Intervention de Bruno Ricard

Mission d'information Enseignement agricole — Réunion du 10 mars 2021 à 16h30
L'orientation vers l'enseignement agricole et son attractivité — Audition de M. Jean-Louis Nembrini vice-président de la région nouvelle-aquitaine chargé de l'éducation et des lycées Mme Sandrine Marcillaud-authier cheffe du département des éditions à l'office national d'information sur les enseignements et les professions onisep Mm. Bruno Ricard inspecteur général des ponts des eaux et des forêts éric bardon inspecteur général de l'agriculture michel sinoir directeur régional de l'alimentation de l'agriculture et de la forêt d'auvergne-rhône-alpes Mme Corinne Blieck ancienne présidente de l'association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation andcio M. Yohann Le pape membre du conseil d'administration ca de l'andcio et directeur du cio de chartres et Mme Saadia Ait-abed suppléante au ca de l'andcio et directrice du cio de saint-benoît la réunion

Bruno Ricard, inspecteur général des ponts, des eaux et des forêts :

Je vais vous présenter nos cinq constats et nos principales recommandations.

Notre premier constat est la baisse de 11 % des effectifs de la formation initiale scolaire, passés de 173 548 à 154 695 élèves entre la rentrée 2011 et la rentrée 2020, dont respectivement 36 % puis 39 % dans l'enseignement agricole public. Cette baisse globale cache des disparités. Elle est plus importante dans l'enseignement privé que dans l'enseignement public. Le cycle secondaire perd des élèves, tandis que le cycle supérieur court enregistre une hausse. Les spécialités professionnelles connaissent des évolutions différentes : les filières « services » et « industrie » sont en diminution, les formations « aménagement » et « ventes » en augmentation et les formations « production-gestion » restent relativement stables.

Notre deuxième constat est le suivant : le nouveau cadre institutionnel de l'orientation est une opportunité à saisir pour l'enseignement agricole. Dans ce nouveau dispositif, celui-ci est pris en compte au même titre que l'Éducation nationale. La convention régionale type, annexée au cadre national de référence, prévoit que le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt est signataire de la future convention régionale sur l'orientation au même titre que le recteur. Dans l'ensemble des régions, les conseils régionaux ont une perception positive de l'enseignement agricole et l'intègrent pleinement dans leurs politiques d'éducation et d'information. Nous recommandons aux services des directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF) de s'impliquer activement dans la politique d'information et de participer pleinement à l'élaboration et à la relecture avant diffusion de tous les documents et vecteurs de communication portant sur les métiers, les diplômes et les formations de l'enseignement agricole.

Le troisième constat est que les relations avec l'Éducation nationale sont caractérisées par un rapprochement marqué aux niveaux national et régional, contrastant avec la persistance de la méconnaissance de l'enseignement agricole par une majorité de chefs d'établissement et de professeurs principaux de l'Éducation nationale. En effet, malgré le développement de relations entre les directions générales des deux ministères ainsi qu'entre les rectorats et les DRAAF, l'enseignement agricole reste méconnu de trop nombreux acteurs locaux de l'Éducation nationale. En l'absence d'échelon administratif au niveau départemental pour l'enseignement agricole, les services régionaux de l'enseignement agricole ont peu de relations avec les directeurs des services académiques de l'éducation nationale, chargés notamment de l'affectation des élèves. Pour pallier cette difficulté, nous préconisons que l'enseignement agricole soit représenté dans chaque département par une personnalité officiellement désignée par le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, et qu'une convention prévoyant la participation systématique de ce représentant à toutes les réunions de bassin et les réunions portant sur l'orientation soit passée avec le recteur. Pour mieux faire connaître l'enseignement agricole auprès des prescripteurs locaux de l'orientation, nous recommandons de systématiser et de pérenniser le travail de terrain des directeurs de lycée agricole par des conventions entre les rectorats et les DRAAF, définissant des modalités d'information mutuelle des chefs d'établissement et des équipes pédagogiques.

Notre quatrième constat concerne le baccalauréat général. Les établissements de l'enseignement agricole sont fréquemment confrontés à la problématique des moyens, qui les conduit à ne proposer qu'une seule doublette en terminale (biologie-écologie/mathématique, ou biologie-écologie/physique chimie) et un seul enseignement optionnel. Afin d'améliorer son attractivité et d'élargir les possibilités de poursuite d'études après le baccalauréat général, nous recommandons d'élargir l'offre de formations de l'enseignement agricole. Nous préconisons de mieux valoriser l'enseignement biologie-écologie et de proposer une offre de formations plus large en première et en terminale, adaptée au territoire et au contexte de l'établissement : au moins deux doublettes devraient être possibles en terminale avec deux enseignements optionnels. De plus, l'enseignement de spécialité « sciences économiques et sociales » devrait pouvoir être proposé dans certains établissements quand les poursuites d'études le justifient.

J'en viens enfin à notre cinquième et dernier constat. La communication de l'enseignement agricole, qui est fondamentale pour sa promotion et son attractivité, se heurte à un certain nombre de défis. Je n'en citerai qu'un seul : l'enseignement dit agricole ne se résume pas aux formations purement agricoles, qui représentent environ un tiers de l'offre de formations. Comment faire pour communiquer efficacement sur la grande diversité des formations de cet enseignement sans que le terme « agricole » n'occulte tout le reste ? Sur le plan de la communication, nous recommandons de privilégier l'entrée par les métiers, notamment ceux qui s'inscrivent dans les préoccupations actuelles dominantes de l'opinion publique : l'agroécologie, l'agriculture biologique, le bien-être animal, les circuits courts, le numérique, la protection de l'environnement, la qualité de l'alimentation, etc. Nous recommandons également d'associer à cette démarche les régions et l'ensemble des branches professionnelles concernées par l'enseignement agricole : agriculture, élevage, horticulture, viticulture, agroalimentaire, agro-industrie, agro-équipement, services, paysages, protection de la nature, vétérinaires, etc. Il convient de rappeler sans cesse les nombreux atouts des établissements de l'enseignement agricole, qui sont toujours d'actualité : leur ancrage territorial et leurs relations très développées avec les branches professionnelles, leur cadre de vie et de travail exceptionnel (petits effectifs, hébergement et équipement pédagogique remarquables, avec notamment les exploitations agricoles et les ateliers technologiques), leur pédagogie de projet, le suivi personnalisé des élèves, l'importance du contrôle continu dans la délivrance des diplômes, la qualité de l'animation culturelle et de l'éducation citoyenne, et enfin des taux élevés de réussite aux examens et la bonne, voire excellente insertion scolaire, sociale et professionnelle des élèves, étudiants et apprentis.

Pour terminer mon propos, je dirai que le cabinet du ministre et la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) ont réservé un accueil positif à notre rapport. Nos analyses et recommandations sur le contexte régional et la nécessité d'un représentant départemental de l'enseignement agricole ont été largement reprises par la DGER. Quant à la communication sur l'enseignement agricole, elle constitue un volet important du plan de relance du ministère de l'agriculture.

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