J'ai en effet trois points à développer : le moment de la scolarisation, le suivi de cette scolarisation et enfin un focus sur les plus de 16 ans.
Sur la difficulté à scolariser, on doit distinguer le premier et le second degré. Dans le premier degré, la famille se rend en mairie puis l'enfant est scolarisé dans l'école de proximité, l'évaluation n'intervenant qu'ensuite. Il n'y a donc pas de délai. Dans le second degré, on commence par une évaluation qui précède parfois largement le moment de la scolarisation. Quelles évolutions sont possibles à ce sujet ? Cela dépend en général de la situation antérieure. On l'a vu avec les élèves ukrainiens qui étaient scolarisés antérieurement dans de bonnes conditions, mais qui ont une langue assez éloignée de la nôtre, ce qui est source de difficultés.
Je souligne au passage un aspect qui n'apparait dans le rapport de la Cour des comptes, qui concerne à la fois le premier et le second degré. Il s'agit du cas des enfants qui vivent dans des bidonvilles. Beaucoup d'entre eux sont allophones. Les repérer et les raccrocher au wagon de l'enseignement est un enjeu considérable. On évalue qu'il y en a environ 2 000 dans l'académie de Créteil dont très peu sont scolarisés. Ce chantier ne doit pas être négligé.
Concernant ensuite le suivi de ces élèves, en dépit de la circulaire de 2012 qui prône leur inclusion, le système est concentré sur la première et deuxième année, avec des difficultés d'inclusion sur lesquelles je reviendrai. Or existe un consensus scientifique pour dire que la langue de communication peut s'acquérir en six mois, tandis que la langue de scolarisation, plus difficile d'accès, y compris pour des élèves francophones, peut nécessiter jusqu'à six ou sept ans d'apprentissage. C'est pourquoi la concentration sur une ou deux années de la quasi-totalité des moyens est une démarche qui pose question. Nous avons collectivement à réfléchir pédagogiquement à un suivi plus longitudinal dans les UPE2A mais aussi dans les classes ordinaires, en tenant compte de ce que cela requiert en matière de formation. À ce sujet, l'arrivée d'enfants ukrainiens en nombre a constitué un temps intéressant, puisque certains enseignants ont découvert que des enfants allophones disposaient de vraies aptitudes scolaires, ce qu'ils ne réalisent pas toujours en raison de l'obstacle linguistique.
Enfin, sur la question des plus de 16 ans, il me semble avoir lu dans le rapport que la majorité des EANA de plus de 16 ans seraient des mineurs non accompagnés. Je ne crois pas que ce soit exact à la lumière de ce que nous constatons. Il y a beaucoup de profils d'élèves parfaitement scolaires qui intègrent un lycée et qui réussissent d'excellentes études. On est en train de le constater avec les élèves ukrainiens, dont le défi a toutefois consisté pour certains d'entre eux à passer des examens comme le baccalauréat, et notamment l'épreuve anticipée de Français en classe de première qui les met forcément en difficulté après des délais de scolarisation en France assez brefs. C'est pourquoi nous réfléchissons à des modalités d'accès à l'enseignement supérieur qui n'impliquent pas nécessairement pour eux l'obtention du baccalauréat.
Concernant les autres élèves de plus de 16 ans, soit les mineurs accompagnés, soit les élèves qui n'ont pas un profil scolaire - ou qui ont suivi une scolarisation en pointillés - je rejoins M. le recteur pour dire que nous devons explorer certaines voies comme l'apprentissage. C'est une démarche que nous sommes en train de construire avec l'appui de moyens européens. Je souligne au passage que le recours extrêmement complexe, pour ne pas dire sophistiqué, que nous avons dû mettre en oeuvre pour avoir accès aux moyens européens était lié aux moyens limités dont nous disposons par ailleurs pour les accompagner dans l'enseignement secondaire, notamment en filière professionnelle.
La scolarisation de ces élèves s'accompagne en parallèle d'autres difficultés : l'évaluation de leur âge réel d'une part mais aussi les conditions de régularisation de séjour pour une partie d'entre eux d'autre part. Ces questions se prolongent très vite par toutes les problématiques autour de l'accompagnement des jeunes majeurs.