Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, après avoir entendu la semaine dernière la directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, notre mission d'information organise aujourd'hui une table ronde sur l'enseignement agricole rassemblant l'ensemble des syndicats agricoles, afin qu'ils puissent nous faire part de leur vision de la situation et des besoins. Nous organiserons demain une table plus spécifiquement consacrée à l'orientation vers l'enseignement agricole avec les acteurs concernés.
Je vous rappelle que cette réunion est captée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat, sur lequel elle pourra ensuite être consultée en vidéo à la demande.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui, ici au Palais du Luxembourg ou à distance, par visioconférence :
- pour la Confédération paysanne, M. Etienne Heulin, ancien porte-parole en région Pays-de-la-Loire, membre du comité régional ;
- pour la Coordination rurale, M. Joris Miachon, président de la section Jeunes ;
- pour la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Mme Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation, ainsi que M. Jérôme Lachaux, chef du service Enseignement-Formation ;
- pour les Jeunes agriculteurs, M. Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration, et M. Xavier Heinzlé, conseiller chargé du renouvellement des générations en agriculture ;
- pour le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), M. Pierre Thomas, président.
Je remercie chaque syndicat d'avoir accepté de participer à nos travaux.
En préambule, alors que le Salon international de l'agriculture n'a pas pu se tenir la semaine dernière en raison de la pandémie de covid-19, je veux adresser un message de soutien aux agriculteurs et aux acteurs des filières agroalimentaires, qui contribuent de manière essentielle à l'économie de notre pays et au développement de nos territoires.
Avec mes 22 collègues membres de la mission, nous sommes convaincus que l'enseignement agricole est une chance pour de nombreux jeunes et un outil indispensable pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires. Un atout indispensable pour relever le défi du renouvellement des générations en agriculture et permettre à l'agriculture française de répondre aux défis de demain. Ce sujet a notamment été abordé lors des récentes rencontres que les syndicats agricoles ont eues avec le Président de la République.
Pour cela, l'enseignement agricole doit avoir les moyens de fonctionner correctement. Notre rapporteure, Nathalie Delattre, avait tiré la sonnette d'alarme lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.
Au cours de nos travaux, nous souhaitons analyser comment l'enseignement agricole, technique et supérieur devrait répondre aux besoins des filières agricoles et alimentaires, afin de leur permettre de relever les défis auxquels elles sont confrontées. Nous souhaitons évaluer la capacité de l'enseignement agricole à remplir cette mission aujourd'hui, notamment au regard des contraintes qui pèsent sur lui.
Je propose que chaque syndicat puisse nous présenter sa vision des enjeux, à partir du questionnaire qui vous a été adressé par notre rapporteure, pendant 7 à 10 minutes. Cela me paraît être un maximum pour la première intervention, afin d'avoir ensuite une discussion dynamique.
Je passerai ensuite la parole à notre rapporteure Nathalie Delattre, afin qu'elle puisse vous poser un certain nombre de questions, puis à mes collègues qui le souhaitent.
Pour commencer, je vais donner la parole aux personnes connectées, avant de poursuivre avec les représentants qui sont dans cette salle.
Je donnerai ainsi la parole à la FNSEA, puis à la Coordination rurale, à la Confédération paysanne et au Modef. Les Jeunes Agriculteurs, dont le renouvellement des générations et l'installation sont au coeur des préoccupations, auront ainsi le « dernier mot » de cette première séquence.
Avant de démarrer, je souhaite vous remercier, au nom de la FNSEA. En effet, votre mission d'information sur l'enseignement agricole nous touche. Nous aurions pu l'appeler « David contre Goliath ». Je vous remercie également pour vos propos d'introduction, Monsieur le Sénateur. Comme vous, nous pensons que l'enseignement agricole est un outil indispensable, inscrit au coeur des enjeux de nos filières agricoles et agroalimentaires, mais aussi au coeur de nos territoires.
Vous savez que nous avons récemment publié un rapport d'orientation sur le changement climatique. Nous y affirmons que l'agriculture est une solution au changement climatique et à l'ensemble des défis qui se posent, en termes économiques, en termes d'emplois salariés ou non-salariés et en termes de renouvellement des générations. Se posent également les défis de la compétitivité, de la résilience, de l'environnement, de la neutralité carbone. Il s'agit enfin de répondre aux attentes objectives des consommateurs et des citoyens, dans le contexte de la notion de souveraineté alimentaire.
Nous ne pourrons relever l'ensemble de ces défis que par des mutations dans nos métiers. Ces mutations supposent des qualifications nouvelles, des qualifications rénovées et des compétences plus grandes en termes de gestion de nos entreprises et en termes d'employabilité de nos salariés. L'agriculture installe en effet encore un grand nombre de jeunes agriculteurs. De son côté, le salariat monte en puissance. L'appel à des emplois salariés étrangers, que nous avons connu il y a quelques mois, résulte du fait que, souvent, nous ne trouvons dans nos territoires ni des personnes motivées, ni des personnes compétentes. Les actions rapides de formation que nous avons mises en place ont certes permis d'employer un certain nombre de personnes ; l'enjeu n'en demeure pas moins majeur.
L'enseignement agricole constitue ainsi un maillon fort et indispensable pour relever les défis précédents. Je souhaite insister sur les points forts au quotidien et sur le risque que ce maillon devienne un maillon faible. Vous avez notamment soulevé l'accompagnement financier de l'enseignement agricole. J'y reviendrai.
Pour la FNSEA, l'histoire et les valeurs de l'enseignement agricole en font un maillon fort. Derrière cette histoire, se trouve la déclinaison de ses cinq missions. Les lois de 1960 à 1962 ont permis la montée en puissance de l'enseignement agricole. Il était alors déjà question d'autosuffisance alimentaire, de compétitivité, d'efficacité économique de nos entreprises et des conditions de vie des agriculteurs. Il est heureux que l'enseignement agricole ait été mis en place. Je ne suis pas certaine en effet que, dans le cas contraire, nous pourrions aujourd'hui parler de souveraineté alimentaire. Nous n'aurions certainement pas pu répondre aux attentes des consommateurs durant le confinement.
Je souhaite rappeler rapidement les cinq missions dont il est question, qui sont respectées. Nous formons en formation initiale et en formation continue. Nous formons autour des huit grandes filières de la production agricole, tant dans des lycées privés que dans des lycées publics, ainsi que par l'apprentissage, l'alternance et dans des lycées professionnels et techniques. Nous sommes exemplaires en termes d'insertion scolaire, d'insertion professionnelle et du point de vue du nombre de diplômes acquis. Nous devons l'affirmer. Nous sommes également exemplaires en termes d'innovation et d'expérimentation, notamment au sein des lycées qui possèdent des fermes, où les jeunes apprennent et où les professionnels s'impliquent pour adapter rapidement les formations et les propositions de formation. L'enseignement agricole constitue, par ailleurs, un enjeu de territoires. Il est situé en milieu rural, parfois très rural. Il représente souvent un lien de vie dans nos territoires ruraux. Il est également situé en secteur périurbain, ce qui permet à un certain nombre de jeunes en provenance de la ville de mieux appréhender nos différents métiers, en se rendant compte de leur diversité et de leur variété. Un des points forts de nos missions réside enfin dans la coopération internationale, tant au niveau des professeurs que pour les apprenants. J'insiste sur le fait que nous ne soulignons pas nécessairement de manière suffisante ces différents points forts.
