Commission d'enquête Pénurie de médicaments

Réunion du 28 février 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • aidés
  • fixation
  • laboratoire
  • médicament
  • officine
  • pharmaceutique
  • transparence

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui les travaux de notre commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française par l'audition de M. Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), et M. Jean-Patrick Sales, vice-président chargé du médicament, que je remercie pour leur présence ce matin.

Organisme interministériel et interinstitutionnel, placé sous l'autorité conjointe des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l'économie, le CEPS est principalement chargé par la loi de négocier et de fixer le prix des médicaments, lequel constitue un levier essentiel de notre politique de santé publique comme de notre politique industrielle.

Le CEPS est compétent sur un champ large, mais délimité : il s'agit des médicaments remboursables délivrés en officines de ville, des médicaments inscrits sur la liste en sus et des médicaments dits « de rétrocession » distribués en pharmacie hospitalière. Le prix d'un médicament étant un élément d'attractivité pour sa commercialisation en France, mais aussi pour l'implantation industrielle de sa fabrication, nous nous proposons de vérifier si le modèle de régulation économique des dépenses de santé et du prix du médicament, dont le CEPS est une pièce centrale, est en cause dans le déclin de la production pharmaceutique française et dans les tensions et ruptures qui affectent de manière chronique l'approvisionnement du marché français en médicaments.

Pour mener son action, le Comité conclut des conventions avec les entreprises qui commercialisent des médicaments pris en charge par l'assurance maladie ; celles-ci portent sur le prix des médicaments et sur son évolution, sur les remises, sur les engagements des entreprises concernant le bon usage des médicaments et les volumes de vente, ou encore sur les modalités de participation des entreprises à la mise en oeuvre des orientations ministérielles.

Alors que le nombre de ruptures ou risques de rupture déclarés augmente très fortement ces dernières années, faisant de ce phénomène un problème structurel qui compromet l'accès de nos concitoyens à ces biens de première nécessité, les ministres de la Santé et de l'Industrie, réunissant le 3 février dernier un comité de pilotage sur la gestion et la prévention des pénuries de médicaments, ont annoncé un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire. Ils ont également indiqué leur volonté d'opérer des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe, ces hausses de prix devant se faire en contrepartie d'engagements des industriels sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français.

Nous souhaiterions que vous puissiez dresser, dans une brève présentation introductive, un tableau de votre action et de la façon dont vous menez ces négociations conventionnelles sur les prix, qui sont souvent critiquées pour leur opacité. Vous êtes les mieux placés, en particulier, pour nous donner une idée de l'impact du prix de remboursement des médicaments, qu'ils soient « matures » ou « innovants », sur les stratégies commerciales des laboratoires pharmaceutiques et donc sur l'approvisionnement des pharmacies françaises. Vous pourrez notamment nous éclairer sur ce qu'a changé l'accord-cadre signé le 5 mars 2021 entre le CEPS et le Leem.

Après ce propos liminaire, je donnerai la parole à Laurence Cohen, rapporteure de notre commission d'enquête, qui vous posera une première série de questions.

Je précise que nous vous adresserons à l'issue de l'audition un questionnaire complet auquel nous vous demanderons de répondre par écrit avant le 17 mars.

Je précise également que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.

Avant de vous donner la parole, monsieur le président, monsieur le vice-président, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal, et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « je le jure ».

MM. Bouyoux et Sales prêtent serment.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Je vous remercie, Madame la Présidente. Vous avez vous-même introduit ce qu'est le CEPS. J'essaierai de me concentrer sur des points complémentaires. Si vous le permettez, je pensais vous donner des éléments de nature générale sur le CPES d'abord, et faire un bref inventaire des leviers dont nous disposons face à un risque de pénurie ensuite.

Concernant le CEPS, vous en avez fait la présentation institutionnelle. La conséquence de ce que vous venez d'exposer est que nous avons un double prisme par rapport à ces situations de pénurie. D'une part, nous sommes en charge des questions de prix (tarification en première inscription ou de régulation). D'autre part, nous conduisons une politique conventionnelle.

Nos objectifs sont ceux de la politique générale de santé : l'accès au soin, la maîtrise de la dépense et l'attractivité du territoire. Pour chacun de ces objectifs, nous avons un levier : le prix. Il nous permet d'apporter une contribution à l'atteinte de ces objectifs, mais ne peut être le seul levier de ces politiques. Par exemple, concernant l'attractivité du territoire, d'autres leviers ont trait à la qualité des écosystèmes de santé et d'innovation, et plus généralement à la politique d'attractivité (crédit impôt recherche, plan France 2030, politique de cluster, etc.).

Par ailleurs, le CEPS est un lieu de politique conventionnelle. Nous négocions d'abord des règles du jeu, ce que nous appelons « l'accord-cadre ». Le dernier a été signé en 2021. Nous négocions ensuite produit par produit.

Notre action est encadrée par différents textes. Au niveau législatif et réglementaire, nous respectons des critères déterminant les niveaux de prix qui doivent être recherchés. Ils sont hiérarchisés.

