Je vous remercie de tenir cette mission d'information sur l'enseignement agricole.
La Confédération paysanne considère que l'enseignement agricole, fort de sa pédagogie et de son organisation innovante en milieu rural et en milieu périurbain, doit occuper toute sa place. L'enseignement agricole a toujours été précurseur dans l'accueil des jeunes et dans la réponse apportée à un grand nombre de parents d'élèves. Je pense à présent que nous devons réfléchir à accentuer la place des parents d'élèves. Ils permettent effectivement des passerelles qui sont fondamentales dans l'orientation des élèves.
Pour autant, les formations agricoles ne produisent pas que des paysans. La diversité des formations enrichit et donne de nombreuses perspectives. Nous voyons se développer les engagements les plus novateurs notamment dans la mixité des formations dans les établissements. Il est fondamental, dans nos métiers, d'enseigner les savoir-faire et les savoir-être, en évitant des reproductions et en privilégiant des systèmes de valeurs. L'enseignement agricole est concerné tant du point de vue de l'innovation sociale que du point de vue de l'innovation technologique.
Par son organisation géographique, l'enseignement agricole s'adresse aux milieux ruraux et aux milieux périurbains. Le gisement du public se trouve désormais dans des zones peuplées. Ce point est fondamental. Nous l'observons également dans la sociologie et le profil des nouveaux installés, qui ne sont pas tous jeunes et qui ont parfois une précédente carrière. Les établissements agricoles, en l'occurrence, nous paraissent être un des lieux les plus appropriés pour « irriguer » les campagnes, par leur situation, l'originalité de leurs formations (notamment la dimension cognitive des formations) et la possibilité d'une immersion dans le milieu professionnel.
Ces éléments ont récemment été décrits par Salomé Berlioux, dans son ouvrage « Nos campagnes suspendues ». Selon elle, réussir la ville, c'est d'abord réussir la campagne. L'articulation entre la ville et la campagne est par conséquent fondamentale. Je pense notamment à l'atelier dédié à la formation lors des États généraux de l'alimentation, qui avait pointé l'importance mettre en place des bus et des trains de la formation dans les territoires dépeuplés, au plus près de l'employabilité. En réalité, les bus et les trains de la formation, ainsi que la formation elle-même, doivent également se rendre dans les lycées d'excellence et irriguer l'ensemble des catégories de lycées et de collèges. Le va-et-vient entre ville et campagne apparaît effectivement essentiel.
Les contenus pédagogiques et les fermes, de leur côté, doivent répondre aux enjeux de société d'alimentation, de climat et de biodiversité, ainsi qu'à l'enjeu de répartition des activités des territoires, plutôt qu'au simple fait de produire. Un des axes d'amélioration pourrait être de se fonder sur un diagnostic de territoire. Cette approche territoriale permet en effet de mettre en lien l'ensemble des acteurs (entreprises, parents, élèves, enseignants). Les établissements d'enseignement agricole, en l'occurrence, incarnent efficacement cette approche à travers le travail en réseau avec les territoires. Cette démarche nous semble devoir être poursuivie et amplifiée.
Nous pourrions également évoquer la question de l'alimentation dans l'implication des territoires. Dès lors que nous abordons la question de l'avenir de la production, nous y intégrons la question de l'alimentation et la question des débouchés. À notre sens, les efforts doivent être poursuivis au niveau des débouchés et de la relation avec les consommateurs, nécessitant des partenariats fins et étudiés. Ce point a été appréhendé efficacement dans le plan Ambition Bio. Les propositions émises dans la note de service de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) évoquent ces aspects de partenariat et de travail en réseau. Vous connaissez notre attachement à l'agriculture paysanne, qui existe partout sur le territoire. Elle pourrait être déclinée avec des formations adaptées présentant l'agriculture paysanne comme une partie de l'innovation sociale en agriculture.
Je reviens aux passerelles. Elles doivent être questionnées avec les universités et, plus généralement, avec les autres formes d'enseignement dans les autres disciplines. De ce point de vue, le système des valeurs se traite de manière plus vertueuse avec des formations nombreuses dans les établissements agricoles. Il échappe en effet ainsi à la reproduction de l'existant. Il devient possible de traiter les évolutions des métiers et les innovations de manière différente. Il existe ainsi des partenariats réussis entre des lycées agricoles et d'autres lycées.
Il me semble fondamental également de traiter de manière égalitaire l'enseignement agricole public et l'enseignement agricole privé. Or les coupes sombres dans l'enseignement agricole public portent préjudice aux équipes enseignantes et aux possibilités d'ouvrir des formations. Il est regrettable qu'une certaine agilité ne soit pas permise dans les centres d'enseignement agricole publics, tandis que les ouvertures de formations sont plus aisées dans l'enseignement agricole privé. L'exemple du bio est significatif. Après le plan Ambition Bio, nous pourrions envisager une généralisation des formations dans le domaine. Les sessions qui se mettent en place restent cependant optionnelles, avec une inégalité de représentation des formations en agriculture biologique selon les régions, qui ont des compétences en la matière. Selon nous, ce sujet devrait pourtant se traiter de manière égalitaire dans l'ensemble des régions.