Je reviens sur la présence de fermes dans certains lycées. Cette présence résume le lien entre la recherche, la formation et le développement agricole. La force de l'enseignement agricole résulte également du lien avec nos organisations professionnelles agricoles, notamment avec les chambres d'agriculture, qui assument la mission de développement agricole.
Un autre point essentiel concerne le fait que l'enseignement agricole permet une diversité des apprentissages et des modèles, qui correspondent majoritairement à la problématique du territoire. La formation ne peut en effet pas être identique pour faire pousser du blé dans le Gers ou dans l'Aube, le climat et l'agronomie des sols étant différents. Cette diversité permet au jeune qui souhaite s'installer ou au futur salarié de disposer d'une formation transversale et pluridisciplinaire susceptible de s'adapter au lieu d'exercice de l'activité.
L'autre point fort, y compris pour le ministère de l'agriculture, concerne la proximité avec la profession. La réforme des commissions professionnelles consultatives (CPC) oblige notamment à une proximité plus forte avec les employeurs. Le lien avec la profession, à la fois au niveau national, au niveau régional et au niveau des lycées agricoles, permet une adaptation rapide des formations, des diplômes et de la pédagogie. Dans un lycée agricole, l'expérience d'agriculteur permet de réagir rapidement lorsque des enseignements ne sont pas logiques ou pragmatiques. Il est possible d'en discuter en conseil d'administration extrêmement rapidement. J'y vois également notre force quant à la fluidité de l'évolution de nos diplômes. J'en veux notamment pour preuve, pour avoir participé à la CPC et au Conseil national de l'enseignement agricole (CNEA), le fait qu'en une année, nous avons revu l'ensemble des diplômes agricoles pour mettre en place la notion de multi-performance et d'agroécologie. La profession avait demandé à intégrer les notions d'agroécologie et de bien-être animal.
Certes, les jeunes agriculteurs et les employeurs affirment que les évolutions ne sont pas suffisamment rapides. Ils soulignent que les acquis des jeunes diplômés sont en décalage avec les pratiques des entreprises. N'oublions jamais cependant que le jeune s'installe ou est embauché 10 ans après le lycée. La formation continue est ainsi très complémentaire et constitue le moyen le mieux adapté pour accompagner les jeunes dans la modernité.
Mon propos est ainsi de vous faire part de notre attachement à l'enseignement agricole. Nous y tenons réellement. Le renouvellement des générations en dépend. L'employabilité et le lien avec l'emploi sont essentiels.
Parmi les risques pesant sur l'enseignement agricole, figure la problématique, que vous avez soulevée, des moyens. C'est pourquoi j'ai insisté sur le respect des missions de l'enseignement agricole. Si les parlementaires ne connaissent pas l'ensemble des actions menées par l'enseignement agricole pour accompagner les jeunes dans leur insertion scolaire, ils ne peuvent pas avoir le souhait de le soutenir. Or chaque année, les différentes familles de l'enseignement agricole, public ou privé, nous alertent sur des baisses de budget dans le projet de loi de finances.
Les décisions ne s'improvisent pas. Dans le cadre de la « loi Climat », vous prendrez des décisions qui demanderont à l'agriculture de nouvelles mutations. Nous devrons de nouveau améliorer notre enseignement agricole. Nous aurons par conséquent besoin de moyens et de temps. La modélisation de l'agriculture telle que les parlementaires la souhaitent nous oblige à nous réunir, à revoir nos référentiels professionnels et de formation. Nous avons besoin de compétences spécifiques et d'un accompagnement individualisé du jeune qui entre dans le lycée agricole pour être certains qu'il en sorte avec les compétences nécessaires. L'approche doit être systémique, comme vous l'avez souhaité avec l'agroécologie. Or, avec des jeunes de 15 ou 16 ans, l'approche systémique est compliquée à mettre en oeuvre pour les enseignants du monde agricole. Il n'est pas facile d'enseigner la gestion économique et la résilience. Cet enseignement demande des compétences. Il demande par conséquent des moyens humains. Nous devrons disposer de vraies compétences pour mettre en place des parcours de formation correspondant à l'emploi. La force de l'enseignement agricole est le lien entre l'enseignement et l'emploi.
Joris Miachon, président de la section Jeunes de la Coordination rurale. - Je vous remercie d'avoir rendu possible cette table ronde en visioconférence, sachant que les conditions météorologiques m'empêchent de m'éloigner de mon exploitation. J'aurais été navré de ne pas y participer, la Coordination rurale étant particulièrement attachée à l'enseignement agricole. Je suis de surcroît ancien stagiaire et actuel maître de stage et d'apprentissage de l'enseignement agricole.
Je reprends les questions que vous nous avez adressées pour y répondre au plus juste. Concernant les trajectoires de formation les plus suivies par les jeunes agriculteurs avant leur installation, je pense qu'il convient de distinguer jeunes agriculteurs et jeunes installés. Les jeunes installés ne sont pas nécessairement jeunes par leur âge. La solution la plus accessible qui s'offre à eux reste le brevet professionnel responsable d'exploitation agricole (BPREA). Concernant les jeunes qui s'installent rapidement après l'enseignement agricole, les trajectoires sont évidemment variables. Une difficulté tient au fait que les trajectoires ne sont pas nécessairement choisies, mais parfois contraintes. Je prends l'exemple du baccalauréat horticole. Lorsque je l'ai passé, il avait pour ambition de former des exploitants, des chefs d'entreprise. Aujourd'hui, la filière forme des ouvriers spécialisés, obligeant quelquefois les jeunes à poursuivre leurs études ou à se réorienter.
Nous constatons en outre que la durée des études s'allonge. L'explication tient à l'augmentation de la technicité. Un jeune, pour s'installer, doit engranger davantage de connaissances et de savoirs. Ma collègue a notamment parlé précédemment de l'agroécologie. L'étudiant doit prendre en compte l'accroissement des exigences sociales, par exemple concernant le bien-être animal. S'y ajoute l'augmentation des contenus, résultant d'une volonté politique, tandis que la durée pour passer le baccalauréat est passée de son côté de 4 à 3 ans. L'étudiant doit ainsi acquérir davantage d'informations dans un délai plus court. C'est pourquoi les jeunes, pour être performants, doivent allonger leurs études. Pour utiliser une analogie, comme il n'est pas possible de faire entrer 2 litres dans un contenant de 1,5 litre, la solution consiste à multiplier les contenants. Pour notre part, nous jugeons cette évolution dangereuse, en particulier concernant l'attractivité des formations. L'allongement des formations nécessaires peut en effet se révéler dissuasif.
Pour répondre à une autre question, l'enseignement agricole présente évidemment des points forts et des points faibles. Pour la Coordination rurale, il est important de faciliter l'apprentissage. L'essentiel est d'être proche du terrain et du métier. L'enseignement agricole a pour objectif de former à des métiers. Nous avons pu remarquer avec les évolutions récentes, par exemple en matière d'agroécologie, que l'enseignement agricole est assez réactif en la matière. Il nous appartient de le rendre également attractif et de le placer au plus près des difficultés et des contraintes des exploitations agricoles.