Le premier d'entre eux a trait à la valeur thérapeutique et à l'apport d'un produit donné, tels qu'ils peuvent être définis par l'ASMR (amélioration du service médical rendu) qui lui est attribué par la commission de transparence de la HAS (Haute autorité de santé). Ce niveau d'ASMR découle d'une analyse scientifique. Le CEPS, lui, n'est pas un comité de nature scientifique. Il est important que les laboratoires comprennent que nous ne pouvons pas revenir sur les niveaux d'ASMR qui leur ont été attribués.

Le deuxième critère est celui des orientations ministérielles qui nous sont adressées par les ministres en charge des comptes publics, de la santé et de l'industrie. La dernière lettre d'orientation ministérielle date de début 2021.

Vient ensuite l'accord-cadre négocié avec les représentants des entreprises, qui fixe les règles du jeu pour la mise en oeuvre pratique des critères législatifs. Il nous permet notamment d'accorder des avantages conventionnels, par exemple d'attribuer une stabilité de prix différenciée suivant le niveau d'ASMR du médicament ou des durées de stabilité sur la base d'investissements réalisés en Europe, et notamment en France. L'idée est de ne pas avoir à réinventer les règles de la négociation à chaque nouveau produit.

Le dernier niveau qui encadre notre action est ce que nous appelons « la doctrine ». En effet, il est nécessaire de traiter des sujets qui n'ont pas été couverts par les niveaux législatif et réglementaire. La pratique du comité est consignée dans ses rapports annuels, ce qui constitue notre doctrine.

Vous avez mentionné la dimension interministérielle du CEPS. Ce comité rassemble trois organismes payeurs (la caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), l'union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie et la direction de la Sécurité sociale, qui possèdent cinq voix) et trois directions qui possèdent une voix chacune (la DGS (Direction générale de la santé), la Direction générale (DGE) des entreprises et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)). Le vice-président et le président ont également une voix chacun, à utiliser en cas d'égalité.

Nous examinons environ 700 dossiers par an, dont 400 médicaments non génériques. Certains sont plus rapides à traiter que d'autres, car la fixation du prix des produits génériques est très encadrée. À chaque instant, nous avons au moins 50 négociations en cours, à des stades divers. Outre les médicaments, nous traitons également des dispositifs médicaux.

Je voudrais maintenant balayer les principaux leviers dont nous disposons pour agir sur les risques de pénuries. La lettre d'orientation ministérielle de 2021 fixe certains principes généraux. Après avoir rappelé que notre mission s'inscrivait dans une politique générale de santé publique et d'économie de la santé, elle précise que la mission principale est de permettre l'accès aux soins dans les meilleures conditions, ce qui peut être différent pour les thérapies innovantes et pour les produits plus anciens à l'efficacité avérée. Pour les thérapies innovantes, nous devons veiller à ce que leur apport nouveau soit justement rémunéré sur notre territoire. Pour ce qui est des médicaments plus anciens à l'efficacité avérée, il nous est demandé de veiller à la pérennité de leur disponibilité sur notre territoire.

Il nous est aussi demandé d'avoir un souci constant de permettre au système de soins de bénéficier d'une offre diversifiée, et il nous est indiqué que les empreintes industrielles en France sont un atout dès lors qu'elles permettent de sécuriser la disponibilité des produits aux meilleures conditions et dans la durée. C'est la première fois que les questions de sécurité d'approvisionnement figurent explicitement dans une lettre d'orientation ministérielle adressée au CEPS.

Nous avons reçu ces instructions alors que nous étions encore en négociation de l'accord-cadre, et nous avons tenté, dans la mesure du possible, de les y transférer. Premièrement, nous pouvons accorder des avantages conventionnels aux médicaments résultant d'investissements en Europe, et notamment en France, sous la forme d'une stabilité de prix ou de crédits dans le cadre du conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Deuxièmement, un article plus spécifique explique dans quelles conditions nous pouvons accorder des hausses de prix si nous sommes confrontés à un risque de retrait du produit par l'exploitant. Il s'agit des articles 27, 28 et 29 de l'accord-cadre de 2021.

Depuis cet accord, des dispositions nouvelles ont été mises en place. L'article 65 de la LFSS 2022 modifie la liste des critères législatifs sur lesquels nous fondons notre action en ajoutant le critère industriel. Nous avons pris le temps de mettre au point le mode opératoire d'application de cet article, et nous commençons maintenant à présenter la façon dont nous allons l'appliquer. Par ailleurs, l'article 28 de l'accord-cadre, autorisant les hausses de prix face au risque de retrait d'un médicament, a vu son champ élargi en termes d'éligibilité et de mise en oeuvre. Un travail est également en cours pour constituer une liste de produits critiques, à la fois sur le plan sanitaire et stratégique, en croisant une approche définissant les produits essentiels en termes de santé et une appréciation de la vulnérabilité de la chaîne de valeur. Nous devrons l'intégrer à notre boîte à outils. Enfin, les annonces récentes des ministres concernant les produits génériques seront bientôt mises en oeuvre. Nous nous appuierons pour cela sur les différents articles que je viens d'évoquer.

