle de régulation économique des dépenses de santé et du prix du médicament, dont le CEPS est une pièce centrale, est en cause dans le déclin de la production pharmaceutique française et dans les tensions et ruptures qui affectent de manière chronique l'approvisionnement du marché français en médicaments.
Pour mener son action, le Comité conclut des conventions avec les entreprises qui commercialisent des médicaments pris en charge par l'assurance maladie ; celles-ci portent sur le prix des médicaments et sur son évolution, sur les remises, sur les engagements des entreprises concernant le bon usage des médicaments et les volumes de vente, ou encore sur les modalités de participation des entreprises à la mise en oeuvre des orientations ministérielles.
Alors que le nombre de ruptures ou risques de rupture déclarés augmente très fortement ces dernières années, faisant de ce phénomène un problème structurel qui compromet l'accès de nos concitoyens à ces biens de première nécessité, les ministres de la Santé et de l'Industrie, réunissant le 3 février dernier un comité de pilotage sur la gestion et la prévention des pénuries de médicaments, ont annoncé un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire. Ils ont également indiqué leur volonté d'opérer des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe, ces hausses de prix devant se faire en contrepartie d'engagements des industriels sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français.
Nous souhaiterions que vous puissiez dresser, dans une brève présentation introductive, un tableau de votre action et de la façon dont vous menez ces négociations conventionnelles sur les prix, qui sont souvent critiquées pour leur opacité. Vous êtes les mieux placés, en particulier, pour nous donner une idée de l'impact du prix de remboursement des médicaments, qu'ils soient « matures » ou « innovants », sur les stratégies commerciales des laboratoires pharmaceutiques et donc sur l'approvisionnement des pharmacies françaises. Vous pourrez notamment nous éclairer sur ce qu'a changé l'accord-cadre signé le 5 mars 2021 entre le CEPS et le Leem.
Après ce propos liminaire, je donnerai la parole à Laurence Cohen, rapporteure de notre commission d'enquête, qui vous posera une première série de questions.
Je précise que nous vous adresserons à l'issue de l'audition un questionnaire complet auquel nous vous demanderons de répondre par écrit avant le 17 mars.
Je précise également que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.
Avant de vous donner la parole, monsieur le président, monsieur le vice-président, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal, et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « je le jure ».
MM. Bouyoux et Sales prêtent serment.