Nous avons conscience du fait que la sécurité des apprenants doit rester une priorité. La difficulté que nous rencontrons, en respectant la loi d'une manière excessive, c'est que nous éloignons le jeune de la réalité. À cause de cet éloignement, nous perdons en attractivité et en motivation. Il est difficile de motiver un jeune par les tâches les moins attractives et les tâches où nous cherchons à nous couvrir des risques, en sachant que le risque zéro n'existe pas. Je maintiens que la sécurité de l'élève est une priorité. Je travaille par exemple en arboriculture fruitière, où nous utilisons du matériel dangereux, en particulier pour la taille des vergers. Le réflexe est aujourd'hui d'interdire l'utilisation de ce matériel. Du point de vue pédagogique, il est pourtant plus important d'insister sur la dangerosité du matériel que de l'interdire. Ce constat est d'autant plus vrai que les jeunes acquièrent ensuite, du jour au lendemain, davantage de liberté et de droits pour employer du matériel dont l'utilisation leur était auparavant interdite. Nous pouvons douter qu'alors, l'utilisation du matériel s'opère en toute sécurité.
Sur le contenu pédagogique des formations et les besoins des exploitations, nous sommes tous d'accord quant à la nécessité d'accentuer les savoirs en matière d'agroécologie et au niveau des attentes sociétales de la population. Il s'agit d'une évidence. Les attentes des exploitants et des exploitations portent quant à elles sur la possibilité d'apporter au stagiaire le geste et le savoir-faire. Il s'agit également d'une évidence.
La question suivante est de savoir si le maillage territorial de l'enseignement agricole est adapté. Il existe des disparités entre les départements. L'enseignement agricole a néanmoins su adapter ses formations à sa localisation. Dans la société actuelle, en outre, les jeunes sont mobiles. Je ne crois pas qu'il s'agisse par conséquent de la difficulté principale que l'enseignement agricole ait à affronter.
Je vous remercie de tenir cette mission d'information sur l'enseignement agricole.
La Confédération paysanne considère que l'enseignement agricole, fort de sa pédagogie et de son organisation innovante en milieu rural et en milieu périurbain, doit occuper toute sa place. L'enseignement agricole a toujours été précurseur dans l'accueil des jeunes et dans la réponse apportée à un grand nombre de parents d'élèves. Je pense à présent que nous devons réfléchir à accentuer la place des parents d'élèves. Ils permettent effectivement des passerelles qui sont fondamentales dans l'orientation des élèves.
Pour autant, les formations agricoles ne produisent pas que des paysans. La diversité des formations enrichit et donne de nombreuses perspectives. Nous voyons se développer les engagements les plus novateurs notamment dans la mixité des formations dans les établissements. Il est fondamental, dans nos métiers, d'enseigner les savoir-faire et les savoir-être, en évitant des reproductions et en privilégiant des systèmes de valeurs. L'enseignement agricole est concerné tant du point de vue de l'innovation sociale que du point de vue de l'innovation technologique.
Par son organisation géographique, l'enseignement agricole s'adresse aux milieux ruraux et aux milieux périurbains. Le gisement du public se trouve désormais dans des zones peuplées. Ce point est fondamental. Nous l'observons également dans la sociologie et le profil des nouveaux installés, qui ne sont pas tous jeunes et qui ont parfois une précédente carrière. Les établissements agricoles, en l'occurrence, nous paraissent être un des lieux les plus appropriés pour « irriguer » les campagnes, par leur situation, l'originalité de leurs formations (notamment la dimension cognitive des formations) et la possibilité d'une immersion dans le milieu professionnel.
Ces éléments ont récemment été décrits par Salomé Berlioux, dans son ouvrage « Nos campagnes suspendues ». Selon elle, réussir la ville, c'est d'abord réussir la campagne. L'articulation entre la ville et la campagne est par conséquent fondamentale. Je pense notamment à l'atelier dédié à la formation lors des États généraux de l'alimentation, qui avait pointé l'importance mettre en place des bus et des trains de la formation dans les territoires dépeuplés, au plus près de l'employabilité. En réalité, les bus et les trains de la formation, ainsi que la formation elle-même, doivent également se rendre dans les lycées d'excellence et irriguer l'ensemble des catégories de lycées et de collèges. Le va-et-vient entre ville et campagne apparaît effectivement essentiel.
Les contenus pédagogiques et les fermes, de leur côté, doivent répondre aux enjeux de société d'alimentation, de climat et de biodiversité, ainsi qu'à l'enjeu de répartition des activités des territoires, plutôt qu'au simple fait de produire. Un des axes d'amélioration pourrait être de se fonder sur un diagnostic de territoire. Cette approche territoriale permet en effet de mettre en lien l'ensemble des acteurs (entreprises, parents, élèves, enseignants). Les établissements d'enseignement agricole, en l'occurrence, incarnent efficacement cette approche à travers le travail en réseau avec les territoires. Cette démarche nous semble devoir être poursuivie et amplifiée.
Nous pourrions également évoquer la question de l'alimentation dans l'implication des territoires. Dès lors que nous abordons la question de l'avenir de la production, nous y intégrons la question de l'alimentation et la question des débouchés. À notre sens, les efforts doivent être poursuivis au niveau des débouchés et de la relation avec les consommateurs, nécessitant des partenariats fins et étudiés. Ce point a été appréhendé efficacement dans le plan Ambition Bio. Les propositions émises dans la note de service de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) évoquent ces aspects de partenariat et de travail en réseau. Vous connaissez notre attachement à l'agriculture paysanne, qui existe partout sur le territoire. Elle pourrait être déclinée avec des formations adaptées présentant l'agriculture paysanne comme une partie de l'innovation sociale en agriculture.
Je reviens aux passerelles. Elles doivent être questionnées avec les universités et, plus généralement, avec les autres formes d'enseignement dans les autres disciplines. De ce point de vue, le système des valeurs se traite de manière plus vertueuse avec des formations nombreuses dans les établissements agricoles. Il échappe en effet ainsi à la reproduction de l'existant. Il devient possible de traiter les évolutions des métiers et les innovations de manière différente. Il existe ainsi des partenariats réussis entre des lycées agricoles et d'autres lycées.
Il me semble fondamental également de traiter de manière égalitaire l'enseignement agricole public et l'enseignement agricole privé. Or les coupes sombres dans l'enseignement agricole public portent préjudice aux équipes enseignantes et aux possibilités d'ouvrir des formations. Il est regrettable qu'une certaine agilité ne soit pas permise dans les centres d'enseignement agricole publics, tandis que les ouvertures de formations sont plus aisées dans l'enseignement agricole privé. L'exemple du bio est significatif. Après le plan Ambition Bio, nous pourrions envisager une généralisation des formations dans le domaine. Les sessions qui se mettent en place restent cependant optionnelles, avec une inégalité de représentation des formations en agriculture biologique selon les régions, qui ont des compétences en la matière. Selon nous, ce sujet devrait pourtant se traiter de manière égalitaire dans l'ensemble des régions.
Au sein du Modef, nous sommes également extrêmement attachés à l'enseignement agricole. L'enseignement agricole a permis à de nombreux élèves de retrouver le goût de l'enseignement et des capacités à apprendre. Un certain nombre de jeunes qui étaient en échec scolaire ont par exemple pu atteindre des niveaux d'ingénieur. L'enseignement agricole est donc un enseignement de qualité.
