Je partage beaucoup de points présentés dans cet excellent rapport, sur lequel je ne vais donc pas revenir.
En ce qui concerne la réforme du baccalauréat professionnel en 3 ans, permettez-moi de préciser que j'étais alors directeur général de l'enseignement scolaire. J'ai donc conduit cette réforme, sous l'autorité du ministre Xavier Darcos. Je pense que cela a été une très bonne réforme, mais je ne vais pas argumenter de manière superfétatoire.
À quel problème faisons-nous face ? Je ne reviendrai pas sur les préconisations du rapport. On peut certes améliorer les structures, mais la vraie question réside dans ce que vous avez évoqué en introduction : la distorsion d'image par rapport aux métiers et la méconnaissance, dans les collèges, des métiers auxquels on forme dans l'enseignement agricole. Cette méconnaissance des professeurs principaux n'est pas de leur fait, mais provient de ce qu'ils ne peuvent initier qu'aux métiers qu'ils connaissent. Cette distorsion devra être combattue sur deux plans. D'abord, quels sont les métiers de l'agriculture d'aujourd'hui et de demain ? Comment ces métiers s'accordent-ils avec les exigences fondamentales de notre société ? Aujourd'hui, il n'y a pas de jeune qui ne soit préoccupé par l'environnement, par la pollution, par le bien-manger, etc. Il faut donc raccorder les métiers de l'agriculture aux exigences de la société actuelle. Or, lorsqu'on parle des métiers de l'agriculture, on a spontanément en tête ce qui ne fonctionne pas : la mauvaise production, la « malbouffe », etc. Il faut combattre cette image. Il faut agir dès le collège. Nous parlons beaucoup du lycée et de son organisation, des ajustements qu'on pourra faire (augmentation des spécialités, meilleure organisation entre enseignement agricole et Éducation nationale...). Tout cela est faisable.
La connexion s'interrompt.
Que faire ? Soyons concrets. Je crois vraiment qu'il faut travailler à l'échelle des territoires. Vous évoquiez tout à l'heure le travail des DRAAF. Sans doute, comme mes collègues, je vois son directeur en réunion de travail avec ses équipes, à l'échelle de la région, trois ou quatre fois par an. Encore la semaine dernière, l'ensemble des directeurs d'exploitation et d'établissement de la grande région Nouvelle-Aquitaine étaient réunis avec le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, à l'initiative de la région, où ces questions ont été posées. Des idées ont émergé du terrain, et notamment celle consistant à mettre en place un réseau d' « ambassadeurs métier » d'aujourd'hui, de ceux dont on a besoin, de ces métiers qui portent le bonheur de la société future et ses valeurs auxquelles nous aspirons tous et qui mobilisent les jeunes. Si les jeunes de collège savaient ce que peut porter l'enseignement agricole pour l'agriculture et le bien-être, ils s'y orienteraient plus volontiers. Nous allons donc nous attacher à mettre en place ce réseau dans ma région, en lien avec l'agence Cap Métiers de Nouvelle-Aquitaine en particulier.
J'ai lu, dans tout ce que font mes collègues dans les autres régions, des initiatives qui s'approchent de celle-ci. Je serais prêt, pour ma part, à développer l'exemple néo-aquitain dans le détail. C'est ce que nous devons faire. Ne pensons pas simplement - et c'est l'ancien administrateur de l'Éducation nationale qui le dit - qu'un changement de structure change le monde. Les réformes s'adaptent aux nécessités : c'est le cas de la réforme du lycée comme ce fut le cas du bac pro en 3 ans. Mais je pense qu'il faut regarder différemment l'orientation et, en particulier, s'appuyer sur la nouvelle compétence des régions dans ce domaine. Nous avons une compétence sur l'information, que nous puisons au plus près des territoires. Elle fonde cette volonté de constituer notre réseau d'ambassadeurs métier.
Une autre approche consisterait à passer par les exploitations agricoles des établissements agricoles. Je crois qu'il y a là quelque chose de très important. Les régions s'attachent à la rénovation actuelle de ces exploitations. Nous investissons beaucoup : en Nouvelle-Aquitaine, nous avons fait un appel à manifestation d'intérêt qui se déroule sur trois années. Nous appelons à l'initiative territoriale, ce qui est lié avec cette question des ambassadeurs métier. Il y a dans ces exploitations des trésors d'imagination, d'adaptation au monde d'aujourd'hui et à l'agriculture de demain. C'est là que nous trouverons l'expression nécessaire pour valoriser ces métiers.
Nous devons, dans chaque territoire, avoir des feuilles de route qui définissent ce type d'objectif. Le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, en Nouvelle-Aquitaine, est très étroitement associé, tous les quinze jours, aux réunions que nous organisons avec les autorités académiques. Ces questions d'orientation sont au coeur de notre action. Nous nous sommes fixés des objectifs de réussite dans ce domaine.
Les chiffres que vous avez annoncés et que l'on constate partout sont catastrophiques. À partir d'un certain niveau sur le territoire, des unités d'enseignement seront menacées. Je sais que l'évolution des effectifs a préoccupé le Sénat lors de l'examen du budget de l'enseignement agricole : cette question se pose. Les petits établissements réclameront des moyens importants, faute de quoi ils réduiront leur palette de formation. Je ne pense pas que ce soit le bon moyen pour renforcer l'enseignement agricole sur les territoires ! Le problème de l'enseignement agricole, c'est qu'il est sur des territoires ruraux, parfois en déprise démographique. C'est malgré tout là qu'il faudra maintenir des moyens, comme nous, les régions, maintiendrons nos investissements dans ces établissements au niveau requis, et en particulier dans les exploitations agricoles.