Le prix du médicament est la clé de la souveraineté que nous recherchons, ainsi que d'une égalité à d'accès aux soins. L'officine se situe en bout de chaîne. Or nous savons que les officines réalisant moins de 1,2 million d'euros de chiffre d'affaires n'ont pas d'avenir, mais que les officines trop grosses ont du mal à être reprises. Pour la première fois, nous avons connu une baisse de 1 000 du nombre de pharmacies en France. Nous avons inventé les déserts médicaux ; nous sommes en train d'inventer les déserts pharmaceutiques.
Il faut que les officines puissent vivre, mais également les répartiteurs. La répartition est ce qui permet à toutes les spécialités, même en un exemplaire, d'arriver dans toutes les officines de France dans un délai prévu par la loi. Les répartiteurs se rémunèrent sur le médicament. À chaque fois que vous baissez les prix, cela joue sur ces leviers de fin de chaîne, qui sont essentiels pour le malade.
On obère complètement la notion de recherche et développement. L'exemple de l'oméprazole l'illustre bien : le Mopral a provoqué une révolution lors de sa mise sur le march. Il coûtait alors 40 francs la boîte. On a ensuite inventé l'Inexium, etc., et il y a eu de la concurrence, puis des génériques. Les laboratoires ne gagnent plus d'argent dessus. Ils ne peuvent plus faire de R&D car, s'ils font un peu de marge, vous leur imposez une pénalité.
Une jeune pharmacienne, qui avait effectué son stage de première année dans mon officine, part travailler en septembre à Dubaï, car aucun laboratoire français ne peut financer ce type de professionnel de santé engagé dans l'industrie pharmaceutique. Nous perdons aujourd'hui notre matière grise pharmaceutique parce que nous ne sommes pas capables de la financer.
Vous parlez de service médical rendu, mais quand un médicament innovant sort, il n'existe pas de comparateur médical possible, puisque les médicaments anciens sont tous remplacés par des génériques. Il y a une compétition où il faut garantir un prix.
Le prix du médicament est essentiel car nous devons avoir un stock de sécurité en France, notamment en amoxicilline et en paracétamol, que nous savons fabriquer depuis soixante-dix ans. Cela implique un financement, qui ne peut pas venir des officines ni des répartiteurs. Si les financer incombe aux laboratoires à travers le système de répartition, cela implique de jouer sur le prix du médicament.