L'enseignement agricole doit permettre de se diriger vers les métiers d'agriculteur, mais également plus généralement vers les métiers du vivant. Nous pensons que plusieurs parties sont à distinguer.
La première partie, au niveau de l'enseignement initial, doit être une formation de base solide, permettant d'acquérir un certain nombre de connaissances sur le vivant. Ensuite, il convient d'inclure d'autres notions, notamment de gestion. En revanche, nous ne jugeons pas utile d'orienter immédiatement les jeunes vers un type de production agricole. Dans le temps, en effet, les jeunes qui s'installent évoluent considérablement. Ils ont par conséquent besoin de recevoir les bases nécessaires pour pouvoir évoluer.
La deuxième partie doit être davantage orientée vers les savoir-faire. L'apprentissage du métier doit entrer en ligne de compte. L'ancrage de l'enseignement agricole dans son milieu attire l'intérêt d'un certain nombre de personnes. Aujourd'hui, pour assurer le renouvellement des générations en agriculture, je pense que nous devons chercher ailleurs que chez les enfants d'agriculteurs. Nous devons ouvrir plus encore l'enseignement agricole aux personnes du monde urbain et périurbain et leur donner envie de s'intéresser aux métiers du vivant, sous peine de rencontrer des difficultés d'une part à installer un nombre suffisant de jeunes permettant le renouvellement des générations, d'autre part à assurer la mission de nourrir la population.
Au niveau de la formation continue, de nombreuses personnes changeant de métier, l'enseignement agricole doit permettre d'acquérir un certain nombre de connaissances permettant des reconversions, pas uniquement au travers de stages de courte durée, mais aussi de formations plus longues. Les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) peuvent notamment assurer des formations de ce type, en s'attachant à développer, au-delà des connaissances de base qui sont présentes, les connaissances professionnelles. Nous nous sommes interrogés sur l'opportunité de formations bio dans le cadre de l'agroécologie. Nous avons finalement pensé qu'elles n'étaient pas appropriées, parce que les formations spécifiques sont susceptibles d'être un frein à l'évolution entre les métiers. Il est plus important, en premier lieu, de posséder des connaissances de base étoffées.
L'une des richesses de l'enseignement agricole est de parvenir, par des formes pédagogiques appropriées, à intéresser des jeunes. La réussite scolaire est significative. Nous devons utiliser ces éléments, au niveau pédagogique, pour que les personnes qui le souhaitent puissent se diriger vers les métiers de l'agriculture.
D'autres métiers sont également concernés. La voie royale pour devenir vétérinaire consiste, par exemple, à passer par l'enseignement agricole. Certains métiers de laboratoire sont également concernés. Cet ensemble doit entrer en ligne de compte. Nous ne devons pas nous limiter au monde agricole. L'enseignement doit s'ouvrir, en obtenant les moyens nécessaires à ses diverses missions.
Le syndicat Jeunes agriculteurs est présent de l'échelon local à l'échelon national. Cette présence nous permet d'appréhender efficacement l'enjeu de l'enseignement agricole. Pour nous, le dossier prioritaire est le renouvellement des générations agricoles. Ce dossier comprend l'accompagnement à l'installation, la transmission et la formation initiale, qui en est un élément majeur. J'en veux pour preuve qu'en 2020, nous avions travaillé sur un rapport d'orientation sur l'installation et le renouvellement des générations ; de nombreuses propositions avaient concerné l'enseignement agricole.
La démographie agricole est à un tournant. En 2026, 215 000 exploitants (45 % de la population d'agriculteurs de 2016) auront cessé leur activité. Face à cet effondrement, nous avons un défi à relever au niveau des jeunes, d'autant que la diminution de la part des ménages agricoles dans la population rurale est également significative. De leur côté, les entreprises agricoles évoluent. Les systèmes de production et les exploitations se transforment. Nous connaissons aujourd'hui une diversité d'exploitations que nous n'avions jamais rencontrée, avec des agriculteurs qui sont toujours acteurs sur leur exploitation, mais avec des particularités accentuées.
L'évolution des profils connaît également un tournant. La transmission familiale est devenue minoritaire. Les profils des porteurs de projet à l'installation présentent des diplômes de plus en plus élevés dans différents domaines de compétences, qui ne sont pas nécessairement des domaines de compétences agricoles. Le fait de devenir agriculteur recouvre notamment la recherche d'un cadre de vie perçu comme qualitatif. De ce fait, les schémas de l'accompagnement doivent être révisés. La place de la formation initiale dans la professionnalisation des nouveaux agriculteurs, voire la transversalité, sont essentielles. Il convient en outre d'imaginer des passerelles entre filières d'enseignement. Aujourd'hui, de nombreuses personnes, par exemple, sont en reconversion pour devenir agriculteurs.
Aujourd'hui, l'enseignement agricole sait prendre en compte des candidats potentiels, de la classe de 4ème au diplôme d'ingénieur. Il existe une vraie diversité de profils. L'enseignement agricole ne peut donc pas se résumer au baccalauréat professionnel ou au BPREA. L'ensemble des profils doivent être pris en compte.
L'enseignement agricole a par ailleurs connu un certain nombre de réformes. Le syndicat Jeunes agriculteurs est présent dans une grande partie des conseils d'administration des centres de formation. Nous pouvons ainsi faire en sorte que la formation agricole reste cohérente vis-à-vis de l'installation des jeunes. La réforme du baccalauréat professionnel, de son côté, a été préjudiciable. Le passage de 4 à 3 ans consistait certes à s'aligner sur les pratiques des pays voisins. Aujourd'hui, cependant, le baccalauréat professionnel CGEA (conduite et gestion des exploitations agricoles), par exemple, ne permet plus de gérer une entreprise agricole. Les capacités techniques sont souvent acquises ; en revanche, la capacité à gérer un outil ne l'est pas.
Nous sommes également conscients de l'évolution des niveaux. Le niveau 4 correspond à des compétences techniques, le niveau 5 à des compétences de gestion. Aujourd'hui, la complexité du métier d'agriculteur entraîne cependant un besoin de compétences multiples. La gestion est tout autant indispensable que la technique. L'activité est économique. Elle ne consiste pas simplement à aménager le territoire. Parmi ces compétences, nous voyons apparaître des besoins en commercialisation, venant s'ajouter aux compétences en gestion, en production et en ressources humaines.
Les positions du syndicat Jeunes agriculteurs par rapport à la formation initiale figurent quant à elles dans le rapport d'orientation de 2020.
Parmi les propositions, figure la nécessité de professionnaliser les futurs chefs d'entreprises agricoles, notamment dans l'accompagnement à l'installation. Il s'agit en outre de piloter les instances de la formation initiale, c'est-à-dire d'être présent au Conseil national de l'enseignement agricole (CNEA) et dans les commissions professionnelles consultatives (CPC), ainsi que dans les conseils d'administration des établissements et dans les commissions régionales lorsqu'elles existent. L'objectif est d'apporter la vision de la profession au sein de ces organisations. La proposition suivante consiste à rénover les niveaux de diplômes. Aujourd'hui, dans l'enseignement agricole, il existe 163 diplômes différents. Nous souhaiterions l'instauration d'un tronc commun permettant de suivre ensuite d'autres formations.