En résumé, nous avons des dispositions pour reconnaître les investissements et attribuer des avantages conventionnels, pour pratiquer d'éventuelles hausses de prix face à des risques de retrait. Nous avons ensuite la déclinaison d'un article de la LFSS qui nous conduit à valoriser dès la fixation du prix la sécurité d'approvisionnement que peut garantir l'implantation des sites de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Je vous remercie pour ces propos, qui ont le mérite de poser un certain nombre de sujets, notamment la liste des critères sur lesquels vous vous appuyez, ainsi que les évolutions conventionnelles. Je laisse la parole à notre rapporteure pour une première salve de questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je vous poserai des questions, d'abord sur la fixation des prix et la maîtrise des dépenses de santé. Chaque année, la LFSS et, dans ce cadre, l'ONDAM (objectif agrégé d'évolution des dépenses de l'assurance maladie) sont soumis au vote des parlementaires. Comment cet ONDAM est-il précisément traduit, par le ministère, puis par le comité, en des cibles de baisse de prix médicament par médicament ? En effet, la dernière LFSS demande une économie de plusieurs centaines de millions d'euros sur cette enveloppe.

Votre mission est extrêmement difficile, puisque vous êtes pris entre les directives gouvernementales que vous devez respecter et le pouvoir important des laboratoires pharmaceutiques. Le sujet qui nous occupe concerne le manque de transparence sur ce que les laboratoires investissent dans tel ou tel produit. Par exemple, en 2014, le sofosbuvir (un traitement contre l'hépatite C) était vendu 42 000 euros pour une semaine de traitement, alors qu'il semblerait que le prix de la production n'était que de 100 euros. Vous nous avez dit évaluer la valeur thérapeutique du service rendu, mais ici le différentiel est énorme. Quelles sont vos marges de manoeuvre par rapport au mandat que vous recevez du gouvernement ?

Cela me conduit à aborder la question de la transparence des données. Par exemple, la semaine dernière, nous pouvions lire dans la presse que l'Observatoire sur la transparence des prix des médicaments estimait qu'en France, nous manquions « d'éléments concrets, solides et précis sur les coûts réels de production, le prix de la matière première pharmaceutique et les aides publiques reçues par les industriels ». C'est cette évaluation qui permet, aussi, de construire le prix. Avez-vous aujourd'hui accès aux données pertinentes pour mener à bien vos missions en matière de fixation des prix de remboursement, à la fois dans leur champ et dans leur qualité ? Quels sont les éléments qui vous sont transmis par les producteurs, et vous faudrait-il accéder à des données supplémentaires pour objectiver les prix ? En clair : faudrait-il plus de transparence sur le modèle économique des industries pharmaceutiques ?

Le nouvel accord-cadre entre le CEPS et LEEM comporte un article sur les échanges d'informations qui prévoit la déclaration par les entreprises du montant des investissements publics de R&D perçus. Comment obtenez-vous ces données et comment évaluez-vous à la lumière de ces aides publiques, la fixation des prix ? En 2021, seules sept entreprises ont déclaré des aides publiques, émanant surtout de Bpifrance dans le cadre des aides à la relocalisation ou aux entreprises dans le cadre du Covid-19, pour un total d'environ trois millions d'euros. Ces montants paraissent faibles au regard des dispositifs de soutien annoncés par le Gouvernement. Il semble qu'ils n'incluent pas non plus les montants du Crédit impôt recherche (CIR). Le CEPS exerce-t-il un quelconque contrôle sur ces données relatives aux aides publiques perçues, ou est-ce là purement déclaratif ? Un suivi plus précis est-il effectué au sein de l'administration ?

Il me semble extrêmement important d'éclairer, pour notre commission d'enquête, tout ce qui concerne la transparence des données et votre accès propre à ces données. Je vous poserai ensuite des questions sur les génériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Quels sont vos moyens humains et techniques pour évaluer la qualité d'un projet industriel, au niveau de l'innovation ?

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Vous nous avez demandé comment nous traduisions les objectifs qui nous sont fixés par la LFSS, notamment en matière de baisses de prix, sachant que nous intervenons à la fois sur la fixation des prix et la maîtrise de la dépense. Effectivement, nous effectuons de la tarification en primo-inscription d'un nouveau produit ou pour une nouvelle indication d'un produit donné. A ce stade, nous nous inscrivons dans une logique de produit par produit. La loi nous demande de fixer les prix par rapport aux critères législatifs que j'ai indiqués, le premier étant l'amélioration du service médical rendu ; il y a également d'autres critères, notamment le nouveau critère industriel. Dans cette action-là, sur un produit donné, nous ne nous posons pas la question de l'impact macro-économique. Nous sommes vigilants lorsqu'un produit est extrêmement cher, mais nous ne sommes pas dans du pilotage produit par produit d'un objectif macro-économique. A ce stade, nous veillons à favoriser l'accès aux soins en ne surpayant pas un produit. Nous négocions sans complaisance avec les laboratoires, sur la base des critères légaux et de leur déclinaison dans l'accord-cadre.

