Intervention de Sophie Beaupère

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 1er mars 2023 à 13h35
Audition du professeur pierre albaladejo président de la société française d'anesthésie et de réanimation de mmes sophie beaupère déléguée générale d'unicancer yvanie caillé fondatrice et vice-présidente de renaloo M. Pierre Chirac de la revue prescrire et du professeur luc frimat président de la société francophone de néphrologie dialyse et transplantation

Sophie Beaupère :

Les tensions et les ruptures d'approvisionnement en médicaments utilisés en oncologie sont un sujet de préoccupation majeure pour Unicancer, qui représente les centres de lutte contre le cancer, mais également pour les associations de patients.

Concrètement, le sujet est multifactoriel et présent dans toute la chaîne des molécules, des nouvelles formes concernant l'accès précoce et la recherche clinique, jusqu'aux molécules plus anciennes.

Les centres de lutte contre le cancer ont la chance d'être regroupés non seulement en fédérations, mais également en groupements de coopération sanitaire et bénéficient d'une centrale d'achat commune, avec un marché des médicaments commun aux dix-huit centres, ce qui permet d'avoir des discussions avec les laboratoires. Deux cents médicaments sont ainsi regroupés dans ce marché.

Cependant, en 2022, 27 molécules ont été impactées par des problèmes d'approvisionnement, soit 13,5 %. 50 % étaient contingentées et 50 % en rupture.

En travaillant avec les laboratoires, on a pu faire en sorte que ces ruptures n'aient pas d'impact sur les centres grâce à un travail de coordination et d'échange qui a permis de trouver des alternatives quand c'était possible, mais une partie des molécules était néanmoins contingentée, sans alternative. Cela reste donc compliqué, alors même que nous sommes très organisés.

Par ailleurs, des difficultés persistent concernant l'accès précoce aux médicaments innovants. Beaucoup d'articles sont revenus ces dernières semaines sur le sujet, et des oncologues de toute structure ont pris des positions et alerté sur les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer, liées aux modalités d'évaluation de la HAS, qui les a pourtant fait évoluer.

Celles-ci restent insuffisamment adaptées à l'évolution des médicaments, avec des essais randomisés qui ne peuvent être réalisés, les molécules étant de plus en plus spécialisées et concernant un petit effectif de patients. Nous plaidons en faveur de l'utilisation des données en vie réelle. C'est un sujet très important s'agissant de médicaments innovants.

Le troisième problème concerne des molécules plus anciennes. Notre fédération est extrêmement préoccupée par la radiation des médicaments présents dans la liste des molécules onéreuses.

Ce système existe depuis plusieurs années et était assez clair : si les prix des molécules onéreuses étaient inférieurs à 30 % du tarif du séjour, ces molécules étaient basculées dans le tarif du séjour, qui était augmenté. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, une liste de molécules a été arrêtée concernant beaucoup d'anticancéreux. Il nous a été annoncé en février que ces molécules étaient non seulement radiées et qu'aucun mécanisme financier ne serait prévu pour les financer.

Les fédérations se sont émues du sujet et on nous a annoncé un mécanisme financier compensatoire pendant un an seulement.

Ceci concerne des médicaments onéreux utilisées pour les chimiothérapies en hospitalisation à domicile (HAD) et des médicaments utilisés en hématologie. J'attire votre attention sur le fait que cela peut entraîner un risque de restriction de l'accès aux soins. C'est paradoxal s'agissant de médicaments dont le prix est relativement bas. Aucun mécanisme financier n'étant prévu, il existe un risque qu'ils soient moins prescrits par un certain nombre de structures.

Ce mécanisme, tel qu'il est prévu en 2023, risque de générer de nouvelles pénuries et de nouvelles problématiques d'accès. D'autres sujets concernent par ailleurs la disponibilité de certains dispositifs médicaux. C'est pourquoi nous pensons qu'un pilotage global est nécessaire.

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