Nous devons en outre nous montrer capables de rendre attractive la formation initiale. Il s'agit en particulier d'utiliser davantage les nouvelles technologies d'information et de communication, d'utiliser des simulateurs, etc. Des budgets doivent par conséquent être débloqués pour l'enseignement agricole. L'objectif est d'attirer les jeunes vers notre enseignement. La proposition suivante consiste quant à elle à sensibiliser et à former le corps enseignant. Il nous paraît inconcevable que certains enseignants n'aient pas revêtu des bottes d'agriculteur parfois depuis plus de 20 ans. Nous demandons une immersion des enseignants dans le monde agricole tout au long de la carrière. Nous demandons par ailleurs de favoriser les expériences de terrain. Les mesures pour redorer l'apprentissage et accompagner les maîtres d'apprentissage étaient favorables. Nous devons poursuivre dans ce sens. L'entrée en entreprise à 16 ou 17 ans demande en effet des efforts. Enfin, la dernière proposition consiste à faciliter la validation des acquis de l'expérience (VAE), en la simplifiant car elle représente une lourde démarche administrative.
Je remercie les intervenants. Nous sommes convaincus de l'excellence de l'enseignement agricole et de l'insertion professionnelle qu'il permet. Le regard des professionnels est donc important. Vous avez beaucoup parlé de la production. Notre mission englobe également la transformation et la vente. J'aurais souhaité vous entendre sur ces sujets. Au-delà des constats que vous avez dressés sur le grand nombre de diplômes, avez-vous creusé la piste des contenus pédagogiques ? Vous avez évoqué la nécessité de territorialiser la gouvernance. Vous êtes plusieurs à être impliqués dans les conseils d'administration territorialisés. Outre le terrain, quelle est votre capacité à peser sur les pouvoirs publics ? La réforme du baccalauréat, par exemple, est un échec dans l'enseignement agricole. Quelle est votre marge de manoeuvre vis-à-vis du ministère ? Quelles sont vos revendications ? Quelle est votre capacité à les faire aboutir ? Quelles sont par ailleurs, selon vous, les solutions face à l'urgence sanitaire, qui a montré la faiblesse des formations en hyper-ruralité ? Certaines familles n'ont pas voulu placer leurs enfants en internat dans ce contexte, ce qui a créé des difficultés, notamment aux maisons familiales rurales. Enfin, vous avez insisté sur la nécessité d'intéresser de nouveaux publics. Quelles actions concrètes menez-vous en la matière ?
Je reviens aux contenus pédagogiques, au nombre de diplômes et à notre demande d'un tronc commun. Lorsque nous avons commencé à examiner le sujet, nous avons remarqué que le tronc commun était effectif sur un diplôme, le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), avec des options vers des BTS différents, adaptés aux territoires, aux productions, à la commercialisation, à la transformation, etc. Nous souhaiterions que ce modèle soit repris dans l'ensemble des diplômes agricoles. Il rendrait plus lisible de surcroît la formation agricole, qui souffre de ses 163 diplômes, en particulier auprès des jeunes qui ne sont pas issus du monde rural.
Le grand nombre de diplômes, avec les passerelles que vous évoquiez, n'ouvre-t-il pas au contraire le champ des possibles à ces jeunes ?
Les passerelles concernent davantage les moins jeunes qui ont déjà commencé leur carrière dans une autre profession, mais souhaitent se rediriger vers l'agriculture. Nous devons pouvoir répondre à ces adultes.
Je reviens à l'attractivité. Le métier agricole se doit d'être attractif. Aujourd'hui, la profession rencontre de grandes difficultés de ce point de vue. Il n'est pas toujours simple de valoriser notre métier avec, par exemple, des revenus en baisse. Pour installer les jeunes, le métier doit être attractif.
Concernant l'enseignement, il est extrêmement regrettable que les métiers du vivant et de l'agriculture aient été longtemps dévalorisés au sein de l'Éducation nationale. Ces métiers sont en effet non seulement intéressants, mais également indispensables à la vie. Nous devons par conséquent redonner une dimension positive à ces métiers. L'enseignement agricole permet non seulement aux jeunes qui réussissent leur scolarité de trouver un métier, mais également aux jeunes en situation d'échec scolaire de trouver une place sur le marché de l'emploi, parfois même en devenant ingénieurs. Un travail doit par conséquent être mené au sein du ministère de l'agriculture et au sein du ministère de l'éducation nationale pour valoriser nos métiers.
Nous devons distinguer l'attractivité vis-à-vis des jeunes en formation initiale et l'attractivité vis-à-vis de personnes en formation professionnelle. La formation initiale suppose un mode d'enseignement et un cadre de vie liés notamment à la spécificité des établissements agricoles. Ce point est important pour les élèves et pour les parents d'élèves. L'attractivité concerne également les métiers du vivant. Elle se traduit parfois par des imaginaires, notamment au niveau des soigneurs d'animaux, qui peuvent devenir des soigneurs paysans. Il existe pour cela suivre un cursus. Les lycées qui incarnent un système de valeurs reçoivent par conséquent le public attendu. Ce système de valeurs doit reposer sur une éthique dans le travail et sur une forme d'engagement dans les réalisations (ateliers technologiques ou immersion avec les réseaux). Je pense que cette dimension est mise en exergue dans la formation des encadrants et des équipes enseignantes. De leur côté, les paysans doivent en parler positivement.
L'attractivité est en outre matérielle, concernant le revenu, mais également immatérielle, au niveau du besoin de reconnaissance et de sens dans l'exercice d'un métier. Dans notre communication, par exemple, le premier salon à la ferme que nous avons organisé avec des partenaires de l'enseignement agricole en Loire-Atlantique nous a permis de nous connecter avec les équipes enseignantes et la société civile. Les réalisations positives et la qualité de vie des paysans provoquent ainsi de l'attractivité. Je pense par conséquent que nous devons nous montrer stratégiques en matière d'attractivité.
Joris Miachon. - Je reviens également sur l'attractivité et l'avenir de l'enseignement agricole. Dans un premier temps, il convient de dé-diaboliser le monde agricole. Aujourd'hui, nous constatons que, jusque dans les livres scolaires, l'agriculture est montrée du doigt. Elle ne peut dès lors pas être attractive. L'agriculture a pourtant toujours su s'adapter. Les agriculteurs ont produit et nourri la population lorsque c'était le plus nécessaire. Aujourd'hui, les attentes sociétales demandent un virage agroécologique. Les agriculteurs ont pris ce virage. L'enseignement agricole, qui est relativement réactif, l'a pris également. Malgré cela, l'agriculture reste montrée du doigt.
Par ailleurs, les conseillers d'orientation ne considèrent toujours pas l'enseignement agricole comme un enseignement qui a sa place aujourd'hui en France. Nous sommes pourtant une profession qui recrute. Nous avons besoin de nombreux employés spécialisés. Seul l'enseignement agricole peut proposer cette opportunité. Nous serions par conséquent ravis si les budgets alloués à la promotion de l'enseignement agricole étaient augmentés.
L'avenir de l'enseignement agricole ira de pair avec l'avenir de l'agriculture. Nous devons être capables de valoriser notre métier pour valoriser l'enseignement agricole.
Au niveau de la gouvernance, nous sommes minoritaires dans les instances. Les administrations compétentes ne nous considèrent pas comme des partenaires valables. Nous considérons en tout état de cause que la gouvernance ne peut que s'améliorer.