Vient ensuite l'exercice de régulation, d'après les objectifs chiffrés qui nous sont donnés par le gouvernement une fois par an. Ainsi, pour 2023, nous devons réaliser 800 millions d'euros d'économies sous forme de baisses de prix. Ce montant a été déterminé par d'autres que nous, à la fois en termes d'analyse technique et de choix politique. L'analyse technique est contenue dans la LFSS et est produite notamment par la Direction de la Sécurité sociale. Le choix politique incombe au Parlement. L'idée, à ce moment-là, est de regarder quel est le montant d'économies nécessaire pour ramener une croissance de la dépense - qui s'effectue suivant une intendance spontanée - au niveau d'une trajectoire déterminée par choix politique par le Parlement, sur proposition du gouvernement. Sur la période 2022-2024, l'objectif qui avait été retenu est un taux de croissance annuel moyen pour les produits de santé de 2,4 % par an. Une fois cette tendance déterminée, un calcul macro-économique permet de déterminer combien il manque pour revenir sur la trajectoire.

Nous formulons notre contribution à cet exercice en juillet. À ce moment-là, nous identifions des classes de produits sur lesquels pourra porter l'effort demandé, d'après l'ancienneté des produits, la dynamique de leur dépense et la date de leur dernière baisse de prix. Nous en informons alors le comité de pilotage de la politique conventionnelle (CPPC), qui se réunit en juillet. A ce stade, nous n'avons pas encore d'objectifs chiffrés, mais nous commençons à regarder ce qui est réalisable à travers la politique conventionnelle, médicament par médicament ou laboratoire par laboratoire. Cette contribution est traditionnellement envoyée aux cabinets ministériels et aux membres du comité économique, qui peuvent l'adresser à leurs autorités de tutelle. Il s'agit d'un travail technique préparatoire que nous ne communiquons pas aux laboratoires.

Le dispositif de régulation prévoit, au-delà de ce montant de baisse arrêté par le gouvernement et proposé au Parlement, un mécanisme de régulation supplémentaire si nous nous apercevons que, malgré les baisses, nous n'atteignons pas la trajectoire. C'est ce que nous appelons la clause de sauvegarde, qui est censée intervenir en cas de réalisation d'un aléa sur la production. Dans ce cas-là se déclenche une demande de contribution adressée aux différents laboratoires en fonction de leur chiffre d'affaires et de leur contribution à la croissance. Cela constitue un deuxième niveau de régulation, d'ordre légal.

Nous préférons cependant la régulation conventionnelle, parce que nous avons la possibilité de faire du « sur-mesure ». Lorsque nous avons un objectif donné 800 millions d'euros cette année nous contactons dès le mois d'août tous les laboratoires pharmaceutiques qui peuvent être concernés. Nous leur présentons les objectifs et les classes de produits sur lesquelles nous envisageons de demander des baisses. Nous entrons alors dans la négociation. Les demandes sont justifiées par l'appartenance d'un produit à une certaine classe, son absence de régulation depuis un certain temps, l'existence de produits concurrents, etc. Le laboratoire répond en nous présentant ses échéances, ses perspectives de croissance, etc. Nous essayons d'atteindre l'objectif qui nous est donné de la façon la plus intelligente possible, en prenant le plus possible en compte les circonstances particulières du médicament et du laboratoire.

Cet exercice est difficile, parce que les montants sont considérables et parce que la clause de sauvegarde intervient maintenant depuis plusieurs années consécutives et sur des montants désormais assez importants. Ils atteignent aujourd'hui le même ordre de grandeur que les économies que nous demandons aux entreprises. Cela signifie que la régulation sera beaucoup plus importante que le chiffre annoncé : les 800 millions, associés aux 700 millions d'euros de clause de sauvegarde, donnent un total de 1,5 milliard d'euros. Cela nous pose une difficulté supplémentaire sur le plan de la politique conventionnelle, car il est important que les entreprises aient un intérêt à trouver un accord avec nous. Or, lorsque nous demandons à un laboratoire de faire, par exemple, 10 % d'économies, le laboratoire nous objecte que la clause de sauvegarde représentera un montant équivalent. Le fait que les ordres de grandeur des régulations conventionnelle et législative soient proches est une difficulté en soi du point de vue de l'incitation des laboratoires à jouer le jeu de la politique conventionnelle.

À cela s'ajoute une difficulté supplémentaire. Pendant des années, l'objectif qui nous était fixé reposait sur la logique suivante : la baisse de prix sur les produits anciens permettra de financer des produits nouveaux et plus coûteux. Or la réalité est plus compliquée : au-delà de la volonté de financer l'arrivée de produits innovants, nous avons des objectifs de sécurité d'approvisionnement et de préservation de la fabrication en France pour des produits matures et anciens. La question de l'assiette sur laquelle reposent les baisses de prix se pose. Quelles doivent être les cibles privilégiées, si nous ne voulons ni faire baisser tout de suite les prix des produits innovants ni trop baisser ceux des produits anciens pour que leur fabrication reste en France ?

C'est dans ce cadre que s'inscrit le débat sur le prix des produits génériques, sur lesquels un moratoire vient d'être décidé. Les fabricants de produits génériques indiquent que, par leur seule existence, ils apportent des économies. Ils se plaignent donc d'être soumis à une régulation, particulièrement cette année dans le contexte de la hausse des coûts, considérant que leurs marges sont extrêmement faibles.

