Je souhaiterais rebondir sur huit points en parfaite complémentarité avec ce que vient d'exposer Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval et en vous livrant quelques observations de terrain.
Mon premier point est que l'apprentissage du français est d'autant plus facile qu'on a commencé jeune. Ainsi, en-dessous de six ans, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir des structures dédiées. Ce que j'observe dans les écoles maternelles de l'académie de Créteil, c'est que le bas-langage, le travail du professeur sur le vocabulaire et la compréhension ou encore la lecture répétée des contes font que les enfants progressent très vite. De plus, le jeu avec les autres enfants est un moment d'échange favorisant l'acquisition du langage.
La deuxième observation est celle de la question de la sortie de l'UPE2A. Les élèves sont dans de bonnes conditions au sein de cette structure, ils disposent d'un étayage en français et sont inclus de manière variable à l'intérieur des classes ordinaires. Mais la question se complique quand ils sortent de l'UPE2A et arrivent au collège puisqu'après y être restés deux ans, ils sont basculés en classe de 4e ou 3e alors qu'ils n'ont pas nécessairement le niveau en langue écrite de leurs camarades. La question est alors celle de la prise en compte par les professeurs de cette différence. On peut, en effet, avoir des élèves de très bonne volonté, mais qui étant évalués uniquement sur de l'écrit, et sans regard particulier, se retrouvent avec des notes très faibles, ce qui a des conséquences en termes de motivation et de perception d'eux même. Et comme l'affectation en lycée, en particulier professionnel est contingentée et repose sur les notes, ils peuvent subir une double peine. Des élèves qui n'ont pas tout à fait le niveau des autres, mais qui pour autant s'ils étaient dans leur langue d'origine pourraient très bien réussir en lycée professionnel, vont se retrouver dans une autre filière que celle demandée.
Le troisième point concerne la situation particulière des 16-18 ans, puisqu'il s'agit de jeunes qui ont besoin de s'insérer rapidement dans la vie active et de disposer d'un métier. Leur situation est plus compliquée car il est nécessaire de leur apprendre à la fois le français courant et un français de spécialité professionnelle, comme dans le bâtiment ou la restauration. Pour ces jeunes, l'apprentissage est notamment un vrai sujet sur lequel travailler.
Le quatrième point est que l'académie de Créteil n'est pas uniforme. Elle comprend deux départements très urbains avec un établissement scolaire tous les 400 mètres, et un département, la Seine-et-Marne, qui représente à lui seul la moitié de l'Île-de-France. Par conséquent, le traitement des élèves allophones n'est pas le même. Il y a dans le département de la Seine-et-Marne des élèves allophones isolés pour lesquels l'accompagnement, à moins de prendre de longs transports, ne peut pas se faire dans les UPE2A. Dans ce cas, nous passons par un accompagnement à partir d'heures supplémentaires effectuées par les enseignants. C'est peut-être une mission à étudier dans le cadre du « pacte » sur la revalorisation des rémunérations des enseignants.
Le cinquième point est celui de l'adéquation des besoins aux dispositifs existants, en particulier en collège. Si dans le premier degré, en cas d'afflux soudain d'élèves allophones, il est possible de mobiliser un titulaire sur zone de remplacement pour l'affecter sur une UPE2A nouvellement créée à cet effet, en collège, c'est en revanche plus compliqué. En effet, les structures sont fixées pour la rentrée au 1er septembre et il est donc impossible de savoir ce qui va se passer d'une année sur l'autre et en particulier s'il y aura une adéquation géographique entre l'arrivée d'allophones et l'emplacement de nos UPE2A
Le sixième point que je souhaite souligner est la spécificité du dossier ukrainien, avec, en particulier, des inscriptions qui ont été extrêmement rapides et des élèves qui maîtrisaient parfaitement les codes de l'école. Les autorités ukrainiennes avaient en parallèle exprimé, au-delà de l'apprentissage du français, le besoin de continuité pédagogique avec leurs programmes scolaires.
Le septième point est celui de la formation des enseignants, qui comprend deux types d'approche. Tous nos enseignants ont besoin d'être sensibilisés aux élèves à besoin éducatif particulier, sur ce point des formations existent dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) dans le cadre d'un module d'environ 25 heures. En parallèle, la maîtrise de l'enseignement en français langue seconde est particulièrement difficile. De plus, dans l'académie de Créteil, une part importante des enseignants souhaite chaque année partir et retourner dans l'académie dont ils sont originaires. Se pose alors la question de leur investissement puisque nombreux sont ceux qui hésitent à suivre une formation en FLS alors qu'ils envisagent de quitter l'académie dans les trois ans et ne sont pas certains de retrouver ensuite une classe équivalente.
Enfin, le dernier point que je souhaite souligner concerne le délai contractuel qui serait souhaitable entre le moment où un parent manifeste son intention que son enfant aille à l'école de la République, et le moment de son affectation. Sur le terrain, tous les points que j'ai développés précédemment font qu'il est extrêmement difficile d'avoir un véritable délai contractuel qui nous imposerait de scolariser à telle ou telle échéance. À moins de scolariser sans dispositif d'accompagnement, ce qui risquerait d'être contreproductif.