En matière de gouvernance, je souhaite faire état de deux actions que nous avons menées en tant que représentants des employeurs. Durant le confinement, l'Éducation nationale a interdit les stages. Nous avons obtenu que les stages soient repris pour les jeunes en formation agricole. En outre, l'Éducation nationale a supprimé le BEPA (brevet d'études professionnelles agricoles). L'enseignement agricole l'a également supprimé. En contrepartie, en accord avec la DGER, nous avons obtenu une attestation permettant de préciser les compétences acquises au cours de cette formation en 3 ans. Cette attestation facilite les démarches pour trouver un emploi. Nous avons donc une influence lorsque nous travaillons directement avec le ministère.
Nous avons une inquiétude sur la gouvernance de la CPC, une réforme ayant renforcé la représentation des interprofessions, alors que nous sommes multi-professionnels. Le nombre de personnes qui connaissent parfaitement les différents métiers me paraît en retrait. Nous devons donc davantage nous coordonner. Nous avons toutefois peu de recul sur cette réforme récente.
S'agissant de l'Éducation nationale, il faut éviter les concurrences, notamment en matière de services aux personnes. Il existe des différences objectives de prise en en charge des publics en milieu rural. S'agissant de l'attractivité, de nombreuses actions sont menées. Durant le confinement, des actions de promotion des métiers et d'accompagnement de personnes en reconversion ont été mises en place, comme des formations courtes à distance pour les employeurs et les personnes embauchées. Des actions ont aussi été développées en direction de jeunes en difficulté dans les grandes villes. Il faut bien sûr faire davantage pour mieux valoriser les parcours réussis, le compagnonnage, etc., mais je veux souligner la très grande diversité des actions concrètes menées au quotidien. Le vrai sujet, c'est celui de l'orientation, que vous aborderez demain, pour faire en sorte que les bons élèves dans les établissements dépendant de l'Éducation nationale, et pas uniquement ceux en difficulté, puissent se voir proposer une orientation vers l'enseignement agricole.
Je vous remercie. Vous pouvez en complément nous adresser une contribution écrite détaillant les actions que vous évoquez. Je donne à présent la parole à mes collègues.
Il y a quelques jours a été annoncée dans la presse la création d'une école privée gratuite ayant vocation à former chaque année 2 000 étudiants et adultes en reconversion professionnelle. L'initiative vient de Xavier Niel. Que pensez-vous de ce projet ? Est-ce selon vous une opération qui va faire long feu, un créneau ciblé correspondant à des besoins très particuliers ou une structure qui pourrait entraîner une profonde déstabilisation de l'enseignement agricole, compte tenu des données et du contexte de fragilisation de l'enseignement agricole que vous évoquez ?
Sur le sujet, nous envisageons de solliciter l'audition de Xavier Niel et de ses partenaires.
Vous avez été plusieurs à évoquer le risque d'une orientation peut-être parfois prématurée vers les filières agricoles et la nécessité d'un socle commun élargi. À quel moment jugez-vous dès lors pertinent d'orienter les enfants vers une filière particulière ? Le très grand nombre de diplômes proposés - 163 - conduit à une perte de lisibilité et à un éloignement par rapport au modèle de l'Éducation nationale. Par ailleurs, plusieurs d'entre vous sont maîtres d'apprentissage. Est-il difficile pour les jeunes de trouver des stages et des maîtres d'apprentissage ? La difficulté est-elle accentuée, d'une part, dans certaines filières et, d'autre part, selon que la personne est un garçon ou une fille ? Enfin, la difficulté en termes de mobilité est-elle un sujet dans l'enseignement technique agricole ?
L'enseignement agricole a rencontré, durant plusieurs dizaines d'années, un succès incontestable, fondé sur le modèle relativement simple d'une agriculture productiviste qui avait besoin d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. L'objectif était relativement simple, unique et commun. Les revenus des agriculteurs, de leur côté, s'amélioraient grâce aux évolutions techniques. Or ce modèle est cassé. Il n'existe plus. Les revenus des agriculteurs sont en berne. Plusieurs modèles s'opposent, avec une agriculture productiviste et exportatrice qui cohabite avec une agriculture paysanne. Pour redonner une dynamique à l'enseignement agricole, comment redonner du sens et recréer un modèle ?
Je suis toujours inquiet quand des entreprises privées proposent des formations. Quelle est la finalité ? Les jeunes doivent en effet trouver leur indépendance. Je ne suis pas certain que ce type de formation apporte l'indépendance aux jeunes formés.
Pour autant, je pense que l'Éducation nationale « ne joue pas le jeu », avec une image négative donnée de nos métiers. Je pense qu'un travail est à mener au sein de l'Éducation nationale pour orienter les jeunes vers nos métiers. Je ne vois pas pourquoi il y aurait concurrence entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole. Dans tous les cas, les formations sont organisées par l'État. Certes, les ministères de tutelle diffèrent mais il existe des passerelles.
L'organisation permet de trouver des maîtres de stage et des maîtres d'apprentissage qui bénéficient d'une certaine connaissance des actions pour lesquelles ils s'engagent, puisqu'ils reçoivent une formation obligatoire préalable. Aujourd'hui, les maîtres de stage et les maîtres d'apprentissage possèdent les compétences nécessaires.
Il est parfois difficile pour les filles de rejoindre un certain nombre de stages. Nous avons vu encore récemment des maîtres de stage et des maîtres d'apprentissage cantonner les filles à la vaisselle. Ils sont évidemment écartés très rapidement, dès qu'on s'en aperçoit. Il n'en demeure pas moins que ce constat pose la question de la formation des maîtres d'apprentissage et des maîtres de stage.
Il existe toujours des difficultés de mobilité au niveau des stages. Je suis maire de ma commune. Il est extrêmement difficile de loger et de nourrir les apprentis. Les collectivités locales doivent s'emparer de cette difficulté, sous peine de ne pas la résoudre. Des logements meublés à bas prix doivent être proposés pour accueillir ces jeunes. Les cantines scolaires doivent leur être ouvertes à des horaires particuliers.
Enfin, il n'est pas possible d'orienter des jeunes de 15 ou 16 ans vers une voie unique. Il n'existe plus de modèle agricole unique comme auparavant, mais de multiples orientations agricoles. La formation de base doit donc demeurer diverse.
Il semble que l'école de Xavier Niel et d'Audrey Bourolleau ne serait ni certifiée, ni certifiante. Nous ne pouvons donc pas défendre le projet. Le diplôme est en effet pour nous essentiel. Il s'agit par conséquent d'un non-sujet. Nous ne pourrons pas soutenir cette initiative.
S'agissant de l'apprentissage, les difficultés concernent notamment l'anticipation dont peuvent faire preuve certains jeunes pour trouver des maîtres d'apprentissage. Certaines écoles ont une longue expérience de l'apprentissage mais d'autres pas. Le réseau des maîtres d'apprentissage n'est pas en place. Il reste encore un travail important à mener dans ce domaine. Le réseau des Jeunes Agriculteurs, de son côté, possède un outil gratuit baptisé « Stage agricole », complémentaire à ce que propose l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture (Anefa), qui permet au jeune d'acquérir une visibilité sur les agriculteurs en recherche de stagiaires ou d'apprentis.
Les filles rencontrent souvent davantage de difficultés pour trouver un maître d'apprentissage. Il existe un vrai sujet.