Les baisses de prix concernant les génériques sont beaucoup plus encadrées que les autres. Nous observons l'évolution de la substitution des produits princeps par des génériques. Nous organisons deux comités annuels de suivi des génériques dans lesquels nous avançons des baisses de prix sur tel ou tel groupe de génériques. Cette année, les acteurs du secteur n'ont pas souhaité participer à la discussion, parce qu'ils s'y opposent frontalement. Nous avions pourtant bien conscience de la situation conjoncturelle. Nos comités se sont tout de même tenus, et des annonces ont été effectuées lors du comité de pilotage auquel vous avez fait référence, décidant d'un moratoire sur les baisses de prix. Sept groupes de produits génériques étaient sur la table des négociations pour une baisse potentielle. Il y a maintenant un moratoire sur ces groupes, et nous reprendrons la discussion lorsque nous disposerons de la liste des produits critiques.

Vous avez ensuite évoqué le fait que nous puissions être pris entre les directives gouvernementales et les laboratoires et avez évoqué les questions de transparence. Vous avez cité un exemple assez connu, et effectivement spectaculaire. Toutefois, vous avez simplement pointé la différence entre un coût de production et un prix revendiqué par le laboratoire pour le produit. C'est une information effectivement importante, mais pour nous elle relève plus du contexte que de la façon opérationnelle dont nous fixons le prix d'un produit, puisque nous nous référons aux critères législatifs, à commencer par l'ASMR. Lorsque nous devons fixer le prix d'un produit, nous commençons par lire les avis de la HAS, voir quels sont les comparateurs et étudier les produits sur le marché. Cette discussion est très complexe, parce que le nombre de comparateurs cliniquement pertinents varie de zéro à une multitude. Lorsque nous ne trouvons pas de comparaison, nous recherchons un comparateur économiquement pertinent. Une bonne partie de la négociation consiste à déterminer un coût de référence, et c'est par rapport à ce coût de référence que nous appliquons une majoration ou une minoration. Nous ne rencontrons pas le coût de production à ce stade, sauf s'il y a un problème, par exemple lorsqu'un laboratoire indique que le prix que nous lui proposons ne lui permet pas de couvrir ses coûts de production. Dans le cas des produits très onéreux, les laboratoires ne nous détaillent pas leurs coûts de production.

Par ailleurs, une tendance récente nous interpelle. De plus en plus, les laboratoires, sur des produits innovants et onéreux, arrivent avec une recommandation de prix mondial, c'est-à-dire leur prix cible aux Etats-Unis. Dans ces cas-là, nous ne prenons pas ce prix pour argent comptant, mais nous appliquons la procédure habituelle en regardant à quoi le produit est comparable et en décidant si nous le valorisons ou le minorons de 5% ou 10 %.

Les négociations sont complexes et peuvent durer longtemps, d'autant plus qu'il peut y avoir une multiplicité d'extensions d'indications pour ces produits. Nous devons donc tarifer le produit indication par indication, en fonction de la valeur thérapeutique. Or, d'une indication à l'autre, les comparateurs ne sont pas forcément les mêmes, ni les coûts de traitement. Je ne sais pas comment nous pourrions insérer dans cette négociation le coût de production, a priori uniforme, quelle que soit l'indication.

Pour autant, pour des raisons de transparence, il est effectivement bien d'avoir une idée du coût de production. Cette question intervient lorsque les laboratoires nous objectent que les coûts de production sont tels qu'ils ne pourront plus commercialiser leur produit. Dans ce cas, l'article 28 de l'accord-cadre s'applique. Nous demandons alors aux entreprises de documenter très précisément les coûts et, surtout, leurs évolutions. Nous étudions en premier lieu l'évolution du coût des matières premières, qui est le facteur le plus évident. Nous regardons alors si nous pouvons nous passer de ce produit ; lorsque les alternatives sont nombreuses, peu nous importe que ce laboratoire soit viable ou non. Lorsque nous demandons aux entreprises de documenter leurs coûts, elles nous présentent leur prix de revient industriel (PRI). Cela nous fournit un élément de contexte très important, mais ce n'est pas à partir de cela que nous prenons notre décision car, derrière le PRI, il y a le taux de marge. Certains laboratoires peuvent nous objecter que le taux de marge est insuffisant, mais nous considérons que nous ne sommes pas légitimes pour nous prononcer sur cette question. Nous ne pouvons pas entrer dans ce raisonnement. Nous examinons seulement quel problème fait qu'un produit qui était viable ne le serait plus du point de vue des coûts de production. Le coût global est toutefois un élément de contexte important et, quand une entreprise nous annonce que ses marges deviendraient négatives, nous regardons la question de près.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Il existe effectivement des seuils de vente à perte, donc nous devons regarder ce qui se passe. Mais la rapporteure soulevait le cas opposé d'un produit très onéreux. Dans ce cas-là, les protections que nous avons consistent à étudier ce que représentent les produits concurrents. Si leur prix est plus faible, nous nous appuierons sur cela pour faire baisser la revendication du laboratoire.

Vous avez ensuite évoqué des dispositions législatives sur la transparence et l'information qui doit nous être communiquée sur les aides publiques. En réalité, ce ne sont pas des aides, mais des investissements publics. Le CIR n'en fait pas partie. S'il s'agissait d'aides publiques, le périmètre serait plus large. C'était la première année que nous recevions des informations sur ces investissements et, effectivement, nous n'avons pas reçu toutes les réponses attendues des entreprises conventionnées avec nous. Nous les relançons, mais nous n'avons ni la compétence ni les moyens humains d'expertiser.