Enfin, des jeunes de 16 ou 17 ans possèdent peu de moyens de locomotion. Leur périmètre pour trouver un maître d'apprentissage s'en trouve limité. À l'inverse, dans mon département, certains maîtres d'apprentissage n'ont pas d'apprenti, faute de jeunes candidats. Des zones et des filières sont ainsi prêtes à accueillir des jeunes, sans en trouver. Je pense en particulier qu'il existe un problème d'orientation dans l'Éducation nationale. Le personnel est supposé accompagner les jeunes dans l'orientation, au moment de la 3e ou en post-bac. Il est cependant mieux informé sur les autres voies de professionnalisation que sur la voie agricole, pour laquelle il existe peu de documentation disponible. Les échanges entre les établissements généraux et les établissements de l'enseignement agricole sont insuffisants. Un travail est à mener pour que l'information circule plus efficacement à ce niveau.
Enfin, le nouveau modèle éventuel évoqué dans la dernière question n'est pas pour nous un sujet. Selon nous, toutes les formes d'agriculture ont en effet une place à occuper. Il n'y a plus de modèle et nous n'en voulons pas. Chaque agriculteur doit avoir son projet, indépendamment de toute volonté politique. En revanche, nous devons nous montrer capables d'accompagner et de transmettre l'ensemble des exploitations qui composent aujourd'hui notre agriculture.
Avec l'école Niel, nous sommes au coeur du sujet. La question est pertinente. Nous avons déjà vu, par le passé, des écoles privées s'installer et afficher des ambitions. Il est intéressant d'interroger les motifs d'une telle école. Elle nous renseigne peut-être sur les carences de l'enseignement agricole. Il s'agit peut-être de l'adaptation d'une certaine segmentation, en adéquation avec la formation professionnelle des branches. Un projet industriel se profile probablement derrière cette école. Monsieur Niel a un projet industriel au niveau de l'alimentation. S'agit-il d'une école similaire à l'école Steiner ? L'école doit-elle être conventionnée avec l'enseignement agricole, comme il existe des écoles conventionnées avec des innovations d'enseignement ? L'ensemble de ces questions doivent être posées.
Concernant le socle commun et le nombre de diplômes, nous atteignons probablement les limites d'une époque qui a favorisé la segmentation des métiers, tandis qu'un nombre croissant de personnes souhaitent évoluer dans un métier où il est possible de se réaliser pleinement, de la production à la vente. Ce point rejoint d'ailleurs la question de l'accès des femmes et des personnes handicapées aux métiers de l'agriculture. Le socle commun est donc important, même si la spécialisation peut être utile pour permettre à des personnes peu qualifiées de trouver un emploi.
La possible absence de modèle est souvent évoquée. Je juge utile pour ma part de nommer les éléments de l'enseignement agricole. L'agriculture intégrée, l'agriculture biologique, l'agriculture paysanne, etc., sont nommées de manière subtile. En revanche, dans ce cadre se pose la question du renouvellement des générations. Nous savons qu'il existe une agriculture productiviste prédatrice des terres, qui empêche le renouvellement des paysans. À l'inverse, il existe une agriculture paysanne qui permet le renouvellement. Je pense que les questions afférentes doivent être posées dans des modules d'enseignement agricole. Il s'agit d'expliquer la manière dont un territoire fonctionne et la manière dont des paysans peuvent s'installer ou non, en décrivant, sans tabou, les conditions dans lesquelles il n'est pas possible de reproduire le métier. Ces explications sont apportées en école d'ingénieur. Je pense qu'elles pourraient l'être de manière anticipée, au niveau du baccalauréat professionnel ou du BTS.
J'ai noté qu'il existait 163 métiers. L'ensemble de ces métiers, dans les lycées agricoles, font appel à de multiples compétences et à une diversité des missions. Il a été question de l'orientation et des passerelles entre l'enseignement général et l'enseignement agricole. Ma question est simple. Au-delà de l'attractivité, ne pensez-vous pas que la simple appellation « lycée d'enseignement agricole » est réductrice pour des jeunes qui n'imaginent pas l'ensemble des métiers liés à l'environnement et au monde agricole ?
Je voudrais citer deux exemples venant de mon département. Un lycée manquait de jeunes stagiaires, que les entreprises agricoles attendaient. Dans un autre lycée, aucun jeune ne souhaitait devenir chef d'exploitation agricole. L'ensemble des jeunes voulaient s'occuper d'animaux. J'en ai été relativement choquée. Je crois qu'il est nécessaire d'être attaché au territoire. Les attentes et les modèles sont en effet différents. Je m'inquiète par conséquent pour le renouvellement des exploitants agricoles.
J'ai également des questions sur la préparation des métiers de demain. Du point de vue de l'intelligence artificielle, du numérique, etc., jugez-vous le niveau satisfaisant ? Des formations en ressources humaines sont-elles organisées ? De nombreux agriculteurs exercent en effet une seconde activité. Enfin, existe-t-il une formation sur la santé et la sécurité en agriculture ?
J'ai le sentiment que la difficulté majeure de l'enseignement agricole concerne l'attractivité. Quand la profession parle de l'agriculture, il est question de marges de plus en plus faibles, de revenus quasiment inexistants, de pollution, d'agri-bashing, de l'association L214, etc. Les aléas climatiques de plus en plus nombreux viendront de surcroît s'ajouter à ces constats dans les années à venir. Comment, dès lors, les parents peuvent-ils inciter leurs enfants à rejoindre le monde de l'agriculture, quand l'agriculture parle d'elle-même avec des mots aussi négatifs ? Le représentant des Jeunes Agriculteurs indiquait qu'il ne souhaitait pas être guidé par les politiques. Pour autant, l'enseignement agricole permet-il aujourd'hui aux jeunes de faire un choix entre l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique ? Donne-t-il les moyens de commercialiser, de gérer et de réaliser des choix adaptés ?
Je souhaite rapidement revenir sur les questions précédentes. L'agriculture est le seul secteur qui a vu le nombre de ses apprentis augmenter au cours des quelques années écoulées. On compte plus de 20 000 apprentis, pour 15 500 maîtres d'apprentissage environ. La corrélation entre la demande et l'offre s'opère de manière plutôt satisfaisante. Lorsqu'il existe une difficulté, nous publions des communiqués de presse pour que les maîtres d'apprentissage fassent part de leurs besoins.
Par ailleurs, il me semble que personne n'a répondu à la question du moment auquel l'orientation doit débuter. Dans l'enseignement agricole, l'orientation intervient dès la classe de 4ème ou la classe de 3ème. Elle est, en l'occurrence, fortement accompagnée par les professeurs. Un temps important est ainsi consacré à cette orientation, pour que les jeunes ne se trompent pas, ce qui rappelle la nécessité d'un tronc commun pour laisser ensuite le jeune choisir sa spécialisation.
L'enseignement agricole compte effectivement 163 diplômes, dont des certificats de spécialisation. Il existe également 100 métiers. L'attractivité du monde agricole vient d'ailleurs du fait qu'il recouvre l'ensemble des métiers du vivant. S'agissant du retrait possible du nom d'enseignement agricole jugé réducteur, nous préférons pour notre part développer ce qu'il recouvre avec l'aventure du vivant. La suppression de la mention « agricole » ferait en effet disparaître l'entrée par la production agricole, qui constitue un élément essentiel et sans laquelle on ne pourra pas nourrir la population demain.