Notre équipe permanente se compose de vingt-cinq personnes, à la fois pour le médicament et le dispositif médical, en incluant le secrétariat, la conseillère juridique, les rapporteurs généraux, etc. Les cadres évaluateurs qui réalisent l'instruction des produits pour le comité sont quatre pour le médicament et trois pour le dispositif médical. Le comité qui se réunit toutes les semaines en réunion plénière et qui est composé des organismes comme la Cnam, la DSS, la DGS, la DGE peut s'appuyer sur les compétences de ces organismes. Nous nous chargeons de l'interface dans les négociations avec les entreprises et nous instruisons les dossiers, mais nos ressources ne se limitent pas à notre équipe permanente, qui a vocation à rester légère.

Debut de section - Permalien
Jean-Patrick Sales, vice-président pour le médicament, du Comité économique des produits de santé

Nous avions exprimé des réserves concernant cette absence de capacité de contrôle. Les organismes qui distribuent des aides publiques peuvent en faire état, ce qui nous apporterait une réponse. Si nous devions aller vers une expertise supplémentaire, la question des moyens se poserait effectivement, car il s'agit d'une activité vraiment différente.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Aucune des aides publiques recensées ne relève directement de nous. Le CIR englobe des questions de secret fiscal. Le CEPS n'aurait ni la capacité ni la légitimité pour le recenser. Une bonne partie des aides sous forme d'investissements passent par bpirance. Elles sont gérées par le SGPI (secrétariat général pour l'investissement) ou le ministère chargé de la Recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La différence entre aides publiques et investissements publics est très subtile. Je suis surprise que cela ne puisse pas entrer dans l'évaluation du prix.

Concernant les génériques, les prix sont assez faibles. Or nous avons lu dans la presse que la pénurie était liée à ces prix trop bas, qui poussent les industriels à cesser la production. Comment avoir une politique juste de la fixation des prix sans porter préjudice à des produits matures et nécessaire à la santé publique ? Par exemple, l'oméprazole aurait subi sept baisses de prix en dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Avant que vous répondiez, je vous propose d'écouter les questions des membres de la commission qui souhaitent vous interroger.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Belin

Le prix du médicament est la clé de la souveraineté que nous recherchons, ainsi que d'une égalité à d'accès aux soins. L'officine se situe en bout de chaîne. Or nous savons que les officines réalisant moins de 1,2 million d'euros de chiffre d'affaires n'ont pas d'avenir, mais que les officines trop grosses ont du mal à être reprises. Pour la première fois, nous avons connu une baisse de 1 000 du nombre de pharmacies en France. Nous avons inventé les déserts médicaux ; nous sommes en train d'inventer les déserts pharmaceutiques.

Il faut que les officines puissent vivre, mais également les répartiteurs. La répartition est ce qui permet à toutes les spécialités, même en un exemplaire, d'arriver dans toutes les officines de France dans un délai prévu par la loi. Les répartiteurs se rémunèrent sur le médicament. À chaque fois que vous baissez les prix, cela joue sur ces leviers de fin de chaîne, qui sont essentiels pour le malade.

On obère complètement la notion de recherche et développement. L'exemple de l'oméprazole l'illustre bien : le Mopral a provoqué une révolution lors de sa mise sur le march. Il coûtait alors 40 francs la boîte. On a ensuite inventé l'Inexium, etc., et il y a eu de la concurrence, puis des génériques. Les laboratoires ne gagnent plus d'argent dessus. Ils ne peuvent plus faire de R&D car, s'ils font un peu de marge, vous leur imposez une pénalité.

Une jeune pharmacienne, qui avait effectué son stage de première année dans mon officine, part travailler en septembre à Dubaï, car aucun laboratoire français ne peut financer ce type de professionnel de santé engagé dans l'industrie pharmaceutique. Nous perdons aujourd'hui notre matière grise pharmaceutique parce que nous ne sommes pas capables de la financer.

Vous parlez de service médical rendu, mais quand un médicament innovant sort, il n'existe pas de comparateur médical possible, puisque les médicaments anciens sont tous remplacés par des génériques. Il y a une compétition où il faut garantir un prix.

Le prix du médicament est essentiel car nous devons avoir un stock de sécurité en France, notamment en amoxicilline et en paracétamol, que nous savons fabriquer depuis soixante-dix ans. Cela implique un financement, qui ne peut pas venir des officines ni des répartiteurs. Si les financer incombe aux laboratoires à travers le système de répartition, cela implique de jouer sur le prix du médicament.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Ma question porte sur l'Europe. Vous avez parlé de la clause de sauvegarde et des aléas de dépenses. Depuis trois ans, nous voyons bien que les contraintes sont nombreuses. Comment le système fonctionne-t-il en Italie, Espagne, Allemagne ? Travaillons-nous ensemble, ou chacun a-t-il des contraintes différentes, notamment concernant l'approvisionnement en produits innovants. La France ne parvient parfois pas à les obtenir car elle ne bénéficie pas du soutien européen. Comment avancer sur ce marché ? Par exemple, nous savons qu'une seule injection de Zolgensma contre l'amyotrophie spinale infantile coûte deux millions d'euros. Si nous nous regroupions, nous pourrions peut-être obtenir de meilleurs prix. J'ai l'impression que la France est souvent seule sur ce plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Alexandra Borchio Fontimp