L'enseignement agricole forme au développement des ressources humaines ainsi qu'à la santé et à la sécurité. La problématique de la santé et de la sécurité apparaît néanmoins tardivement, en particulier par le biais de la formation continue. Sur le numérique, nous sommes très en avance. Il reste cependant beaucoup à réaliser car il s'agit d'un enjeu majeur. L'agriculture doit effectivement être numérisée et robotisée pour devenir moins pénible.
J'ajoute également que la diversité est une richesse. N'imposons pas des modèles. Le jeune doit pouvoir choisir le modèle correspondant à son orientation, à sa terre, à son climat et à sa vie. Toutes les formes d'agriculture ont leur place. On a besoin des circuits courts comme de l'export.
Il est question de diversité et d'absence de modèle unique. Certes, il existe une agriculture industrialisée qui se dirige vers la robotique et le numérique. Il existe également une agriculture de proximité, à l'origine de produits qu'attendent un certain nombre de consommateurs. Les productions de proximité sont en développement, notamment l'agriculture biologique. La France ne parvient cependant pas aujourd'hui à satisfaire la demande, entraînant des aspirations politiques françaises et européennes dans le domaine. Est-il envisageable, dès lors, de proposer des formations spécifiques en matière d'agriculture biologique de proximité, avec les aspects de transformation et de vente qui y sont liés ?
Joris Miachon. - Je reviens sur l'appellation du lycée d'enseignement agricole. Il me semble important que le terme « agricole » soit préservé. Le fait de considérer que ce mot est péjoratif revient à donner raison aux détracteurs du monde agricole.
Je n'ai aucun doute quant à la capacité d'innovation de l'agriculture. L'agriculture a en effet toujours été la profession la plus innovante.
En matière de santé et de sécurité au travail, l'enseignement agricole se protège énormément en prenant en compte l'ensemble des risques existants. Je pense par conséquent qu'il est au point dans le domaine.
Enfin, concernant l'attractivité, certains mots sont en effet durs et difficiles à entendre. Il y a des problèmes de valorisation, de prix de vente, de suicide, d'agribashing. J'ai conscience qu'il est difficile pour les parents d'inciter leurs enfants à se diriger vers l'enseignement agricole. Je réponds par une interrogation. Qui est responsable de cette situation ? La responsabilité revient-elle aux agriculteurs, aux médias, aux politiques ?
Je pense qu'il convient d'accepter qu'il soit possible d'être « flexi-paysan ». Une personne peut commencer son métier sur une trajectoire, avant d'en changer à plusieurs reprises dans sa carrière paysanne. La formation par l'enseignement agricole est donc importante. Un socle commun et des bases reconnues sont indispensables (par exemple en agronomie, en agroécologie, etc.). Aujourd'hui, les référentiels en écologie, en éthologie, sont insuffisants. Il est incohérent de constater que l'agronomie et l'agriculture biologique sont optionnelles, alors que le numérique figure dans le socle commun. Je pense pour autant qu'il n'est pas possible de demander à l'enseignement agricole ce qu'il ne peut pas donner concernant la notion de « flexi-paysan ». La formation professionnelle doit occuper toute sa place, par l'enseignement agricole ou d'autres organismes de formation reliés au réseau. Nous avons beaucoup à apprendre en travaillant les uns avec les autres.
Il existe un lien entre l'agriculture biologique et l'attractivité, dès lors qu'on l'aborde de manière globale, à la fois sous l'angle des techniques de production, des débouchés et des attentes des consommateurs. Les parents d'élèves sont des consommateurs et ont alors une autre image de l'agriculture. Territoires, non segmentation et investissement dans les bases : c'est un tout.
L'enseignement agricole se compose aujourd'hui d'une majorité de diplômes liés à la ruralité. De nombreux diplômes préparent à des services. S'agissant du maillage territorial, l'enseignement agricole est lié à des territoires et suscite l'intérêt d'un public de plus en plus urbain. Je souhaite répéter également qu'il n'existe pas de concurrence entre les modèles agricoles, comme le soulignait notre rapport d'orientation 2020. Enfin, la réponse à la question des compétences que l'enseignement agricole peut apporter (gestion, ressources humaines, etc.) dépend du diplôme préparé. C'est pourquoi la notion de tronc commun est importante. Selon le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), le niveau 5, qui correspond à un niveau BTS, prépare à la gestion d'entreprises, tandis que le niveau 4 comprend des enseignements plus techniques.
La politique agricole mise en place dans les années 1960 a connu la réussite, avant de subir l'échec aujourd'hui. Elle ne répond absolument plus aux besoins de notre société et des agriculteurs. Les difficultés sont importantes. La solution doit évidemment venir du monde politique, et pas seulement des agriculteurs. Il y a une responsabilité commune. Par le passé, un certain nombre d'orientations n'ont pas été prises au moment opportun. Il n'est pas trop tard. Il faut s'atteler à la tâche pour que le métier d'agriculteur soit le plus attractif possible.
Je ne suis pas favorable, par ailleurs, aux formations spécifiques bio ou non-bio. Je suis producteur bio depuis l'année 2000. Il me semble cependant que des formations spécifiques empêcheraient le dialogue entre les deux communautés. L'intérêt de se parler est de donner les capacités à chaque personne de changer de domaine si elle le souhaite. Le monde agricole souffrirait au contraire de ne pas proposer des possibilités de mobilités. Les personnes doivent pouvoir évoluer. La formation de base doit par conséquent être la plus importante possible.
Bien évidemment, la société a des attentes et il faut y répondre. Mais ce n'est pas le rôle de l'enseignement agricole. Son rôle, c'est simplement de permettre aux personnes qu'il forme d'exercer un métier les aidant à répondre aux attentes de la société. Ce n'est pas à 17 ou 18 ans qu'on peut choisir sa voie, les personnes doivent être en capacité de le faire plus tard.
Merci. Je souhaite poser une question, que nous soulèverons de nouveau lorsque nous auditionnerons des personnes du monde de l'orientation, en vous faisant part d'un retour d'expérience. Lorsque, dans un collège, un élève intéressé par l'agriculture doit être orienté, le corps enseignant de l'Éducation nationale et les personnes qualifiées en termes d'orientation produisent-ils les efforts nécessaires pour orienter cet élève vers l'enseignement agricole ? Je n'en suis pas certain. Il me semble qu'il existe un préjugé pour qu'un élève doué passe un baccalauréat d'enseignement général et poursuive ensuite ses études à la faculté. Seuls les élèves qui n'ont pas certaines capacités sont susceptibles d'être orientés vers l'enseignement agricole. Dès lors qu'un élève manifeste un intérêt pour l'enseignement agricole, indépendamment de son niveau scolaire, il doit pouvoir être orienté vers l'enseignement agricole.
Je vous invite à détailler vos réponses et à nous fournir des exemples dans les réponses écrites au questionnaire que nous vous avons adressé. Vous avez appelé les responsables politiques à faire preuve de courage, nous n'en manquons pas au Sénat. Nous comptons sur les éléments précis que vous nous communiquerez pour formuler des propositions ciblées et opérationnelles.
Je remercie l'ensemble des intervenants et mes collègues qui suivent cette mission avec assiduité et pertinence.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 50.