La politique de fixation des prix menée par la France ne va-t-elle pas nous défavoriser ? Pensez-vous que l'augmentation du prix des médicaments peut enrayer la crise actuelle ? La pénurie de médicaments est un enjeu majeur et paraît essentiel d'en identifier les causes profondes. Quels signaux, même faibles, vous sont remontés, qui laissaient pressentir cette crise ? Quels outils ou méthodes utilisez-vous pour surveiller et prévenir la pénurie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Combien de temps faudra-t-il pour voir les bienfaits de la clause industrielle sur la sécurisation du stock de médicaments ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Étant donné le dimensionnement du comité, vous avez besoin de vous appuyer sur l'expertise de ses membres, organismes qui sont dans à la fois juges et parties. Vous avez précisé que vous ne souhaitiez pas grossir, mais disposer d'une forme d'autonomie pour formuler un avis souverain, y compris sur cette question industrielle et économique, serait pourtant utile. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait renforcer vos équipes dans ce domaine ?

L'outil de production se structure sur les médicaments anciens. Si on ne maintient pas les structures de fabrication de ces médicaments parce qu'on ne les prescrit plus ou que le laboratoire n'y trouve plus son intérêt économique, on ne conserve pas dans le territoire les savoir-faire et l'outil industriel, ce qui empêche de produire les nouveaux médicaments.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Pardonnez-moi d'avoir insisté sur la notion d'investissements, mais sachez que nous le faisons systématiquement dans un autre cas de figure : nous avons des clauses qui attribuent des avantages conventionnels à des entreprises au titre de leurs investissements. Nous commençons donc par leur demander ce qu'elles appellent un investissement, car il ne suffit pas d'avoir dépensé de l'argent sur un territoire pour que c'en soit un. Nous sommes très vigilants sur ce point. Parallèlement, il faut reconnaître la distinction entre aides et investissements lorsqu'il s'agit de l'État.

Vous avez jugé dommage que ces investissements n'entrent pas en compte dans l'évaluation du prix. Je vous demande : comment voudriez-vous qu'ils soient pris en compte, et dans quel sens ? Si l'on constate qu'un produit a bénéficié d'un investissement public - ce qui signifie que les pouvoirs publics ont considéré qu'il y avait un intérêt stratégique sur ce produit -, faut-il lui accorder des avantages supplémentaires, ou au contraire considérer qu'il a déjà bénéficié d'une aide et que nous ne devons pas lui accorder un effort supplémentaire ? Pour moi, votre logique n'est pas claire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ce critère me semble intéressant à prendre en compte. Par exemple, certaines entreprises dites « vertueuses » remplissent certains critères en matière d'emploi, d'égalité hommes/femmes, etc. Les collectivités locales en tiennent compte pour leur verser des aides. Pour le médicament, lorsque des aides conséquentes ont été accordées, il faut en tenir compte, surtout lorsque les exigences des laboratoires en termes de prix sont vertigineuses.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Tout ce qui contribue à nous donner une information plus large sur un produit et nous aide à comprendre la revendication des laboratoires est effectivement bienvenu. Cela vaut aussi pour le taux de marge ou le coût de production. Toutefois, nous ne sommes pas dans une application mécanique qui entraînerait que le CEPS accorde ou retire certains avantages.

Nous aurons, je l'espère, de plus en plus de cas d'investissements « verts ». La qualité environnementale du procédé de fabrication n'est pas un critère en tant que tel. Nous essayons d'en tenir compte, mais cela n'apparaît pas directement dans la loi.

M. Belin, vous évoquiez des produits anciens dont la caractéristique commune est, a priori, d'avoir de faibles marges. Il s'agit de produits matures sur lesquels nous avons déjà effectué des baisses de prix, mais ce sont aussi des produits qui, lorsqu'ils étaient innovants, avaient des prix beaucoup plus élevés. Les investissements de recherche ont été largement amortis avec le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Belin

Lorsqu'il s'agit de paracétamol, de Gaviscon, de Spasfon, oui, car ils ont été créés dans les années 1950 ou 1960. En revanche, le Mopral n'a que vingt ans. Vous savez bien qu'il faut dix à douze ans pour créer un médicament.

De toute façon, l'essentiel est que le public puisse accéder aux médicaments dont il a besoin. On a manqué d'amoxicilline, ce qui a engendré des milliers de cas de surinfections pulmonaires. On manque de choses qui dépassent bien ces questions. On a manqué de paracétamol alors que ce n'est pas cela qui coûte une fortune.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Nous nous assurons que la politique de prix que nous conduisons ne vient pas aggraver la situation, mais la pénurie ne se résume pas à une question de prix. Si c'était le cas, il n'y aurait pas de pénuries aux Etats-Unis ou dans tous les pays en même temps alors que les systèmes de prix y sont différents. Même chez nous : le prix de la plupart des produits hospitaliers est libre, sous forme d'appels d'offres pour les produits de GHS. C'est pourtant là qu'il y a le plus de pénuries.

Nous devons veiller à ne pas aggraver la situation. Si certains produits matures, dont les prix ont déjà baissé à plusieurs reprises et dont les taux de marge sont très faibles, subissent un choc de coûts qui fait que leur production n'est plus possible, nous devons agir. L'enjeu, pour nous, est de mobiliser davantage l'article 28 de l'accord-cadre, qui nous permet de procéder à des hausses de prix en cas de risque de retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Belin

Le prednisolone est un exemple de médicament dont les prix sont écrasants en France, mais pas chez les Anglo-saxons. Pourtant ils en ont, contrairement à nous.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

S'il y a un risque de retrait, les laboratoires nous le disent. Si nous considérons qu'il y a un enjeu de santé et que la cause en est le coût, alors nous pouvons procéder à des hausses de prix. L'article 28 de l'accord-cadre pouvait être appliqué de façon quasi mécanique. Dans le contexte actuel, le gouvernement nous demande d'appliquer cette disposition avec davantage de souplesse, en particulier de son alinéa s'en remettant à l'appréciation du comité. Nous croisons une approche de santé publique, pour apprécier l'enjeu de santé (pour cela, nous nous appuyons beaucoup sur les ressources et compétences de la DGS), et une approche portant sur la chaîne de valeur ajoutée (grâce à l'expertise de la DGE) et sur les tensions éventuelles (en nous appuyant sur les analyses des constats de l'ANSM).

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

La Cnam est fortement présente dans nos réunions et met à notre disposition ses ressources.

Nous nous servirons de l'alinéa 5 pour appliquer l'article 28 et ainsi déterminer les hausses ciblées sur les produits génériques évoquées par le gouvernement. L'article 65 de la LFSS 2022 nous donne également la possibilité d'agir librement sur les hausses de prix, alors que nos précédents leviers consistaient essentiellement en de la stabilité de prix. Pour des médicaments déjà présents et sur lesquels il existe un risque de retrait, il y a l'article 28, que nous utiliserons de manière plus volontariste en fonction de priorités stratégiques, notamment sur les produits à faible marge, sur les génériques et sur les produits considérés comme critiques.

Madame Imbert, vous nous avez interrogés sur le délai pour percevoir les effets de cet article 65. Il découle du PLFSS 2022 mais n'a pas encore été mis en oeuvre car il posait des questions techniques sur lesquelles nous avons travaillé. Nous avons maintenant un mode opératoire et nous le mettrons en oeuvre dans les prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Sous quels délais en attendez-vous les bienfaits ?

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

L'effet sur le prix sera immédiat, puisque nous pourrons accorder un avantage de prix lorsque nous négocierons. En revanche, nous ne verrons pas immédiatement les effets de la politique d'attractivité. Nous verrons plus rapidement les effets de l'article 28, car les entreprises pourront maintenir leur production.

Madame la Présidente, vous avez qualifié nos membres de « juges et parties ». Je préfère dire que les différents membres ont des compétences et des angles d'approche spécifiques. Nous pouvons, sur un sujet donné, demander une expertise au membre le plus compétent sur cette dimension. Face à ces tropismes individuels, le rôle des président et vice-président est de rappeler en permanence quelles sont les orientations générales données par le gouvernement.

Enfin, je n'ai pas dit que nous ne souhaitions pas nous agrandir. Nous avons vocation à conserver une équipe légère, mais nous pourrions bénéficier de plus d'expertise dans certains domaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Il n'empêche que la dimension économique et industrielle prend une part plus importante et qu'elle ne fait pas partie de vos fonctionnements classiques.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Nous avons effectivement de plus en plus de clauses qui requièrent une expertise industrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Merci beaucoup pour la qualité de vos réponses. Nous vous ferons parvenir un questionnaire auquel nous vous demanderons de répondre, notamment sur la question européenne de notre collègue Patricia Schillinger.

Debut de section - Permalien
Jean-Patrick Sales, vice-président pour le médicament, du Comité économique des produits de santé

Nous avons peu de rapports européens avec nos homologues européens. La DGS a participé à des groupes de travail dans le cadre de la présidence française de l'union européenne (PFUE), et c'est peut-être la direction la plus avancée sur ces questions.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé

Dans ces groupes de travail européens, nous avons beaucoup d'échanges sur les méthodologies et sur les politiques, mais pas directement sur le prix des produits. Nous évoquons cela dans le cadre de nos négociations. Parmi les avantages conventionnels que nous pouvons accorder sur un produit, il existe la possibilité de l'aligner sur son tarif européen. Toutefois, nous n'avons généralement connaissance que de son prix facial, non de son prix net.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Nous en resterons là. Je vous remercie par avance d'apporter des réponses écrites circonstanciées au questionnaire que nous allons immédiatement vous adresser et de nous faire parvenir tout document que vous jugeriez propre à éclairer nos travaux.

Je lève maintenant notre séance, en vous rappelant que nous nous retrouverons, dès cet après-midi, à 13h30 en salle Monory, pour l'audition de M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé.

La réunion est close à 10 h 40.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat